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06/03/2007 | MONACO | N°27315

Monaco | Cour d'appel, 6 mars 2007, S. c/ G.


Abstract

Vente

Promesse de vente : (synallagmatique) - Conditions nouvelles, substantielles et unilatérales exigées par le pollicitant - Résolution de la promesse de vente

Résumé

Nonobstant les imprécisions rédactionnelles qui affectent l'acte, il est établi que celui-ci était bien constitutif d'une promesse unilatérale de vente formulée par le promettant L. S. lequel « promet de vendre à G. G. son établissement au prix de 10 millions de francs... », tandis que G. G. en signe d'acceptation de cette promesse, a remis le même jour un chèque de 1 mil

lion de francs établi au nom du notaire choisi pour l'établissement de l'acte authentique ...

Abstract

Vente

Promesse de vente : (synallagmatique) - Conditions nouvelles, substantielles et unilatérales exigées par le pollicitant - Résolution de la promesse de vente

Résumé

Nonobstant les imprécisions rédactionnelles qui affectent l'acte, il est établi que celui-ci était bien constitutif d'une promesse unilatérale de vente formulée par le promettant L. S. lequel « promet de vendre à G. G. son établissement au prix de 10 millions de francs... », tandis que G. G. en signe d'acceptation de cette promesse, a remis le même jour un chèque de 1 million de francs établi au nom du notaire choisi pour l'établissement de l'acte authentique et a apposé sa signature au même titre que le promettant, au pied de l'acte sous seing privé ;

Ces éléments objectifs traduisent de manière incontestable la réalité d'une telle acceptation de la promesse de vente qui revêt dès lors par cette double signature du promettant et de l'acceptant, un caractère synallagmatique engageant les deux parties ;

Il y a bien eu entre les parties et à partir de cette double signature du pollicitant et de l'acceptant, un accord sur la chose, le fonds de commerce appartenant au promettant, et le prix, 10 millions de francs, même si G. G. s'est réservé la faculté de se substituer en ses lieu et place une autre entité juridique, l'acte demeurant synallagmatique en dépit de cette faculté de substitution qui lui était ouverte ;

Si l'article 1172 du Code civil dispose que « les actes sous seing privé qui contiennent des conventions synallagmatiques, ne sont valables qu'autant qu'ils ont été faits en autant d'exemplaires qu'il y a des parties ayant un intérêt distinct » l'alinéa 2 du même article prévoit quant à lui qu'« il suffit d'un original pour toutes les personnes ayant le même intérêt » ;

Si l'acte sous seing privé du 30 avril 2001 a été réalisé en un seul exemplaire remis à L. A., il n'en reste pas moins vrai que L. S. et G. G. ne justifiant pas d'un intérêt distinct puisqu'ils étaient tous deux parties à un seul et même acte de promesse de vente et d'acquisition du fonds de commerce appartenant à L. S. ;

Le moyen tenant à l'absence de plusieurs exemplaires de l'acte est dès lors dénué de pertinence ;

D'autre part, la lettre recommandée avec accusé de réception en date du 23 mai 2001, qui a été certes reçues par L. S. le 28 mai 2001, mais dont rien n'établit qu'elle ait pu en quoi que soit être freinée dans son acheminement par G. G., ne saurait constituer en aucune façon une quelconque levée d'option qui lui aurait été réservée par l'acte de vente du 30 avril, alors que cet acte emportait obligations réciproques de vendre et d'acquérir à la charge respective de chacune des parties ;

Elle ne constitue dès lors qu'une demande de G. G., conformément à la promesse, de voir finaliser l'achat du restaurant « le S. L. », et par laquelle il invite L. S. à se rendre chez le notaire pour signer l'acte définitif ;

À réception de cette lettre, L. S. répliquait le jour même par une lettre de son conseil sollicitant qu'il soit satisfait par G. G. à l'exécution des obligations suivantes :

* diligences réalisées depuis le 30 avril 2001 en vue d'obtenir l'autorisation administrative d'exploiter le fonds de commerce,

