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18/05/2004 | MONACO | N°27117

Monaco | Cour d'appel, 18 mai 2004, B. ès qualité de syndic c/ S.


Abstract

Baux commerciaux

Contestation sur l'existence ou la nature du bail - Incompétence de la Commission arbitrale et du président du tribunal sur le fondement de l'article 18 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 - Compétence de la juridiction de fond : conditions pour bénéficier du droit au renouvellement de la loi n° 490 : avoir qualité de commerçant, être propriétaire du fonds et locataire des lieux exploités

Appel civil

Effet dévolutif - Conséquences : la cour investie de la plénitude de juridiction conserve la connaissance du litige irréguliÃ

¨rement porté devant le premier juge

Résumé

Si la commission arbitrale des loyers comm...

Abstract

Baux commerciaux

Contestation sur l'existence ou la nature du bail - Incompétence de la Commission arbitrale et du président du tribunal sur le fondement de l'article 18 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 - Compétence de la juridiction de fond : conditions pour bénéficier du droit au renouvellement de la loi n° 490 : avoir qualité de commerçant, être propriétaire du fonds et locataire des lieux exploités

Appel civil

Effet dévolutif - Conséquences : la cour investie de la plénitude de juridiction conserve la connaissance du litige irrégulièrement porté devant le premier juge

Résumé

Si la commission arbitrale des loyers commerciaux, qui ne peut statuer que sur le différend dont elle a été saisie par le procès-verbal de non-conciliation, ne peut trancher les contestations relatives à l'existence ou à la nature du bail, lesquelles relèvent de la compétence des juridictions de droit commun, le président du Tribunal de première instance ou son délégataire n'a pas davantage compétence sur le fondement de l'article 18 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948, pour apprécier si le locataire menacé d'expulsion, prétendant avoir droit à une indemnité d'éviction, peut ou non bénéficier d'un sursis à cette expulsion jusqu'à consignation de la somme alors arbitrée en vertu de ce texte, lorsque, comme en l'espèce, la nature ou la portée du bail liant les parties sont sérieusement contestables, en vue de l'application de l'article 12 de la loi n° 490, précitée et qu'il doit être alors pris parti non seulement sur le principe du droit au renouvellement du bail invoqué par le preneur, mais, au premier chef, sur le bénéfice de ladite loi pouvant être reconnu à cette partie ;

Une semblable incompétence s'oppose, d'ailleurs, à ce que le juge des référés, saisi d'une demande d'expulsion formulée par le bailleur, statue de ce chef lorsque le locataire a préalablement invoqué le bénéfice de la législation sur les baux commerciaux et que cette contestation, opposée à la demande d'expulsion, serait jugée sérieuse, le droit à la propriété commerciale étant alors discutable ;

Il incombe en cette matière au président du Tribunal de première instance, ou à son délégataire, statuant soit en référé soit par référence à l'article 18 de la loi n° 490 du 24 octobre 1948, de se déclarer incompétent pour déterminer si le bénéfice de cette loi peut être reconnu au locataire commerçant, seule la juridiction du fond étant compétente pour se prononcer de ce chef selon le droit commun ; en tant que le premier juge a statué sur ce point en prenant parti quant au fond sur la contestation élevée, et reçu en conséquence la demande de sursis formulée par C. S., sa décision doit donc être infirmée ;

Cependant, par l'effet dévolutif de l'appel résultant, en l'occurrence, de l'application de l'article 429 du Code de procédure civile, et en l'état des conclusions au fond des parties, la Cour se trouve désormais appelée à statuer sur le différend né de l'application de la loi n° 490 au bail en cause ; étant investie en ce domaine d'une plénitude de juridiction, tant en droit commun que selon les articles 7 et 10 de ladite loi, la Cour doit, en l'état, conserver la connaissance de ce litige, même irrégulièrement porté devant le premier juge, en vue d'éventuelle application de l'article 18 de la loi n° 490 précitée, sans devoir ainsi surseoir à statuer de ce chef ;

Il est établi par les avis d'échéance délivrés par le bailleur que la location originaire a, en fait, été consentie à compter du 1er novembre 1999 ;

Le locataire justifie par les attestations produites aux débats, qu'il a entrepris son activité dans le local donné à bail à compter du 1er novembre 1999 ;

