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09/10/2007 | MONACO | N°27361

Monaco | Cour d'appel, 9 octobre 2007, R. c/ SAM CMB


Abstract

Banque

Secret professionnel bancaire - Fondement : article L. 511-33 du Code monétaire et financier français rendu applicable aux banques monégasques par la convention franco-monégasque sur le contrôle des changes du 14 avril 1945, promulguée par l'ordonnance souveraine du 25 juillet 1945 - Prévoyant 3 cas d'improbabilité du secret : La commission bancaire, la banque de France, l'autorité judiciaire agissant dans le cadre d'une procédure pénale - Opposition du secret au juge civil - Saisie d'une demande tendant à la révélation de l'identité du titulaire d'

un compte bancaire - Juge des référés - Conditions de sa saisine (article ...

Abstract

Banque

Secret professionnel bancaire - Fondement : article L. 511-33 du Code monétaire et financier français rendu applicable aux banques monégasques par la convention franco-monégasque sur le contrôle des changes du 14 avril 1945, promulguée par l'ordonnance souveraine du 25 juillet 1945 - Prévoyant 3 cas d'improbabilité du secret : La commission bancaire, la banque de France, l'autorité judiciaire agissant dans le cadre d'une procédure pénale - Opposition du secret au juge civil - Saisie d'une demande tendant à la révélation de l'identité du titulaire d'un compte bancaire - Juge des référés - Conditions de sa saisine (article 414 CPC) - Juge des référés : urgence (oui) - Absence de préjudice au principal, ce qui n'est pas le cas - Incompétence quant à la demande de l'intéressée tendant à obtenir de son frère le nom du véritable titulaire d'un compte, cette demande relevant de l'article 374 du CPC

Résumé

Sur l'action opposant C.R. et la CMB

Les demandes, principale de C.R. en difficulté d'exécution et reconventionnelle de la CMB en rétractation de l'ordonnance présidentielle du 28 avril 2004 sont formées en application des dispositions de l'article 852 du Code de procédure civile ;

Au vu de l'ordonnance sur requête, la CMB a répondu à l'huissier instrumentaire :

Le prélèvement de 265 065 lires italiennes (136,89 euros) effectué le 1 er octobre 1993 sur le compte du défunt J.R. l'avait été à son profit et correspondait aux frais de clôture du compte,

L'ordre de transfert du 4 octobre 1993 de 992 435 377 lires italiennes (512 550 euros) avait été détruit, le délai légal de conservation étant expiré ;

C'est à juste titre que le tribunal a relevé qu'en l'état des pièces produites, C.R. ne démontrait pas qu'elle était l'héritière du ou des titulaires du compte shalom, sa mère disposant seulement sur ledit compte d'une procuration ;

Le secret professionnel auquel est soumise la CMB est régi par les dispositions de l'article L. 511-33 du Code monétaire et financier français rendu applicable aux banques monégasques par la convention franco-monégasque sur le contrôle des changes du 14 avril 1945, promulguée par l'ordonnance souveraine du 25 juillet 1945 ;

L'article L. 511-33 du Code monétaire ne prévoit que trois cas d'inopposabilité du secret professionnel de la banque à des tiers, en l'espèce : la commission bancaire, la banque de France ou l'autorité judiciaire agissant dans le cadre d'une procédure pénale ;

Les dispositions de l'article 10 du Code civil français invoqué dans ses écritures par C.R. ne sont pas applicables à Monaco ;

Les principes que pose ce texte trouvent de toutes façons leur limite dans le cas du secret professionnel, notamment du secret bancaire ;

Le secret auquel est tenu l'établissement de crédit constitue un empêchement légitime opposable au juge civil ;

Le premier juge a dès lors justement rejeté la demande principale de C.R. et a accueilli la demande reconventionnelle de la CMB en rétractation de l'ordonnance sur requête ;

Il y a lieu de confirmer l'ordonnance attaquée de ce chef ;

Sur les demandes de C.R. contre M.R.