* résidence effective en Principauté,

* compte bancaire ouvert en son nom dans une banque monégasque,

* justifier de la provenance des fonds,

* en cas de substitution par un monégasque, justification « qu'il exercera personnellement l'activité commerciale » ;

Ces exigences constituent manifestement des conditions nouvelles unilatérales imposées par L. S. dès lors qu'elles ne sont pas rentrées dans le champ contractuel de la promesse de vente du 30 avril 2001 pour ne pas y figurer ;

De la même manière, les nouvelles conditions que L. S. a tenté d'imposer à son cocontractant aux termes de son assignation introductive d'instance devant les premiers juges, et portant notamment sur l'inscription d'une sûreté sur le fonds de commerce, la délivrance d'une garantie bancaire à hauteur du solde du prix et des changements importants quant aux modalités de versement du solde du prix puisque la première date d'exigibilité des échéances devenues désormais trimestrielles pour prendre effet à compter du 1er juin 2001, constituent manifestement des modifications substantielles et unilatérales de l'économie générale du contrat auxquelles n'avait pas souscrit G. G. et que le vendeur a tenté unilatéralement de lui imposer après la signature de l'acte ;

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont prononcé la résolution de l'acte du 30 avril 2001 aux torts du vendeur ;

Cette décision sera en conséquence confirmée.

Motifs

La Cour,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par L. S. à l'encontre du jugement susvisé du Tribunal de première instance du 23 octobre 2003,

Considérant les faits suivants :

Le 23 octobre 2003, le Tribunal de première instance de Monaco, saisi sur assignation délivrée par L. S. le 31 mai 2001 d'une instance initiée originellement par lui à titre principal en annulation d'une promesse de vente intervenue entre lui et G. G. le 30 avril 2001, et subsidiairement aux fins de voir régulariser un acte de vente devant notaire en suite de cette promesse, auxquelles il a substitué en cours d'instance une demande en résolution de cette promesse de vente aux torts de G. G., au contradictoire de L. A., a débouté le demandeur de se prétentions, mis hors de cause L. A. en l'absence de toute demande articulée à son encontre et fait droit aux prétentions reconventionnelles de G. G. en lui allouant la somme de 150 000 euros à titre de dommages-intérêts.

I – Selon acte d'huissier et assignation du 29 décembre 2003, L. S. a relevé appel de ces dispositions en intimant G. G. et L.A. aux fins de :

voir dire que :

– le document dactylographie du 30 avril 2001 ne constitue qu'une promesse unilatérale de vente qu'il était libre de révoquer à son gré, puisqu'elle n'avait pas été acceptée,

– le document du 30 avril 2001 est nul à raison des erreurs grossières qui l'affectent,

– le document du 30 avril 2001 doit être résolu dès lors que G. G. n'était pas en mesure de s'acquitter du prix d'acquisition du fonds de commerce sur lequel il portait,

solliciter le versement à son profit de la somme de 150 000 euros de dommages-intérêts et celle de 152 450 euros au titre de la clause de garantie, voir L. A. fournir toutes précisions utiles quant à la rédaction par ses soins de l'écrit dactylographié du 30 avril 2001, se voir décerner acte qu'il se réserve de demander l'audition de l'officier ministériel sur ce qu'aurait été la teneur de l'acte authentique s'il avait pu l'établir, et s'il aurait du comporter des conditions suspensives et des garanties à son profit pour le paiement de la totalité du prix ;

Il expose à l'appui de sa demande que :

– le contrat intervenu entre eux n'est qu'une promesse unilatérale de vente qui pouvait être rétractée par lui puisqu'elle n'avait pas été acceptée avant qu'il ne la rétracte, alors même que l'acquéreur ne voulait plus acheter et ne disposait pas des moyens pour le faire,

– la somme de 1 million de francs versée par G. G. ne constituait pas un acompte mais une garantie pour le vendeur,

– la vente était convenue avec un terme précis impossible à réaliser dès lors que l'exploitation d'un fonds de commerce est soumise à l'agrément de l'administration et que l'acquéreur ne disposait pas des fonds,

