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06/03/2001 | MONACO | N°26895

Monaco | Cour d'appel, 6 mars 2001, Compagnie Assurances Générales de France c/ S. et SAM Autoport


Abstract

Transaction

Effet : autorité de la chose jugée à l'égard des parties et de leurs ayants cause (article 1891 du Code civil) - Interprétation : pouvoir du juge du fond.

Appel civil

Demande nouvelle (non) - Moyen nouveau (oui) - Invocation d'une transaction : - Recevabilité : fin de non-recevoir

Résumé

R. S. ayant engagé une action en dommages-intérêts contre la Société Autoport du fait que son véhicule confié en dépôt-vente à cette société avait été accidenté, cette dernière a appelé en cause son assureur, lequel s'est p

révalu d'une transaction l'exonérant selon lui de sa garantie.

S. s'est opposé à ce moyen en faisant valoir...

Abstract

Transaction

Effet : autorité de la chose jugée à l'égard des parties et de leurs ayants cause (article 1891 du Code civil) - Interprétation : pouvoir du juge du fond.

Appel civil

Demande nouvelle (non) - Moyen nouveau (oui) - Invocation d'une transaction : - Recevabilité : fin de non-recevoir

Résumé

R. S. ayant engagé une action en dommages-intérêts contre la Société Autoport du fait que son véhicule confié en dépôt-vente à cette société avait été accidenté, cette dernière a appelé en cause son assureur, lequel s'est prévalu d'une transaction l'exonérant selon lui de sa garantie.

S. s'est opposé à ce moyen en faisant valoir que l'invocation de cette transaction pour la première fois en cause d'appel devait être considérée comme une demande nouvelle au sens des dispositions de l'article 431 du Code de procédure civile et partant irrecevable.

Cependant l'exception d'autorité de la chose jugée, résultant des dispositions de l'article 1891 du Code civil, en vertu desquelles les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort, doit être tenue pour une fin de non-recevoir, laquelle peut être invoquée à tout stade de la procédure et, en tout état de cause pour la première fois en cause d'appel.

Il appartient dès lors à la cour d'examiner en l'espèce les moyens invoqués par la Compagnie Assurances Générales de France et tirés des articles 5 et 6 de la transaction signée le 5 mai 1997.

Motifs

La Cour,

Statuant sur l'appel interjeté le 15 mai 2000 par la compagnie Assurances Générales de France à l'encontre du jugement susvisé du tribunal de première instance du 9 mars 2000,

Considérant les faits suivants :

R. S. a confié en dépôt-vente à la société anonyme monégasque Autoport son véhicule de marque Ferrari, modèle F 40, par acte sous seing privé du 7 novembre 1995, en vertu duquel ce véhicule devait être vendu à un prix situant entre 1 250 000 francs et 1 275 000 francs avec une commission nette de 100 000 francs au-dessus de ce prix, la durée minimale du contrat étant arrêtée à 60 jours.

Dès le lendemain 8 novembre 1995, ce véhicule qui avait été remis en vertu du contrat susvisé à la société Autoport, était accidenté.

Les réparations étaient confiées à G. C., concessionnaire de la marque Ferrari à Monaco, lequel sous-traitait les travaux de carrosserie à la société Z. à Maranello.

À la suite du litige ayant opposé la société Autoport et le garage C. sur les travaux, achevés en juin 1996, et leur prix, 875 709,43 francs, le juge des référés ordonnait le 11 novembre 1996 une expertise.

Une transaction était conclue le 5 mai 1997 en vertu de laquelle la compagnie Assurances Générales de France, assureur de la société Autoport acceptait de régler, au titre de sa garantie contractuelle, les montants réclamés par G. C., lequel s'engageait à restituer le véhicule à la société Autoport à la réception du paiement, sans réclamer d'intérêts de retard ni de frais de gardiennage.

En outre la société Autoport déclarait « faire son affaire personnelle de toute réclamation du sieur S., avec laquelle elle était seule liée de droit, et ce sans aucun recours d'aucune sorte envers le sieur C., tandis que R. S. faisait toutes réserves à l'encontre de la société Autoport uniquement au sujet de sa demande de réparation de son préjudice d'immobilisation et de privation de jouissance ».

