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24/01/2006 | MONACO | N°27191

Monaco | Cour d'appel, 24 janvier 2006, SAM Crédit suisse c/ SA Carrefour France


Abstract

Banques

Responsabilité délictuelle : article 1229 du Code civil - Encaissement d'un chèque non endossable en infraction avec l'article 65-1 du décret-loi français du 30 octobre 1935, modifié, applicable à Monaco

Responsabilité délictuelle

Banquier - Encaissement fautif d'un chèque non endossable en infraction avec l'article 65-1 du décret-loi français du 30 octobre 1935, modifié

Résumé

La banque Crédit Suisse ne conteste plus sa responsabilité sur le fondement de l'article 1229 du Code civil dans le préjudice subi par la Soci

été Carrefour France lors de l'encaissement du chèque litigieux ;

Le chèque litigieux pré barré port...

Abstract

Banques

Responsabilité délictuelle : article 1229 du Code civil - Encaissement d'un chèque non endossable en infraction avec l'article 65-1 du décret-loi français du 30 octobre 1935, modifié, applicable à Monaco

Responsabilité délictuelle

Banquier - Encaissement fautif d'un chèque non endossable en infraction avec l'article 65-1 du décret-loi français du 30 octobre 1935, modifié

Résumé

La banque Crédit Suisse ne conteste plus sa responsabilité sur le fondement de l'article 1229 du Code civil dans le préjudice subi par la Société Carrefour France lors de l'encaissement du chèque litigieux ;

Le chèque litigieux pré barré porte la mention « non endossable, sauf au profit d'une banque, d'une caisse d'épargne ou d'un établissement assimilé » ;

Ce chèque établi à l'ordre d'APGIS porte au verso un premier endos au nom d'APGIS, avant de porter la signature de A. A. ;

Ce chèque a été encaissé sur le compte de A. A. ouvert en février 2001 à la banque Crédit Suisse à Monaco ;

Aucune pièce n'a été versée parle Crédit Suisse concernant l'ouverture de ce compte, permettant de vérifier les conditions de son ouverture, ni même à quel nom il était ouvert ;

Lors de l'encaissement du chèque, le 27 avril 2001, A. A. avait exposé, selon les déclarations de C. B., employé du Crédit Suisse depuis avril 2001, ancien apporteur d'affaires de cette banque et se disant conseiller en matière financière de A. A., qu'il s'agissait du règlement par un certain APGIS d'une commande importante de matériel informatique ;

A. A. aurait selon le même employé, déclaré agir pour le compte d'une société Golf Media sise à Abou Dahbi dont il était actionnaire principal, société dont l'objet était l'exploitation de supports publicitaires dans les pays du golfe persique ;

Ces éléments de fait permettent d'analyser l'ensemble des fautes commises lors de l'encaissement du chèque par le Crédit Suisse :

1° Le chèque non endossable compensable à Paris a été encaissé en infraction aux dispositions de l'article 65-1 du décret-loi français du 30 octobre 1935 modifié, applicable à Monaco, décret-loi auquel les parties admettent que le litige est soumis, l'endos au profit d'un particulier étant impossible ;

2° Ce chèque d'un montant élevé émis par la Société Carrefour France, société française connue, a été encaissé sur le compte d'un particulier, ce que ne conteste pas le Crédit Suisse, particulier disant l'avoir reçu dans le cadre d'un marché conclu entre un particulier APGIS et une société Golf Media, dont l'objet déclaré par lui était sans relation avec le marché prétendument conclu ;

Ces fautes ont été aggravées par le défaut de toute vigilance de la banque Crédit Suisse après le paiement de ce chèque par la banque du tiré, la banque BNP Paribas ;

Le compte de A. A. a été crédité du montant du chèque le 7 mai 2001 ;

La banque Crédit Suisse communique un document qu'elle qualifie de relevé de compte bancaire de A. A. ;

Ce document en photocopie sur lequel ne figure d'ailleurs pas de nom du titulaire du compte, mais la mention AMFA, porte sur la période du 9 mai 2001 du 14 mai 2001, et fait mention des nombreux retraits opérés sur ce compte pendant ce court délai :

- le 9 mai 2001 : 7 622,45 euros en espèces,

- le 10 mai 2001 : 53 357,16 euros en espèces,

- le 11 mai 2001 : 15 244,90 euros en espèces,

- le 11 mai 2001 : un virement de 853 658,54 euros en direction d'un compte en Angleterre,

- le 14 mai 2001 : 60 979,61 euros en espèces ;

