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26/02/2002 | MONACO | N°26984

Monaco | Cour d'appel, 26 février 2002, Sté Lavazza France - Sté Provence Torréfaction c/ K., G. ès qualités


Abstract

Faillites

Convention franco-monégasque du 13 septembre 1950 - Admission des créances - Créanciers informés de l'état des créances conformément à l'article 469 du Code de commerce - Réclamation formulée au-delà du délai de 15 jours imparti par l'article 470 du Code de commerce - Irrecevabilité de la réclamation forclose - Inapplicabilité de l'article 7 de la convention franco-monégasque : non extension à la vérification des créances, aux termes de l'article 5 de celle-ci, seule est applicable la loi du tribunal saisi.

Résumé

Quant à la

recevabilité de la réclamation,

Si l'article 7 de la Convention de Paris du 13 septembre 195...

Abstract

Faillites

Convention franco-monégasque du 13 septembre 1950 - Admission des créances - Créanciers informés de l'état des créances conformément à l'article 469 du Code de commerce - Réclamation formulée au-delà du délai de 15 jours imparti par l'article 470 du Code de commerce - Irrecevabilité de la réclamation forclose - Inapplicabilité de l'article 7 de la convention franco-monégasque : non extension à la vérification des créances, aux termes de l'article 5 de celle-ci, seule est applicable la loi du tribunal saisi.

Résumé

Quant à la recevabilité de la réclamation,

Si l'article 7 de la Convention de Paris du 13 septembre 1950, applicable aux commerçants ayant des biens en France et à Monaco, impose d'assurer dans ces deux pays, conformément à la législation en vigueur dans chacun d'eux, toutes publications relatives à la faillite ou à la liquidation judiciaire, y compris les inscriptions dans les registres publics, cette exigence, visant certainement les jugements d'ouverture de ces procédures, ne s'étend pas à la vérification des créances opposées aux débiteurs, laquelle, aux termes de l'article 5 de cette même convention, est régie par la seule loi du tribunal saisi ;

Conformément au principe d'unité de masse découlant de ce traité, ladite loi s'applique en effet, comme loi de la faillite, à tous les créanciers composant la masse sans distinction, ce, notamment quant aux déchéances qu'ils peuvent encourir faute de respecter les exigences de forme et délais imposés par cette même loi ;

En l'espèce, s'agissant d'une procédure collective de règlement du passif ouverte à Monaco sur les fondements des articles 408 et suivants du Code de commerce, et concernant un débiteur ayant des biens en France et à Monaco, la forme de la déclaration des créances et les conditions de vérification de celles-ci relevaient seulement de la loi monégasque en application de la convention précitée, ainsi d'ailleurs que cela a pu être le cas, à l'inverse, selon la jurisprudence française, pour la société « Bank of Crédit and Commerce International Ltd (Overseas) » (BBCI) qui possédait des succursales en France et à Monaco, dont le jugement français d'ouverture du redressement judiciaire a été publié au Journal de Monaco du 16 août 1991 (p. 921), et dont la vérification des créances apparaît avoir été également conduite à l'égard des créanciers sur le seul fondement de la loi de la faillite, en l'occurrence la loi française ;

Par ailleurs, ainsi que cela a été ci-dessus rappelé les sociétés Lavazza France et Provence Torréfaction n'ont nullement contesté en leurs conclusions avoir reçu les lettres susvisées, émanant du Greffe général, qui leur ont été adressées en application de l'article 469 du Code de commerce, encore qu'elles ne les aient pas produites ;

Dans ces conditions elles ne peuvent être admises à invoquer, en l'occurrence, comme elles l'ont fait à l'effet de leur réclamation, le défaut de publication en France de l'avis de dépôt au Greffe général de l'état de créances, lequel a fait courir, selon la loi monégasque applicable, un délai de forclusion dont elles ont été ainsi parfaitement informées, et qui ne pouvait non plus échapper à la connaissance du mandataire de la société Lavazza ayant produit la créance de celle-ci et ultérieurement introduit la réclamation en cause en représentant alors cette même société ;

L'expiration de ce délai étant patente lors de la réclamation susvisée, la société Lavazza France, agissant en son nom et comme venant aux droits de la société Provence Torréfaction, était donc irrecevable à formuler cette réclamation, la décision des premiers juges devant être, par voie de conséquence, infirmée sur ce point.