Le tribunal de première instance était saisi par R. S. aux fins de condamnation de la société Autoport à lui payer une indemnité de 1 352 000 francs avec les intérêts au taux légal à compter de la demande, ainsi que l'exécution provisoire, à titre de réparation du préjudice découlant du défaut d'exécution du contrat de dépôt-vente, d'une dépréciation du véhicule, de la privation de sa jouissance jusqu'à sa restitution le 10 mai 1997 et des frais engagés pour les réclamations amiables, sa défense en justice et l'assistance aux opérations d'expertise.

Par ailleurs la société Autoport appelait en garantie la compagnie Assurances Générales de France, laquelle sollicitait, quant à elle, la condamnation de la société Autoport à lui payer une indemnité de 15 000 francs en réparation du préjudice causé par son action abusive.

Par le jugement entrepris du 9 mars 2000, le tribunal de première instance a ordonné la jonction des instances introduites les 26 septembre 1997 et 24 mars 1998, enrôlées sous les n° 173 et 778 du rôle 1997/1998, débouté la société anonyme monégasque de sa demande d'enquête, condamné la société Autoport à payer à R. S. à titre de dommages-intérêts la somme de 300 000 francs avec les intérêts au taux légal à compter du présent jugement, condamné la compagnie Assurances Générales de France à relever et garantir la société Autoport de cette condamnation en principal, frais, intérêts et dépens, rejeté toutes autres demandes, dit n'y avoir lieu à exécution provisoire, et condamné la société Autoport aux dépens de l'instance n° 173 et la compagnie Assurances Générales de France aux dépens de l'instance n° 778.

La compagnie Assurances Générales de France conclut à la recevabilité de son appel, à la réformation du jugement entrepris et demande à la cour de dire et juger que le contrat multirisque intervenu entre la société Autoport et elle-même exclut les dommages subis par les biens confiés, conformément aux dispositions du chapitre 1 « Garantie A : responsabilité civile » automobile, et de la mettre dès lors hors de cause sans peine ni dépens.

La compagnie d'assurances demande subsidiairement de constater que R. S. ne justifie d'une perte économique par différence de prix que par sa propre décision de vendre à moindre prix le véhicule Ferrari, de constater la responsabilité exclusive de la société Autoport dans le retard pour R. S. de disposer des fonds en raison de la contestation émise par la société Autoport quant au règlement de la facture du garage C. et à la contestation portant sur la réalité technique du changement des pièces détachées, de dire que les réparations éventuelles de ce chef seront supportées exclusivement par la société Autoport, de constater que la société Autoport a abusivement attrait aux débats la compagnie d'assurances AGF en toute connaissance de cause, et de la condamner à lui verser la somme de 15 000 francs à titre de dommages-intérêts, de condamner R. S. et la société Autoport solidairement aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle fait valoir que la demande présentée par la société Autoport doit être déclarée irrecevable et par ailleurs abusive car son appel en garantie n'a aucun fondement légal ou contractuel ; que le rapport contractuel des deux parties est celui d'une assurance contrat multirisques « assurance des professionnels de l'automobile » dont le chapitre 1er précise au titre de la « responsabilité civile automobile (garantie A) qu'il exclut formellement les dommages subis par les biens confiés », la société Autoport sachant pertinemment que cette garantie lui était contractuellement refusée.

Que la police d'assurance, à titre contractuel, garantissant les dommages subis par les véhicules confiés (garantie D) avec une franchise de 10 % du montant des dommages, cette garantie n'a jamais été contestée et a été appliquée pleinement lors du paiement des frais de remise en état technique du véhicule de R. S. dans le cadre de la procédure d'expertise.

Que si elle a procédé au règlement du montant des dommages, sur la base des conclusions du cabinet R. puis du protocole de règlement amiable et transactionnel rédigé après l'expertise judiciaire de François Bosquet, elle ne doit toutefois aucune autre indemnité telle que dépréciation, privation de jouissance, immobilisation, location de véhicule de remplacement ; qu'en tout état de cause si des indemnités s'avéraient justifiées à ce titre, il ne lui appartient pas de les prendre en charge.

