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21/05/2001 | MONACO | N°26898

Monaco | Cour d'appel, 21 mai 2001, M. c/ Ministère public, en présence de la SAM du Garage de la Frontière (SAMGF)


Abstract

Abus de confiance

Élément du délit - Détournement du montant d'un chèque émis sans indication du destinataire - Remise du chèque à titre de mandat

Résumé

Il apparaît des éléments de la cause que le chèque de 3 000,00 francs émis le 16 novembre 1999 par B. et remis sans indication de bénéficiaire à M., employé comme vendeur au service de la SAMGF concessionnaire de la marque Mercedes, ne correspond point à un service personnel qu'aurait rendu cet employé à B. mais se situe nécessairement dans le cadre de la commande d'un véhicule fait

e par celui-ci à cette société ; de sorte que le montant de ce chèque doit revenir à la SAMGF.
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Abstract

Abus de confiance

Élément du délit - Détournement du montant d'un chèque émis sans indication du destinataire - Remise du chèque à titre de mandat

Résumé

Il apparaît des éléments de la cause que le chèque de 3 000,00 francs émis le 16 novembre 1999 par B. et remis sans indication de bénéficiaire à M., employé comme vendeur au service de la SAMGF concessionnaire de la marque Mercedes, ne correspond point à un service personnel qu'aurait rendu cet employé à B. mais se situe nécessairement dans le cadre de la commande d'un véhicule faite par celui-ci à cette société ; de sorte que le montant de ce chèque doit revenir à la SAMGF.

En encaissant ce chèque à son profit, M. a détourné au préjudice de cette société la somme de 3 000,00 francs qui lui avait été remise par B. non pas à titre de dépôt mais à titre de mandat à charge par M. de le remettre à la SAMGF.

Il y a donc lieu, après requalification du contrat violé, de confirmer le jugement entrepris qui a déclaré M. coupable du délit d'abus de confiance au préjudice de son employeur.

Motifs

La Cour,

La cour statue sur les appels relevés, le 13 février 2001 à titre principal par M. M. et le 14 février 2001 à titre incident par le Ministère public, à l'encontre d'un jugement rendu contradictoirement par le Tribunal correctionnel le 6 février 2001 ;

Considérant les faits suivants :

P. S., administrateur délégué de la Sam Garage de la Frontière (SAMGF), concessionnaire de la marque Mercedes, a déposé plainte contre X le 21 mars 2000 auprès du procureur général en raison des irrégularités constatées, après le départ de M. M., employé en qualité de vendeur du 1er septembre 1997 au 30 novembre 1999, dans des dossiers dont celui-ci avait eu la charge.

1 - Le plaignant exposait à propos du dossier B., qu'à la suite d'une commande qui n'avait pas abouti, ce client avait demandé le remboursement d'un chèque de 3 000 francs qu'il avait émis le 16 novembre 1999 en paiement de frais d'immatriculation et remis sans indication de bénéficiaire à M. M. qui l'avait encaissé à son profit.

Entendu par les services de police, le prévenu déclarait que ce chèque représentait la rémunération d'un service rendu à B. pour le remplacement de clignotants.

B. contestait cette version des faits. Il indiquait que s'il avait bien demandé à M. le remplacement des clignotants, il n'avait pas établi de chèque en paiement de ceux-ci et déclarait être aller les retirer lui-même au service des pièces détachées du garage de la frontière où on les lui avait remis emballés, neufs.

Le plaignant produisait une facture en date du 23 novembre 1999 d'un montant de 681,14 francs établie au nom de l'épouse de B. relative à la vente de deux clignotants neufs.

2 - En ce qui concerne le dossier G., P. S. exposait que M. M. avait établi le 6 octobre 1999 un bon de commande pour l'achat d'un véhicule neuf au nom d'A. P. et de S. G., domiciliés en Italie, avec reprise d'un véhicule d'occasion appartenant à cette dernière. Or, si la SAMGF avait bien livré le véhicule neuf, en définitive immatriculé au nom d'une personne tierce, le véhicule d'occasion qu'elle détenait s'était avéré indisponible car S. G. avait contesté avoir passé commande d'un véhicule neuf et avoir mis en vente le véhicule d'occasion.