– l'acte du 30 avril 2001 est nul pour être affecté d'une grave erreur puisqu'il ne pouvait livrer son établissement avec son droit au bail à G. G. dès l'acte à établir par le notaire puisque :

* à cette date du 1er juin 2001, G. G. ne pouvait pas exploiter le fonds de commerce faute d'avoir obtenu les autorisations administratives nécessaires, qui auraient du donner lieu dans l'acte authentique à la mention de conditions suspensives,

* le droit de préemption du bailleur ne pouvait pas être purger dans un délai aussi bref ce qui requérait la mise en place d'une condition suspensive spécifique,

* l'accord express du bailleur n'était nullement intervenu au 1er juin 2001,

* le notaire avait lui-même relevé que des garanties devaient être données au vendeur,

* à la date du 1er juin 2001, G. G. n'a pas comparu chez le notaire pour signer l'acte authentique,

* le solde du prix soit 6,5 millions de francs devait s'étaler sur 6 ans du 1er juin 2002 au 1er juin 2007 et produire un intérêt de 5 % dont le calcul ne ressortait pas la somme de 1 245 000 francs pour chaque échéance,

– les juges ont alloué à tort des dommages-intérêts à G. G. qui est seul responsable de la non réitération de l'acte ;

L. A. représenté de droit par son syndic de la liquidation des biens, n'a pas constitué d'avocat défenseur et par lettre du 5 janvier 2004 adressée au premier président de la Cour d'appel, ce syndic a indiqué que L. A. ne l'avait pas mis en état de répondre à l'assignation dont il était l'objet ;

Par conclusions du 4 mai 2004, G. G. a sollicité :

– le rejet de la demande présenté et portant sur la nullité de la promesse de vente dès lors qu'elle constitue une demande nouvelle en appel,

– de voir constater que L. S. a, dans son assignation délivrée le 31 mai 2001, entendu modifier unilatéralement les termes de son offre de vente en l'assortissant de conditions nouvelles et portant sur :

* la délivrance d'une garantie bancaire à hauteur du solde de la totalité du prix soit 7 millions de francs alors que la promesse de vente ne comportait aucune stipulation d'une telle nature,

* le paiement à compter du 1er juin 2001 d'échéances trimestrielles alors que la promesse de vente prévoyait le versement du solde du prix au moyen de six échéances annuelles dont la première devait intervenir le 1er juin 2002 et non le 1er juin 2001,

– la confirmation en conséquence de la décision entreprise en ce qu'elle a prononcé la résolution de la promesse de vente du 30 avril 2001 aux torts exclusifs de Monsieur S.,

– le versement à son profit de la somme de 381 122 euros à titre de dommages-intérêts et en réparation de son préjudice ;

Il expose à l'appui de ses prétentions, qu'alors qu'il était accordé avec L. S. sur la chose, à savoir la vente de son fonds de commerce, et sur le prix de 10 millions de francs, et les conditions dans lesquelles il allait bénéficier pour partie d'un crédit vendeur, en remettant également la somme de 1 million de francs en garantie de son engagement et en acceptant la promesse de vente qui lui avait été consentie, le vendeur n'a eu de cesse de lui imposer de nouvelles conditions qui ont dénaturé totalement le contrat intervenu en le mettant dans l'impossibilité d'accepter de telles modifications, de telle sorte qu'il convient de prononcer la résolution de cet acte aux torts du vendeur et d'ordonner la confirmation de la décision entreprise ;

Par conclusions du 25 janvier 2005, L. S. sollicite le sursis à statuer sur la procédure qu'il a initiée en l'état de la procédure collective qui affecte L. A.