La compagnie Assurances Générales de France, soutient, en outre, à titre subsidiaire, que les réclamations de R. S. n'ont aucun fondement sérieux car il n'y a pas de différence de valeur entre un véhicule Ferrari qui n'a jamais été accidenté, et un autre qui a été réparé selon les règles de l'art ; qu'il n'est pas établi qu'avant cet accident le véhicule n'a jamais été accidenté ; que la valeur contractuelle de vente ne peut servir de base à une quelconque dépréciation sans chiffrage par voie d'expertise ; qu'enfin R. S. ne peut invoquer une privation de jouissance de son véhicule alors qu'il l'avait confié à la société Autoport précisément dans le but de le vendre.

Qu'il n'est pas davantage démontré que ce véhicule aurait été vendu très rapidement, même sans accident, et que R. S. aurait pu disposer très rapidement du fruit de la vente.

Que la rétention du véhicule est le fait du garage C. et non de la société Autoport qui avait manifesté des doutes sérieux sur l'authenticité et la réalité des pièces qui devaient être changées.

Qu'elle même a assuré sa « couverture » contractuelle et n'est pas concernée par le litige opposant R. S. à la société Autoport.

Que s'agissant des dommages-intérêts fixés par le Tribunal à 100 000 francs au titre de préjudice financier, toute réparation allouée de ce chef à R. S. devra être mise à la charge exclusive de la société Autoport, car si elle n'est intervenue que tardivement dans le paiement total, c'est en raison de la connaissance tardive de la facture définitive du garage C., et que, par ailleurs, la société Autoport s'est engagée à tort et de façon véhémente dans la contestation de la réalité des prestations techniques du garage C.

Enfin, en ce qui concerne la perte de valeur du véhicule évaluée par les premiers juges à 200 000 francs, R. S. ayant vendu son véhicule à 1 100 000 francs alors qu'une offre d'achat lui avait été transmise quelques jours auparavant pour 1 300 000 francs, valeur retenue par l'expert Cornu le 25 juillet 1998, c'est à tort que le tribunal a estimé devoir retenir le principe d'une dépréciation du véhicule.

Par conclusions déposées le 10 octobre 2000 la société Autoport demande à la cour de constater qu'en vertu de la police d'assurance n° 77 239 174 la compagnie d'assurances AGF est tenue de garantir son assuré au titre de la responsabilité civile de l'entreprise (garantie L des conditions particulières) et qu'à ce titre, elle doit la relever et la garantir de toutes les condamnations pouvant être prononcées à son encontre au profit de R. S., de constater que la responsabilité dans le retard allégué, consécutif au règlement tardif et contesté de la facture du garage C., repose sur la compagnie d'assurances AGF, de dire et juger que R. S. ne démontre pas l'existence d'une faute et d'un préjudice imputables à la société Autoport dans le délai apporté à la restitution du véhicule, et ne justifie pas d'une perte de valeur de son véhicule, et de rejeter l'ensemble des demandes de la compagnie Assurances Générales de France et de R. S.

La SAM Autoport demande en outre, si la cour devait statuer différemment, de débouter la compagnie Assurances Générales de France de l'ensemble de ses demandes dirigées à l'encontre de la SAM Autoport, de dire et juger que la compagnie Assurances Générales de France sera tenue de relever et garantir la société Autoport de toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre, de faire droit à sa demande tendant à l'allocation de dommages-intérêts en réparation des préjudices résultant du fait du refus manifestement abusif de la compagnie Assurances générales de France d'accorder le jeu d'une garantie contractuelle incontestable et de l'affirmation de contre-vérités relatives au motif réel du retard allégué et, de ce chef, condamner la compagnie Assurances Générales de France au paiement d'une somme de 15 000 francs à titre de dommages-intérêts et enfin, de condamner R. S. et la compagnie Assurances Générales de France aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La société Autoport fait valoir que la compagnie Assurances Générales de France a fait un rappel volontairement erroné des faits afin d'en tirer pour conséquence que le retard subi par R. S. pour disposer de sa voiture et, dès lors des fonds issus de la vente qui devaient en résulter, devait être mis à la charge de la société concluante alors qu'en réalité elle a fait toutes diligences pour trouver une solution amiable au litige et donner satisfaction à son client, R. S. ; que le délai qui s'est écoulé entre l'accident et la reprise de possession du véhicule s'explique par le temps requis pour la réparation, l'expertise amiable, la vérification des factures, l'expertise judiciaire, et la négociation pour aboutir à une transaction et qu'en tout état de cause ce délai ne lui est en tout état de cause pas imputable, contrairement aux affirmations de la compagnie Assurances générales de France.