Le prévenu déclarait aux services de police qu'il avait établi le bon de commande au nom de P., commerçant italien avec qui il avait déjà traité et de S. G., acquéreur supposé, suivant les indications de P. Il indiquait avoir suivi, à cette occasion, la pratique autorisée dans l'établissement selon laquelle les bons de commande des véhicules destinés à des négociants italiens étaient adressés à ceux-ci avec le tampon de la SAMGF pour signature par l'acheteur puis renvoyés à la SAMGF. Il déclarait avoir ignoré que le véhicule concerné avait été immatriculé à un autre nom que celui de S. G. et indiquait que les marchands italiens avaient l'habitude de fournir des noms de clients qui ne correspondaient pas aux acheteurs réels.

P. S. déniait avoir donné son accord à de telles pratiques.

3 - En ce qui concerne le dossier L., le plaignant exposait qu'après l'annulation d'un contrat de vente, il était apparu que sur la somme de 115 000 francs versée par M. L. dont celui-ci demandait la restitution, une somme de 5 000 francs, représentée par un chèque du 31 août 1999, avait été encaissée par M. à titre personnel.

Le prévenu déclarait aux services de police que ce chèque établi à son bénéfice était destiné au règlement des frais de gardiennage d'un bateau appartenant à un ami commun et dont il partageait l'usage avec L.

M. L. contestait les déclarations du prévenu et indiquait qu'il avait établi ce chèque en vue de l'achat d'un véhicule et qu'il l'avait libellé au nom de M., à la demande de ce dernier, qui lui avait expliqué qu'il servirait dans un premier temps à payer des frais afférents au bateau de son ami M. M. L. contestait avoir partagé avec M. l'usage de ce bateau.

P. C., directeur de la société Power Boat chargée du gardiennage du bateau du 18 août au 24 septembre 1999 a déclaré avoir eu comme seul interlocuteur M. M. à qui il adressait les factures et n'avoir jamais vu M. L., qu'il connaissait par ailleurs, utiliser ce bateau.

À l'audience de la cour, M. M. a réitéré ses précédentes déclarations. Il a indiqué, en ce qui concerne le dossier B., que le chèque de 3 000 francs correspondait au service rendu à ce client pour la fourniture et la pose de deux clignotants d'occasion lesquels faisaient partie d'un stock de pièces détachées d'occasion, d'origines diverses, laissé à la libre disposition des vendeurs par la SAMGF, et géré par un employé de celle-ci, P. L. Il déclarait avoir partagé le montant du chèque avec cet employé.

En ce qui concerne le dossier G., le prévenu déclarait avoir procédé comme à l'accoutumée en matière de vente de véhicules à des négociants italiens et avec l'accord de son employeur, en remplissant un bon de commande au nom du négociant et de l'acheteur indiqué par celui-ci puis en l'adressant à ce marchand pour signature. Il affirmait que le bon de commande n'avait pas été signé devant lui.

En ce qui concerne le dossier L., M. M. réaffirmait que le chèque de 5 000 francs établi à son nom était destiné à payer des frais de gardiennage d'un bateau qu'il utilisait en commun avec M. L.

La SAMGF, partie civile, non appelante, a sollicité la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de M. M. au paiement d'une somme de 10 000 francs à titre de dommages-intérêts complémentaires pour les frais exposés dans le cadre de sa plainte.

Le Ministère public a requis la confirmation du jugement déféré sauf en ce qui concerne la décision de relaxe dont il demande la réformation estimant que la déclaration de M. L. permet d'établir l'existence du délit d'abus de confiance reproché au prévenu.

M. M. fait plaider sa relaxe en relevant :

* en ce qui concerne le dossier B., que les attestations versées aux débats démontrent que le commerce de pièces d'occasion par les employés de la SAMGF était connu et autorisé par celle-ci, que la facture des clignotants neufs n'est pas libellée à l'ordre de B. et qu'il s'agit d'une facture interne, dont rien n'établit que B. l'aurait acquittée ;

* en ce qui concerne le dossier G., qu'il n'avait pas de motifs de mettre en doute les affirmations de P., d'autant qu'il savait qu'une cession de véhicule nécessitait en Italie l'intervention d'un notaire pour authentifier la signature du vendeur.

Il fait valoir en outre, qu'aux termes d'une déclaration en date du 15 février 2001 qu'il verse aux débats, la dame G. se dit prête à transférer à la SAMGF la propriété du véhicule d'occasion remis à son insu par P. à cette société lors de l'établissement du bon de commande.

