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21/03/2006 | MONACO | N°27199

Monaco | Cour d'appel, 21 mars 2006, N. c/ Ordre des architectes de la Principauté de Monaco


Abstract

Architectes

Ordre des architectes - Ordonnance-loi n° 341 du 24 mars 1942 réglementant cette profession et instituant l'ordre des architectes - Sanction disciplinaire (blâme) prononcée par l'ordre en dernier ressort selon l'article I 20 de cette ordonnance-loi, contrairement au principe du double degré de juridiction - Caractère juridictionnel et non administratif de la décision prononçant la sanction - Application du principe du double degré de juridiction - Compétence de la Cour d'appel pour connaître des appels de toute décision juridictionnelle rendue en

premier ressort, par l'effet de sa plénitude de juridiction

Cour d'app...

Abstract

Architectes

Ordre des architectes - Ordonnance-loi n° 341 du 24 mars 1942 réglementant cette profession et instituant l'ordre des architectes - Sanction disciplinaire (blâme) prononcée par l'ordre en dernier ressort selon l'article I 20 de cette ordonnance-loi, contrairement au principe du double degré de juridiction - Caractère juridictionnel et non administratif de la décision prononçant la sanction - Application du principe du double degré de juridiction - Compétence de la Cour d'appel pour connaître des appels de toute décision juridictionnelle rendue en premier ressort, par l'effet de sa plénitude de juridiction

Cour d'appel

Compétence pour connaître des appels de toute décision juridictionnelle rendue en premier ressort

Résumé

Les parties se sont accordées par l'intermédiaire de leur conseil respectif pour que la Cour ne statue par le présent arrêt que sur la compétence ;

F. N. a fait l'objet d'une sanction disciplinaire prévue par l'article 22 de l'ordonnance-loi n° 341 du 24 mars 1942 réglementant le titre de la profession d'architecte et instituant l'ordre des architectes dans la Principauté, en l'espèce un blâme, pour manquement aux devoirs de sa profession, prononcée par le conseil de l'ordre ;

Cette décision prise dans le cadre des pouvoirs disciplinaires de l'ordre présente le caractère, non d'un acte administratif, mais d'une décision juridictionnelle et qu'à ce titre elle n'est pas soumise à la voie du recours pour excès de pouvoir ;

La question se pose alors de savoir si une telle décision est susceptible d'un recours de second degré ;

L'ordonnance-loi n° 341 précitée n'a pas organisé de recours contre les décisions disciplinaires ;

L'ordre des architectes se fonde sur l'article I 20 de son règlement intérieur selon lequel le blâme n'est susceptible d'aucun recours, pour soutenir que sa décision a été rendue en dernier ressort ;

L'instauration d'une telle règle donne à penser que le conseil de l'ordre s'est posé la question d'un recours auprès d'une instance supérieure et qu'il a estimé détenir les pouvoirs lui permettant d'y répondre par la négative ;

Le double degré de juridiction est un principe auquel il ne peut être dérogé que par la loi et le silence de celle-ci n'autorisait pas le conseil de l'ordre à édicter une disposition contraire à ce principe ;

La contestation élevée par F. N., tant pour des motifs de forme que de fond, à l'encontre de la décision juridictionnelle prise à son encontre présente les caractéristiques d'un appel ;

Cet appel ne pouvait être porté devant le Tribunal de première instance, faute de texte conférant à cette juridiction une telle compétence mais aurait dû l'être devant la Cour d'appel, juge naturel du second degré ;

La Cour, appelée à connaître des appels de toute décision juridictionnelle rendue en premier ressort en toute matière notamment administrative, sauf dispositions contraires de la Constitution ou de la loi, est compétente, par l'effet de sa plénitude de juridiction, pour statuer dans le présent litige ;

Il y a donc lieu de réformer le jugement entrepris et de renvoyer les parties à une audience ultérieure pour y être conclu et statué ce qu'il appartiendra.

Motifs

La Cour,

Considérant les faits suivants :

Le 12 juin 2003, F. N. a comparu devant le conseil de l'ordre des architectes lequel statuant en matière disciplinaire a prononcé un blâme à son encontre.