Par conclusions du 1er mars 2005, G. G. a repris les demandes et les moyens qu'il a déjà exposés dans ses écritures précédentes en concluant de manière ampliative pour s'opposer à la demande de sursis à statuer tenant à la procédure collective qui affecte L. A. dès lors que les demandes présentées par L. S. devant la cour ne sont aucunement atteintes par la suspension des poursuites individuelles qui l'affecte ;

Par conclusions du 3 mai 2005, L. S. :

– s'oppose au moyen d'irrecevabilité développé à l'encontre de sa demande en nullité de la promesse, en exposant que :

– sa demande n'est pas nouvelle puisqu'elle tend aux mêmes fins que la demande originaire même si son fondement juridique est différent,

– les parties peuvent toujours invoquer des moyens nouveaux,

– l'effet dévolutif de l'appel transfère aux juges du second degré l'intégralité du litige initial ;

– Il sollicite de plus fort le bénéfice de son acte d'appel en exposant que :

– c'est à tort que les premiers juges ont retenu l'existence d'un contrat synallagmatique qui est inexistant puisque :

* l'acte n'a pas été remis en autant d'exemplaires que des parties, mais en un seul exemplaire à L. A.,

* l'acte du 30 avril 2001 n'est qu'une promesse unilatérale de vente,

* le chèque de 1 million de francs a été déposé au nom de G. G. et ne constitue pas un acompte puisqu'il n'a pas été déduit des sommes visées à l'échéancier,

* l'échéancier énoncé à l'acte n'emportait pas d'obligations à son endroit et il pouvait régulièrement rétracter son engagement en l'absence d'acceptation,

– l'acte est également nul pour vise du consentement constitué par l'erreur qu'il a commise et par les manœuvres dolosives qu'il a subies, puisque G. G. refusait de lui consentir des garanties quant au paiement du prix,

– l'acte est nul par application de l'article 1027 du Code civil qui dispose que « toute condition d'une chose impossible est nulle et rend nulle la convention qui en dépend » dès lors que :

* le bail étant soumis au droit de préemption du bailleur, rien ne permet de considérer que ce droit pouvait être purgé à la date du 1er juin 2001 puisque, aux termes de l'acte, c'est le notaire qui devait communiquer au bailleur le contrat de vente pour un éventuel droit de préemption, ce qui constitue une impossibilité de faire,

* le transfert du fonds à G. G. était impossible à la date du 1er juin 2001 en raison de l'incertitude tenant à l'octroi à sa personne des autorisations administratives lui permettant d'exploiter, alors même qu'il entendait financer l'acquisition au moyen des bénéfices aléatoires qu'il allait recueillir de son exploitation,

– l'acte du 30 avril 2001 était devenu caduc puisqu'il l'avait rétracté quand il avait constaté que l'acquéreur ne pouvait satisfaire aux conditions de versement de l'acompte de 3 millions de francs ainsi que des frais, ni fournir une garantie pour le paiement du solde du prix,

– l'acceptation qu'en a faite G. G. est tardive, alors même que les différends qui les opposaient rendaient vaine toute tentative de réitération,

– alors qu'il continuait de solliciter la réitération de l'acte dans l'esprit de l'acte sous seing privé du 30 avril 2001, et de la mise en place des garanties qu'il réclamait, G. G. s'est volontairement dérobé en ne se rendant pas chez le notaire, cette absence traduisait dès lors sa décision de ne pas vouloir réitérer l'acte,

– le préjudice allégué par G. G. est inexistant, puisqu'il ne disposait pas des sommes de nature à lui permettre de financer l'acquisition,

– il subit un préjudice du fait de la non-réitération de l'acte qu'il évalue à 152 450 euros ;

Par conclusions du 7 juin 2005, G. G. sollicite de voir dire que :

– la demande en requalification de l'acte du 30 avril 2001 constitue une demande nouvelle,

– la demande en nullité de la promesse de vente est également une demande nouvelle, puisque le demandeur y avait expressément renoncé en première instance,

– L. S. a modifié unilatéralement les conditions de la vente et les modalités de paiement du prix dans des conditions qui l'ont empêché d'acquérir,

– l'immobilisation par lui de la somme de 1 million de francs a généré à son endroit un préjudice justifiant sa demande de dommages-intérêts ;

C'est ainsi qu'il expose que :