Cependant, il n'est pas pour autant établi qu'ait eu lieu, à compter de cette date, l'exploitation d'un fonds de commerce dont le locataire serait fondé à se prévaloir utilement, dès lors que ce n'est que le 24 février 2000 que ce dernier a été inscrit au répertoire du commerce et de l'industrie et que les personnes physiques ou morales assujetties à cette inscription, aux termes de l'article 13 de la loi n° 721 du 27 décembre 1961 relative au répertoire du commerce et de l'industrie, ne peuvent invoquer à l'égard des tiers leur qualité de commerçant avant leur inscription, si celle-ci n'est pas intervenue dans le délai de deux mois du commencement de leur activité ;

Ce n'est, ainsi, qu'à compter de son immatriculation au répertoire du commerce et de l'industrie soit à partir du 24 février 2000, que le locataire a pu, à l'égard des tiers et donc du bailleur, se prévaloir de la qualité de commerçant et donc de l'exploitation de son fonds de commerce, étant rappelé que le bénéfice de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 ne peut être légalement invoqué que par celui qui est à la fois commerçant, propriétaire du fonds de commerce, et locataire des lieux où est exploité le fonds ;

L'exploitation en cause ne répond pas ainsi à la condition de durée exigée par l'article 1er de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 qui ne saurait s'appliquer qu'à une exploitation régulière et licite de la part du locataire, dans ses relations avec le bailleur ; il en résulte, le locataire ne pouvant ainsi prétendre au renouvellement du bail, que les dispositions de l'article 18 de cette même loi ne lui sont pas applicables.

Motifs

La Cour,

Considérant les faits suivants :

Par un billet d'avis du 30 octobre 2002, visant la loi n° 490 du 24 novembre 1948, C. S. a saisi le président du Tribunal de première instance, statuant en sa qualité de magistrat conciliateur par application de ladite loi, à l'effet de la comparution de C. B. comme syndic de la liquidation des biens de R. A. ;

Cet acte tendait, selon ses terme, à : « en l'état du congé avec refus de renouvellement régularisé par C. B. ès qualité, suivant lettre recommandée avec avis de réception du 4 septembre 2002 pour le 31 octobre 2002 en application des articles 9 et suivants de la loi n° 490 du 24 novembre 1948, voir fixer le montant de l'indemnité d'éviction à la somme de 500 000 euros, concernant le fonds de commerce de vente et installation d'ameublement et d'aménagement intérieur sur mesure et tous les éléments s'y rapportant, exploité par C. S., sous l'enseigne » I. D. «, donné à bail à compter du 1er novembre 1999 (bail verbal) renouvelé suivant baux successifs en dates des 18 février 2000 et 1er février 2002 ; voir également dire que l'indemnité d'éviction telle qu'elle sera déterminée par la Commission Arbitrale des Loyers Commerciaux sera productive d'un intérêt au taux légal à compter de la date effective du congé, ledit intérêt étant soumis également à l'anatocisme conformément aux dispositions de l'article 1009 du Code civil » ;

Congé ayant été donné le 4 septembre 2002 pour le 31 octobre 2002, par lettre du 7 novembre 2002 antérieure au préliminaire de conciliation fixé au 11 décembre 2002, C. B., agissant en sa qualité de syndic, a avisé C. S. d'avoir à prendre toutes dispositions pour la restitution des lieux dans les 48 heures, passé lequel délai il prendrait lui-même les mesures devant s'imposer ;

S'estimant menacé d'expulsion C. S. a, en application de l'article 18 de ladite loi n° 490, sollicité par requête du 15 novembre 2002, qu'il soit sursis à son expulsion jusqu'au versement de l'indemnité d'éviction lui revenant, ce à quoi C. B. s'est opposé ;

Ce dernier a fait valoir que cette procédure, réservée aux seuls locataires commerçants au sens de l'article premier de la loi n° 490, ne pouvait se dérouler hors le contradictoire de R. A., bailleur, et que C. S. ne pouvait nullement bénéficier des dispositions de l'article 18 précité puisque le bail liant les parties pour le local en cause, qui avait été qualifié de bail précaire, caractériserait un bail civil exclu du champ d'application de la loi n° 490 ;

C. B. soutenait enfin, qu'il reviendrait au magistrat saisi dans le cadre de l'article 18 d'apprécier à titre provisoire si le locataire menacé d'expulsion serait susceptible d'avoir droit à une indemnité d'éviction et qu'à cet égard C. S. n'était pas titulaire d'un bail commercial et n'avait pas exploité de commerce dans le local litigieux de manière régulière pendant trois années ;

