La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/10/2007 | MONACO | N°27302

Monaco | Cour d'appel, 4 octobre 2007, Ministère public c/ D.B. et C.E.


Abstract

Procédure pénale

Action publique - Annulation des procès-verbaux d'interrogatoire de flagrant délit en raison de l'utilisation de la procédure de flagrant délit, inappropriée à la date de commission des faits délictueux (extorsion de fonds) - Recevabilité de cette procédure pour des faits de même nature commis en flagrance

Extorsion de fonds

Éléments constitutifs (C. pén., art. 323) - Menaces verbales faites au mari de communiquer à son épouse des photos pornographiques à défaut de la remise de sommes d'argent - Complicité - Aide filiale

à la mère délinquante

Résumé

Sur l'action publique à l'extorsion de fonds et la complici...

Abstract

Procédure pénale

Action publique - Annulation des procès-verbaux d'interrogatoire de flagrant délit en raison de l'utilisation de la procédure de flagrant délit, inappropriée à la date de commission des faits délictueux (extorsion de fonds) - Recevabilité de cette procédure pour des faits de même nature commis en flagrance

Extorsion de fonds

Éléments constitutifs (C. pén., art. 323) - Menaces verbales faites au mari de communiquer à son épouse des photos pornographiques à défaut de la remise de sommes d'argent - Complicité - Aide filiale à la mère délinquante

Résumé

Sur l'action publique à l'extorsion de fonds et la complicité d'extorsion de fonds respectivement reprochées à D.B. et C.E. pour le mois de février 2007

D.B. et C.E. ont respectivement fait l'objet de poursuites selon la procédure de flagrant délit, d'une part, pour des faits d'extorsions de fonds commis à Nice et à Monaco courant février 2007 et le 4 septembre 2007 pour ce qui concerne D.B. et d'autre part, pour des faits de complicité d'extorsions de fonds et d'infraction à la législation sur les armes commis à Nice et à Monaco courant février 2007 et le 4 septembre 2007 pour ce qui concerne C.E.

C'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que, nonobstant la circonstance que les faits d'extorsions de fonds ainsi que la complicité d'extorsion de fonds de septembre 2007 ont été commis par les mêmes protagonistes et avec les mêmes moyens que ceux commis en février 2007, les prévenues ne se trouvaient manifestement pas en situation de flagrant délit au moment de leur arrestation, pour ce qui concerne lesdits faits de février 2007, lesquels devaient dès lors faire l'objet de poursuites selon la procédure ordinaire devant le Tribunal correctionnel, prévue par les articles 368 et suivants du Code de procédure pénale ;

Les premiers juges ne pouvaient cependant déclarer irrecevables lesdites poursuites, en sorte qu'il y a lieu d'infirmer de ce chef le jugement entrepris et d'annuler les procès-verbaux d'interrogatoire de flagrant délit établis par le procureur général en date du 5 septembre 2007 pour ce qui concerne les faits d'extorsion de fonds et de complicité d'extorsion de fonds respectivement reprochés à D.B. et C.E. pour le mois de février 2007 ;

Sur les faits d'extorsion de fonds, de complicité d'extorsion de fonds et d'infraction à la législation sur les armes du 4 septembre 2007

Les faits d'extorsion de fonds ainsi que de complicité d'extorsion de fonds et d'infraction à la législation sur les armes commis respectivement par D.B. et C.E. en septembre 2007 sont constants et ont été expressément reconnus par celles-ci tant au cours de l'enquête que devant le Tribunal correctionnel puis devant la Cour d'appel ;

C'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont retenu D.B. et C.E. dans les liens de la prévention, s'agissant des faits commis en septembre 2007 ;

Il convient donc de confirmer quant à la culpabilité le jugement entrepris ;

Quant à la répression, eu égard aux circonstances atténuantes existant en la cause, D.B. ayant avoué avoir ressenti un dépit certain lorsqu'elle s'était rendue compte qu'elle s'était trompée sur les sentiments que la victime pouvait éprouver à son endroit, et C.E. n'ayant rempli qu'un rôle subalterne, animée par le souci filial d'aider sa mère, y compris dans son activité délictueuse, les premiers juges ont fait une exacte appréciation des faits de la cause quant à la sanction prononcée qui doit dès lors être confirmée.

Motifs

La Cour,

La Cour statue sur les appels relevés les 7 et 18 septembre 2007 tant par le ministère public que par D.B. et C.E. à l'encontre d'un jugement du Tribunal correctionnel du 7 septembre 2007 qui, saisi d'une procédure en flagrant délit à l'encontre de D.B. du chef d'extorsion de fonds et de C.E. du chef de complicité d'extorsion de fonds et infraction à la législation sur les armes, a déclaré irrecevable l'action publique relative à l'extorsion de fonds et la complicité d'extorsion de fonds pour les faits du mois de février 2007, déclaré D.B. coupable d'extorsion de fonds commise à Monaco le 4 septembre 2007 et C.E. coupable de complicité d'extorsion de fonds et d'infraction à la législation sur les armes commises à Monaco le 4 septembre 2007 et a condamné D.B. à la peine de 6 mois d'emprisonnement et C.E. à celle de 2 mois d'emprisonnement.

