La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/03/2007 | MONACO | N°27239

Monaco | Cour d'appel, 27 mars 2007, S. c/ Société Q. et O.-B.


Abstract

Contrats et obligations

Avant contrat de bail d'habitation - Engagement de prendre en location un appartement non suivi d'effet à la date convenue, sans pourvoir en déduire un désistement de la part du locataire - Rétention par le bailleur de l'acompte versé lors de l'engagement - Obligation du bailleur de mettre préalablement en demeure le locataire pour s'assurer de son intention de se désister ou non : article 1001 et 1081 du Code civil - Condamnation du bailleur à restituer la somme retenue avec intérêts au taux légal

Résumé

Le moyen dével

oppé par les intimés selon lequel aucun contrat n'aurait existé entre les parties ne ...

Abstract

Contrats et obligations

Avant contrat de bail d'habitation - Engagement de prendre en location un appartement non suivi d'effet à la date convenue, sans pourvoir en déduire un désistement de la part du locataire - Rétention par le bailleur de l'acompte versé lors de l'engagement - Obligation du bailleur de mettre préalablement en demeure le locataire pour s'assurer de son intention de se désister ou non : article 1001 et 1081 du Code civil - Condamnation du bailleur à restituer la somme retenue avec intérêts au taux légal

Résumé

Le moyen développé par les intimés selon lequel aucun contrat n'aurait existé entre les parties ne saurait utilement prospérer, dès lors que le litige qui les oppose porte sur l'application de l'engagement de location du 5 juin 2003 par lequel M. S. s'est engagé à louer à compter du 1er juillet 2003, les biens dont s'agit, a versé la somme de 9 200 euros à valoir sur les frais de location avant le 30 juin 2003, et « dans le cas où je me désisterais, la somme versée ce jour resterait acquise de plein droit au propriétaire à titre de dommages-intérêts » ;

Par courrier du 10 juin 2000, le mandataire de M. S. adressait au mandataire de la SCI Q. l'engagement de location dûment signé et un chèque de 9 200 euros en sollicitant que « la date de prise d'effet du bail soit différée au 1er août 2003 ou au mieux le 15 juillet 2003 » ;

Le mandataire du propriétaire lui a notifié le 11 juin 2003 l'accord de ce dernier pour une prise d'effet du bail au 15 juillet 2003 ;

Quelle que soit la qualification juridique que l'on accorde au versement par M. S. de la somme de 9 200 euros « clause pénale de l'article 1081 du Code civil » ces deux dispositions textuelles prévoient expressément la nécessité de mettre en demeure le débiteur de l'obligation pour que le bénéfice de la clause pénale ou des dommages-intérêts puisse être utilement acquis au créancier ;

En outre à la faveur de la modification de la date du 1er juillet 2003 pour devenir le 15 juillet 2003, si les engagements des parties sont demeurés inchangés, ce changement de date a créé une incertitude juridique quant au rôle que devait désormais remplir la date du 30 juin 2003, qui se confondait quasiment avec la date de prise d'effet du bail à l'origine, et qui est désormais advenue sans que ne soit intervenu le versement des trois mois de loyers anticipés contractuellement convenus ;

En l'état de cette ambiguïté de nature à profiter au locataire, il appartenait dès lors au bailleur de mettre régulièrement en demeure M. S. pour s'assurer de ses intentions réelles au regard de l'inexécution de son engagement de s'acquitter de la totalité du prix convenu et d'un désistement éventuel de son engagement de location ;

À la lettre recommandée avec accusé de réception que le mandataire du propriétaire lui a délivrée le 16 juillet 2003, laquelle ne prenait au demeurant pas la forme d'une mise en demeure, M. S. a immédiatement fait répondre par son mandataire qu'il entendait toujours louer, manifestement ainsi le souhait de demeurer lié par son engagement contractuel initial, dont seule la date de prise d'effet avait été prorogée ;

