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11/03/2003 | MONACO | N°27077

Monaco | Cour d'appel, 11 mars 2003, Sté C. c/ Sté G. M. et Cie


Abstract

Marques de fabrique

Reproduction à titre d'enseigne - Action en contrefaçon - Condition d'exercice : - Loi n° 1058 du 10 juin 1983 - Article 3, 23 et suivants

Résumé

Ainsi que le prévoit l'article 4 § 1 de l'Arrangement de Madrid, susvisé l'enregistrement international de la marque nominale « Allure » n° 601.789 a produit à Monaco, au bénéfice de la Société C., les effets d'un dépôt national de cette marque, ce qui autorisait cette société à agir, comme elle l'a fait, sur le fondement des articles 3, 28 et 30 de la loi n° 1058 du 10

juin 1983, dont résulte à Monaco la protection civile du propriétaire d'une marque ;

À cet éga...

Abstract

Marques de fabrique

Reproduction à titre d'enseigne - Action en contrefaçon - Condition d'exercice : - Loi n° 1058 du 10 juin 1983 - Article 3, 23 et suivants

Résumé

Ainsi que le prévoit l'article 4 § 1 de l'Arrangement de Madrid, susvisé l'enregistrement international de la marque nominale « Allure » n° 601.789 a produit à Monaco, au bénéfice de la Société C., les effets d'un dépôt national de cette marque, ce qui autorisait cette société à agir, comme elle l'a fait, sur le fondement des articles 3, 28 et 30 de la loi n° 1058 du 10 juin 1983, dont résulte à Monaco la protection civile du propriétaire d'une marque ;

À cet égard, il est de l'essence de l'action en contrefaçon de marques de permettre la cessation, pour l'avenir, des troubles causés au demandeur par l'auteur de la contrefaçon incriminée, de sorte qu'il appartient au Tribunal de première instance lorsqu'il en est requis et qu'il constate une contrefaçon ou une imitation frauduleuse de marque, d'imposer au défendeur toute injonction utile, assortie au besoin d'une astreinte, afin de réglementer l'usage par celui-ci de sa marque litigieuse, de lui en interdire l'usage, ou même d'ordonner l'annulation totale ou partielle de tout enregistrement qui serait contraire aux prescriptions de la loi n° 1058 précitée, comme le prévoit l'article 30 de celle-ci ;

Ainsi, l'action en annulation de dépôt ou en interdiction d'usage n'est réservée au seul titulaire d'une marque notoirement connue, au sens des conventions internationales, comme le prévoit l'article 5 de ladite loi, qu'à défaut d'enregistrement de la marque à Monaco ;

Il convient, dès lors, d'examiner l'action en contrefaçon désormais déférée à la Cour par l'appel de la Société C., sans égard à l'incidence qu'aurait par ailleurs la notoriété de la marque « Allure », dont est titulaire cette appelante, quant à l'éventualité d'une action fondée sur les dispositions de l'article 5 précité de la loi n° 1058 ;

À cet égard, aux termes de l'article 3 de la loi n° 1058 du 10 juin 1983 le droit de se prévaloir de la propriété exclusive d'une marque prétendument contrefaite, suppose que celle-ci ait été préalablement enregistrée dans les conditions déterminées par arrêté ministériel, afin de désigner, comme le prévoit l'article 1er de cette loi, « les produits, objets ou les services d'une entreprise quelconque » ;

L'arrêté ministériel n° 83448 du 21 septembre 1983 prévoit à ce propos que la demande de dépôt comporte l'énumération des produits ou services que la marque sert à désigner et les classes correspondant à la classification résultant de l'Arrangement de Nice en date du 15 juin 1957, tel qu'il a été modifié ;

Il se déduit de l'ensemble de ces dispositions, associés au principe édicté par l'article 3 alinéa 1er de la loi précitée n° 1058, selon lequel « la propriété de la marque s'acquiert pour un premier usage public et notoire », qu'une marque ne constitue une antériorité susceptible de faire obstacle à l'utilisation ultérieure d'une marque similaire que pour les produits ou les services qui figurent dans l'acte de dépôt ;

En revanche, et sous cette réserve tenant à la spécialité des marques, la propriété d'une marque régulièrement déposée et enregistrée à Monaco, est absolue et s'étend à l'ensemble du territoire de la Principauté, en conférant à son titulaire, sur le fondement des articles 23 et suivants de la loi n° 1058 du 10 juin 1983, une action contre tous ceux qui y portent atteinte, de bonne ou de mauvaise foi, ce qui permet à celui qui s'en trouve investi d'interdire en particulier la reproduction par un tiers de cette marque, à quelque titre que ce soit, même au cas où la dénomination reproduite ne serait pas utilisée comme une marque, mais seulement à titre d'enseigne, indépendamment de tout usage et de toute apposition sur les produits vendus ;

En l'espèce l'enseigne du magasin de la Société M. reproduisait à l'identique, lors de l'activité effective de cette société, la marque « allure » dont la Société C. est propriétaire, et dont elle a obtenu l'enregistrement susvisé n° 601.789 étendu à la Principauté de Monaco ;

Elle signalait alors un commerce dans lequel, ainsi que l'a relevé le constat précité du 16 février 1994, la Société M. offrait à la vente du parfum, produit identique à celui couvert par le dépôt de la marque précitée ;

Il s'ensuit que la reproduction à titre d'enseigne de cette marque caractérisait, en l'espèce, une contrefaçon de celle-ci, dont la Société C. était fondée à se prévaloir ;

Il en va de même pour les flacons de parfum et leur emballage, marqués de la dénomination « L'Allure » et « L'allure/Monte-Carlo », dès lors que la marque protégée « Allure », qui bénéficie en tant que telle d'une grande notoriété établie par la Société C., a été reproduite en gros caractères sur ces articles avec la simple adjonction initiale de la lettre « L' » non susceptible de faire perdre au terme « Allure » son individualité et son pouvoir distinctif, non plus d'ailleurs que la dénomination « Monte-Carlo », également accolée à ce terme, mais selon un graphisme matériellement distinct ne se fondant pas dans un ensemble ;