Considérant les faits suivants :

Le 4 septembre 2007, G.S. déposait plainte auprès des services de la sûreté publique à Monaco à l'encontre d'une prénommée D. qui venait, par téléphone, de lui donner un délai de 2 jours pour qu'il lui remette la somme de 5 000 euros, sous la menace de communiquer à son épouse, des photographies pornographiques qu'il lui avait adressées en début d'année.

Il précisait avoir entretenu une relation adultère avec cette personne de novembre 2005 à janvier 2007, et avoir déjà fait l'objet d'une précédente extorsion de fonds au cours du mois de février 2007, date à laquelle il s'était vu contraint sous la même menace, de lui remettre dans un bar de Nice, la somme de 8 000 euros.

Quelques heures plus tard, il informait les services de police de ce qu'il avait été contacté par la prénommée D., qui avait fait déposer au club de plongée qu'il fréquentait, une enveloppe contenant une photographie de lui dénudé, et qui lui avait déclaré détenir une photo identique prête à envoyer.

Au cours de cet échange téléphonique, celle-ci lui avait fixé les modalités d'un rendez-vous à intervenir sur le port à Fontvieille pour la remise des 5 000 euros.

Les services de police récupéraient au club de plongée une enveloppe destinée au plaignant et contenant une photo de lui effectivement dévêtu.

À la suite des opérations de surveillance sur le lieu de rendez-vous, ils appréhendaient immédiatement après la remise des fonds, D.B. et sa fille C.E., laquelle était trouvée en possession dans son sac d'une bombe lacrymogène.

D.B. reconnaissait avoir entretenu une relation avec le plaignant et y avoir mis progressivement un terme quand il lui avait appris qu'il était marié et que leurs relations avaient adopté une connotation à caractère trop sexuel qui ne lui convenait pas.

Son dépit s'était accru quand elle s'était rendue compte qu'il entretenait une autre relation féminine.

Elle avait alors entrepris de se venger et de lui tendre un piège.

C'est ainsi qu'elle reconnaissait avoir utilisé des photos à caractère pornographique que la victime lui avait transmise en son temps par téléphone, pour obtenir la remise par lui dans un bar de Nice de la somme de 8 000 euros, en contrepartie de l'engagement qu'elle prenait de ne pas révéler cette liaison à son épouse.

Ayant à nouveau besoin d'argent, elle avait eu recours au même stratagème pour obtenir la remise de 5 000 euros, opération qui avait été interrompue du fait de leur interpellation.

Elle avait été aidée par sa fille C.E., qui avait procédé sur son ordinateur à l'édition de la photographie montrant la victime, puis l'avait accompagnée sur les lieux du rendez-vous.

Elle déclarait en vouloir à G.S. et avoir flairé en lui le « pigeon idéal facile à plumer » notamment parce qu'il était monégasque et qu'il avait nécessairement de gros moyens financiers.

C.E. reconnaissait avoir accompagné sa mère le 4 septembre 2007 à bord d'un véhicule qu'elles avaient précédemment loué pour se rendre à Monaco, afin de déposer au club de plongée fréquenté par la victime, une enveloppe contenant une photo de celui-ci dévêtu, photographie qu'elle avait obtenue préalablement en utilisant son propre ordinateur, ainsi qu'en atteste au demeurant l'empreinte digitale qu'elle avait laissée sur le document.

Elle reconnaissait avoir décidé avec sa mère, de faire chanter G.S. car elles avaient besoin d'argent (il s'agissait notamment de procéder au remplacement de leur véhicule qui était hors d'usage) et parce que celui-ci était le « pigeon idéal » pour être en froid avec sa femme à la suite de ses relations extraconjugales et de la peur qu'il éprouvait à ce qu'une telle situation ne lui soit révélée.

Elle avait également accompagné sa mère lors des faits commis à Nice au mois de février 2007.

Elle déclarait enfin détenir en permanence sur elle une bombe de défense car elle avait peur de se faire agresser à Nice, sachant qu'elle n'avait pas eu particulièrement l'intention de s'en servir le jour des faits, « sauf si la rencontre avait mal tourné », affirmation sur laquelle elle est toutefois revenue lors de son audition ultérieure.

Déférées l'une et l'autre en flagrant délit devant le procureur général du chef d'extorsion de fonds pour D.B. et de complicité d'extorsion de fonds et infraction à la législation sur les armes pour C.E., faits commis à Nice en février 2007 et à Monaco le 4 septembre 2007, D.B. et C.E. étaient placées sous mandat d'arrêt.

Le Tribunal correctionnel a considéré que la procédure de flagrant délit qui avait été utilisée pour saisir la juridiction pénale des faits intervenus en février 2007 était inappropriée et a dès lors déclaré irrecevable l'action publique de ce chef.

À l'audience de la cour, D.B. et C.E. ont reconnu l'ensemble des infractions qui leur sont reprochées.