Qu'en tout état de cause le retard résultant de la contestation relative au supplément de facture émis par le garage C. n'est pas imputable à la société concluante ; que contrairement aux affirmations des premiers juges et de la compagnie Assurances Générales de France, le retard subi par R. S. pour disposer de sa voiture et des fonds qui seraient résultés de sa vente est imputable au non-paiement de la facture complémentaire du garage C. par la compagnie Assurances Générales de France qui s'est contentée de payer une facture sur la base du montant accepté par son propre expert, le cabinet R. qui n'a pas entériné la facture complémentaire ; qu'elle même n'a en aucun cas refusé ou bloqué le paiement de cette facture.

Que seule la compagnie Assurances Générales de France avait intérêt à faire vérifier les factures et à faire diligenter une expertise dès lors qu'elle était seule chargée de les payer.

Qu'il ressort des pièces produites que le litige concernant la facture qui a entraîné le retard dont se plaint R. S. trouve son origine dans un désaccord entre le garage C. et l'expert mandaté par la compagnie Assurances Générales de France sur laquelle doivent désormais reposer toutes les conséquences qui en sont résultées.

Il est encore soutenu par la société Autoport que la compagnie Assurances Générales de France ne peut contester la garantie qu'elle lui doit dans le cadre de la réclamation formulée par R. S. dès lors que figure notamment dans le choix des garanties énoncées dans les dispositions particulières du contrat « assurance des professionnels de l'automobile » litigieux, la garantie de la responsabilité civile (garantie L).

Qu'enfin le véhicule de R. S. n'a subi aucune perte de valeur.

Par conclusions déposées le 14 novembre 2000 la compagnie Assurances Générales de France demande en outre à la cour de constater que le procès-verbal en date du 5 mai 1997 emporte transaction à l'égard de toutes les parties et qu'il est fait expressément référence aux dispositions des articles 1883 et suivants du Code civil, de constater que par application des dispositions de l'article 6 de ce procès-verbal, R. S. a limité ses réserves à rencontre de la société Autoport à son seul préjudice d'immobilisation et privation de jouissance, de le déclarer en conséquence irrecevable à réclamer toute indemnité portant sur un poste financier ou matériel, de dire et juger que les premiers juges ont statué au-delà des termes du procès-verbal de conciliation du 5 mai 1997, de constater que par application des dispositions de l'article 5 dudit procès-verbal, la société Autoport a déclaré transiger et faire notamment son affaire personnelle de toute réclamation de R. S. avec laquelle elle est seule liée de droit, de la déclarer en conséquence irrecevable en sa demande de garantie, et de condamner les intimés aux entiers dépens.

Elle fait valoir que la procédure de référé qu'elle a fait diligenter aux fins d'expertise, à la suite de contestations de factures par le représentant de la société Autoport, s'est terminée par un procès-verbal de conciliation le 10 mai 1997, lequel précise dans son article 5 que la société Autoport a, sur le fondement des articles 1883 et suivants du Code civil portant sur la transaction, définitivement reconnu et accepté de faire son affaire personnelle de toute réclamation de R. S. avec lequel elle est seule liée de droit, ladite société ayant ainsi renoncé à se retourner et à rechercher qui que ce soit en garantie et remboursement et a fortiori son assureur Assurances Générales de France.

Que, nonobstant l'article 6 du procès-verbal de conciliation en vertu duquel R. S., tout en faisant des réserves de réclamer réparation de ses préjudices envers la société Autoport, a précisé que son recours était limité au titre de son préjudice d'immobilisation et privation de jouissance, le jugement entrepris lui a accordé une indemnité forfaitaire de 300 000 francs en indiquant que l'assureur devait relever et garantir l'assurée de cette condamnation sur la base des dispositions visées au titre « garantie D » des dispositions générales qui prévoient la prise en charge par l'assurance des pertes financières ou frais consécutifs aux dommages matériels subis par le véhicule assuré ou le contenu confié.