Une telle dénomination ne peut être par ailleurs tenue, en l'espèce, comme ayant eu la valeur d'une simple localisation appliquée à un commerce désigné par un mot du langage courant, celui d'Allure se révélant en effet distinctif du parfum désigné, tandis que la notoriété de la marque de même nom s'opposait à un quelconque affaiblissement de celle-ci en présence d'une dénomination même attractive telle « Monte-Carlo » ;

Au regard de la reproduction ainsi révélée de la marque « Allure » sur les flacons et emballages considérés, la contrefaçon imputée par la Société C. à la Société M. doit être en tant que telle constatée, même en l'absence, invoquée par la Société M., de tout risque de confusion, dès lors qu'il s'agit de reproduction et non d'une simple imitation frauduleuse de marque par emprunts d'éléments caractéristiques sans exacte reprise de la dénomination en cause ;

En particulier, s'agissant d'une contrefaçon de marque par reproduction, les différences pouvant exister entre les produits commercialisés sous les désignations considérées n'ont pas à être d'avantage analysées, non plus que la présentation de ces produits, le litige devant être, en effet, apprécié au regard de la marque protégée elle-même, telle qu'elle a été enregistrée, et de sa reproduction ;

Motifs

La Cour,

Considérant les faits suivants :

La société anonyme de droit français C. (France), a obtenu, à effet du 7 juin 1993, et sous le n° 601 789, le, l'enregistrement pour 20 ans, de la marque nominale « Allure » auprès du Bureau international de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) instituée par la Convention de Stockholm du 14 juillet 1967, qui a été rendue exécutoire à Monaco par ordonnance souveraine n° 5539 du 18 mars 1975.

Il a été procédé à cet enregistrement conformément aux stipulations de l'Arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques, du 14 avril 1891, tel que révisé en dernier lieu, également à Stockholm le 14 juillet 1967, lequel a été rendu exécutoire à Monaco par ordonnance souveraine n° 5685 du 29 octobre 1975.

Comme le prévoir l'article 3 bis de cet acte ainsi que la déclaration correspondante de la Principauté, notifiée au Directeur général à l'OMPI le 15 décembre 1966, la société C. a expressément demandé que la protection résultant de l'enregistrement international de la marque « Allure » s'étende à Monaco, étant rappelé qu'aux termes de l'article 4 dudit traité « à partir de l'enregistrement ainsi fait au Bureau international (...) la protection de la marque dans chacun des pays contractants intéressés sera le même que si cette marque y avait été directement déposée ».

Au vu de ce même enregistrement, et pour se conformer à l'article 3 de l'Arrangement de Madrid précité, la société C. a indiqué les produits ou les services pour lesquels elle a revendiqué la protection de la marque « Allure », par référence à la classification établie par l'Arrangement de Nice du 15 juin 1957, qui a été révisé en dernier lieu à Genève, le 13 mai 1977, et qui est entré comme tel en vigueur, pour la Principauté de Monaco, le 9 mai 1981, aux termes de l'ordonnance souveraine n° 7046 du 20 mars 1981.

Cette classification commune, comprenant notamment une liste des classes, a été adoptée à Monaco, conformément aux stipulations de l'Arrangement de Nice, et publiée par ordonnance souveraine n° 10657 du 29 septembre 1992.

Selon les indications afférentes au dépôt international de la marque « Allure » celle-ci s'applique, en particulier, aux produits de parfumerie mentionnés par la 3e classe de cette même classification.

Motif pris de ce que sa marque, ainsi déposée et enregistrée, avait été contrefaite par la société en commandite simple M. et Cie, qui exploitait alors à Monaco un commerce sous l'enseigne « A. S. H. », en y diffusant une eau de toilette dénommée « L'Allure/Monte-Carlo », la société C. a fait assigner en contrefaçon ladite société M. en demandant alors au Tribunal de première instance, d'interdire à celle-ci, notamment, l'usage de tous produits utilisant la marque « Allure », et de la condamner à lui payer la somme de 500 000 Francs à titre de dommages-intérêts, le tout avec publication du jugement de condamnation ainsi requis et exécution provisoire de celui-ci sous astreinte.

Cette assignation faisait suite à un procès-verbal de saisie-contrefaçon parallèlement dressé par huissier, le 16 février 1999, à la requête de la société C. consécutivement à une ordonnance l'autorisant, rendue le 7 janvier 1999 par le président du Tribunal de première instance sur le fondement de l'article 27 de la loi n° 1058 sur les marques de fabrique de commerce ou de service, du 10 juin 1983.

Au vu de ce constat, et des photographies qui l'accompagnent, il s'est avéré que l'enseigne du magasin de la société M., sis à Monaco, comportait en surplomb de toute sa devanture l'inscription « Allure », écrite en lettres capitales bleues, sur fond clair ; qu'en partie basse d'une vitrine située à gauche de l'entrée de ce magasin, la boîte d'un flacon de parfum était visible, qui comportait la même inscription précédée de l'article « L' » et suivie, en lettres italiques, d'une inscription inclinée comportant les mots « Monte-Carlo » ;

Que diverses étiquettes autocollantes avec la mention « Allure » ont été également découvertes à l'intérieur du magasin, de même que plusieurs flacons de parfum « L'Allure » mis en vente au prix de 100 francs, ainsi que des coupe-vent, des casquettes, et une pelote à épingles, brodés au nom de « L'Allure Monte-Carlo », des couettes contenues dans des emballages revêtus d'étiquettes portant pareillement l'inscription « Allure Monte-Carlo » et divers autres articles, tampons ou étiquettes revêtus des mentions « Allure » ou « Allure stock house ».

L'huissier instrumentaire a dès lors à la saisie d'un flacon, d'un coupe-vent et de trois casquettes marqués « L'Allure Monte-Carlo » dans le magasin de la société M.