Cette action a été engagée au visa de l'article 414 du Code de procédure civile ;

C.R. a seulement été informée le 5 octobre 2004 par la CMB du refus de cette banque de communiquer le nom du titulaire du compte shalom ;

Soupçonnant son frère d'avoir détourné une partie de l'héritage de ses parents, elle a, le 25 avril 2005 engagé une procédure destinée à obtenir les déclarations de son frère sur le titulaire de ce compte ;

Cette procédure a donc été diligentée dans un délai rapide, l'urgence découlant du délai de la prescription pénale de l'infraction d'abus de confiance qu'elle lui impute à tort ou à raison ;

La condition de l'urgence était dès lors remplie lorsque l'action a été engagée ;

Toutefois les demandes formées par C.R. contre son frère visent à obtenir qu'il déclare qu'il est ou non titulaire du compte shalom, ou qu'il décline le nom du véritable titulaire de ce compte ;

Cette demande excède la compétence du juge des référés telle que définie à l'article 414 du Code de procédure civile lequel permet au juge d'ordonner toute mesure qui ne préjudice pas au principal ;

Considérant que la demande de C.R. relève des dispositions de l'article 374 du Code de procédure civile et dépend de la compétence du Tribunal de première instance à laquelle ne peut être substituée celle du juge des référés ;

Considérant que la demande doit être rejetée de ce chef.

Motifs

La Cour,

Après en avoir délibéré conformément à la loi;

La Cour statue sur l'appel relevé par C.R. épouse P. à l'encontre de l'ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal de première instance le 29 mars 2006,

Considérant les faits suivants :

C.R. épouse P. et son frère M.R. sont les enfants légitimes de J.R., décédé ab intestat le 8 décembre 1993 et de M-F. B. décédée le 1er octobre 2003 en l'état d'un testament olographe du 25 juillet 1994, désignant son fils comme bénéficiaire de la quotité disponible de la succession.

À la suite de l'ouverture de ces successions, C.R. a appris que ses parents étaient titulaires de comptes bancaires à la Compagnie Monégasque de Banque (CMB) à Monaco.

La CMB, aux termes de deux courriers contradictoires du 7 avril 2004 et du 10 mai 2004, non versés aux débats par les parties, confirmait que M-F.B. et J.R. avaient bien été titulaires de comptes dans leurs livres, qui semblent avoir été :

* Pour J.R. seul :

* un compte n° 589 430 clôturé le 24 février 1994,

* un compte n° 589 325-00001 clôturé le 14 mars 1994, sur lesquels M-F.B. aurait bénéficié de procurations,

* un compte shalom n° 590 843, sur lequel M-F.G. aurait eu une procuration ouvert le 24 septembre 1993 et clôturé le 7 janvier 1993.

L'appelante avait constaté au vu des relevés bancaires que le compte 589325 avait été clôturé le 1er octobre 1993, jour du décès de son père, portant un débit de 265 065 lires italiennes et qu'un virement avait été opéré de ce compte le 4 octobre 1993 d'un montant de 992 435 377 lires italiennes au profit du compte shalom n° 590 843.

Elle était autorisée par ordonnance du 27 août 2004 à mandater tel huissier de son choix pour obtenir les renseignements suivants :

* connaître le bénéficiaire de la somme de 265 065 lires italiennes prélevée le 1er octobre 1993 sur le compte de J.R. n° 589 325-00001, opération intitulée clôture du compte,

* connaître le signataire de l'ordre du transfert des 992 435 337 lires italiennes exécuté le 4 octobre 1993 sur le compte 589 3250-0001,

* connaître l'ayant droit économique du compte intitulé shalom n° 590 843 ouvert le 24 septembre 1993 et clôturé le 7 janvier 2003,

* connaître l'identité de la personne ayant procédé à la clôture du compte 589 325-0001 sachant que J.R. est décédé à San Remo le 8 décembre 1993.

Par courrier du 5 octobre 2004, la CMB affirmait à l'huissier de justice dûment mandaté par l'appelante :

* que le prélèvement du 1er octobre 1993 avait été opéré à son profit pour frais de clôture du compte.

* que l'ordre de transfert du 4 octobre 1993 de 992 435 377 lires italiennes avait été détruit.

* que le secret bancaire s'opposait à la divulgation du nom du titulaire du compte 590 843 dit shalom.

C'est dans cet état, qu'estimant qu'il existait une difficulté d'exécution de l'ordonnance présidentielle du 27 août 2004, C.R. assignait en référé le 18 novembre 2004 la Compagnie Monégasque de Banque sollicitant, au visa de l'article 852 du Code de procédure civile, que le président du Tribunal enjoignît la CMB sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé le délai de 15 jours de la date de signification de l'ordonnance à intervenir, de communiquer l'identité de l'ayant-droit économique du compte shalom, à tout le moins de préciser s'il s'agissait de M-F. B. ou de son frère M.R.