Il résulte de ce document dès parcellaire que le compte AMFA, attribué à A. A. a été presque vidé en cinq jours, alors qu'il était, selon la banque, destiné à permettre des opérations de placements à Monaco ;

Les conditions de l'encaissement du chèque et les conditions suspectes des retraits successifs sont constitutives de fautes, qui engagent la responsabilité de la banque Crédit Suisse et sont la cause directe du préjudice subi par la société Carrefour France ;

Pour obtenir un partage de responsabilité par moitié, la banque Crédit Suisse invoque l'absence d'opposition régulière de la société Carrefour France au paiement du chèque litigieux auprès de sa propre banque, la BNP Paribas ;

Il est établi que le chèque adressé le 12 avril 2001, par pli recommandé a été reçu le 18 avril 2001 par l'association APGIS ;

Eu égard au délai nécessaire de recherche du chèque, des vérifications utiles à conduire, aucun retard n'est imputable à la société Carrefour France qui invoque la nécessité d'attendre la délivrance par le bénéficiaire du chèque, l'association APGIS, de l'attestation de désistement de paiement ;

Cette attestation est parvenue le 25 avril 2001 à un service de la société Carrefour France incompétent pour connaître du problème soulevé par le chèque litigieux ;

Le fonctionnement interne de la société Carrefour France a seulement permis l'arrivé de cette attestation au service compétent le 7 mai 2001 ;

En retenant pour date d'arrivée de l'attestation de désistement du bénéficiaire du chèque à la société Carrefour France le 25 avril 2001, toute opposition était inefficace après le 3 mai 2001, date à laquelle le compte de la société Carrefour France à la BNP était débité ;

S'est ainsi écoulé un délai de neuf jours entre le moment où l'opposition pouvait être régulièrement faite et le débit du compte de l'intimée ;

Un tel délai, par sa brièveté, n'est pas constitutif d'un retard fautif imputable à la société Carrefour France en relation avec le préjudice qui lui a été causé ;

Il y a lieu, compte tenu des termes du litige ainsi soumis à l'examen de la cour, de réformer le jugement entrepris et de déclarer la banque Crédit Suisse responsable de l'entier préjudice de la société Carrefour France, étant ici rappelé que la banque Crédit Suisse a recherché la banque BNP Paribas devant le Tribunal de commerce de Paris pour obtenir que soit déterminée l'éventuelle responsabilité de cette banque lors de l'opération de compensation du chèque de la société Carrefour France expressément qualifié de non endossable.

Motifs

La Cour,

Considérant les faits suivants :

Le 12 avril 2001 la société anonyme Carrefour France émettait un chèque non endossable d'un montant de 8 510 490 francs à l'ordre de l'APGIS (association de Prévoyance Interprofessionnel des Salariés) tiré sur un compte ouvert à la BNP Paribas (agence de la rue d'Antin à Paris) en règlement des cotisations « prévoyances employés » du premier trimestre de l'année 2001.

Ce chèque, adressé par lettre recommandée le 12 avril 2001, ne parvenait pas à son bénéficiaire qui ne recevait que la lettre d'accompagnement dudit chèque le 18 avril 2001.

Le 27 avril 2001, la banque Crédit Suisse recevait d'un client, A. M. F. A., le chèque litigieux, et l'encaissait alors que ce chèque portait au verso une première signature d'endos censé être celle d'un certain APGIS dont A. A. devait par la suite produire la photocopie d'une pièce d'identité ; le chèque était alors signé au verso par A. A. qui l'endossait ainsi une seconde fois.

Le chèque était envoyé pour compensation à la BNP Paribas qui le compensait le 30 avril 2001 avec valeur au 7 mai 2001.

Le 10 mai 2001, A. A. retirait du compte ouvert au Crédit Suisse la somme de 53 357,16 euros, le 11 mai une somme de 15 244,90 euros et opérait ce même jour un virement de 853 658,54 euros sur un compte ouvert à Londres.

La société anonyme Carrefour France recevait le 25 avril 2001, l'attestation de l'association APGIS de désistement de paiement du chèque litigieux.

Cette attestation parvenait au service « salariés » de la société Carrefour France le 25 avril 2001 et était reçue le 7 mai suivant au service « centre de gestion paye » à Lisse.

Le compte de la société Carrefour France au sein de la banque BNP Paribas était débité le 3 mai 2001.

Par exploit du 22 octobre 2001, la société Carrefour France a fait assigner la société anonyme monégasque Crédit Suisse en paiement, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de la somme de 8 510 490 francs à titre de dommages-intérêts et celle de 20 000 francs au titre de l'article 234, paragraphe 6 du Code de procédure civile, lui reprochant les fautes commises à l'occasion de l'encaissement du chèque litigieux.