La société C., qui invoquait parallèlement le dépôt international d'une autre marque « Allure Chanel » à effet du 24 mars 1997 (n° 670-700) s'appuyait expressément en son action en contrefaçon, sur les termes du constat d'huissier ainsi dressé le 16 février 1999 révélant, donc, effectivement, comme elle en faisait grief à la société M., que l'enseigne du magasin de celle-ci portait bien la dénomination « Allure » et que plusieurs flacons de parfum, offerts à la vente dans ce magasin, étaient revêtus sur leur emballage de l'inscription « L'Allure/Monte-Carlo ».

La société C. estimait que ces circonstances caractérisaient à son détriment des faits de contrefaçon de la marque « Allure » désignant un parfum, ou à tout le moins, une imitation illicite et frauduleuse de celle-ci, et que la confusion pouvant en résulter dans l'esprit de sa clientèle était de nature à justifier à son profit l'octroi de dommages-intérêts pour réparer son préjudice ;

La société M., concluant principalement à l'irrecevabilité des demandes de la société C., par suite d'une erreur de désignation du siège social de celle-ci contenue dans l'assignation, et, indiquant se trouver elle-même en liquidation amiable depuis le 16 août 2000, sollicitait subsidiairement le rejet quant au fond de l'action dirigée à son encontre par la société C. en faisant valoir, pour l'essentiel, d'une part, que celle-ci n'avait déposé la marque que pour la seule classe 3 de la classification internationale susvisée, alors que divers articles étrangers à la catégorie de produits ainsi définie avaient été saisis lors du constat d'huissier précité, d'autre part, que les caractéristiques des flacons revêtus de l'inscription « L'Allure/Monte-Carlo » qui n'étaient d'ailleurs que des objets promotionnels rarement vendus à la clientèle, étaient différentes de celles des flacons vendus par la société C., enfin qu'une telle inscription comportait trois mots formant un tout indivisible dans lequel celui d' « Allure » avait perdu son individualité, de sorte que la marque désignée par ce terme ne pouvait être tenue en l'occurrence pour contrefaite.

La société C. rectifiant son erreur d'adresse, liminairement relevée par la société M., répliquait, en revanche, que le terme « Allure », était déterminant de sa marque, l'adjonction des mots « Monte-Carlo » n'étant en définitive qu'accessoire, et que, par l'utilisation de ce terme, notamment pour l'enseigne de son commerce, la société M. avait adopté un comportement fautif laissant transparaître en réalité une volonté manifeste de tirer indûment parti de la notoriété de la marque déposée du même nom, circonstance justifiant dès lors, également une action en concurrence déloyale sur le fondement de l'article 1229 du Code civil, ce que contestait, cependant, la défenderesse faute d'éléments de fait distincts permettant, à ses dires, de justifier qu'une action de ce type puisse s'ajouter en l'espèce à l'action en contrefaçon introduite par la société C..

La société M. concluait par ailleurs, reconventionnellement, à la condamnation de la société C. à lui payer la somme de 500 000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

En l'état du litige ainsi défini en ses termes essentiels, le Tribunal de première instance, par jugement du 30 novembre 2000 a déclaré valable l'exploit d'assignation du 1er mars 1999 et recevable l'action introduite par la société C., donné acte à la société M. de sa mise en liquidation amiable à compter du 16 août 2000, débouté la société C. des fins de son action en contrefaçon dirigée à l'encontre de la société M., et, également des fins de son action en concurrence déloyale comme du surplus de ses demandes.

Par ailleurs, et faisant droit partiellement à la demande reconventionnelle de la société G. M. et Cie, le Tribunal de première instance a condamné la société C., outre dépens, à payer à celle-ci la somme de 20 000 francs à titre de dommages-intérêts.

Pour se prononcer de la sorte, quant au fond, le Tribunal de première instance a d'abord retenu que le dépôt international des marques précitées n° 601.785 et 670.700 caractérisait à Monaco un premier usage de celles-ci conférant à la société C. la propriété de ces marques selon la loi monégasque n° 1058 du 10 janvier 1983 qui devait être appliquée à ce titre en vertu du principe de l'indépendance des marques résultant de l'article 6 bis de la Convention de Paris du 20 mars 1883, ladite loi étant par là même appelée à régir ainsi les conditions et les effets de la protection qui en résultait quant aux marques en commerce.

À cet égard, le Tribunal de première instance a ensuite relevé que, selon l'article 5 de la loi n° 1058 l'action en annulation de dépôt ou interdiction d'usage, est réservée au seul titulaire d'une marque « notoirement connue » et que les marques « Allure » et « Allure Chanel » jouissaient d'une réputation presque mondiale et s'imposaient depuis au moins deux ans hors de leurs pays d'origine et d'un cercle d'usagers habituels en touchant une clientèle internationale et diversifiée, de sorte que la demande en interdiction d'usage présentée par la société C., et exempte de toute condition de délai, était dès lors recevable en la forme.

Le Tribunal de première instance a, en revanche, estimé que, pour pouvoir prospérer, une telle action devait concerner une marque susceptible de créer une confusion avec celle antérieurement déposée.

À ce propos, et s'agissant d'abord des flacons de parfum incriminés, revêtus de l'inscription « L'Allure/Monte-Carlo », le Tribunal de première instance, outre les dissemblances de présentation entre les emballages et les flacons de la vitrine M. et ceux de la société C., a, pour l'essentiel, estimé que le mot « Allure » est un simple nom commun caractéristique d'une marque générique ou « faible » perdant son individualité dans l'expression « L'Allure Monte-Carlo », groupe nominal ayant, en effet, un sens et un caractère distinctif propre, indépendant de chacun de ses composants, alors qu'en l'espèce, s'agissant d'un commerce de vêtements, la terminologie incriminée revêtait un pouvoir évocateur significatif, le chaland étant ainsi supposé pouvoir prétendre à l'allure des résidents de Monte-Carlo ; qu'en outre, la lettre « L » située devant le nom commun et l'adjonction de Monte-Carlo à sa suite apparaissaient déterminants.