Motifs

La Cour,

Considérant les faits suivants :

Aux termes d'un jugement du Tribunal de première instance, contradictoirement rendu le 6 avril 1995, l'état de cessation des paiements de M. K., qui avait exercé le commerce à Monaco sous l'enseigne « M. O. », a été judiciairement constaté et un premier expert-comptable nommé syndic, qui a été ensuite remplacé par le syndic A. G.

Le Tribunal de première instance a par ailleurs prononcé la liquidation des biens de M. K. suivant jugement du 19 octobre 1996.

Ces décisions, relatives à la cessation des paiements et à la liquidation des biens du débiteur ont été régulièrement publiées au Journal de Monaco comme le prévoient les articles 415 et 496 du Code de commerce.

Elles n'apparaissent pas, toutefois, avoir fait l'objet de la publicité conjointe commandée par l'article 7 de la convention relative à la faillite et à la liquidation judiciaire signée à Paris, le 13 septembre 1950 entre la Principauté de Monaco et la République française, qui a été rendue exécutoire à Monaco par ordonnance souveraine n° 692 du 9 janvier 1953, alors qu'il est constant que M. K. disposait de biens sur le territoire de ces deux États, comme le prévoit ce traité en son article 1er, à l'effet de son application.

Après diverses prorogations du délai prévu à l'article 467 du Code de commerce, le syndic A. G. a dressé, le 17 janvier 2000, un état des créances opposées à M. K., contenant ses propositions d'admission et de rejet provisionnel de celles-ci, qui est parvenu le 26 janvier 2000 au juge commissaire, et sur lequel ce magistrat a statué le 30 janvier 2000, en ordonnant le dépôt au Greffe général dudit état des créances, conformément à la loi.

Selon les mentions de ce document il apparaît que la société Lavazza, domiciliée à (F 94127) Fontenay-sous-Bois, avait produit sous le numéro 123 et par l'intermédiaire de son conseil Maître Jean-Charles Gardetto, agissant comme mandataire, une créance de 750 197,33 francs à titre chirographaire.

Il apparaît aussi que la société Provence Torréfaction, domiciliée à (F 06620) Vallauris, agissant par un autre conseil, Maître Francis Wagner, avait produit pour sa part, également à titre chirographaire, une créance numéro 145, pour la somme de 16 171 910,40 francs.

Sur proposition du syndic G., le juge commissaire a cependant rejeté ces deux productions, au motif que les créances faisant l'objet de celles-ci étaient litigieuses.

Il a été mentionné, en effet, en marge de l'état des créances que, s'agissant de la créance produite par la société Lavazza, un différend existait avec la société Provence Torréfaction, et, pour ce qui est de la production de celle-ci, que le débiteur contestait la créance de la société Lavazza, venant aux droits de la société Provence Torréfaction, qui avait produit pour un autre montant.

Il ressort des pièces du dossier de la procédure dont s'agit, dûment conservées au Greffe général, que, comme le prescrit l'article 469 du Code de commerce, et dès le dépôt de l'état des créances, prévu à l'article 468 et précédent, le greffier en chef ainsi que l'a expressément fait valoir le syndic G. sans contestation adverse, a immédiatement averti de la décision les concernant les sociétés Lavazza et Provence Torréfaction, dès lors que leur créance n'avait pas été admise par le juge commissaire conformément à leur production.

Cet avertissement leur a été adressé, comme le prévoit l'article 607 du Code de commerce, par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception, qui leur a été expédiée de la Poste de Monaco le 1er février 2000, comportant, comme l'exige l'article 469 du même code, mention des dispositions de l'article 470 subséquent.