F. N. a alors fait assigner l'ordre des architectes devant le Tribunal de première instance aux fins d'annulation de cette décision qu'il estime irrégulièrement prise et infondée et a sollicité la condamnation de l'ordre à lui payer une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Par le jugement déféré, le Tribunal de première instance s'est déclaré incompétent pour connaître du litige au regard de l'article 90 B de la Constitution du 17 décembre 1962, a débouté l'ordre des architectes de sa demande de dommages-intérêts, a condamné F. N. aux dépens.

Au soutien de son appel tendant à la réformation du jugement entrepris, F. N. fait grief au Tribunal d'avoir, quant à la compétence, commis une confusion entre autorité administrative, qualité dont n'est pas revêtu l'ordre des architectes, et acte administratif, s'agissant de la décision prise.

Il estime donc que le Tribunal de première instance était compétent pour statuer en matière administrative.

Subsidiairement, il relève que le Tribunal, saisi d'une demande indemnitaire dépendant de la validité d'un acte administratif devait ordonner le renvoi devant le Tribunal suprême pour qu'il y exerce un recours en appréciation de validité.

Il demande à la Cour d'évoquer l'affaire et statuant au fond, d'annuler la sanction prononcée à son encontre aux motifs que :

- le dispositif de la décision attaquée, qui lui a été seul notifié n'est pas motivé, ni signé par les auteurs de la décision, de sorte qu'il ignore si le plaignant, alors président de l'ordre, a siégé et participé au délibéré ;

- la saisine de l'ordre, par un seul de ses membres est irrégulière au regard de l'article 21 de l'ordonnance-loi n° 341 du 24 mars 1942 ;

- les droits de la défense n'ont pas été respectés dans la mesure où les faits reprochés ne sont pas spécifiés tant au regard du règlement intérieur que de l'ordonnance du 11 février 1943 portant approbation du Code des devoirs professionnels des architectes, de même que la sanction encourue n'est pas précisée ;

- Très subsidiairement, il soutient que les poursuites sont infondées dans la mesure où le conseil de l'ordre a retenu à tort l'existence d'un contrat liant le plaignant (C. J.) à la SCI Annonciade B., débat qui a été porté devant le Tribunal de première instance lequel a, par un jugement du 18 novembre 2004 frappé d'appel, débouté C. J. de ses demandes dirigées à l'encontre de cette société.

L'appelant demande en conséquence à la Cour :

- de le recevoir en son appel,

- de réformer le jugement entrepris, sur la compétence :

- de dire et juger que l'ordre des architectes n'est pas une autorité administrative au sens de l'article 90 B de la Constitution ;

- de dire et juger que le Tribunal de première instance aurait dû se déclarer compétent en sa qualité de juridiction administrative de droit commun ;

- très subsidiairement, surseoir à statuer sur la demande en paiement de dommages-intérêts et le renvoyer à saisir le Tribunal suprême d'un recours en appréciation de validité de la décision prise par le conseil de l'ordre ;

Sur l'annulation et après évocation :

- de constater, à titre principal, que la décision prise à son encontre n'est pas motivée ;

- de constater, à titre subsidiaire, que les poursuites reposent sur une saisine irrégulière et une violation caractérisée des droits de la défense ;

- de constater, très subsidiairement, que les poursuites sont infondées ;

- d'annuler le blâme prononcé à son encontre ;

- de dire, dans tous les cas, que l'ordre des architectes a commis une faute lui ayant occasionné un préjudice ;

- de condamner l'ordre des architectes à lui payer une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts.