Le Tribunal de première instance a donc déduit que la marque « L'Allure Monte-Carlo » ne caractérisait pas la contrefaçon alléguée par la société C., aucun risque de confusion n'étant susceptible de naître dans l'esprit du public entre les deux marques, en raison de leur signification respective.

Pour ce qui est, d'autre part, de l'enseigne et de divers articles vestimentaires saisis, le Tribunal de première instance a noté que la contrefaçon étant également constituée en cas de reproduction d'une marque à titre d'enseigne, il y avait lieu de déterminer si la société M. s'était rendue coupable de tels agissements en apposant le nom commun « Allure » au-dessus de sa vitrine, comme sur les vêtements saisis (2 coupe-vent et 4 casquettes).

Le Tribunal de première instance a cependant mentionné qu'à cet égard, force était de constater que la possibilité de confusion ne pouvait être appréciée indépendamment du domaine d'utilisation de chacune des marques, ce qui devait le conduire à relever que la société M. exploitait à Monaco sous la dénomination sociale « A. S. H. » un commerce de vêtements et articles divers relevant de la classe 25 des produits et services auxquels s'appliquent les marques de fabrique (ressortissant de l'ordonnance n° 7802 du 21 septembre 1983 contenant cette classification) tandis que le dépôt effectué par société C. n'avait été effectué que pour la classe 3 (parfums et cosmétiques).

Le Tribunal de première instance en a donc déduit que l'emploi du terme « Allure », appartenant au langage courant et de surcroît approprié au secteur de la confection, n'avait pu induire en erreur ni influencer un client moyennement avisé alors que le droit privatif des titulaires de marques ne saurait avoir pour résultat de s'opposer à l'usage des termes usuels de la langue française par des tiers, exerçant de surcroît dans d'autres secteurs d'activité.

En conséquence, le Tribunal de première instance a estimé que l'usage du nom commun « Allure » par la société M. revendeur de vêtements n'était pas répréhensible, ni constitutif de la contrefaçon alléguée, en sorte que la société C. devait être déboutée des fins de son action en contrefaçon dirigée contre la société M.

Ensuite de l'exploit d'appel et d'assignation susvisé, qu'elle a complété par les conclusions récapitulatives, la société C. demande désormais qu'il plaise à la Cour, par voie de réformation du jugement ainsi rendu le 30 novembre 2000,

(1) dire qu'en faisant usage de la dénomination Allure comme enseigne d'une boutique dans laquelle était offerte en vente et vendue une eau de toilette, la société G. M. et Cie a commis une contrefaçon de la marque de parfums Allure appartenant à la société C.,

(2) dire qu'en apposant sur un flacon d'eau de toilette la dénomination « L'Allure », la société G. M. et Cie a commis un acte de contrefaçon de la marque Allure appartenant à la société C.,

(3) dire qu'en apposant sur les boîtes contenant les flacons d'eau de toilette la dénomination « L'Allure » suivie en-dessous et en disposition oblique du nom Monte-Carlo, la société G. M. et Cie a contrefait la marque Allure de la société C. ou à tout le moins en a fait une imitation illicite,

(4) faire défense à la société G. M. et Cie de faire usage de la dénomination « Allure », avec ou sans article et avec ou sans le nom Monte-Carlo ou autre adjonction, à titre de marque, d'enseigne ou de toute autre manière en relation avec un produit de parfumerie, sous astreinte de 10 000 francs par jour de retard à se conformer à l'interdiction,

(5) condamner la société G. M. et Cie à payer à la société C. la somme de 500 000 francs à titre de dommages-intérêts, en réparation de l'ensemble du préjudice causé par la contrefaçon et les actes de concurrence déloyale connexes,

(6) ordonner la publication de l'arrêt à intervenir aux frais de la société G. M. et Cie dans des journaux ou périodiques choisis par la société C., dans la limite de cinq insertions et d'un montant global de 50 000 francs hors taxes,

(7) ordonner la confiscation de tous panonceaux, étiquettes, boîtes, flacons ou autres objets portant la marque contrefaite et leur remise à la société C. en vue de leur destruction aux frais de la société G. M. et Cie,

(8) condamner la société G. M. et Cie aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel, incluant les frais du constat sur ordonnance ayant précédé l'action.

Pour soutenir ses demandes, la société C. précise liminairement qu'elle n'invoque en cause d'appel que ses droits sur la marque de parfum constituée par la dénomination « Allure », tels qu'ils résultent de l'enregistrement international susvisé n° 601.789 du 7 juin 1993.

La société C. s'estime dès lors en droit de réclamer dans la Principauté la protection de cette marque comme s'il s'agissait d'une marque qui y avait été déposée, ce, en application de l'article 4-1er de l'Arrangement de Madrid du 14 avril 1891 révisé, ladite marque jouissant au demeurant d'une grande renommée dans tous les pays et en l'espèce dans la Principauté de Monaco, ainsi que l'ont relevé, à juste titre, les premiers juges.

La société C. soutient, en revanche, que c'est pas des motifs erronés que le Tribunal de première instance a rejeté l'action en contrefaçon et en limitation illicite, qu'elle avait introduite.

L'appelante prétend, en effet, que la société M. a contrefait la marque « Allure » en se servant de cette dénomination comme enseigne d'une boutique dans laquelle était offerte à la vente une eau de toilette, ces faits étant constitutifs d'une contrefaçon au sens de l'article 23-1er de la loi n° 1058 du 10 juin 1983 sur les marques de fabrique.