– L. S. présente une demande nouvelle irrecevable en cause d'appel puisqu'il a substitué à sa demande de réitération puis de résolution de la promesse de vente aux torts de G. G., une demande en requalification de cet acte, puis en nullité de ladite promesse, alors que si les moyens nouveaux sont recevables, ils ne peuvent s'inscrire qu'à l'appui d'une demande d'ores et déjà examinée par les premiers juges, ce qui n'est pas le cas en l'espèce,

– L'exemplaire unique de la promesse de vente du 30 avril 2001, dûment signé par les parties, avait été remis d'un commun accord entre elles à l'agent immobilier L. A.,

– la qualification unilatérale ou synallagmatique de la promesse de vente est inopérante dès lors que G. G. avait régulièrement levé l'option,

– Le consentement de L. S. n'a pas été vicié,

– l'article 1027 du Code civil est inapplicable à l'espèce, alors que L. S. s'est abstenu de solliciter son bailleur pour lui demander son accord pour la cession du droit au bail à intervenir,

– les conditions nouvelles imposées postérieurement par le vendeur ne figurent pas dans la promesse de vente initiale et il supporte seul la responsabilité de la non-réitération,

– il disposait sur ses comptes des moyens financiers pour s'acquitter du prix de vente du fonds de commerce ;

Dans ses conclusions en réplique du 22 novembre 2005, L. S. expose que :

– il n'a pas entendu maintenir les termes de son offre cas il ne disposait pas de garanties suffisantes de l'acquéreur quant au paiement du prix,

– c'est à raison des insuffisances de celles-ci qu'il a pris la décision d'assigner pour solliciter l'annulation de l'acte et subsidiairement sa résolution ;

Il sollicite en conséquence :

– le rejet des débats de la pièce 19 qui n'a pas été traduite,

– le bénéfice intégral de ses précédentes écritures et portant notamment sur la réformation de la décision entreprise et conséquemment le rejet des moyens d'irrecevabilité développés à son encontre,

– de voir dire que l'acte du 30 avril 2001 n'est qu'un avant contrat mal rédigé et nul, alors même que G. G. ne remplissait pas les conditions pour acquérir, et que celui-ci ne justifie d'aucun préjudice contrairement à lui ;

Par conclusions du 25 avril 2006, L. S. a demandé qu'il lui soit décerné acte de ce qu'il va faire délivrer une assignation à L.A. en l'état du jugement rendu le 12 janvier 2006 par le Tribunal de première instance ordonnant la suspension des opérations de liquidation de biens pour insuffisance d'actif, tout en maintenant ses prétentions quant à l'impossibilité qu'il impute à G. G. de satisfaire aux exigences de l'administration et de justifier d'un quelconque préjudice ;

II – Par dénonciation de l'acte d'appel et assignation devant la Cour en date du 18 avril 2006, L. S. a intimé d'une part, L. A. pour que la procédure se déroule à son contradictoire en l'état de la cessation du mandat du syndic liquidateur Monsieur G., d'autre part, G. G. ;

L. A. n'ayant pas comparu, L. S. a procédé à sa réassignation selon acte d'huissier du 2 mai 2006 ;

L. A. n'a pas davantage comparu ;

SUR CE,

Sur la procédure :

1) Sur la comparution des parties :

Considérant que L. A., représenté par son syndic de la liquidation des biens n'a pas comparu sur l'assignation d'appel n° 62/2004 mais que ledit syndic a adressé à la Cour le courrier sus-rappelé du 5 janvier 2004 ;

Considérant que L. A. dont la procédure collective le concernant a été suspendue pour défaut d'actif par jugement du Tribunal de première instance du 12 janvier 2006 n'a pas davantage comparu sur l'assignation de dénonciation d'appel n° 99/2006, ni sur sa réassignation par exploit n° 117/2006 ;

Considérant cependant, que le présent arrêt sera réputé contradictoire à l'égard de L. A., par application des articles 216 du Code de procédure civile, en l'état de la connaissance qu'a eue le syndic de l'assignation le concernant, et 217 du même code, en l'état des assignation et réassignation susvisées, ces textes étant applicables devant la Cour conformément à l'article 434 dudit code ;