Qu'ainsi les premiers juges auraient dû rejeter la demande de R. S. en ce qu'elle visait autre chose que le dédommagement d'un préjudice de privation de jouissance et n'auraient pas dû lui allouer une indemnité de 200 000 francs pour dépréciation du véhicule et perte de vente possible (75 000 francs) et frais de justice (25 000 francs) dès lors que les réserves de R. S. ne portaient pas sur ces aspects matériels.

Par conclusions déposées le 9 janvier 2001 R. S. conclut au rejet de l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société Autoport et de la compagnie Assurances Générales de France, au rejet et à l'irrecevabilité des demandes de celle-ci, tiré du procès-verbal de conciliation du 5 mai 1997, en ce qu'elles s'analysent en des demandes nouvelles et dès lors contraires aux dispositions de l'article 431 du Code de procédure civile, et à la confirmation en toutes ses dispositions du jugement entrepris.

Il demande en outre à la cour de dire et juger que la somme de 300 000 francs qui lui a été allouée par les premiers juges à titre de dommages-intérêts sera productive d'intérêts à compter de la date du jugement, de condamner en outre la société Autoport et la compagnie Assurances Générales de France au paiement d'une somme de 20 000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure manifestement abusive et vexatoire et de condamner tout contestant aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Il fait valoir que ce n'est qu'au bout de 18 mois qu'il a enfin pu obtenir la restitution de son véhicule dans le cadre d'une expertise ordonnée en référé à la suite de contestations émises par la société Autoport quant à la facture des réparations, et ayant abouti à la signature d'un procès-verbal de conciliation en date du 5 mai 1997.

Que ni la société Autoport ni la compagnie Assurances Générales de France ne lui ont proposé de l'indemniser de façon amiable, le procès-verbal de conciliation intervenu entre les parties n'ayant d'autre objet que de mettre un terme définitif à la contestation soulevée sur le montant de la facture.

Il fait valoir qu'il ne peut être admis que le contrat de dépôt-vente d'une durée de deux mois autorisait à le priver de la jouissance de son véhicule pendant plus de 18 mois et ce sans indemnité.

Que s'agissant d'un véhicule de marque de prestige, la différence de valeur résulte directement de l'accident subi ; que le montant de la réparation ne pouvait être caché aux éventuels acquéreurs ; que compte tenu de cet accident il était indispensable de baisser le prix de vente du véhicule afin d'intéresser les acquéreurs potentiels.

Que les moyens invoqués par la compagnie Assurances Générales de France pour justifier le retard apporté au règlement de la facture C. démontrent que la privation du véhicule doit être indemnisée pour une somme d'au moins 100 000 francs.

Que compte tenu du faible kilométrage du véhicule lors de sa vente, 10 000 kms, le montant de 200 000 francs qui lui a été alloué au titre de la perte de valeur doit être confirmé.

Que les délais de restitution du véhicule résultent de la survenance de l'accident et ont été augmentés par la contestation par la société Autoport du montant d'une facture de réparation ; que l'importance du coût de la réparation atteste de l'étendue des dégâts du véhicule et confirme le préjudice qu'il a subi.

Il est encore soutenu, s'agissant du procès-verbal de conciliation du 5 mai 1997, que les demandes présentées par la compagnie Assurances Générales de France se heurtent manifestement aux dispositions de l'article 431 du Code de procédure civile aux termes desquelles les parties ne peuvent former aucune demande nouvelle en cause d'appel à moins qu'il ne s'agisse de compensations ou que la demande nouvelle ne soit la défense à l'action principale ; qu'en tout état de cause l'interprétation donnée par la compagnie Assurances Générales de France ne peut être retenue.

Qu'en effet l'article 6 dudit procès-verbal ne fait référence qu'à des réserves au sujet de sa demande de réparation de son préjudice d'immobilisation et privation de jouissance, dont il ne peut être déduit une quelconque limitation de sa part quant à la réparation de son préjudice.