La société C. relève à ce propos que la dénomination de sa marque a été reproduite à l'identique, et que, s'agissant d'une contrefaçon, il n'y a pas lieu de rechercher s'il existe un risque de confusion, alors, par ailleurs, que selon une jurisprudence française et monégasque constante, l'usage comme enseigne d'une dénomination protégée à titre de marque au profit d'un tiers constitue une contrefaçon de cette marque, dès l'instant que l'enseigne désigne un lieu dans lequel est vendu ou offert à la vente un produit faisant l'objet de la marque, étant rappelé que la société M. vendait une eau de toilette dans un magasin portant l'enseigne « Allure », encore que cette vente eût été présentée comme accessoire à la vente de vêtements et que l'eau de toilette fût, prétendument, tantôt offerte en prime aux acheteurs de vêtements, tantôt vendue et facturée séparément à ces acheteurs, car la vente d'eau de toilette dans un magasin à l'enseigne « Allure » suffisait à établir la matérialité de la contrefaçon alléguée.

Complétant ses propos, la société C. mentionne en outre que la société M. a vendu une eau de toilette contenue dans un flacon portant la dénomination « Allure » de sorte que les premiers juges ont fait une erreur de droit en écartant la contrefaçon au motif que la forme du flacon et de son bouchon serait différente de celle du produit C. et que l'eau de toilette aurait une couleur différente de celle vendue par C. sous la marque « Allure » car ces circonstances sont indifférentes dès lors qu'il s'agit de déterminer si une marque a été reproduite ou imitée en violation des droits de son propriétaire, l'atteinte à la marque devant être appréciée au regard du signe tel qu'il figure dans l'enregistrement et non tel qu'il est utilisé à un moment donné par le propriétaire de la marque.

La société C. prétend également que c'est encore à tort que le Tribunal de première instance a nié la contrefaçon au motif que l'article « L' » serait déterminant pour écarter celle-ci alors qu'il est de règle que l'adjonction ne supprime pas la contrefaçon, et que, phonétiquement, la labiale « L' » dans sa forme élidée n'apporte aucune rupture dans la prononciation du mot « Allure » qui puisse conduire à distinguer les deux formes, de sorte que cet article ne changerait pas le sens du mot, qui, sémantiquement, demeurait le même, outre que, visuellement, la présence ou l'absence de l'article échappe à un consommateur moyennement attentif qui n'a pas les deux signes en même temps sous les yeux.

La société C. soutient, par ailleurs, que contrairement à ce qu'on dit les premiers juges, la circonstance que le signe soit un mot du langage courant est indifférente, dès l'instant que ce mot, appliqué à un parfum ou une eau de toilette, permet de les distinguer des produits identiques vendus par d'autres entreprises, tel étant le cas du mot « Allure » appliqué à un parfum, puisque ce terme traduit une impression visuelle, une attitude physique ou une position qui sont sans rapport avec un produit liquide et la flagrance qu'il émet.

Cette appelante prétend donc que la marque « L'Allure » apposée sur le flacon d'eau de toilette constitue une contrefaçon, en application de l'article 23-1°de la loi n° 1058 précitée et qu'il n'y avait pas lieu de rechercher s'il existait un risque de confusion, la simple reproduction du signe étant suffisante pour qualifier la contrefaçon au sens de ce texte, alors qu'en tout état de cause il est certain qu'elle constituerait une imitation illicite sous l'empire de l'article 24 de la même loi, en raison du risque de confusion, et qu'enfin, s'agissant d'un quasi-délit civil, il n'y avait pas lieu de rechercher l'intention frauduleuse, qui serait au demeurant présente en l'espèce.

La société C. fait valoir, d'autre part, qu'en apposant sur les boîtes contenant les flacons d'eau de toilette l'inscription « L'Allure/Monte-Carlo », la société M. a également porté atteinte à la marque « Allure » par contrefaçon, ou, à tout le moins par imitation illicite, car, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la dénomination « L'Allure » ne forme pas un tout indivisible avec le nom Monte-Carlo.

La société C. relève en effet que le mot « Allure » sur la boîte incriminée apparaît en lettres capitales de grande taille, tandis que le nom « Monte-Carlo » est placé en dessous et en biais en lettres de taille plus petite, ce qui suffit à montrer que les deux dénominations peuvent être séparées et ne sont donc pas indivisibles, comme le confirmerait l'usage de la dénomination « L'Allure », prise seule, sur les flacons, la marque « L'Allure » sur la boîte n'étant, en fait, qu'un rappel de la marque sur le flacon, de sorte que l'adjonction du nom de lieu Monte-Carlo ne supprimerait pas la contrefaçon, et qu'en tout état de cause, elle n'empêcherait pas la confusion avec la marque de la société C. puisque celle-ci aurait pu elle-même réserver à la vente dans la Principauté une série spéciale de cet article portant le nom Monte-Carlo, pour être vendu comme un souvenir d'un passage dans cette ville.

Le risque de confusion serait donc manifeste, selon l'appelante, sans qu'il y ait lieu ici non plus de s'arrêter à la forme de la boîte sur laquelle le signe était apposé, encore que celle-ci ne soit pas sans similitudes, par sa couleur et le liseré en bordure, avec la boîte du parfum « Allure » de C.

S'agissant de l'action en concurrence déloyale, la société C. fait grief aux premiers juges, d'avoir déclaré celle-ci mal fondée alors qu'elle-même devait être admise à imputer la faute à la société M. d'avoir adopté comme marque et comme enseigne de vêtements la dénomination « Allure » dont elle n'ignorait pas qu'elle constituait une marque de parfum de grande renommée tandis qu'en cherchant à profiter de cette circonstance pour la vente de vêtements, souvent associés par le public à la vente de parfums de luxe, elle avait commis une faute et a causé un préjudice dont elle devait donc réparation.

La société M. en défense aux demandes et moyens d'appel ainsi formulés par la société C. a, en premier lieu, rappelé qu'ayant pour dénomination commerciale « A. S. H. » elle exerçait le commerce par autorisation ministérielle du 19 octobre 1997 avec, pour objet social, le négoce en gros, demi-gros et au détail, l'importation, l'exportation, la représentation, et le courtage de tous articles et accessoires d'habillement, de textile, de bonneterie, linge de maison, draperie, maroquinerie et chaussures.