2) Sur la jonction des procédures :

Considérant que les instances ci-dessus analysées qui procèdent du même objet et opposant les mêmes parties présentent un lien de connexité certain entre elles en sorte qu'il y a lieu d'ordonner leur jonction ;

3) Sur la demande de sursis à statuer :

Considérant que L. S., avait initialement sollicité le sursis à statuer en l'état de la procédure collective qui affectait L. A. ;

Qu'en l'état de jugement du Tribunal du 12 janvier 2006 prononçant la suspension des opérations de liquidation de biens pour défaut d'actif, il a procédé à la réassignation personnelle de L. A. ;

Que la demande initiale aux fins de sursis présentée par lui est en conséquence sans objet, le syndic ayant également, par l'effet de la décision du 12 janvier 2006, vu la mission judiciaire à lui confiée également suspendue, dans des conditions qui permettent à L. A. de recouvrer sa capacité dans la présente instance qui n'a pas pour objet, à son encontre, le paiement d'une somme d'argent ;

Qu'il ne sera en conséquence pas fait droit à cette demande ;

4) Sur la recevabilité de la demande en annulation de l'acte du 30 avril 2001 :

Considérant qu'en application des dispositions de l'article 431 du Code de procédure civile « les parties peuvent, pour justifier les demandes qui avaient été soumises au premier juge, invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves ».

« Elles ne peuvent former aucune demande nouvelle, à moins qu'il ne s'agisse de compensations ou que la demande nouvelle ne soit la défense à l'action principale » ;

Considérant que devant les premiers juges, et par conclusions du 19 juillet 2001, L. S. a renoncé à soutenir sa demande de nullité de la promesse de vente et celle subsidiaire de régularisation de l'acte de vente devant notaire, en indiquant que sa demande tendait désormais exclusivement à obtenir la résolution de la promesse de vente du 30 avril 2001 aux torts de G. G.;

Qu'il a de la sorte substitué à sa demande en annulation de la promesse de vente, une demande en résolution de celle-ci, ce qui constitue une demande différente et dont le fondement juridique est également de nature totalement différente ;

Que la première juridiction, liée par les écritures d'audiences, n'a dès lors eu à examiner que le bien-fondé de la demande de résolution de la promesse de vente ;

Considérant en conséquence, que la première juridiction n'ayant pas statué sur la demande en annulation de la promesse de vente, non soutenue devant elle, la présente demande de L. S. à cette fin constitue une demande nouvelle, prohibée par l'article 341 du Code de procédure civile, sans que l'effet dévolutif de l'appel dont se prévaut l'appelant ne puisse avoir pour effet de transférer devant la Cour l'examen d'une demande nouvelle non examinée par les premiers juges ;

Que la Cour ne pourra que déclarer irrecevable la prétention articulée par L. S. à cette fin ;

Sur le bien-fondé de la demande :

Considérant que nonobstant les imprécisions rédactionnelles qui affectent l'acte, il est établi que celui-ci était bien constitutif d'une promesse unilatérale de vente formulée par le promettant L. S. lequel « promet de vendre à G. G. sont établissement au prix de 10 millions de francs... », tandis que G. G. en signe d'acceptation de cette promesse, a remis le même jour un chèque de 1 million de francs établi au nom du notaire choisi pour l'établissement de l'acte authentique et a apposé sa signature au même titre que le promettant, au pied de l'acte sous seing privé ;

Que ces éléments objectifs traduisent de manière incontestable la réalité d'une telle acceptation de la promesse de vente qui revêt dès lors par cette double signature du promettant et de l'acceptant, un caractère synallagmatique engageant les deux parties ;

Qu'il y a bien eu entre les parties et à partir de cette double signature du pollicitant et de l'acceptant, un accord sur la chose, le fonds de commerce appartenant au promettant, et le prix, 10 millions de francs, même si G. G. s'est réservé la faculté de se substituer en ses lieu et place une autre entité juridique, l'acte demeurant synallagmatique en dépit de cette faculté de substitution qui lui était ouverte ;