Le ministère public a requis d'une part, l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables les poursuites exercées pour les faits commis à Nice en février 2007, et d'autre part, l'aggravation des peines prononcées à l'encontre des deux prévenues soit 8 mois d'emprisonnement pour D.B. et 4 mois d'emprisonnement pour C.E.

Les prévenues ont fait plaider par leur conseil, la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables les poursuites diligentées à leur encontre du chef des faits commis à Nice en février 2007 et, au fond, ont sollicité l'indulgence de la cour.

SUR CE,

Sur l'action publique relative à l'extorsion de fonds et la complicité d'extorsion de fonds respectivement reprochées à D.B. et C.E. pour le mois de février 2007

Considérant que D.B. et C.E. ont respectivement fait l'objet de poursuites selon la procédure de flagrant délit, d'une part, pour des faits d'extorsions de fonds commis à Nice et à Monaco courant février 2007 et le 4 septembre 2007 pour ce qui concerne D.B. et d'autre part, pour des faits de complicité d'extorsions de fonds et d'infraction à la législation sur les armes commis à Nice et à Monaco courant février 2007 et le 4 septembre 2007 pour ce qui concerne C.E. ;

Considérant que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que, nonobstant la circonstance que les faits d'extorsion de fonds ainsi que la complicité d'extorsion de fonds de septembre 2007 ont été commis par les mêmes protagonistes et avec les mêmes moyens que ceux commis en février 2007, les prévenues ne se trouvaient manifestement pas en situation de flagrant délit au moment de leur arrestation, pour ce qui concerne lesdits faits de février 2007, lesquels devaient dès lors faire l'objet de poursuites selon la procédure ordinaire devant le Tribunal correctionnel, prévue par les articles 368 et suivants du Code de procédure pénale ;

Qu'ils ne pouvaient cependant déclarer irrecevables lesdites poursuites, en sorte qu'il y a lieu d'infirmer de ce chef le jugement entrepris et d'annuler les procès-verbaux d'interrogatoire de flagrant délit établis par le procureur général en date du 5 septembre 2007 pour ce qui concerne les faits d'extorsion de fonds et de complicité d'extorsion de fonds respectivement reprochés à D.B. et C.E. pour le mois de février 2007 ;

Sur les faits d'extorsion de fonds, de complicité d'extorsion de fonds et d'infraction à la législation sur les armes du 4 septembre 2007

Considérant que les faits d'extorsion de fonds ainsi que de complicité d'extorsion de fonds et d'infraction à la législation sur les armes commis respectivement par D.B. et C.E. en septembre 2007 sont constants et ont été expressément reconnus par celles-ci tant au cours de l'enquête que devant le Tribunal correctionnel puis devant la Cour d'appel ;

Que c'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont retenu D.B. et C.E. dans les liens de la prévention, s'agissant des faits commis en septembre 2007 ;

Qu'il convient donc de confirmer quant à la culpabilité le jugement entrepris ;

Considérant, quant à la répression, qu'eu égard aux circonstances atténuantes existant en la cause, D.B. ayant avoué avoir ressenti un dépit certain lorsqu'elle s'était rendue compte qu'elle s'était trompée sur les sentiments que la victime pouvait éprouver à son endroit, et C.E. n'ayant rempli qu'un rôle subalterne, animée par le souci filial d'aider sa mère, y compris dans son activité délictueuse, les premiers juges ont fait une exacte appréciation des faits de la cause quant à la sanction prononcée qui doit dès lors être confirmée ;

Qu'enfin, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a ordonné la confiscation des scellés ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant contradictoirement en matière correctionnelle,

Infirme le jugement du Tribunal correctionnel du 7 septembre 2007 en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action publique relative à l'extorsion de fonds et la complicité d'extorsion de fonds respectivement reprochées à D.B. et à C.E. pour le mois de février 2007, et statuant à nouveau de ce chef,

Annule les procès-verbaux d'interrogatoire de flagrant délit établis par le procureur général en date du 5 septembre 2007 pour ce qui concerne les faits d'extorsion de fonds et de complicité d'extorsion de fonds respectivement reprochés à D.B. et à C.E. pour le mois de février 2007,

Renvoie le ministère public à mieux se pourvoir,

Composition

M. Adam, v.-prés. ; M. Dubes, prem. subs. proc. gén. ; Me Lajoux av. déf.

Note

Cet arrêt a infirmé pour partie le jugement du Tribunal correctionnel du 7 septembre 2007 en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action publique relative à l'extorsion de fonds et sa complicité reprochés aux deux prévenues pour des faits commis au mois de février 2007, en annulant les procès-verbaux d'interrogatoire de flagrant délit établis par le procureur général en date du 5 septembre 2007, a renvoyé le ministère public à mieux se pourvoir et a confirmé pour le surplus ledit jugement.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 27302
Date de la décision : 04/10/2007

Analyses

Infractions - Généralités ; Procédure pénale - Général


Parties
Demandeurs : Ministère public
Défendeurs : D.B. et C.E.

Références :

Code de procédure pénale
C. pén., art. 323


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2007-10-04;27302 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award