En outre en employant, dans son engagement de location du 5 juin 2003, la forme verbale du conditionnel, « dans le cas où je me désisterais... », M. S. n'a aucunement entendu renoncer à l'exigence d'une quelconque mise en demeure puisque celle-ci était de nature à permettre de vérifier qu'il allait se désister de manière non équivoque ;

Il ne pouvait dès lors se déduire de la seule application des dispositions contractuelles que l'expiration du terme convenu entraînait ipso facto le désistement du locataire ;

Aucune mise en demeure n'ayant été délivrée, les conditions des dispositions légales ne sont pas réunies en l'espèce et la SCI Q. ne peut être suivie dans ses prétentions à conserver par devers elle la somme de 9 200 euros ;

Il y a donc lieu d'infirmer la décision entreprise et de condamner la SCI Q. représentée par son gérant E. O.-B., ce dernier intimé en cette qualité, à restituer à M. S. la somme de 9 200 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2003, date de la remise de cette somme.

Motifs

La Cour d'appel,

Considérant les faits suivants :

Le 5 juin 2003, M. S. signait un engagement de location relatif à un appartement sis à Monaco pour un loyer annuel de 38 400 euros ;

Il remettait le même jour un chèque de 9 200 euros à valoir sur les frais de location, sachant que le bail devait être régularisé avant le 30 juin 2003 avec prise d'effet au 15 juillet 2003, cette somme restant acquise au bailleur en cas de désistement du preneur ;

D'un commun accord entre les parties, la signature du bail a été repoussée au 15 juillet 2003 ;

La signature n'étant pas intervenue à cette date, le mandataire du bailleur avisait le mandataire du locataire par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 juillet 2003, que son client n'ayant pas donné suite à son engagement de location, la somme de 9 200 euros était désormais acquise au propriétaire à titre de dommages-intérêts ;

Cette lettre amenait en réponse un courrier en date du 17 juillet 2003 du mandataire de M. S. aux termes duquel celui-ci maintenait sa demande de signature de l'acte et s'opposait à ce que la SCI Q. s'approprie le montant de la clause pénale ;

Selon courrier du 22 juillet 2003 le mandataire du bailleur acceptait de restituer la moitié de la clause pénale soit 4 600 euros qu'il adressait par chèque au mandataire de M. S. ;

Cette proposition n'était pas acceptée par ce dernier qui n'encaissait pas le chèque et maintenait sa demande de restitution de la somme de 9 200 euros ;

Le 17 novembre 2005, le Tribunal de première instance saisi à la requête de M. S. d'une demande de restitution à son profit de la somme de 9 200 euros assortie de dommages-intérêts, rejetait ses prétentions de ce chef et déboutait également la SCI Q. et E. O.-B. de leurs demandes de dommages-intérêts ;

Les premiers juges ont considéré en effet que le terme du contrat étant advenu sans que M. S. n'ait signé le bail ni payé les frais de location, il n'avait dès lors pas honoré les obligations contenues dans son engagement et s'était désisté de celui-ci ;

Par acte d'appel et assignation en date du 19 janvier 2006, M. S. a entendu relever appel des ces dispositions en intimant la société civile particulière SCI Q. et E. O.-B. pour solliciter :

la réformation de la décision entreprise,

de constater qu'il n'a jamais entendu rétracter son offre de location,

de constater que la SCI Q. qui a unilatéralement rompu les accords passés, est seule responsable de la rupture des relations contractuelles et qu'elle doit restituer les sommes qu'elle a perçues,

le versement à son profit de la somme de 9 200 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2003, outre celle de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Il expose à l'appui de sa demande que :

le contrat s'étant régulièrement formé entre les parties, l'une d'entre elle ne pouvait unilatéralement le résilier, alors que les conventions doivent être exécutées de bonne foi,

la date de prise d'effet du bail fixée au 15 juillet 2003 et dûment acceptée par les deux parties, ne correspondait pas nécessairement à la date de signature du bail,