L'ordre des architectes a conclu ainsi qu'il suit :

- dire et juger F. N. infondé en son appel et l'en débouter ;

- dire et juger que l'ordre des architectes, investi d'un pouvoir réglementaire et disciplinaire par l'effet de l'ordonnance-loi n° 341 du 24 mars 1942, constitue en sa fonction disciplinaire une juridiction de nature administrative ;

- dire et juger que les décisions prises, à ce titre, constituent des actes administratifs dont la régularité ne relève pas de l'appréciation du Tribunal de première instance ;

- dire et juger que c'est donc à bon droit que le Tribunal de première instance, s'est déclaré incompétent ;

- confirmer le jugement entrepris ;

titre subsidiaire,

- dire et juger qu'il n'appartient pas à une juridiction de l'ordre administratif d'ordonner le renvoi par devant la juridiction supérieure du même ordre aux fins de recours en appréciation de validité ;

- débouter de plus fort F. N. ;

titre infiniment subsidiaire,

- déclarer irrecevables les demandes et moyens développés par F. N., en ce qui concerne le fond du litige, eu égard à l'effet dévolutif de l'appel et au respect du double degré de juridiction ;

- le débouter de plus fort ;

- le condamner aux entiers dépens, de première instance et d'appel.

Il fait valoir :

- que la distinction organique est insuffisante à caractériser la notion d'autorité administrative ;

- que selon la jurisprudence du conseil d'État, les juridictions professionnelles constituent des juridictions administratives lorsqu'elles statuent en matière disciplinaire et que leurs décisions constituent des actes administratifs relevant de la compétence du juge administratif lorsqu'elles sont liées à l'exécution d'un service public et qu'elles comportent l'emploi de prérogatives de puissance publique ;

- que ces principes sont transposables en droit monégasque et qu'ils ont été appliqués à bon escient par les premiers juges qui ont valablement retenu que la décision prise par le conseil de l'ordre constitue un acte administratif dont le recours en annulation doit être porté devant le Tribunal suprême ;

- que selon Maître George, le Tribunal suprême prend en considération non pas uniquement la qualité de l'autorité dont émane la décision attaquée, ainsi que le voudrait la lettre même de l'article 90 B de la Constitution, mais la nature administrative ou non de la décision.

Sur la demande subsidiaire, l'intimé relève que le renvoi en appréciation de validité ne peut se concevoir que dans le cas où une juridiction de l'ordre judiciaire se trouve saisie d'une demande impliquant une appréciation qui ne relève pas de sa compétence ; en revanche en aucun cas, une juridiction administrative ne peut renvoyer l'appréciation de validité devant une autre juridiction administrative car, soit elle est compétente pour statuer, soit, si elle ne l'est pas, il appartient au demandeur de se mieux pourvoir.

Enfin, sur la demande d'évocation, l'ordre des architectes estime que la Cour ne peut connaître, par l'effet dévolutif de l'appel, que de ce qui a été soumis aux premiers juges. Il estime donc ne pas avoir à débattre des arguments de fond présentés par F. N. et se réserve de le faire en temps voulu.

Les parties ont réitéré leur argumentation dans des écritures ultérieures :

- F. N. rappelle qu'il ne discute pas le caractère d'acte administratif de la décision attaquée mais que la question est de savoir si l'article 90 B de la Constitution instaure un critère organique.

Sur la demande subsidiaire, il rappelle que la jurisprudence qu'il cite (C./CHPG) démontre que le Tribunal de première instance avait été saisi comme juridiction administrative de droit commun.

- L'ordre des architectes rétorque que l'acte administratif critiqué a été pris en matière disciplinaire et qu'il est admis que, dans un tel cas, les juridictions professionnelles constituent des juridictions administratives ce qui les assimile à la notion organique d'autorité administrative.

Il relève que la décision ayant été rendue en dernier ressort, le Tribunal suprême est également compétent.

Enfin, il conteste la demande d'évocation qui reviendrait à priver les parties du double degré de juridiction.