Par exploit du 27 avril 2005, C.R. assignait alors MR, son frère, aux fins de déclarer, sous astreinte de 200 euros par jour passé le délai de 15 jours de la signification de l'ordonnance, s'il était l'ayant droit économique du compte n° 590 843 intitulé shalom ouvert le 24 septembre 1993 et clôturé le 7 janvier 2003.

Par voies de conclusions, la CMB sollicitait le rapport de l'ordonnance du 27 août 2004.

Par ordonnance du 29 mars 2006, le président des référés :

* a ordonné la jonction des deux instances, écarté des débats les pièces 1, 2, 3, 4 produites par C.R.,

* a rapporté l'ordonnance du 27 août 2004,

* a rejeté les demandes de C.R. à l'encontre de M.R. que la CMB.

Par exploit d'appel du 11 avril 2006, C.R .a assigné la CMB et M.R. aux fins d'infirmer l'ordonnance entreprise, de dire que la CMB devrait dans le délai de 15 jours suivant la signification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, indiquer à l'appelante sinon l'identité de l'ayant droit économique du compte intitulé shalom ouvert sous le n° 590 843, à tout le moins, si les ou l'ayant droit économique de ce compte était M-F. B. et/ou M.R., de rétracter en conséquence l'ordonnance sur requête rendue le 27 août 2004, de dire que dans les mêmes délai et astreinte, M.R. devait déclarer s'il était l'ayant droit économique du compte dénommé shalom, et s'il déclarait avoir été l'un des bénéficiaires de ce compte, de donner le nom des autres ayant droit économiques, de condamner les intimés aux dépens.

Elle fait valoir que :

* le secret bancaire n'est pas absolu et ne peut couvrir des fins illégitimes,

* lorsque les fonds ont été versés du compte n° 589 325-00001 au compte shalom, son père était sur son lit de mort,

* la banque qui dit ne pouvoir communiquer cet ordre de virement a communiqué des relevés de comptes antérieurs à cette date,

* il est établi que M.R. a vidé le compte bancaire de son père ouvert auprès de la Barclay's Bank,

* c'est par suite d'une erreur que le président du Tribunal a estimé que la condition de l'urgence n'était pas remplie dans l'instance qui l'oppose à son frère.

M.R. conclut à la confirmation de l'ordonnance attaquée, ils soutient que :

* il était co-titulaire des comptes de la Barclay's Bank ce qui justifiait qu'il pût virer les fonds se trouvant sur les comptes,

* il n'y a pas d'urgence,

* l'article 852 du Code de procédure civile n'est pas applicable,

* les demandes de C.R. ne sont pas de la compétence du juge des référés,

* le serment ne peut être déféré contre lui que par application de l'article 374 du Code de procédure civile et excède les pouvoirs du juge des référés.

Il conclut au débouté de l'appelante.

La CMB conclut à la confirmation de l'ordonnance attaquée, soutenant que :

* C.R. ne démontre pas être l'héritière de ou des bénéficiaires du compte shalom, sa mère ayant seulement détenu une procuration sur ce compte,

* le juge des référés est une émanation de la juridiction civile et ne peut à ce titre ordonner, sans violer les dispositions de l'article L. 511-33 du Code monétaire, la révélation de l'identité du titulaire d'un compte bancaire,

* la jurisprudence française invoquée par C.R. fait application de l'article 10 du Code civil français non applicable à Monaco et permet la seule révélation d'éléments facturés,

* au contraire, le principe constant posé par la jurisprudence est la limite imposée au juge civil d'ordonner la communication des pièces, tenant à l'invocation d'un motif légitime en l'espèce le secret professionnel.

La CMB sollicite la confirmation de l'ordonnance et la condamnation de C.R. à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts.

C.R. réplique que la totalité des actifs successoraux se trouvaient dans des banques monégasques, qu'elle soupçonne son frère de captation d'héritage, que la condition d'urgence est remplie en l'espèce, qu'il existe en effet un risque de dépérissement des preuves ;

SUR CE,

Sur l'action opposant C.R. et la CMB

Considérant que les demandes, principale de C.R. en difficulté d'exécution et reconventionnelle de la CMB en rétractation de l'ordonnance présidentielle du 28 avril 2004 sont formées en application des dispositions de l'article 852 du Code de procédure civile ;

Considérant qu'au vu de l'ordonnance sur requête, la CMB a répondu à l'huissier instrumentaire :

* que le prélèvement de 265 065 lires italiennes (136,89 euros) effectué le 1er octobre 1993 sur le compte du défunt J.R., l'avait été à son profit et correspondait aux frais de clôture du compte,