Il estime en conséquence que le préjudice invoqué par cette société n'est pas établi.

* en ce qui concerne le dossier L., que M. L. était en litige avec lui à propos de la vente du bateau, ce qui expliquait le contenu de sa déposition.

Sur l'action publique :

1 - Considérant qu'il résulte du bon de commande joint à la procédure que M. L. a passé commande le 28 août 1999 d'un véhicule Mercedes d'occasion au prix de 130 000 francs, payable à concurrence de 10 000 francs le jour même à titre d'acompte et le solde, le jour de la livraison à raison de 20 000 francs en espèces et de 100 000 francs au moyen d'un crédit ;

Qu'il est constant que M. L. a réglé la somme de 10 000 francs par chèque lors de la commande et que la vente, n'ayant pu en définitive aboutir, l'intéressé n'a pas payé les sommes suivantes ;

Que l'émission du chèque en cause de 5 000 francs établi par L. à l'ordre de M. et destiné, selon L., à financer en partie l'achat du véhicule commandé, ne peut, au regard des éléments ci-dessus rappelés, se rapporter à la commande précitée de sorte qu'il n'est pas établi que le chèque était destiné à la SAMGF ;

Qu'il y a donc lieu de confirmer la décision de relaxe prise par le Tribunal ;

2 - Considérant en ce qui concerne le bon de commande d'un véhicule Mercedes neuf que M. M. a établi le 6 octobre 1999 au nom de A. P. et de S. G., véhicule payable pour partie au moyen de la reprise d'un véhicule Mercedes d'occasion d'une valeur de 382 000 francs, propriété de S. G., que rien ne permet d'affirmer que les deux signatures figurant sur le bon de commande à l'emplacement réservé à l'acheteur soient de la main de M. ni qu'elles aient été apposées devant celui-ci par P. qui aurait signé faussement aux lieu et place de S. G., alors que P. a seulement reconnu dans son attestation du 4 janvier 2001 avoir signé du nom de S. G. les documents concernant la reprise du véhicule d'occasion portant la date du 9 octobre 1999, compte tenu de ce qu'il détenait dans son garage ledit véhicule ;

Que dès lors, aucun des deux délits retenus de ce chef par la prévention n'est établi à l'encontre de M. M. qui doit donc être relaxé ;

3 - Considérant qu'il est constant que M. B. a, lors de la commande d'un véhicule Mercedes d'occasion passée le 15 novembre 1999, remis à M. M. un chèque de 3 000 francs sans l'indication du bénéficiaire ;

Que ce chèque mis par M. à son ordre représentait selon celui-ci la rémunération d'un service personnel rendu à B. pour le remplacement des deux clignotants avant de couleur orange du véhicule commandé par des clignotants de couleur blanche provenant d'un stock de pièces détachées d'occasion entreposé au garage Mercedes, à Monaco où sont exposés les véhicules d'occasion, stock dont la partie civile aurait autorisé les employés à faire profiter ses clients, à titre gratuit, pour leur rendre service ;

Qu'il résulte cependant des déclarations circonstanciées de M. B. que rien ne permet de suspecter, qu'ayant demandé, le jour de la commande, à M. M. le remplacement des deux clignotants, celui-ci lui avait répondu qu'il fallait les commander et que B. s'était rendu lui-même au service des pièces détachées de la concession Mercedes à Fontvieille une dizaine de jours plus tard pour prendre possession de pièces neuves qui avaient été ensuite montées par l'atelier Mercedes à Beausoleil où il avait lui-même amené son véhicule ;

Qu'en outre, la SAMGF a établi une facture interne le 23 novembre 1999 dont rien ne permet de contester la régularité et qui comporte le détail et les références des pièces neuves destinées au véhicule vendu d'un montant total de 681,14 francs ;

Considérant qu'étant acquis que des clignotants d'occasion sont par principe moins onéreux que des pièces neuves, ce que M. M. ne saurait contester puisqu'il affirme que c'est en raison du coût plus élevé des clignotants neufs que B. lui aurait demandé de lui en procurer d'occasion et que leur montage aurait coûté, selon M., une somme inférieure à 500 francs puisqu'il a déclaré avoir remis à un employé de la SAMGF, dénommé Salah, une rétribution de 500 francs pour divers services rendus dont la pose des clignotants d'occasion, M. ne peut soutenir d'une manière convaincante que B. ait versé 3 000 francs pour obtenir et voir poser des accessoires d'occasion qui, neufs, valaient 681,14 francs outre le coût de la main d'œuvre ;