Par l'ordonnance entreprise, du 14 février 2003, le magistrat ainsi saisi a déclaré recevable la demande formée par C. S. sur le fondement des dispositions de l'article 18 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948, et, avant dire droit au fond sur la somme à arbitrer pour valoir consignation, a ordonné une expertise confiée à Jean Billon ;

Pour statuer de la sorte ce magistrat a retenu, sur la recevabilité de la demande contestée par C. B., au motif que la procédure ne pouvait se dérouler qu'au contradictoire de R. A., bailleur, que la qualité de syndic de la liquidation des biens de ce dernier autorisait C. B. à représenter ce débiteur en justice ;

Sur le fond, le premier juge a estimé que, si les actes et l'extrait du répertoire du commerce produit aux débats, mentionnent que l'exploitation commerciale avait débuté le 1er mars 2000, les circonstances de l'espèce démontraient qu'un fonds de commerce était en fait déjà exploité dans les locaux en vertu d'une convention verbale ; qu'ainsi donc, indépendamment de la qualification donnée par les parties à leur contrat de bail, ne liant pas la juridiction, C. S. apparaissait susceptible d'avoir droit à l'indemnité d'éviction prévue par la loi n° 490 ;

Ce magistrat a relevé que, bien que la demande de la somme à consigner n'eût pas été chiffrée dans la requête, il ne pouvait en être ipso facto déduit l'irrecevabilité de la demande, étant observé qu'il appartenait à la juridiction saisie d'arbitrer ladite somme, en sorte que, celle-ci devant s'approcher autant que possible de l'indemnisation à laquelle C. S. serait susceptible d'avoir droit, et aucune pièce de nature à permettre sa détermination n'étant fournie, il y avait lieu de faire droit à la demande subsidiaire et de désigner un expert ;

Au soutien de son appel, C. B. ès qualités demande à la Cour, à titre principal, de déclarer la demande de C. S. irrecevable, faute pour celui-ci d'avoir mis en cause le principal intéressé, à savoir le bailleur A., ce qui violerait le principe du contradictoire, comme aussi d'avoir chiffré ses prétentions ;

Ce syndic demande également à la cour, à titre subsidiaire, de dire et juger que C. S. qui a commencé à exploiter un commerce dans le local litigieux, le 1er mars 2000, n'a pas exploité un fonds dans ce local pendant trois années successives à la date d'échéance du bail, soit le 31 octobre 2002, et qu'il ne justifie donc pas être titulaire d'un droit au renouvellement du bail ni d'un droit au paiement d'une indemnité d'éviction, en sorte que devrait être rejeté l'ensemble de ses prétentions ;

l'appui de ses demandes, le syndic C. B. fait valoir, sur l'irrecevabilité prétendue de la demande de C. S., que le fait que le syndic désigné dans le cadre des dispositions de l'article 530 du Code de commerce représente le débiteur n'avait pas pour effet de dispenser C. S. de mettre en cause ce dernier, dès lors que la décision pouvait avoir des conséquences patrimoniales ;

Le syndic C. B. fait également valoir que la requête présentée le 15 novembre 2002 au premier juge ne comportait aucun chiffrage du montant de l'indemnité d'éviction dont la consignation avait été réclamée à titre conservatoire sur le fondement de l'article 18 de la loi n° 490 ; alors que l'obligation de chiffrer les prétentions constitue un préalable à toute action judiciaire et donc une condition de recevabilité, même si l'article 18 ne le mentionne pas expressément ;

Sur le fond, le syndic C. B. prétend, contrairement à ce que soutient C. S., qu'il appartient au président du Tribunal de première instance ou au magistrat qu'il a délégué, d'apprécier à titre provisoire si le requérant peut prétendre à la propriété commerciale sur le fondement de l'article 18 de la loi n° 490 ; que C. S. ne justifie pas, au sens de l'article premier de la loi 490 et à la date d'échéance du bail, d'une exploitation effective depuis au moins trois ans consécutifs, d'un fonds de commerce ou d'industrie dans le local objet du bail ;