Les accusés de réception détenus au Greffe général dans la procédure dont s'agit attestent de ce que les lettres ainsi envoyées aux sociétés Lavazza et Provence Torréfaction ont été reçues par ces destinataires à leur adresse en France, respectivement les 2 et 3 février 2000.

Par ailleurs, aux termes d'un avis daté du 31 janvier 2000, et inséré au Journal de Monaco du 4 février 2000, le greffier en chef a informé les créanciers de M. K. du dépôt au Greffe général de l'état des créances opposées à ce débiteur, ce en application, également, de l'article 469 du Code de commerce.

Selon cet avis, et de même que cela figurait dans les lettres susvisées reçues par les sociétés Lavazza France et Provence Torréfaction, le greffier en chef rappelait qu'aux termes de l'article 470 du Code de commerce, le débiteur ainsi que tout créancier serait recevable à formuler des réclamations contre l'état des créances, ce, dans les quinze jours de la publication au Journal de Monaco de l'avis de dépôt au Greffe général de ce document.

Ce n'est qu'après l'expiration de ce délai, et par lettre du 8 mars 2000 adressée au greffier en chef, que Maître Jean-Charles Gardetto, avocat-défenseur déclarant agir pour la défense des intérêts de la société Lavazza France, qui l'avait déjà constitué à cet effet lors de sa production de créance, venant elle-même aux droits de la société Provence Torréfaction a introduit une réclamation contre le rejet des deux productions susvisées ;

Par lettre ultérieure du 28 mars 2000, ce conseil a fait valoir au soutien de la réclamation que les productions rejetées étaient en réalité justifiées comme correspondant au montant de deux créances bien distinctes :

* d'une part, 16 171 910,40 francs, comme réclamée à M. K. au titre d'une indemnité pour concurrence déloyale,

* d'autre part, 151 003,89 francs, montant d'avoirs impayés par M. K., outre la somme de 19 421,94 francs due par celui-ci en raison d'une double facturation injustifiée, soit au total 750 197,33 francs.

Après avoir recueilli ce même 28 mars 2000 les observations de Maître Jean-Charles Gardetto pour la société réclamante, ainsi que celles du syndic et du conseil du débiteur, le juge commissaire, statuant à titre provisionnel en application de l'article 471 § 3 du Code de commerce, a, par ordonnance du 11 avril 2000, déclaré irrecevable la réclamation formulée le 8 mars 2000 au nom des sociétés Lavazza et Provence Torréfaction, comme postérieure de plus de quinze jours à la publication prévue par l'article 470 du Code de commerce, parue en l'espèce, comme il vient d'être rappelé, au Journal de Monaco du 4 février 2000.

Le juge commissaire a relevé à cet égard, en son ordonnance précitée, qu'ainsi que l'avaient soutenu le syndic et le conseil du débiteur, le délai prévu par ledit article 470 devait être entendu comme étant de rigueur, en ce sens, qu'après son expiration les créances admises ou rejetées ne pouvaient plus faire l'objet de réclamation, sans qu'à ce propos il n'y ait à tenir compte des dispositions de l'article 463 du Code de commerce, qui avaient été par ailleurs invoquées au soutien de la réclamation, pour le bénéfice d'un délai de distance supplémentaire dans l'exercice de cette voie de droit.

Dès le prononcé de l'ordonnance ainsi rendue, comme le prescrit l'article 472 du Code de commerce, le greffier en chef a renvoyé à la première audience utile du Tribunal l'examen des créances produites par les sociétés Lavazza et Provence Torréfaction, pour lesquelles le juge commissaire avait ainsi pris une décision provisoire de rejet.

Après débats, et au vu des conclusions des parties, le Tribunal de première instance a rendu, le 29 janvier 2000, un jugement contradictoire, par lequel a été en définitive déclarée recevable la réclamation des sociétés susnommées.