Que l'objet de la transaction ne concerne que le paiement d'une facture de réparation du véhicule confié au garage C. et non l'indemnisation qui lui était due, aucun élément ne pouvant faire obstacle à la demande de garantie de la société Autoport par la compagnie Assurances Générales de France au titre du contrat d'assurance souscrit.

Qu'ainsi c'est à bon droit que les premiers juges lui ont alloué des dommages-intérêts d'un montant de 300 000 francs au titre des pertes financières et frais qu'il a subis du fait de la dépréciation du véhicule, de la privation temporaire du prix et des frais de procédure.

Que dès lors que plus de cinq ans après la signature du contrat de dépôt-vente il n'a toujours pas été indemnisé de son préjudice, il y a lieu de condamner la société Autoport et la compagnie Assurances générales de France au paiement d'une somme de 20 000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire.

Par conclusions du 30 janvier 2001 la compagnie Assurances Générales de France relève que dans ses précédentes conclusions elle a soulevé des moyens nouveaux, lesquels sont recevables, et n'a pas présenté de demandes nouvelles.

Sur ce :

Considérant que la compagnie Assurances Générales de France conteste la garantie à la société Autoport que les premiers juges ont mise à sa charge, en se fondant, d'une part, sur les clauses du contrat d'assurance, et, d'autre part, sur l'article 5 de la transaction du 5 mai 1997, ainsi que sur l'article 6 de ladite transaction ;

Considérant en premier lieu que si la compagnie Assurances Générales de France soutient que le contrat d'assurance multirisques « assurance des professionnels de l'automobile » exclut expressément dans le chapitre premier intitulé « responsabilité civile automobile (garantie A) » les dommages subis par les biens confiés, il résulte dudit contrat d'assurances signé le 21 juin 1995 par les parties et prenant effet au 21 février 1995 que figure parmi les garanties supplémentaires souscrites par l'assuré, celle concernant les « dommages aux véhicules confiés » garantie D ;

Que la compagnie d'assurances garantit ainsi les dommages matériels subis par les véhicules confiés pour réparations, entretien, contrôle, dépôt-vente ainsi que les pertes financières ou frais consécutifs aux dommages matériels subis par le véhicule assuré ou le contenu confié ;

Que la compagnie Assurances Générales de France ne peut dès lors se prévaloir d'une exclusion de garantie alors même que les préjudices invoqués par R. S. relèvent des pertes financières ou frais consécutifs aux dommages matériels susvisés ;

Considérant en deuxième lieu que R. S. fait valoir que la référence par la compagnie Assurances Générales de France à la transaction signée le 5 mai 1997 doit être regardée comme une demande nouvelle au sens des dispositions de l'article 431 du Code de procédure civile, et dès lors irrecevable, compte tenu de ce que la compagnie Assurances Générales de France s'en prévaut pour la première fois en cause d'appel ;

Considérant cependant que l'exception d'autorité de la chose jugée, résultant des dispositions de l'article 1891 du Code civil, en vertu desquelles les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort, doit être tenue pour une fin de non-recevoir, laquelle peut être invoquée à tout stade de la procédure et, en tout état de cause pour la première fois en cause d'appel ;

Qu'il appartient dès lors à la cour d'examiner en l'espèce les moyens invoqués par la compagnie Assurances Générales de France et tirés des articles 5 et 6 de la transaction signée le 5 mai 1997 ;

Considérant que selon l'article 5 du procès-verbal de conciliation des parties du 5 mai 1997 : « en conséquence de quoi et à l'égard de M. G. C. les parties déclarent transiger et mettre ainsi un terme définitif au litige sur le fondement des articles 1883 et suivants du Code civil et ce sans aucune exclusion ni réserve, la société Autoport déclarant notamment faire son affaire personnelle de toute réclamation du sieur S. avec laquelle elle est seule liée de droit, et ce sans aucun recours d'aucune sorte envers le sieur C. » ; que si la compagnie Assurance Générales de France affirme que ladite clause est de nature à exclure sa garantie à l'égard de la société Autoport, les termes de cet article 5 ne peuvent être analysés dans le cadre de la transaction portant sur le litige opposant la société Autoport et son assureur à G. C. comme une renonciation de cette société à se prévaloir de la garantie due par la compagnie d'assurances sur le fondement des clauses sus-énoncées du contrat d'assurances :