Qu'en revanche, l'extrait du registre du répertoire du commerce et de l'industrie fait ressortir qu'il n'a été autorisé à exploiter le commerce dans le local litigieux qu'à compter du 1er mars 2000, en sorte qu'à supposer qu'il ait effectivement exploité, ce qui n'est pas le cas, son activité commerciale avant le 1er mars 2000, l'exploitation aurait été illicite comme contrevenant aux prescriptions légales susvisées, qui sont d'ordre public ;

C. S. a demandé en défense à la Cour d'appel, principalement de dire C. B. irrecevable es qualités en son appel, ce, sur le fondement des articles 441 alinéa 3 et 442 du Code de commerce, au motif qu'il lui appartenait de faire intervenir à la procédure le bailleur R. A., tant en première instance qu'en cause d'appel, sauf à avoir été autorisé par le juge commissaire à agir seul, et, subsidiairement, de débouter C. B. de ses demandes, fins et conclusions ;

C. S. a conclu, par ailleurs, à l'incompétence de la Cour pour statuer sur la nature du bail litigieux et à la confirmation de l'ordonnance querellée du 14 février 2003 ;

Il a, enfin, sollicité la condamnation de l'appelant à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour la présente procédure qui serait manifestement abusive et dilatoire, et l'aurait contraint à engager des frais ;

Répondant aux moyens de l'appelant C. S. fait valoir, sur l'absence du respect du contradictoire de la procédure engagée hors la présence du signataire de la convention litigieuse, que l'article 18 de la loi n° 490 n'impose pas au requérant la mise en cause d'une partie, dès lors que la saisine du président de la commission arbitrale des loyers commerciaux se fait par le dépôt d'une requête et que les parties comparaissent sur convocation notifiée par le greffe ;

Qu'en outre C. B., qui a relevé seul appel de l'ordonnance querellée, n'a pas jugé utile de faire intervenir le bailleur R. A. lorsqu'il s'est présenté devant le président de la commission arbitrale ;

C. S. fait également valoir, sur le moyen tiré de l'absence de chiffrage de la demande, que l'article 18 de la loi n° 490 n'impose pas au requérant de chiffrer le montant de l'indemnisation « si ce n'est d'en faire une évaluation » ; en sorte que la commission arbitrale, insuffisamment informée, pouvait effectivement désigner l'expert de son choix afin de chiffrer le montant de l'indemnité d'éviction à verser au locataire évincé sans juste motif ;

Sur la propriété commerciale, C. S. rappelle que, s'il est de jurisprudence constante que la commission arbitrale des loyers commerciaux est incompétente pour statuer sur la nature commerciale ou civile du bail, l'ordonnance querellée n'a pas statué, ce qui se déduirait du dispositif de la décision, sur la nature civile ou commerciale du bail ;

Sur la nature du bail litigieux C. S. estime, enfin, qu'il ressort des avis d'échéance adressés par le bailleur par le biais d'une agence Cote Investissement, que le loyer a été payé à compter du 1er novembre 1999 ; que ce serait ajouter à la loi une condition non prévue par celle-ci que d'exiger, pour le renouvellement des baux à loyer des locaux ou immeubles, le bénéfice d'une autorisation administrative qui n'est pas un élément du fonds de commerce, car cette autorisation est personnelle, incessible et discrétionnaire ; à ce propos C. S. prétend rapporter la preuve non seulement de la création du fonds de commerce mais aussi d'un début d'activité dès le mois de novembre 1999, alors en outre, que le local litigieux était déjà « commercial » avant son installation ;

Par ses conclusions du 3 juin 2003 C. B. a répliqué aux moyens de l'intimé résultant de l'exception d'irrecevabilité invoquée, précisant qu'il est « cocasse » de constater que C. S. soulève une exception d'irrecevabilité tenant au fait que R. A. n'est pas présent aux débats, alors même que cette exception a été écartée en première instance, à sa demande ;

En outre, selon le syndic B., une telle exception ne serait pas recevable en cause d'appel, puisque seules sont habilitées à interjeter appel les parties qui ont été appelées ou représentées en première instance, en sorte qu'il ne pouvait intimer R. A., non partie à la procédure initiale ;

Il fait encore valoir que la décision entreprise est doublement contestable car elle a relevé l'existence d'une exploitation commerciale qui en réalité n'a pas commencé à l'origine du bail, et a admis que cette exploitation, si elle a existé dès le mois de novembre 1999, a pu produire des effets illicites alors qu'il est démontré qu'aucune autorisation gouvernementale n'a été donnée en ce sens ;

Sur quoi,

I - Quant à la recevabilité en la forme de la demande originaire et de l'appel :