Par jugement du 14 novembre 2002, le Tribunal a rejeté la demande de sursis à statuer fondée sur les plaintes pénales déposées par la banque Crédit Suisse.

Par jugement au fond du 4 mars 2004, le Tribunal se fondant sur les dispositions de l'article 1229 du Code civil, a condamné la société anonyme monégasque Crédit Suisse à payer à la société Carrefour France les sommes de 1 167 943,32 euros et 3 000 euros à titre de dommages-intérêts, retenant à la charge de la société Carrefour France une faute ayant concouru pour 10 % à la réalisation de son dommage.

Par acte d'appel et d'assignation du 19 mai 2004, la banque Crédit Suisse demande à la Cour de réformer partiellement la décision entreprise, de dire que les fautes commises par la société Carrefour France ont concouru pour moitié à la réalisation de son préjudice, de rejeter la demande de dommages-intérêts de la société Carrefour France fondée sur les dispositions de l'article 234 paragraphe 6 du Code de procédure civile.

En cause d'appel la banque Crédit Suisse admet que sa responsabilité délictuelle est engagée sur le fondement de l'article 1229 du Code civil.

Elle soutient que la responsabilité de la société Carrefour France résulte du défaut de toute opposition au paiement du chèque auprès de son organisme bancaire, la banque BNP Paribas, entre le 18 ou 19 avril 2001, date à laquelle les représentants de cette société ont été oralement informés de la disparition du chèque, et le 7 mai 2001, date à laquelle le compte de A. A. au Crédit Suisse a été crédité.

Elle soutient aussi que malgré l'encaissement du chèque litigieux, elle aurait pu avant les 10 et 11 mai 2001, dates auxquelles ont été prélevés les fonds par A., bloquer les sommes se trouvant sur ce compte et empêcher le paiement.

La société Carrefour France par conclusions responsives du 7 janvier 2005 rappelle :

- que le chèque qu'elle avait émis était barré et portait la mention non endossable,

- que le Crédit Suisse l'a néanmoins encaissé alors qu'il était déjà endossé par un tiers, avant de supporter l'endos de A. A. pour encaissement,

- qu'aucune vérification n'a été effectuée sur l'origine du paiement fait à A. A. par la société Carrefour France, alors qu'aucun autre chèque n'avait crédité son compte,

- que le retrait de la totalité de la provision du compte trois jours après qu'il eût été crédité, n'avait pas davantage alerté la banque Crédit Suisse.

La société Carrefour France soutient encore :

- qu'aucun retard dans l'opposition qu'elle aurait pu faire au paiement du chèque litigieux ne lui est imputable,

- qu'elle a seulement reçu dans un service qui n'était pas compétent pour cette opération, la lettre de désistement de l'association APGIS le 25 avril 2005, ce courrier ayant rejoint le service compétent le 10 mai 2005, date à laquelle son compte était déjà débité au profit de A. A. du montant du chèque litigieux.

Elle en conclut que la preuve d'une faute qu'elle aurait elle-même commise n'est pas rapportée, que dès lors la banque Crédit Suisse doit supporter en totalité la réparation de son préjudice.

Elle sollicite, par voie d'appel incident, la réformation partielle du jugement et demande à la Cour de condamner la banque Crédit Suisse à lui payer la somme de 1 297 714,80 euros (8 510 490 francs) à titre de dommages-intérêts, ladite somme augmentée des intérêts au taux légal à compter du 22 octobre 2001 date de l'assignation en paiement, de condamner le Crédit suisse à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 234, alinéa 6 du Code de procédure civile ;

Par conclusions des 19 avril 2005 et 23 septembre 2005 la banque Crédit Suisse sollicite la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, et le rejet de la demande de condamnation au paiement des intérêts de retard à compter du 22 octobre 2001, cette demande étant formée pour la première fois en cause d'appel ;

Sur ce,

Considérant que la banque Crédit Suisse ne conteste plus sa responsabilité sur le fondement de l'article 1229 du Code civil dans le préjudice subi par la société Carrefour France lors de l'encaissement du chèque litigieux ;

Considérant que le chèque litigieux pré barré porte la mention « non endossable, sauf au profit d'une banque, d'une caisse d'épargne ou d'un établissement assimilé » ;

Considérant que ce chèque établi à l'ordre d'APGIS porte au verso un premier endos au nom d'APGIS, avant de porter la signature de A. A. ;

Considérant que ce chèque a été encaissé sur le compte de A. A. ouvert en février 2001 à la banque Crédit Suisse à Monaco ;