Cette réclamation a été en revanche rejetée quant au fond, de sorte que le rejet des productions de ces deux sociétés a été maintenu par cette décision, et mention de ce rejet prescrite en marge de l'état des créances.

Quant à la recevabilité prononcée, le Tribunal de première instance s'est fondé sur les stipulations des articles 1er et 7 de la convention franco-monégasque précitée du 13 septembre 1950 aux termes desquels : « les dispositions de la (...) convention concernent la faillite et la liquidation judiciaire des commerçants et sociétés commerciales ayant des biens dans les deux pays » et « toutes les publications relatives à la faillite ou à la liquidation judiciaire y compris les inscriptions dans les registres publics, seront assurées conjointement dans les deux pays, conformément à la législation en vigueur dans chacun d'eux ».

En raison de ce que M. K. était propriétaire d'un immeuble situé dans la localité française de Roquebrune Cap Martin, comme l'avait révélé l'inventaire d'actif de la procédure collective, le Tribunal de première instance a estimé que les sociétés Lavazza France et Provence Torréfaction, ayant leur siège en France, étaient fondées à se prévaloir de l'inobservation des dispositions de l'article 7 de la convention précitée ;

À ce propos, et dès lors, d'une part, qu'elles avaient soutenu, sans contestation adverse, qu'aucune publication concernant la cessation des paiements de leur débiteur n'avait été effectuée en France, s'agissant notamment de l'état des créances, et que, d'autre part, le syndic n'avait pas établi à leur égard qu'elles aient eu connaissance personnelle de la publication faite au Journal de Monaco, le Tribunal de première instance a estimé que « le délai de quinze jours imparti par l'article 470 du Code de commerce n'avait pas couru à leur encontre faute de publication en France » de sorte qu'elles devaient être reçues en leur réclamation.

En revanche et quant au fond, après avoir retenu que les pièces produites par les sociétés Lavazza France et Provence Torréfaction consistaient pour l'essentiel en une série de factures ainsi qu'en une assignation en date du 17 novembre 1994 de M. K. (M. O.) devant le tribunal de commerce de Pontoise, le Tribunal de première instance a retenu que l'examen attentif des factures produites ne permettait d'établir, ni une double facturation, ni les avoirs impayés sur factures invoqués par les sociétés demanderesses, aucune pièce ne venant par ailleurs démontrer que M. K. aurait indûment escompté des effets de commerce ; et d'autre part, que s'il avait pu être fait état d'une plainte contre X déposée pour faux en écriture, ladite plainte n'avait pas été versée aux débats, alors en outre que, s'agissant du préjudice qu'aurait causé M. K. aux sociétés Lavazza France et Provence Torréfaction du fait d'actes de concurrence déloyale, une simple assignation, au demeurant ancienne, ne permettait pas au Tribunal de retenir le principe même de la créance.

Le Tribunal de première instance a donc décidé qu'il y avait lieu, dans ces conditions, de rejeter la réclamation formulée par les sociétés demanderesses.

Par l'acte d'appel et d'assignation susvisé du 13 juillet 2000 régulièrement signifié au débiteur M. K., et au syndic de la liquidation des biens de celui-ci, par la société Lavazza France déclarant venir aux droits de la société Provence Torréfaction, il est désormais demandé qu'il plaise à la Cour recevoir ladite société en son appel, réformer le jugement susvisé du 29 juin 2000 en ce qu'il a rejeté la réclamation de la société Lavazza France et maintenu le rejet définitif des productions de celle-ci et de la société Provence Torréfaction, et, statuant à nouveau, au vu des nouveaux éléments de preuve désormais versés aux débats, constater, d'une part, la réalité de la créance de la société à l'encontre de M. K. pour un montant de 750 197, 33 francs, retenir, d'autre part, un principe de créance de la société Lavazza France venant aux droits de la société Provence Torréfaction, comme inhérent à une instance en réparation d'un préjudice qui aurait été subi par le fait d'actes de concurrence déloyale, et en conséquence, admettre, en application de l'article 462 du Code de commerce, les créances produites de ces chefs pour les sommes précitées de 750 197,33 francs et de 16 171 910,40 francs.