Considérant qu'il ressort des termes de la requête de C. S., datée du 15 novembre 2002, qui se réfère au billet d'avis du 30 octobre 2002 chiffrant à 500 000 euros le montant de l'indemnité d'éviction sollicitée, requête par laquelle celui-ci a saisi le président du Tribunal de première instance aux fins de sursis à son expulsion jusqu'au versement de l'indemnité d'éviction à laquelle il pourrait prétendre, que R. A., son bailleur, a fait l'objet d'un jugement de liquidation de biens en date du 22 mars 2001 qui a fait suite au jugement du 16 mars 2000 par lequel le Tribunal a constaté sa cessation des paiements ;

Considérant qu'il en résulte, les textes applicables étant dès lors ceux du chapitre III du titre II du Livre III du Code de commerce, que les dispositions de l'article 441 alinéa 3 invoquées par C. S. et afférentes aux effets du jugement qui constate la cessation des paiements (section II du chapitre II du Livre III) sont inapplicables ; que par voie de conséquence, le débiteur R. A. ayant été dessaisi, C. B. était recevable à défendre seul sur la requête de C. S. et à interjeter appel de l'ordonnance entreprise ;

II. - Quand à la compétence :

Considérant que, si la commission arbitrale des loyers commerciaux, qui ne peut statuer que sur le différend dont elle a été saisie par le procès-verbal de non-conciliation, ne peut trancher les contestations relatives à l'existence ou à la nature du bail, lesquelles relèvent de la compétence des juridictions de droit commun, le président du Tribunal de première instance ou son délégataire n'a pas davantage compétence sur le fondement de l'article 18 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948, pour apprécier si le locataire menacé d'expulsion, prétendant avoir droit à une indemnité d'éviction, peut ou non bénéficier d'un sursis à cette expulsion jusqu'à consignation de la somme alors arbitrée en vertu de ce texte, lorsque, comme en l'espèce, la nature ou la portée du bail liant les parties sont sérieusement contestables, en vue de l'application de l'article 12 de la loi n° 490, précitée et qu'il doit être alors pris parti non seulement sur le principe du droit au renouvellement du bail invoqué par le preneur, mais, au premier chef, sur le bénéfice de ladite loi pouvant être reconnu à cette partie ;

Qu'une semblable incompétence s'oppose, d'ailleurs, à ce que le juge des référés, saisi d'une demande d'expulsion formulée par le bailleur, statue de ce chef lorsque le locataire a préalablement invoqué le bénéfice de la législation sur les baux commerciaux et que cette contestation, opposée à la demande d'expulsion, serait jugée sérieuse, le droit à la propriété commerciale étant alors discutable ;

Qu'ainsi, il incombe en cette matière au président du Tribunal de première instance, ou à son délégataire, statuant soit en référé soit par référence à l'article 18 de la loi n° 490 du 24 octobre 1948, de se déclarer incompétent pour déterminer si le bénéfice de cette loi peut être reconnu au locataire commerçant, seule la juridiction du fond étant compétente pour se prononcer de ce chef selon le droit commun ; qu'en tant que le premier juge a statué sur ce point en prenant parti quant au fond sur la contestation élevée, et reçu en conséquence la demande de sursis formulée par C. S., sa décision doit donc être infirmée ;

Considérant, cependant, que par l'effet dévolutif de l'appel résultant, en l'occurrence, de l'application de l'article 429 du Code de procédure civile, et en l'état des conclusions au fond des parties, la Cour se trouve désormais appelée à statuer sur le différend né de l'application de la loi n° 490 au bail en cause ; qu'étant investie en ce domaine d'une plénitude de juridiction, tant en droit commun que selon les articles 7 et 10 de ladite loi, la Cour doit, en l'état, conserver la connaissance de ce litige, même irrégulièrement porté devant le premier juge, en vue de l'éventuelle application de l'article 18 de la loi n° 490 précitée, sans devoir ainsi surseoir à statuer de ce chef ;