en lui notifiant son intention de ne plus louer cet appartement, le propriétaire a fait un usage abusif de son droit de rompre,

il a fait preuve de la plus grande bonne foi et a sans cesse manifesté son souhait de conserver en location le bien immobilier dont s'agit, alors que son absence de la Principauté était indépendante de sa volonté,

le bailleur a interprété unilatéralement son empêchement comme un désistement et a mis en jeu de manière brutale et abusive la clause de dédit,

le bailleur était tellement conscient de la fragilité de sa position qu'il a spontanément proposé de lui restituer la moitié du montant de la clause pénale ;

Par conclusions du 7 mars 2006, la SCI Q. et E. O.-B. ont déclaré s'opposer à la demande introduite à leur encontre en sollicitant de constater que l'appelant ne s'était plus manifesté entre le 11 juin 2003 et le 15 juillet 2003, tout en demandant la confirmation de la décision entreprise et en formant un appel incident pour obtenir le versement à leur profit de la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 5 000 euros pour appel abusif ;

Ils exposent à l'appui de leurs prétentions que les parties n'avaient pas signé le contrat de bail et que le preneur n'ayant pas à la date du 15 juillet 2003 réglé la totalité des frais de location ainsi qu'il s'y était engagé, il avait manqué de lui-même à ses propres obligations, de telle sorte que passée la date du 15 juillet 2003, ils étaient en droit de se dégager de cette situation qui ne revêtait aucun caractère contractuel ;

Par conclusions du 17 octobre 2006, M. S. a sollicité le bénéfice de ses précédentes conclusions, tout en portant à 20 100,96 euros le montant des dommages-intérêts, en se fondant au principal sur les deux moyens suivants tenant :

l'existence incontestable d'un contrat de bail entre les parties,

le caractère abusif qui a été fait par le bailleur de la clause résolutoire du bail ;

Par conclusions du 14 novembre 2006, la SCI Q. et E. O.-B. ont repris les moyens précédemment développés par eux dans leurs précédentes conclusions tout en s'opposant aux dernières écritures de l'appelant ;

Sur ce,

Considérant que le moyen développé par les intimés selon lequel aucun contrat n'aurait existé entre les parties ne saurait utilement prospérer, dès lors que le litige qui les oppose porte sur l'application de l'engagement de location du 5 juin 2003 par lequel M. S. s'est engagé à louer à compter du 1er juillet 2003, les biens dont s'agit, a versé la somme de 9 200 euros à valoir sur les frais de location, s'est engagé à signer le bail et à régler la totalité des frais de location avant le 30 juin 2003, et « dans le cas où je me désisterais, la somme versée ce jour resterait acquise de plein droit au propriétaire à titre de dommages-intérêts » ;

Que par courrier du 10 juin 2003, le mandataire de M. S. adressait au mandataire de la SCI Q. l'engagement de location dûment signé et un chèque de 9 200 euros en sollicitant que « la date de prise d'effet du bail soit différée au 1er août 2003 ou au mieux le 15 juillet 2003 » ;

Que le mandataire du propriétaire lui a notifié le 11 juin 2003 l'accord de ce dernier pour une prise d'effet du bail au 15 juillet 2003 ;

Considérant que quelle que soit la qualification juridique que l'on accorde au versement par M. S. de la somme de 9 200 euros clause pénale de l'article 1081 du Code civil ou dommages-intérêts de l'article 1001 du Code civil ces deux dispositions textuelles prévoient expressément la nécessité de mettre en demeure le débiteur de l'obligation pour que le bénéfice de la clause pénale ou des dommages-intérêts puisse être utilement acquis au créancier ;