Que la phrase selon laquelle « avec l'acceptation de l'offre de la part de Monsieur L. S., Monsieur G. G. paiera l'établissement de la manière suivante... », ne constitue qu'une explication des modalités selon lesquelles l'acquéreur, qui vient d'accepter la promesse du vendeur, s'acquittera de la totalité du prix, et ne modifie aucunement l'économie générale de l'acte ;

Considérant que si l'article 1172 du Code civil dispose que « les actes sous seing privé qui contiennent des conventions synallagmatiques, ne sont valables qu'autant qu'ils ont été faits en autant d'exemplaires qu'il y a des parties ayant un intérêt distinct » l'alinéa 2 du même article prévoit quant à lui qu'« il suffit d'un original pour toutes les personnes ayant le même intérêt » ;

Que si l'acte sous seing privé du 30 avril 2001 a été réalisé en un seul exemplaire remis à L. A., il n'en reste pas moins vrai que L.S. et G. G. ne justifiaient pas d'un intérêt distinct puisqu'il étaient tous deux parties à un seul et même acte de promesse de vente et d'acquisition du fonds de commerce appartenant à L. S. ;

Que le moyen tenant à l'absence de plusieurs exemplaires de l'acte est dès lors dénué de pertinence ;

Considérant d'autre part que la lettre recommandée avec accusé de réception en date du 23 mai 2001, qui a été certes reçue par L. S. le 28 mai 2001, mais dont rien n'établit qu'elle ait pu en quoi que ce soit être freinée dans son acheminement par G. G., ne saurait constituer en aucune façon une quelconque levée d'option qui lu aurait été réservée par l'acte de vente du 30 avril, alors que cet acte emportait obligations réciproques de vendre et d'acquérir à la charge respective de chacune des parties ;

Qu'elle ne constitue dès lors qu'une demande de G. G., conformément à la promesse, de voir finaliser l'achat du restaurant « le S. L. », et par laquelle il invite L. S. à se rendre chez le notaire pour signer l'acte définitif ;

Considérant qu'à réception de cette lettre, L. S. répliquait le jour même par une lettre de son conseil sollicitant qu'il soit satisfait par G. G. à l'exécution des obligations suivantes :

– diligences réalisées depuis le 30 avril 2001 en vue d'obtenir l'autorisation administrative d'exploiter le fonds de commerce,

– résidence effective en Principauté,

– compte bancaire ouvert en son nom dans une banque monégasque,

– justifier de la provenance des fonds,

– en cas de substitution par un monégasque, justification « qu'il exercera personnellement l'activité commerciale » ;

Considérant que ces exigences constituent manifestement des conditions nouvelles unilatéralement imposées par L. S. dès lors qu'elles ne sont pas rentrées dans le champ contractuel de la promesse de vente du 30 avril 2001 pour ne pas y figurer ;

Que de la même manière, les nouvelles conditions que L. S. a tenté d'imposer à son cocontractant aux termes de son assignation introductive d'instance devant les premiers juges, et portant notamment sur l'inscription d'une sûreté sur le fonds de commerce, la délivrance d'une garantie bancaire à hauteur du solde du prix et des changements importants quant aux modalités de versement du solde du prix puisque la première date d'exigibilité des échéances devenues désormais trimestrielles pour prendre effet à compter du 1er juin 2001, constituent manifestement des modifications substantielles et unilatérales de l'économie générale du contrat auxquelles n'avait pas souscrit G. G. et que le vendeur a tenté unilatéralement de lui imposer après la signature de l'acte ;

Qu'il est établi d'autre part qu'en sa qualité de propriétaire du fonds de commerce, et alors que l'obligation de recueillir l'accord du bailleur quant à la cession projetée et du transfert du droit au bail au profit de G. G., incombait personnellement à L. S., celui-ci n'a pas été en mesure de justifier avoir satisfait à cette obligation contractuelle, aucune preuve de l'envoi d'une telle demande à son bailleur n'ayant en effet été rapportée ;