À l'appui de son appel la société Lavazza France a réitéré l'essentiel de ses moyens de fond invoqués en première instance, en faisant valoir pour l'essentiel que M. K. avait procédé à une double facturation, omis de satisfaire à des remboursements auxquels il s'était obligé, indûment encaissé des effets de commerce et commis des actes de concurrence déloyale justifiant, par les pièces produites, le caractère non litigieux de la créance invoquée de ce dernier chef.

A. G., agissant en qualité de syndic, a liminairement conclu, à titre principal, à l'irrecevabilité de l'appel susvisé en tant que formé au nom de la société Provence Torréfaction, faute de justification fournie par la société Lavazza France de ce qu'elle aurait acquis les droits de cette autre société.

À titre subsidiaire, et formant appel incident, le syndic G. a par ailleurs conclu à l'infirmation du jugement précité en ce qu'il a admis la réclamation introduite au nom des sociétés Lavazza France et Provence Torréfaction, en dépit du non-respect en l'espèce du délai prévu par l'article 470 du Code de commerce.

Le syndic G. demande donc à la Cour de statuer à nouveau de chef, et de dire ladite réclamation irrecevable pour n'avoir pas été formulée dans ce délai.

Plus subsidiairement, ce même syndic a conclu, enfin, à la confirmation quant au fond du jugement frappé d'appel.

Quant à la qualité pour agir, qu'il conteste, de la société Lavazza France, le syndic G. a relevé en ses premières conclusions, l'absence de tous documents produits à cet égard par ladite société.

S'agissant de l'irrecevabilité de la réclamation, ce même syndic fait grief aux premiers juges d'avoir retenu que l'article 7 de la convention franco-monégasque précitée pouvait s'appliquer aux conditions de forme et de délai prévues par la loi monégasque, alors que ladite convention réserve l'application de cette loi à la procédure consécutive à une cessation des paiements judiciairement constatée, comme en l'espèce, dans la Principauté de Monaco, de sorte que le délai prévu par l'article 470 du Code de commerce, devait être impérativement respecté en vue de la réclamation dont s'agit.

Le syndic a insisté à ce propos sur le fait que la société Lavazza France avait bien été informée par le Greffe général, conformément aux dispositions de l'article 469 dudit code, de ce que ses prétentions avaient été rejetées, de sorte qu'elle ne saurait être admise à invoquer l'existence d'un quelconque grief tiré de l'absence critiquée de publication en France de l'avis de dépôt au Greffe général de l'état des créances, afin de s'affranchir du délai de quinzaine édicté par l'article 470 du Code de commerce, alors que l'inobservation, non contestée en l'espèce de ce texte lui était en définitive imputable puisqu'il appartenait à cette société, dès réception de l'avis l'informant de ce que ses créances n'avaient pas été admises, de formuler sa réclamation, soit par déclaration au Greffe général, soit par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en application du paragraphe 2 de l'article 470 précité.

Concluant, en revanche, à la confirmation du jugement entrepris, du chef de la recevabilité de sa réclamation, la société Lavazza France, après avoir produit diverses pièces attestant de sa qualité pour agir dans les droits de la société Provence Torréfaction, a une nouvelle fois invoqué la convention de Paris du 13 septembre 1950 comme s'opposant à toute forclusion qui lui serait imputée, dès lors qu'était patent le défaut de publication en France des actes relatifs à la procédure collective dont s'agit.

Ladite société estime, en effet, que la sanction de l'inobservation d'une mesure d'information des tiers est qu'aucun délai de forclusion ne peut courir, d'autant que les délais prévus en matière de faillite sont stricts.