Exploitant de la sorte un commerce de vêtements à bas prix, elle admet avoir, à titre de promotion publicitaire, commandé à un parfumeur de Grasse 250 flacons vaporisateurs et 25 testeurs d'un parfum de couleur bleue reprenant le nom de l'enseigne et intitulé « L'Allure » et « L'Allure/Monte-Carlo » inscriptions figurant respectivement sur le flacon et la boîte d'emballage.

Au regard de ces circonstances et prétendant liminairement que la société C. avait présenté pour la première fois en cause d'appel diverses demandes nouvelles correspondant aux chiffres (1), (2), (3), (4) et (7) de leur énoncé ci-dessus rapporté, qu'elle estime donc irrecevables, la société M. a conclu à la confirmation du rejet des prétentions de la société C. prononcé par le Tribunal en son jugement entrepris.

À ce propos la société M. souligne que la marque « Allure » n'a été déposée que pour les articles de la classe 3, de sorte que devrait immédiatement constaté le caractère abusif de la saisie, opérée par l'huissier lors du constat susvisé du 16 février 1999, d'effets vestimentaires relevant de la seule classe 25, qui est celle de sa propre activité.

S'agissant par ailleurs de ses flacons de parfum marqués sur l'emballage « L'Allure/Monte-Carlo », la société M., se référant à un autre constat auquel elle a fait elle-même procéder pour les flacons du parfum « Allure » que diffuse la société C., estime qu'il existe une totale différence entre les deux produits, pour ce qui est de la forme des flacons, de celle de leurs bouchons, de la couleur des parfums et des boîtes d'emballage et des caractères typographiques utilisés par les marques, étant en outre par elle souligné que celles-ci sont elles-mêmes différentes, l'une étant « L'Allure/Monte-Carlo », l'autre « Allure Chanel », de sorte qu'aucune confusion des produits ne pourrait être envisagée.

La société M. prétend, à ce propos, qu'il y avait en outre lieu de faire application de la théorie de « tout indivisible », excluant qu'il puisse y avoir contrefaçon lorsque la marque reproduite est associée à un ou plusieurs signes qui la rendent en quelque sorte méconnaissable, soit que ces signes additionnels occupent une place importante, soit que la marque à laquelle ils sont adjoints soit trop faiblement distinctive pour ne pas être aussitôt « diluée ».

Sur ce point, se référant à la jurisprudence française, la société M. estime que le mot « Allure », nom commun logiquement utilisable par un magasin de vêtements indique une « marque faible », à l'instar d'autres termes qui, accolés à un mot qui les complète, perdent leur individualité, ce qui exclut que leur ensemble soit contrefaisant de la marque représentée par le terme isolé, diverses décisions ayant ainsi écarté la contrefaçon pour « Authentic henne » par rapport à « Authentique », pour « Première ligne » par rapport à « Premier », pour « Best Voyages » ou « Groupe Best » par rapport à « Best » pour « Interplus » par rapport à « Plus », pour « New Vogue » ou « Vogue Snop » par rapport à « Vogue », pour « Afer du Rond Point » par rapport à « Rond Point », ou « First Lady » par rapport à « First », tous exemples qui devraient être rapprochés du cas de l'espèce où, dans le signe « L'Allure Monte-Carlo », le mot Allure est repris de l'enseigne du magasin « A. S. », de sorte qu'en étant associé à « Monte-Carlo » il viserait ledit magasin ouvert à Monaco et non le parfum qui ne serait qu'un souvenir offert à titre promotionnel.

Formant d'autre part appel incident, la société M., motif pris de ce que la société C. usant de sa puissance par rapport à un « petit » du commerce, n'aurait pas hésité à faire saisir des articles non protégés par la classe de dépôt de la marque revendiquée, et de ce que la présente procédure avait fait péricliter le début de son exploitation commerciale, estime que les dommages-intérêts alloués par le Tribunal de première instance ne correspondent pas à son préjudice et devraient être portés à 500 000 francs, outre 100 000 francs pour appel abusif.

En ses dernières conclusions, la société M. insiste par ailleurs, pour contester la contrefaçon qui lui est imputée, d'une part, sur la jurisprudence écartant celle-ci lorsque le même nom est utilisé à titre de marque pour des secteurs d'activité différents, d'autre part, sur la théorie du tout indivisible antérieurement invoquée, qui permettrait de conclure, en l'occurrence que l'adjonction du terme « Monte-Carlo » se révèle comme un élément accessoire de la localisation, ces mots étant en fait, par leur impact et la renommée internationale s'attachant à la localisation qu'ils désignent, plus importante que le terme de « L'Allure ».

Enfin la société M. conteste en ces mêmes conclusions qu'elle ait pu commettre une faute comme il lui est reproché par la société C. en utilisant la marque notoire du parfum « Allure », alors que le Tribunal avait, à juste titre, relevé le contraire, faute d'identité de classes applicables aux articles à considérer et de confusion possible entre eux.

Sur quoi,

En la forme,

Considérant qu'ainsi qu'il a été ci-dessus rapporté, la société C. a, par son exploit introductif de la première instance, déclaré expressément agir en contrefaçon à l'encontre de la société M. en indiquant précisément à la page 4 de cet acte qu'il résultait du procès-verbal de constat du 16 février 1999 ci-dessus rapporté, que le nom utilisé par la société défenderesse sur l'enseigne de son magasin, les flacons de parfum, les objets publicitaires et tous les documents visés par ce procès-verbal correspondaient, en tous points, à la marque « Allure », ces éléments laissant ainsi apparaître une contrefaçon ;

Que par le même acte la société C. demandait, en conséquence au Tribunal de constater « l'acte de contrefaçon » ainsi commis par la société M., et de prononcer l'interdiction d'usage des produits utilisant la marque « Allure » ;

Considérant qu'il s'ensuit que les demandes ci-dessus rapportées (1), (2), (3) et (4) que la société M. fait grief à la société C. d'avoir formé pour la première fois en cause d'appel, ne sont pas nouvelles et doivent donc être, à ce titre reçues ;