* que l'ordre de transfert du 4 octobre 1993 de 992 435 377 lires italiennes (512 550 euros) avait été détruit, le délai légal de conservation étant expiré ;

Considérant que c'est à juste titre que le tribunal a relevé qu'en l'état des pièces produites, C.R. ne démontrait pas qu'elle était l'héritière du ou des titulaires du compte shalom, sa mère disposant seulement sur ledit compte d'une procuration ;

Considérant que le secret professionnel auquel est soumise la CMB est régi par les dispositions de l'article L. 511-33 du Code monétaire et financier français rendu applicable aux banques monégasques par la convention franco-monégasque sur le contrôle des changes du 14 avril 1945, promulguée par l'ordonnance souveraine du 25 juillet 1945 ;

Considérant que l'article L. 511-33 du Code monétaire ne prévoit que trois cas d'inopposabilité du secret professionnel de la banque à des tiers, en l'espèce : la commission bancaire, la banque de France ou l'autorité judiciaire agissant dans le cadre d'une procédure pénale ;

Considérant que les dispositions de l'article 10 du Code civil français invoqué dans ses écritures par C.R. ne sont pas applicables à Monaco ;

Que les principes que pose ce texte trouvent de toutes façons leur limite dans le cas du secret professionnel, notamment du secret bancaire ;

Considérant que le secret auquel est tenu l'établissement de crédit constitue un empêchement légitime opposable au juge civil ;

Que le premier juge a dès lors justement rejeté la demande principale de C.R. et a accueilli la demande reconventionnelle de la CMB en rétractation de l'ordonnance sur requête ;

Qu'il y a lieu de confirmer l'ordonnance attaquée de ce chef ;

Sur les demandes de C.R. contre M.R.

Considérant que cette action a été engagée au visa de l'article 414 du Code de procédure civile ;

Considérant que C.R. a seulement été informée le 5 octobre 2004 par la CMB du refus de cette banque de communiquer le nom du titulaire du compte shalom ;

Que soupçonnant son frère d'avoir détourné une partie de l'héritage de ses parents, elle a, le 25 avril 2005 engagé une procédure destinée à obtenir les déclarations de son frère sur le titulaire de ce compte ;

Considérant que cette procédure a donc été diligentée dans un délai rapide, l'urgence découlant du délai de la prescription pénale de l'infraction d'abus de confiance qu'elle lui impute à tort ou à raison ;

Que la condition de l'urgence était dès lors remplie lorsque l'action a été engagée ;

Considérant toutefois que les demandes formées par C.R. contre son frère visent à obtenir qu'il déclare qu'il est ou non titulaire du compte shalom, ou qu'il décline le nom du véritable titulaire de ce compte ;

Que cette demande excède la compétence du juge des référés telle que définie à l'article 414 du Code de procédure civile lequel permet au juge d'ordonner toute mesure qui ne préjudicie pas au principal ;

Considérant que la demande de C.R. relève des dispositions de l'article 374 du Code de procédure civile et dépend de la compétence du Tribunal de première instance à laquelle ne peut être substituée celle du juge des référés ;

Considérant que la demande doit être rejetée de ce chef ;

Considérant que C.R. n'a pas abusé de son droit de faire examiner ses demandes une seconde fois, qu'il n'y a pas lieu d'accorder les dommages-intérêts sollicités à ce titre ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

* Reçoit l'appel de C.R.,

* Confirme par substitution partielle de motifs l'ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal de première instance le 29 mars 2006,

* Rejette toutes autres demandes des parties ;

* (Dispositif rectifié par arrêt du 13 novembre 2007) Condamne C.R. aux dépens d'appel, distraits au profit de Maître Jean-Charles Gardetto et Maître Patrice Lorenzi, avocats-défenseurs, sous leur due affirmation,

* Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Composition

. Adam, v. prés. ; M. Dubes, prem. subst. proc. gén. ; Mes Blot, Lorenzi et Gardetto, av. déf.

Note

Cet arrêt confirme par substitution partielle des motifs de l'ordonnance de référé du 29 mars 2008.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 27361
Date de la décision : 09/10/2007

Analyses

Traités bilatéraux avec la France ; Responsabilité (Banque, finance)


Parties
Demandeurs : R.
Défendeurs : SAM CMB

Références :

article 852 du Code de procédure civile
article 374 du CPC
CPC
ordonnance du 27 août 2004
ordonnance souveraine du 25 juillet 1945
article 414 du Code de procédure civile
ordonnance du 29 mars 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2007-10-09;27361 ?

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