Répliquant à ce moyen, erronément déduit selon lui de la convention franco-monégasque précitée, le syndic A. G. a cependant fait valoir que ce traité, de structure classique en raison de sa matière, comporte, d'abord, une définition de son domaine d'application (article 1er), des règles relatives aux conflits de juridictions (articles 2 et 3), une règle d'unité de masse (article 4), une règle de conflit de lois (article 5), ainsi que diverses normes conventionnelles régissant l'effet des jugements indépendamment de leur exequatur, ce, postérieurement à l'ouverture de la procédure collective de règlement du passif.

Compte tenu de cette structure, le syndic G. a prétendu que seul l'article 5 serait applicable à la production et à la vérification des créances, lequel désigne à ce titre, comme devant être consultée, la loi de la juridiction saisie.

De la sorte, sauf à exiger à chaque étape de la procédure collective une publicité difficilement réalisable dans les deux pays, que ladite convention ne commanderait nullement, et qui serait en revanche de nature à compromettre désormais, si elle était imposée, la clôture déjà intervenue de nombre de faillites antérieures n'y ayant pas satisfait, le syndic G. a estimé que la forclusion prévue par la loi de procédure monégasque, selon les termes de l'article 470 du Code de commerce, et dont la société Lavazza avait été dûment informée avant sa survenance, devrait être désormais consacrée en cause d'appel.

Sur quoi :

Quant à la recevabilité de l'appel,

Considérant que le syndic G., qui n'a au demeurant plus repris ce moyen en ses dernières conclusions, n'est pas fondé à invoquer comme il l'a fait le défaut de qualité pour agir de la société Lavazza lors de l'appel partiellement formé par celle-ci comme venant aux droits de la société Provence Torréfaction ;

Qu'en effet les pièces désormais produites par l'appelante en cause d'appel justifient de ce que, la totalité des actions comprenant le capital de la société Provence Torréfaction s'étant trouvée détenue en dernier lieu par la société Lavazza France, les associés de celle-ci réunis en assemblée générale le 29 juillet 1994, ont décidé de dissoudre la société Provence Torréfaction en opérant ultérieurement la transmission universelle de son patrimoine à la société Lavazza France au moyen d'une fusion absorption à laquelle il a été effectivement procédé, conformément aux dispositions des articles 371 et suivants de la loi française du 24 juillet 1966 ;

Qu'il s'ensuit que la société Lavazza France, dont la qualité pour agir n'a pas été autrement contestée, doit en définitive, être reçue en son appel susvisé ;

Quant à la recevabilité de la réclamation,

Considérant que, si l'article 7 de la Convention de Paris du 13 septembre 1950, applicable aux commerçants ayant des biens en France et à Monaco, impose d'assurer dans ces deux pays, conformément à la législation en vigueur dans chacun d'eux, toutes publications relatives à la faillite ou à la liquidation judiciaire, y compris les inscriptions dans les registres publics, cette exigence, visant certainement les jugements d'ouverture de ces procédures, ne s'étend pas à la vérification des créances opposées aux débiteurs, laquelle, aux termes de l'article 5 de cette même convention, est régie par la seule loi du tribunal saisi ;

Que, conformément au principe d'unité de masse découlant de ce traité, ladite loi s'applique en effet, comme loi de la faillite, à tous les créanciers composant la masse sans distinction, ce, notamment quant aux déchéances qu'ils peuvent encourir faute de respecter les exigences de forme et délais imposées par cette même loi ;

Qu'en l'espèce, s'agissant d'une procédure collective de règlement du passif ouverte à Monaco sur le fondement des articles 408 et suivants du Code de commerce, et concernant un débiteur ayant des biens en France et Monaco, la forme de la déclaration des créances et les conditions de vérification de celles-ci relevaient seulement de la loi monégasque en application de la convention précitée, ainsi d'ailleurs que cela a pu être le cas, à l'inverse, selon la jurisprudence française, pour la société « Bank Of Crédit And Commerce International Ltd (Overseas) » (BCCI) qui possédait des succursales en France et à Monaco, dont le jugement français d'ouverture du redressement judiciaire a été publié au journal de Monaco du 16 août 1991 (p. 921), et dont la vérification des créances apparaît avoir été également conduite à l'égard des créanciers sur le seul fondement de la loi de la faillite, en l'occurrence la loi française ;