Considérant qu'en revanche, la demande de confiscation (7) actuellement soutenue par l'appelante n'a pas été présentée en première instance ; qu'elle doit donc être déclarée irrecevable comme le sollicite l'intimée, par application de l'article 431 alinéa 2e du Code de procédure civile ;

Au fond,

Considérant qu'ainsi que le prévoit l'article 4 § 1 de l'Arrangement de Madrid, susvisé l'enregistrement international de la marque nominale « Allure » n° 601.789 a produit à Monaco, au bénéfice de la société C., les effets d'un dépôt national de cette marque, ce qui autorisait cette société à agir, comme elle l'a fait, sur le fondement des articles 3, 28 et 30 de la loi n° 1058 du 10 juin 1983, dont résulte à Monaco la protection civile du propriétaire d'une marque ;

Qu'à cet égard, il est de l'essence de l'action en contrefaçon de marques de permettre la cessation, pour l'avenir, des troubles causés au demandeur par l'auteur de la contrefaçon incriminée, de sorte qu'il appartient au Tribunal de première instance lorsqu'il en est requis, et qu'il constate une contrefaçon ou une imitation frauduleuse de marque, d'imposer au défendeur toute injonction utile, assortie au besoin d'une astreinte, afin de règlementer l'usage par celui-ci de sa marque litigieuse, de lui en interdire l'usage, ou même d'ordonner l'annulation totale ou partielle de tout enregistrement qui serait contraire aux prescriptions de la loi n° 1058 précitée, comme le prévoit l'article 30 de celle-ci ;

Qu'ainsi, l'action en annulation de dépôt ou en interdiction d'usage n'est réservée au seul titulaire d'une marque notoirement connue, au sens des conventions internationales, comme le prévoit l'article 5 de ladite loi, qu'à défaut d'enregistrement de la marque à Monaco.

Qu'il convient, dès lors, d'examiner l'action en contrefaçon désormais déférée à la Cour par l'appel de la société C., sans égard à l'incidence qu'aurait par ailleurs la notoriété de la marque « Allure », dont est titulaire cette appelante, quant à l'éventualité d'une action fondée sur les dispositions de l'article 5 précité de la loi n° 1058 ;

Considérant, à cet égard, qu'aux termes de l'article 3 de la loi n° 1058 du 10 juin 1983 le droit de se prévaloir de la propriété exclusive d'une marque prétendument contrefaite, suppose que celle-ci ait été préalablement enregistrée dans les conditions déterminées par arrêté ministériel, afin de désigner, comme le prévoit l'article 1er de cette loi, « les produits, objets ou les services d'une entreprise quelconque » ;

Que l'arrêté ministériel n° 83448 du 21 septembre 1983 prévoit à ce propos que la demande de dépôt comporte l'énumération des produits ou services que la marque sert à désigner et les classes correspondant à la classification résultant de l'Arrangement de Nice en date du 15 juin 1957, tel qu'il a été modifié ;

Qu'il se déduit de l'ensemble de ces dispositions, associées au principe édicté par l'article 3 alinéa 1er de la loi précitée n° 1058, selon lequel « la propriété de la marque s'acquiert pour un premier usage public et notoire », qu'une marque ne constitue une antériorité susceptible de faire obstacle à l'utilisation ultérieure d'une marque similaire que pour les produits ou les services qui figurent dans l'acte de dépôt ;

Qu'en revanche, et sous cette réserve tenant à la spécialité des marques, la propriété d'une marque régulièrement déposée et enregistrée à Monaco, est absolue et s'étend à l'ensemble du territoire de la Principauté, en conférant à son titulaire, sur le fondement des articles 23 et suivants de la loi n° 1058 du 10 juin 1983, une action contre tous ceux qui y portent atteinte, de bonne ou de mauvaise foi, ce qui permet à celui qui s'en trouve investi d'interdire en particulier la reproduction par un tiers de cette marque, à quelque titre que ce soit, même au cas où la dénomination reproduite ne serait pas utilisée comme une marque, mais seulement à titre d'enseigne, indépendamment de tout usage et de toute apposition sur les produits vendus ;

Considérant qu'en l'espèce l'enseigne du magasin de la société M. reproduisait à l'identique, lors de l'activité effective de cette société, la marque « Allure » dont la société C. est propriétaire, et dont elle a obtenu l'enregistrement susvisé n° 601.789 étendu à la Principauté de Monaco ;

Qu'elle signalait alors un commerce dans lequel, ainsi que l'a révélé le constat précité du 16 février 1994, la société M. offrait à la vente du parfum, produit identique à celui couvert par le dépôt de la marque précitée ;

Considérant qu'il s'ensuit que la reproduction à titre d'enseigne de cette marque caractérisait, en l'espèce, une contrefaçon de celle-ci, dont la société C. était fondée à se prévaloir ;

Considérant qu'il en va de même pour les flacons de parfum et leur emballage, marqués de la dénomination « L'allure » et « L'Allure/Monte-Carlo », dès lors que la marque protégée « Allure » qui bénéficie en tant que telle d'une grande notoriété établie par la société C., a été reproduite en gros caractères sur ces articles avec la simple adjonction initiale de la lettre « L' » non susceptible de faire perdre au terme « Allure » son individualité et son pouvoir distinctif, non plus d'ailleurs que la dénomination « Monte-Carlo », également accolée à ce terme, mais selon un graphisme matériellement distinct ne se fondant pas dans un ensemble ;

Qu'une telle dénomination ne peut être par ailleurs tenue, en l'espèce, comme ayant eu la valeur d'une simple localisation appliquée à un commerce désigné par un mot du langage courant, celui d'Allure se révélant en effet distinctif du parfum désigné, tandis que la notoriété de la marque de même nom s'opposait à un quelconque affaiblissement de celle-ci en présence d'une dénomination même attractive telle « Monte-Carlo »,