Considérant, par ailleurs, qu'en vertu de l'article 6 de ce même procès-verbal de conciliation des parties « le sieur S. fait toutes réserves à rencontre de la société Autoport uniquement au sujet de sa demande en réparation de son préjudice d'immobilisation et privation de jouissance qu'il évalue à la somme de 1 352 000 francs » ;

Considérant que par cette clause transactionnelle, à laquelle est attachée l'autorité de la chose jugée en dernier ressort ainsi qu'il a été dit ci-dessus, R. S. a entendu expressément limiter ses recours à rencontre de la société Autoport à laquelle la compagnie Assurances Générales de France doit sa garantie, aux préjudices qu'il aurait subis du fait de l'immobilisation et de la privation de jouissance de son véhicule Ferrari F 40 ; que par cette transaction conclue avec la société Autoport il a ainsi renoncé à demander réparation de tout autre préjudice qu'il aurait subi et notamment celui invoqué dans son assignation en paiement du 26 septembre 1997 et résultant de la dépréciation de son véhicule ;

Considérant qu'il s'ensuit que la décision des premiers juges doit être infirmée en ce qu'ont été alloués des dommages-intérêts à R. S. en réparation des préjudices résultant de la dépréciation de son véhicule à la suite de l'accident de la circulation, de la perte des chances de le vendre dans le délai de deux mois prévu dans le contrat de dépôt-vente du fait de son indisponibilité prolongée, et des frais engagés pour solliciter sa restitution et pour ester en justice ;

Considérant que le seul préjudice dont R. S. pouvait demander réparation en vertu de la transaction sus-rappelée était ainsi limité à l'immobilisation et la privation de jouissance de son véhicule ; que, par voie de conséquence, et dès lors que R. S. a expressément demandé la confirmation du jugement entrepris qui l'a débouté de ses demandes en réparation de ces mêmes préjudices, il n'appartient plus à la cour d'examiner le bien-fondé de ses prétentions sur ces points ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le jugement entrepris en date du 9 mars 2000 du tribunal de première instance doit être infirmé, sauf en ce qui concerne la jonction des instances enrôlées sous les n° 173 et 778 du rôle 1997/1998 et le rejet de la demande d'enquête de la société Autoport ;

Considérant qu'eu égard à l'issue du litige, il n'y a pas lieu d'accorder des dommages-intérêts pour procédure abusive à la société Autoport ni à R. S. dont les prétentions sont rejetées ;

Que s'agissant de la demande de la compagnie Assurances Générales de France tendant à la condamnation de la société Autoport à lui payer une somme de 15 000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, celle-ci ne peut qu'être rejetée, la société Autoport ayant pu se méprendre sur la portée de ses droits, dès lors que la compagnie Assurances Générales de France n'a elle-même invoqué pour la première fois qu'en cause d'appel, l'autorité de la chose jugée résultant de la transaction signée le 5 mai 1997 ;

Considérant qu'eu égard à l'issue du litige R. S. supportera l'ensemble des dépens de première instance (instances enrôlées sous les n° 173 et 778 de l'année 1997/1998) ainsi que les dépens d'appel ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

Déclare l'appel recevable en la forme ;

Au fond :

Infirme le jugement entrepris du 9 mars 2000 du tribunal de première instance sauf en ce qui concerne la jonction des instances enrôlées sous les n° 173 et 778 du rôle 1997/1998 et le rejet de la demande d'enquête de la société Autoport,

Et statuant à nouveau,

Rejette toutes les demandes présentées par R. S.,

Rejette toutes les demandes présentées par les parties à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Composition

M. Landwerlin, prem. prés. ; Mlle Le Lay, prem. subst. proc. gén. ; Mes Brugnetti, Blot et Sbarrato, av. déf.

Note

Cet arrêt infirme le jugement entrepris, rendu le 9 mars 2000.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26895
Date de la décision : 06/03/2001

Analyses

Procédure civile


Parties
Demandeurs : Compagnie Assurances Générales de France
Défendeurs : S. et SAM Autoport

Références :

Code civil
article 431 du Code de procédure civile
article 1891 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2001-03-06;26895 ?

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