III. - Au fond,

Considérant que par convention en date du 18 février 2000 enregistrée le 28 février 2000 et intitulée « bail précaire », R. A. a donné en location à C. S. pour une durée de vingt trois mois commençant à courir le 1er mars 2000 pour se terminer le 31 janvier 2002, un local commercial à usage d'achats, ventes et prestations de services en matière d'ameublement, décoration et articles de Paris, sis au rez-de-chaussée à gauche de l'entrée de l'immeuble ; que cette location a été prononcée par le bailleur représenté par C. B., syndic commis par le jugement du 16 mars 2000, selon une nouvelle convention du 1er février 2002 également intitulée « bail précaire », pour une durée de six mois consécutifs au gré des deux parties à compter du 1er février 2002, pour se terminer le 31 juillet 2002 ;

Considérant, d'une part, qu'il est établi par les avis d'échéance délivrés par le bailleur que la location originaire a, en fait, été consentie à compter du 1er novembre 1999, ainsi qu'il résulte de l'avis d'échéance du 28 octobre 1999 afférent au loyer du mois de novembre 1999, comme des avis d'échéance des 29 novembre et 23 décembre 1999 concernant, respectivement, les loyers de décembre 1999 et janvier 2000 ;

Considérant, d'autre part, que C. S. justifie par les attestations de P. S., F. D., V. P. et D. D., produites aux débats, qu'il a entrepris son activité dans le local donné à bail à compter du 1er novembre 1999 ;

Considérant, cependant, qu'il n'est pas pour autant établi qu'ait eu lieu, à compter de cette date, l'exploitation d'un fonds de commerce dont C. S. serait fondé à se prévaloir utilement, dès lors que ce n'est que le 24 février 2000 que ce dernier a été inscrit au répertoire du commerce et de l'industrie et que les personnes physiques ou morales assujetties à cette inscription, aux termes de l'article 13 de la loi n° 721 du 27 décembre 1961 relative au répertoire du commerce et de l'industrie, ne peuvent invoquer à l'égard des tiers leur qualité de commerçant avant leur inscription, si celle-ci n'est pas intervenue dans le délai de deux mois du commencement de leur activité ;

Considérant que ce n'est, ainsi, qu'à compter de son immatriculation au répertoire du commerce et de l'industrie soit à partir du 24 février 2000, que C. S. a pu, à l'égard des tiers et donc du bailleur, se prévaloir de la qualité de commerçant et donc de l'exploitation de son fonds de commerce, étant rappelé que le bénéfice de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 ne peut être légalement invoqué que par celui qui est à la fois commerçant, propriétaire du fonds de commerce, et locataire des lieux où est exploité le fonds ;

Considérant que l'exploitation en cause ne répond pas ainsi à la condition de durée exigée par l'article 1er de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 qui ne saurait s'appliquer qu'à une exploitation régulière et licite de la part du locataire, dans ses relations avec le bailleur ; qu'il en résulte, C. S. ne pouvant ainsi prétendre au renouvellement du bail, que les dispositions de l'article 18 de cette même loi ne lui sont pas applicables ;

Considérant qu'il convient, dès lors, d'infirmer l'ordonnance entreprise et, ce faisant, de débouter l'intimé, demandeur à la procédure, de ses demandes, fins et conclusions, et de le condamner aux dépens de première instance et d'appel ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

Statuant contradictoirement,

- Dit C. B. agissant comme syndic, recevable et fondé en son appel ;

- Infirme l'ordonnance entreprise du 14 février 2003 ;

Statuant à nouveau,

- Déboute C. S. de ses demandes.

Composition

M. Landwerlin, prem. prés. ; Mlle Le Lay, prem. subst. proc. gén. ; Mes Michel et Rey, av. déf.

Note

Cet arrêt infirme l'ordonnance du 14 février 2003 prise sur le fondement de l'article 18 de la loi n° 490 laquelle avait déclaré recevable la demande formée par S. qui prétendait avoir droit à une indemnisation pour défaut de renouvellement d'un bail commercial, et avait désigné un expert pour fixer le montant de la comparution du bailleur.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 27117
Date de la décision : 18/05/2004

Analyses

Baux commerciaux


Parties
Demandeurs : B. ès qualité de syndic
Défendeurs : S.

Références :

articles 441 alinéa 3 et 442 du Code de commerce
loi n° 490 du 24 novembre 1948
article 13 de la loi n° 721 du 27 décembre 1961
article 530 du Code de commerce
article 18 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948
article 1009 du Code civil
ordonnance du 14 février 2003
article 429 du Code de procédure civile
article 18 de la loi n° 490 du 24 octobre 1948
Code de commerce
article 1er de la loi n° 490 du 24 novembre 1948


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2004-05-18;27117 ?

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