Considérant qu'au regard de la reproduction ainsi révélée de la marque « Allure » sur les flacons et emballages considérés, la contrefaçon imputée par la société C. à la société M. doit être en tant que telle constatée, même en l'absence, invoquée par la société M., de tout risque de confusion des produits considérés, ce risque n'étant pas ici à examiner, dès lors qu'il s'agit de reproduction et non d'une simple imitation frauduleuse de marque par emprunts d'éléments caractéristiques sans exacte reprise de la dénomination en cause ;

Qu'en particulier, s'agissant d'une contrefaçon de marque par reproduction, les différences pouvant exister entre les produits commercialisés sous les désignations n'ont pas à être davantage analysées, non plus que la présentation de ces produits, le litige devant être, en effet, apprécié au regard de la marque protégée elle-même, telle qu'elle a été enregistrée, et de sa reproduction ;

Considérant, quant au préjudice résultant de ces circonstances, qui a été invoqué par la société C. comme lui ayant été occasionné à hauteur de 500 000 francs par voie de concurrence déloyale et de contrefaçon, il convient d'examiner, en premier lieu, si cette société a pu directement subir un manque à gagner certain du fait que l'activité commerciale de la société M. s'est accompagnée de l'utilisation de la marque « Allure » pour la diffusion de vêtements non couverts par son dépôt ainsi que l'appelante en fait grief à l'intimée, et, d'autre part, si cette utilisation, de par les circonstances de fait l'ayant accompagnée, dans le secteur de la parfumerie, a pu aboutir à une banalisation de la même marque de nature à faire perdre à celle-ci une partie de son pouvoir attractif au préjudice de l'appelante ;

Considérant que, sur ces points, il a été à juste titre relevé par la société M. que l'activité essentielle de celle-ci avait eu pour objet la distribution d'articles vestimentaires ;

Qu'une telle activité n'a pu dès lors occasionner de pertes commerciales significatives à la société C. lors de la diffusion de son parfum ;

Qu'aucune indemnisation n'apparaît dès lors justifiée de ce chef, pour concurrence déloyale ;

Considérant, en outre que, si l'utilisation de la dénomination « Allure » par la société M., afin de promouvoir son activité commerciale, a eu un effet avilissant pour la marque du même nom, en revanche cette activité s'est trouvée située dans une artère commerciale de la principauté, ce qui n'a pu manquer de limiter le caractère néfaste de banalisation de la marque « Allure », dont il sera, en conséquence, dû réparation ;

Qu'ainsi qu'il ressort des conclusions de la société C. quant à la portée de sa demande susvisée n° (4) une telle réparation sera circonscrite du domaine de la seule contrefaçon constatée, nécessairement limité, par le principe de spécialité des marques, à l'usage de la dénomination Allure dans le secteur de la parfumerie correspondant aux produits couverts par cette marque ;

Que, compte tenu de cet ensemble de circonstances la Cour dispose d'éléments suffisants d'appréciation pour fixer à 5 000 euros le préjudice subi de ce chef par la société C., en ce inclus celui né de la nécessité dans laquelle elle s'est trouvée de la faire liquider judiciairement ;

Considérant, par ailleurs, qu'au regard de l'absence de perte de marché ci-dessus évoquée, de ce que la clientèle de la société M. apparaît avoir été principalement distincte de celle de la société appelante, et de ce qu'enfin cette même société M. se trouve désormais en liquidation, la mesure de publication sollicitée n'a pas lieu d'être ordonnée, cette mesure n'apparaissant pas ainsi nécessaire à la réparation du préjudice occasionné à l'appelante ;

Considérant que, pour ce qui est des mesures d'autre part sollicitées par celle-ci propres à prévenir la réalisation d'un tel préjudice à l'avenir, les demandes d'interdiction d'usage s'avèrent justifiées sans qu'il y ait lieu cependant, compte tenu également de l'état de liquidation de la société intimée, de recourir de ce chef à une astreinte, en l'état ;

Considérant, par ailleurs, qu'au regard de ce qui précède et de l'issue du litige, les demandes indemnitaires formulées par la société M. à l'encontre de l'appelante doivent être rejetées, et cette même société condamnée aux dépens de première instance et d'appel lesquels devront inclure, comme il est demandé, les frais du constat susvisé du 16 février 1999, qui a été nécessaire à l'action introduite par l'appelante ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

Statuant contradictoirement,

* infirme le jugement susvisé du Tribunal de première instance du 8 février 2001, et statuant à nouveau,

* Déclare la société en commandite simple G. M. et Cie responsable des faits de contrefaçon, ci-dessus rapportés, de la marque « Allure », propriété de la société anonyme de droit français C.,

* La condamne à payer à celle-ci la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts,

* Lui fait interdiction d'user à l'avenir, de la marque « Allure », tant à titre d'enseigne pour la vente des produits de la classe 3 susvisée, que pour la désignation de ces mêmes produits,

* Déclare la société anonyme C. irrecevable en sa demande de confiscation,

* Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Composition

Me Landwerlin, prem. prés. ; Serdet, proc. gén. Mes Karczac-Mencarelli, Licari av. déf., Stenger av. bar. de Paris

Note

Cet arrêt infirme le jugement du 8 février 2001.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 27077
Date de la décision : 11/03/2003

Analyses

Propriété intellectuelle - Général ; Marques et brevets


Parties
Demandeurs : Sté C.
Défendeurs : Sté G. M. et Cie

Références :

articles 3, 28 et 30 de la loi n° 1058 du 10 juin 1983
article 1229 du Code civil
Code de procédure civile
article 3 de la loi n° 1058 du 10 juin 1983
Loi n° 1058 du 10 juin 1983
ordonnance souveraine n° 10657 du 29 septembre 1992
ordonnance souveraine n° 7046 du 20 mars 1981
article 23-1er de la loi n° 1058 du 10 juin 1983
ordonnance souveraine n° 5539 du 18 mars 1975
arrêté ministériel n° 83448 du 21 septembre 1983
ordonnance n° 7802 du 21 septembre 1983
ordonnance souveraine n° 5685 du 29 octobre 1975


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2003-03-11;27077 ?

Source

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