Sur ce,

Considérant que les parties se sont accordées par l'intermédiaire de leur conseil respectif pour que la Cour ne statue par le présent arrêt que sur la compétence ;

Considérant que F. N. a fait l'objet d'une sanction disciplinaire prévue par l'article 22 de l'ordonnance-loi n° 341 du 24 mars 1942 réglementant le titre de la profession d'architecte et instituant l'ordre des architectes dans la Principauté, en l'espèce un blâme, pour manquement aux devoirs de sa profession, prononcée par le conseil de l'ordre ;

Considérant que cette décision prise dans le cadre des pouvoirs disciplinaires de l'ordre présente le caractère, non d'un acte administratif, mais d'une décision juridictionnelle et qu'à ce titre elle n'est pas soumise à la voie du recours pour excès de pouvoir ;

Que la question se pose alors de savoir si une telle décision est susceptible d'un recours de second degré ;

Considérant que l'ordonnance-loi n° 341 précitée n'a pas organisé de recours contre les décisions disciplinaires ;

Considérant que l'ordre des architectes se fonde sur l'article I 20 de son règlement intérieur selon lequel le blâme n'est susceptible d'aucun recours, pour soutenir que sa décision a été rendue en dernier ressort ;

Considérant que l'instauration d'une telle règle donne à penser que le conseil de l'ordre s'est posé la question d'un recours auprès d'une instance supérieure et qu'il a estimé détenir les pouvoirs lui permettant d'y répondre par la négative ;

Considérant que le double degré de juridiction est un principe auquel il ne peut être dérogé que par la loi et le silence de celle-ci n'autorisait pas le conseil de l'ordre à édicter une disposition contraire à ce principe ;

Considérant que la contestation élevée par F. N., tant pour des motifs de forme que de fond, à l'encontre de la décision juridictionnelle prise à son encontre présente les caractéristiques d'un appel ;

Considérant que cet appel ne pouvait être porté devant le Tribunal de première instance, faute de texte conférant à cette juridiction une telle compétence mais aurait dû l'être devant la Cour d'appel, juge naturel du second degré ;

Considérant que la Cour, appelée à connaître des appels de toute décision juridictionnelle rendue en premier ressort en toute matière notamment administrative, sauf dispositions contraires de la Constitution ou de la loi, est compétente, par l'effet de sa plénitude de juridiction, pour statuer dans le présent litige ;

Qu'il y a donc lieu de réformer le jugement entrepris et de renvoyer les parties à une audience ultérieure pour y être conclu et statué ce qu'il appartiendra ;

Que les dépens de première instance doivent demeurer à la charge de F. N., tandis que les dépens d'appel seront réservés en fin de cause ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO, STATUANT EN MATIÈRE ADMINISTRATIVE,

- Réforme le jugement du Tribunal de première instance du 6 janvier 2005, sauf en ce qu'il a condamné F. N. aux dépens de première instance,

Statuant à nouveau,

- Se déclare compétente pour statuer sur l'appel dirigé contre la décision disciplinaire rendue par le conseil de l'ordre le 12 juin 2003 à l'encontre de F. N.,

- Renvoie la cause et les parties à l'audience du mardi 25 avril 2006 à 9 heures pour qu'il soit conclu et statué ce qu'il appartiendra,

- Réserve les dépens d'appel en fin de cause.

Composition

Mme François, prém. prés. ; Mme Gonelle, prem. subst. proc. gén. ; Mes Licari et Sbarrato, av. déf. ;

Note

Cet arrêt statuant en matière administrative, a réformé le jugement rendu le 6 janvier 2005 par le Tribunal de première instance, lequel s'était déclaré incompétent pour connaître du litige, au regard de l'article 90 B de la Constitution du 17 décembre 1962.

Décision sélectionnée par la Revue de Droit Monégasque pour son intérêt jurisprudentiel, Revue de Droit Monégasque, 2007, n° 9, p. 129 à 132.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 27199
Date de la décision : 21/03/2006

Analyses

Architectes


Parties
Demandeurs : N.
Défendeurs : Ordre des architectes de la Principauté de Monaco

Références :

ordonnance du 11 février 1943
article 90 B de la Constitution du 17 décembre 1962
article 22 de l'ordonnance-loi n° 341 du 24 mars 1942
article 21 de l'ordonnance-loi n° 341 du 24 mars 1942
6 janvier 2005
Ordonnance-loi n° 341 du 24 mars 1942


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2006-03-21;27199 ?

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