Considérant en outre ainsi que l'ont observé les premiers juges, qu'il ne peut valablement être fait grief à G. G. de ne pas avoir déféré devant le notaire le 1er juin 2001, alors que le lendemain de l'envoi de la lettre du 28 mai par laquelle L. S. lui avait imposé de nouvelles conditions, il lui annonçait la délivrance prochaine, laquelle sera effective le 31 mai, de l'assignation saisissant le Tribunal et par laquelle il lui imposait de nouvelles conditions extracontractuelles, ce qui ne pouvait qui conduire légitimement G. G. à refuser de déférer dans ces conditions ;

Considérant enfin qu'il n'appartient pas à l'officier ministériel pressenti pour rédiger l'acte authentique, alors qu'il n'est pas le rédacteur de l'avant contrat, de venir apporter un quelconque renseignement voire un éclairage sur ce qu'aurait du être la teneur de l'acte authentique, laquelle relève de la seule liberté contractuelle des parties ;

Qu'il n'y a pas lieu de décerner acte à l'appelant de ses réserves de ce chef ;

Considérant que le défaut de traduction qui affecte la pièce 19 est inopérant dès lors que la Cour, au même titre que l'appelant ne peut en faire aucun usage en l'absence de toute traduction en langue française ;

Considérant en outre que la manière dont G. G. allait s'acquitter du prix est indifférente, dès lors qu'aucune réserve de ce chef n'avait été contractuellement prévue ;

Considérant que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont prononcé la résolution de l'acte du 30 avril 2001 aux torts du vendeur ;

Que cette décision sera en conséquence confirmée ;

Considérant que L. S. conteste le montant du préjudice subi par G. G. tel qu'arbitré par les premiers juges au motif que ces éléments de préjudice seraient inexistants ; qu'il apparaît toutefois que le Tribunal a régulièrement pris en compte la perte financière résultant de l'immobilisation pendant près d'une année de la somme de 1 million de francs déposé à titre d'acompte et dont G. G. n'a pu dès lors disposer, ni la voir produire des intérêts à son profit ;

Qu'il a en outre été privé de la possibilité qui lui était ouverte de pouvoir s'installer à Monaco ;

Que G. G. démontre également qu'à la faveur des prix d'acquisition qui ont pu être proposés à L. S (pièces cotées 16, 17 et 18 du dossier S.), ce dernier a fait l'objet d'offres de tiers acquéreurs de l'ordre de 12 millions de francs, et qu'il a ainsi perdu la faculté d'acquérir un fonds de commerce puis de le revendre dans d'excellentes conditions financières ;

Considérant dès lors que les premiers juges ont réalisé une exacte appréciation du montant du préjudice subi par G. G. en évaluant à 150 000 euros le montant de celui-ci ;

Que la décision déférée sera en conséquence confirmée dans toutes ses dispositions ;

Considérant que L. S. qui succombe à l'instance sera débouté de sa demande de dommages-intérêts et condamné aux dépens de la présente instance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant par arrêt réputé contradictoirement à l'égard de toutes les parties,

– Ordonne la jonction des instances d'appel enrôlées sous les numéros 62/2004 et 117/2006,

– Déclare L. S. recevable en son appel,

– Confirme la décision du Tribunal de première instance du 23 octobre 2003 dans toutes ses dispositions,

– Condamne L. S. aux dépens d'appel, distraits au profit de Maître É. Karczag-Mencarelli, avocat défenseur, sous sa due affirmation,

– Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Composition

M. François, prem. prés. ; M. Dubes, prem. subs. proc. gén. ; Mes Leandri,

Karczag-Mencarelli, av. déf. ; Mes Faccendini et Pivoir, av. bar. de Nice.

Note

Cet arrêt confirme le jugement du 23 octobre 2003 en toutes ses dispositions.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 27315
Date de la décision : 06/03/2007

Analyses

Contrat de vente


Parties
Demandeurs : S.
Défendeurs : G.

Références :

article 1172 du Code civil
article 341 du Code de procédure civile
articles 216 du Code de procédure civile
article 1027 du Code civil
article 431 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2007-03-06;27315 ?

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