Considérant qu'aucune pièce n'a été versée par le Crédit Suisse concernant l'ouverture de ce compte, permettant de vérifier les conditions de son ouverture, ni même à quel nom il était ouvert ;

Considérant que lors de l'encaissement du chèque, le 27 avril 2001, A. A. avait exposé, selon les déclarations de C. B., employé du Crédit Suisse depuis avril 2001, ancien apporteur d'affaires de cette banque et se disant conseiller en matière financière de A. A., qu'il s'agissait du règlement par un certain APGIS d'une commande importante de matériel informatique ;

Considérant que A. A. aurait selon le même employé, déclaré agir pour le compte d'une société Golf Media sise à Abou Dahbi dont il était actionnaire principal, société dont l'objet était l'exploitation de supports publicitaires dans les pays du golfe persique ;

Considérant que ces éléments de fait permettent d'analyser l'ensemble des fautes commises lors de l'encaissement du chèque par le Crédit Suisse :

Le chèque non endossable compensable à Paris a été encaissé en infraction aux dispositions de l'article 65-1 du décret loi français du 30 octobre 1935 modifié, applicable à Monaco, décret-loi auquel les parties admettent que le litige est soumis, l'endos au profit d'un particulier étant impossible ;

Ce chèque d'un montant élevé émis par la société Carrefour France, société française connue, a été encaissé sur le compte d'un particulier, ce que ne conteste pas le Crédit Suisse, particulier disant l'avoir reçu dans le cadre d'un marché conclu entre un particulier APGIS et une société Golf Media, dont l'objet déclaré par lui était sans relation avec le marche prétendument conclu ;

Considérant que ces fautes ont été aggravées par le défaut de toute vigilance de la banque Crédit Suisse après le paiement de ce chèque par la banque du tiré, la Banque BNP Paribas ;

Considérant que le compte de A. A. a été crédité du montant du chèque le 7 mai 2001 ;

Considérant que la banque Crédit Suisse communique un document qu'elle qualifie de relevé de compte bancaire de A. A. ;

Considérant que ce document en photocopie sur lequel ne figure d'ailleurs pas le nom du titulaire du compte, mais la mention AMFA, porte sur la période du 9 mai 2001 au 14 mai 2001, et fait mention des nombreux retraits opérés sur ce compte pendant ce court délai :

- le 9 mai 2001 : 7 622,45 euros en espèces,

- le 10 mai 2001 : 53 357,16 euros en espèces,

- le 11 mai 2001 : 15 244,90 euros en espèces,

- le 11 mai 2001 : un virement de 853 658,54 euros en direction d'un compte en Angleterre,

- le 14 mai 2001 : 60 979,61 euros en espèces ;

Considérant qu'il résulte de ce document très parcellaire que le compte AMFA, attribué à A. A. a été presque vidé en cinq jours, alors qu'il était, selon la banque, destiné à permettre des opérations de placements à Monaco ;

Considérant que les conditions de l'encaissement du chèque et les conditions suspectes des retraits successifs sont constitutives de fautes, qui engagent la responsabilité de la banque Crédit Suisse et sont la cause directe du préjudice subi par la société Carrefour France ;

Considérant que pour obtenir un partage de responsabilité par moitié, la banque Crédit Suisse invoque l'absence d'opposition régulière de la société Carrefour France au paiement du chèque litigieux auprès de sa propre banque, la BNP Paribas ;

Considérant qu'il est établi que le chèque adressé le 12 avril 2001, par pli recommandé a été reçu le 18 avril 2001 par l'association APGIS ;

Considérant qu'eu égard au délai nécessaire de recherche du chèque, des vérifications utiles à conduire, aucun retard n'est imputable à la société Carrefour France qui invoque la nécessité d'attendre la délivrance par le bénéficiaire du chèque, l'association APGIS, de l'attestation de désistement de paiement ;

Considérant que cette attestation est parvenue le 25 avril 2001 à un service de la société Carrefour France incompétent pour connaître du problème soulevé par le chèque litigieux ;

Considérant que le fonctionnement interne de la société Carrefour France a seulement permis l'arrivée de cette attestation au service compétent le 7 mai 2001 ;

Considérant toutefois que le compte de la société Carrefour France a été débité le 3 mai 2001 du montant du chèque litigieux avec valeur au 4 mai 2001 ;

Qu'en retenant pour date d'arrivée de l'attestation de désistement du bénéficiaire du chèque à la société Carrefour France le 25 avril 2001, toute opposition était inefficace après le 3 mai 2001, date à laquelle le compte de la société Carrefour France à la BNP Paribas était débité ;