Considérant en outre qu'à la faveur de la modification de la date du 1er juillet 2003 pour devenir celle du 15 juillet 2003, si les engagements des parties sont demeurés inchangés, ce changement de date a créé une incertitude juridique quant au rôle que devait désormais remplir la date du 30 juin 2003, qui se confondait quasiment avec la date de prise d'effet du bail à l'origine, et qui est désormais advenue sans que ne soit intervenu le versement des trois mois de loyers anticipés contractuellement convenus ;

Considérant qu'en l'état de cette ambiguïté de nature à profiter au locataire, il appartenait dès lors au bailleur de mettre régulièrement en demeure M. S. pour s'assurer de ses intentions réelles au regard de l'inexécution de son engagement de s'acquitter de la totalité du prix convenu et d'un désistement éventuel de son engagement de location ;

Considérant qu'à la lettre recommandée avec accusé de réception que le mandataire du propriétaire lui a délivrée le 16 juillet 2003, laquelle ne prenait au demeurant pas la forme d'une mise en demeure, M. S. a immédiatement fait répondre par son mandataire qu'il entendait toujours louer, manifestant ainsi le souhait de demeurer lié par son engagement contractuel initial, dont seule la date de prise d'effet avait été prorogée ;

Considérant en outre qu'en employant, dans son engagement de location du 5 juin 2003, la forme verbale du conditionnel, « dans le cas où je me désisterais... », M. S. n'a aucunement entendu renoncer à l'exigence d'une quelconque mise en demeure puisque seule celle-ci était de nature à permettre de vérifier qu'il allait se désister de manière non équivoque ;

Qu'il ne pouvait dès lors se déduire de la seule application des dispositions contractuelles que l'expiration du terme convenu entraînait ipso facto le désistement du locataire ;

Qu'aucune mise en demeure n'ayant été délivrée, les conditions des dispositions légales ne sont pas réunies en l'espèce et la SCI Q. ne peut être suivie dans ses prétentions à conserver par devers elle la somme de 9 200 euros ;

Qu'il y a donc lieu d'infirmer la décision entreprise et de condamner la SCI Q. représentée par son gérant E. O.-B., ce dernier intimé en cette qualité, à restituer à M. S. la somme de 9 200 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2003, date de la remise de cette somme ;

Considérant que quelle que soit l'issue procédurale de la présente instance, M. S. aurait du nécessairement se loger et aurait exposé des frais de location qu'il ne pouvait légitimement pas faire supporter à son bailleur la SCI Q. ;

Considérant en conséquence que M. S. ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui qui lui sera indemnisé par l'allocation des intérêts moratoires sur le montant de la condamnation prononcée à son profit ;

Qu'il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande de dommages-intérêts ;

Considérant que la demande de M. S. aux fins d'exécution provisoire du présent arrêt est sans objet, la présente décision étant rendue en dernier ressort ;

Considérant que la SCI Q. représentée par son gérant E. O.-B. qui succombe dans ses prétentions, supportera les dépens tant de première instance que d'appel ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

Déclare M.S. recevable en son appel,

Infirme le jugement du Tribunal de première instance du 17 novembre 2005,

Condamne la SCI Q. représentée par son gérant, E. O.-B. à restituer à M. S. la somme de 9 200 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2003 date de la remise de cette somme et jusqu'à parfait paiement,

Déboute M. S. du surplus de ses prétentions,

Condamne la SCI Q. représentée par son gérant E. O.-B. aux dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Maître Richard Mullot, avocat défenseur, sous sa due affirmation.

Composition

M. Adam, v.-prés. ; M. Dubes, prem. subst. proc. gén. ; Mes Mullot et Blot, av. déf.

Note

Cet arrêt infirme le jugement du 17 novembre 2005.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 27239
Date de la décision : 27/03/2007

Analyses

Avant-contrat ; Baux


Parties
Demandeurs : S.
Défendeurs : Société Q. et O.-B.

Références :

article 1001 du Code civil
article 1081 du Code civil
article 1001 et 1081 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2007-03-27;27239 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award