Qu'ainsi le chèque tiré par B. à l'occasion de la commande d'un véhicule s'emplace nécessairement dans le cadre de cette commande et devait revenir à la SAMGF ;

Qu'en encaissant ce chèque, M. M. a détourné au préjudice de cette société la somme de 3 000 francs qui avait été remise par B. non pas à titre de dépôt mais à titre de mandat à charge par M. de le remettre à la SAMGF ;

Qu'il y a donc lieu, après requalification du contrat violé, de confirmer le jugement entrepris qui a déclaré M. M. coupable du délit d'abus de confiance au préjudice de son employeur ;

Considérant sur la répression, que compte tenu des circonstances atténuantes existant en la cause et de ce qu'il est délinquant primaire dans la Principauté, M. M. doit être condamné à la peine d'un mois d'emprisonnement avec sursis ;

Que la décision du Tribunal doit donc être réformée de ce chef ;

Sur l'action civile :

Considérant qu'il y a lieu de confirmer la décision du tribunal correctionnel ayant d'une part, condamné M. M. au paiement d'une somme de 3 000 francs correspondant au préjudice subi par la SAMGF consécutif au détournement commis par le prévenu, et d'autre part, débouté la partie civile de sa demande de dommages-intérêts du chef du dossier L. ;

Que M. M. ayant été relaxé du délit de faux en écriture privée de commerce requalifié par le Tribunal correctionnel en délit de complicité de faux, et du délit d'usage de faux, la SAMGF doit être déboutée de son action civile de ce chef ;

Que n'étant pas appelante, la partie civile n'est pas recevable à solliciter le paiement de dommages-intérêts complémentaires qui lui ont été refusés par le Tribunal correctionnel ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

Siégeant en matière correctionnelle,

Sur l'action publique :

Confirme le jugement du Tribunal correctionnel en date du 6 février 2001 en ce qu'il a relaxé M. M. du délit d'abus de confiance portant sur une somme de 5 000 francs,

Réformant ledit jugement, relaxe M. M. du délit de faux en écriture privée de commerce requalifié en délit de complicité de faux, et du délit d'usage de faux,

Confirme ledit jugement en ce qu'il a déclaré M. M. coupable du délit d'abus de confiance portant sur une somme de 3 000 francs,

Le réformant sur la pénalité, condamne M. M. à la peine d'un mois d'emprisonnement avec sursis, l'avertissement prescrit par l'article 395 du Code pénal n'ayant pu être donné, en l'absence de M. M. ;

Sur l'action civile :

Confirme le jugement du Tribunal correctionnel en ce qu'il a condamné M. M. à payer à la SAMGF la somme de 3 000 francs à titre de dommages-intérêts et a débouté la partie civile de sa demande de dommages-intérêts du chef du dossier L.,

Le réformant pour le surplus, déboute la SAMGF de sa demande en paiement de dommages-intérêts d'un montant de 382 000 francs,

La déclare irrecevable en sa demande en paiement de dommages-intérêts complémentaires.

Composition

Mme Monique François, vice-prés. ; Mlle Le Lay prem. subst. proc. gén. ; Mes Licari et Pasquier Ciulla, av. déf. ; Le Maux, av. bar. de Nice.

Note

Cet arrêt confirme pour partie le jugement du tribunal correctionnel du 6 février 2001 en ce qu'il a relaxé M. du chef d'abus de confiance portant sur une somme de 5 000,00 F et en ce qu'il l'a condamné du chef d'abus de confiance portant sur 3 000 F en le reformant sur la pénalité, il l'a infirmé en ce qu'il a relaxé M. du chef de délit de complicité de faux et d'usage de faux.

Le pourvoi en révision formé par la SAMGF à l'encontre de cet arrêt relativement à sa demande de relaxe du chef de faux en écritures et de complicité de faux actes est rejeté.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26898
Date de la décision : 21/05/2001

Analyses

Pénal - Général ; Infractions contre les personnes ; Sociétés - Général


Parties
Demandeurs : M.
Défendeurs : Ministère public, en présence de la SAM du Garage de la Frontière (SAMGF)

Références :

article 395 du Code pénal


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2001-05-21;26898 ?

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