Considérant, par ailleurs, qu'ainsi que cela a été ci-dessus rappelé les sociétés Lavazza France et Provence Torréfaction n'ont nullement contesté en leurs conclusions avoir reçu les lettres susvisées, émanant du Greffe général, qui leur ont été adressées en application de l'article 469 du Code de commerce, encore qu'elles ne les aient pas produites ;

Que, dans ces conditions elles ne peuvent être admises à invoquer, en l'occurrence, comme elles l'ont fait à l'effet de leur réclamation, le défaut de publication en France de l'avis de dépôt au Greffe général de l'état des créances, lequel a fait courir, selon la loi monégasque applicable, un délai de forclusion dont elles ont été ainsi parfaitement informées, et qui ne pouvait non plus échapper à la connaissance du mandataire de la société Lavazza ayant produit la créance de celle-ci et ultérieurement introduit la réclamation en cause en représentant alors cette même société ;

Que, l'expiration de ce délai étant patente lors de la réclamation susvisée, la société Lavazza France, agissant en son nom et comme venant aux droits de la société Provence Torréfaction, était donc irrecevable à formuler cette réclamation, la décision des premiers juges devant être, par voie de conséquence, infirmée sur ce point ;

Quant au fond,

Considérant qu'en l'état de l'irrecevabilité précitée, les moyens de fond discutés par les parties n'ont plus lieu d'être examinés ;

Quant aux dépens,

Considérant que les dépens de première instance et d'appel devront être laissés à la charge de la société Lavazza France, qui succombe en sa réclamation, ce, par application des articles 231 et 435 du Code de procédure civile ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

Statuant contradictoirement,

* Reçoit la société Lavazza France en son appel du jugement du 29 juin 2000, et A. G. en son appel incident de ce jugement, formé en sa qualité de syndic,

* Infirme ledit jugement en ce qu'il a reçu la société Lavazza France en sa réclamation susvisée du 8 mars 2000,

Statuant à nouveau,

* Déclare irrecevable la société Lavazza France à former réclamation contre l'état des créances opposées à M. K., du chef, d'une part, de sa production pour la somme de 750 197,33 francs, à titre chirographaire, et du chef, d'autre part, de la production de la société Provence Torréfaction également à titre chirographaire, pour la somme de 16 171 910,40 francs,

* Dit en conséquence n'y avoir lieu de procéder en l'état à l'examen au fond des créances correspondant à ces deux productions,

* Ordonne qu'il sera fait mention en marge de l'état des créances du rejet des productions susvisées n ° 123 et 145, respectivement.

Composition

M. Landwerlin, prem. prés. ; Mlle Le Lay, prem. subst. proc. gén. ; Mes Michel et Gardetto, av. déf.

Note

Cet arrêt infirme le jugement rendu le 29 juin 2000.

Décision sélectionnée par la Revue de Droit Monégasque pour son intérêt jurisprudentiel, Revue de Droit Monégasque, 2004, n° 6, p. 219 à 229.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26984
Date de la décision : 26/02/2002

Analyses

Procédure commerciale ; Sociétés - Général


Parties
Demandeurs : Sté Lavazza France - Sté Provence Torréfaction
Défendeurs : K., G. ès qualités

Références :

articles 415 et 496 du Code de commerce
article 472 du Code de commerce
articles 231 et 435 du Code de procédure civile
article 607 du Code de commerce
article 467 du Code de commerce
article 462 du Code de commerce
article 463 du Code de commerce
article 469 du Code de commerce
ordonnance du 11 avril 2000
ordonnance souveraine n° 692 du 9 janvier 1953
article 470 du Code de commerce
Code de commerce


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2002-02-26;26984 ?

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