Considérant que s'est ainsi écoulé un délai de neuf jours entre le moment où l'opposition pouvait être régulièrement faite et le débit du compte de l'intimée ;

Considérant qu'un tel délai, par sa brièveté, n'est pas constitutif d'un retard fautif imputable à la société Carrefour France en relation avec le préjudice qui lui a été causé ;

Considérant qu'il y a lieu, compte tenu des termes du litige ainsi soumis à l'examen de la cour, de réformer le jugement entrepris et de déclarer la banque Crédit Suisse responsable de l'entier préjudice de la société Carrefour France, étant ici rappelé que la banque Crédit Suisse a recherché la banque BNP Paribas devant le Tribunal de commerce de Paris pour obtenir que soit déterminée l'éventuelle responsabilité de cette banque lors de l'opération de compensation du chèque de la société Carrefour France expressément qualifié de non endossable ;

Considérant qu'il y a lieu de fixer le préjudice de la société Carrefour France à la somme de 1 297 714,80 euros et de condamner la banque Crédit Suisse au paiement de ladite somme ;

Considérant que la société Carrefour France sollicite pour la première fois en appel d'ajouter à la condamnation principale de la banque Crédit Suisse les intérêts de retard au taux légal à compter de l'assignation en paiement du 22 octobre 2001 ;

Considérant que cette demande nouvelle est irrecevable comme formée pour la première fois en cause d'appel ;

Considérant toutefois qu'en déclarant la société Crédit Suisse responsable en totalité du préjudice subi par la société Carrefour France, la Cour confirme partiellement le jugement du Tribunal de première instance à hauteur de la somme de 1 167 943,32 euros laquelle porte intérêts aux taux légal à compter du jugement par l'effet de cette confirmation ;

Considérant que les dommages intérêts de 3 000 euros alloués par le tribunal ne se justifiaient pas compte tenu du partage de responsabilité retenu par les premiers juges ; qu'ils doivent cependant être prononcés par la Cour qui n'a pas maintenu ce partage, ces dommages intérêts étant justifiés par la résistance abusive opposée par le Crédit Suisse à la demande formée par la Société Anonyme Carrefour France ;

Considérant que la banque Crédit Suisse qui admet en cause d'appel sa responsabilité délictuelle, limitant sa demande à un partage plus favorable a fait un usage abusif de cette voie de recours en raison des fautes qu'elle a commises lors de l'encaissement du chèque et doit en conséquence être condamnée à ce titre, au paiement d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts à la société Carrefour France ;

Considérant qu'il y a lieu de rejeter la demande formée par la banque Crédit Suisse au titre de son préjudice, cette société succombant en son appel ;

Considérant que la banque Crédit Suisse doit être condamnée aux dépens ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

- Reçoit la Société Anonyme Monégasque Crédit Suisse en son appel,

- Au fond, l'en déboute,

- Faisant partiellement droit à l'appel incident de la Société Anonyme Carrefour France,

- Réforme le jugement du Tribunal de première instance du 4 mars 2004,

- Déclare la Société Anonyme Monégasque Crédit Suisse entièrement responsable du préjudice subi par la Société Anonyme Carrefour France en application de l'article 1229 du Code civil,

- Condamne la Société Anonyme Monégasque Crédit Suisse à payer à la Société Anonyme Carrefour France la somme de 1 297 714,80 euros en réparation de son préjudice, cette condamnation portant intérêts au taux légal à hauteur de 1 167 949,32 euros à compter du jugement du tribunal,

- Condamne la Société Anonyme Monégasque Crédit Suisse à payer à la Société Anonyme Carrefour France la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour sa résistance abusive opposée à la demande de la Société Anonyme Carrefour France,

- Condamne la Société Anonyme Monégasque Crédit Suisse à payer à la Société Anonyme Carrefour France la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif,

- Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Composition

Mme François, prem. prés. ; Mme Gonelle, prem. sust. proc. gén. ; Mes Pastor-Bensa et Escaut, av. déf.

Note

Cet arrêt a réformé le jugement du Tribunal de première instance du 4 mars 2004 lequel avait retenu contre la SA Carrefour France une part de responsabilité (70%), alors que la Cour déclare la SAM Crédit Suisse entièrement responsable du préjudice subi par la Société Carrefour.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 27191
Date de la décision : 24/01/2006

Analyses

Instruments de paiement et de crédit ; Responsabilité (Banque, finance)


Parties
Demandeurs : SAM Crédit suisse
Défendeurs : SA Carrefour France

Références :

article 1229 du Code civil
article 234, alinéa 6 du Code de procédure civile
Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2006-01-24;27191 ?

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