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30/01/2001 | MONACO | N°26892

Monaco | Cour d'appel, 30 janvier 2001, Société Banksoft SPRL c/ SAM ABC Banque Internationale de Monaco


Abstract

Arbitrage

Clause compromissoire contenue dans un contrat de licence international - Litige = découlant de ce contrat comportant une stipulation pour autrui - Convention de New-York du 10 juin 1958 exécutoire à Monaco en vertu de l'ordonnance souveraine du 14.9.1982. - Effet : incompétence de la juridiction monégasque - Exception d'incompétence soulevée valablement par le tiers bénéficiaire préalablement à toute exception de la stipulation pour autrui

Stipulation pour autrui

Clause compromissoire - Exception d'incompétence : soulevée valablement

par le tiers bénéficiaire de la stipulation pour autrui

Résumé

La clause compromi...

Abstract

Arbitrage

Clause compromissoire contenue dans un contrat de licence international - Litige = découlant de ce contrat comportant une stipulation pour autrui - Convention de New-York du 10 juin 1958 exécutoire à Monaco en vertu de l'ordonnance souveraine du 14.9.1982. - Effet : incompétence de la juridiction monégasque - Exception d'incompétence soulevée valablement par le tiers bénéficiaire préalablement à toute exception de la stipulation pour autrui

Stipulation pour autrui

Clause compromissoire - Exception d'incompétence : soulevée valablement par le tiers bénéficiaire de la stipulation pour autrui

Résumé

La clause compromissoire invoquée par la Société Banksoft se trouve incluse dans le contrat de licence, conclu en langue anglaise entre la Société Symtec Ltd et la Société monégasque ABC Banque Internationale de Monaco ; elle apparaît ainsi conçue, selon la traduction dudit contrat en langue française : « Tout litige né dans le cadre du présent contrat ne pouvant être réglé par une négociation entre les parties ou leurs représentants sera soumis à l'arbitrage d'un arbitre ad hoc nommé par le président en fonction du Chartered Institute of Arbitrators à Londres, conformément à la loi sur l'arbitrage de 1950 ou à une quelconque modification statutaire ou remise en vigueur de celle-ci au moment des faits ».

Par ce contrat la Société Symtec a accordé à la Société ABC une licence d'utilisation portant sur des logiciels, la société ABC s'engageant parallèlement à utiliser ces logiciels aux coûts indiqués.

Par une confirmation de commande adressée le 25 octobre 1993 à la Société Banksoft par la société ABC, celle-ci s'est engagée à rémunérer la Société Banksoft des frais d'installation, d'utilisation et de maintenance des logiciels commandés à Symtec.

Par ailleurs, le contrat de licence susvisé, souscrit par la Société ABC, comporte accessoirement de la part de celle-ci, une promesse de paiement des droits de licence au profit de la Société Banksoft, émettrice d'une facture commerciale visée par ce même contrat.

Dans les relations contractuelles existant en l'espèce, il apparaît aussi que la Société Symtec a stipulé de la part de sa co-contractante la Société ABC, un paiement du montant des causes du contrat au profit de la Société Banksoft, tiers bénéficiaire.

Ces circonstances permettent dès lors d'en inférer qu'au moyen d'une stipulation pour autrui, telle que prévue à l'article 976 du Code civil, l'effet du contrat de licence initialement conclu entre la Société Symtec et la Société ABC a été étendu à la Société Banksoft devenue créancière, laquelle, doit être, par voie de conséquence, adressée à se prévaloir comme elle l'a fait du bénéfice de la clause compromissoire.

S'agissant en l'occurrence d'un contrat de caractère international, la Convention de New-York du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères rendues exécutoires à Monaco par l'Ordonnance Souveraine n° 7485 du 14 septembre 1982, impose aux juridictions de la Principauté saisies d'un litige sur une question au sujet de laquelle a été conclue une convention d'arbitrage, de renvoyer les parties à l'arbitrage, à la demande d'une entre elles, sauf si ladite convention n'est pas susceptible d'être appliquée.

En outre, en vertu d'une règle matérielle du droit international de l'arbitrage, la clause compromissoire est indépendante juridiquement du contrat principal qui la contient directement ou par référence, de sorte que son existence et son efficacité s'apprécient, sous réserve des règles impératives du droit monégasque et de l'ordre public international, d'après la commune volonté des parties, et sans qu'il soit nécessaire de se référer à la loi étatique appelée à régir l'interprétation du contrat principal.

Il doit être également constaté que le litige mettant les parties en présence doit être, en l'état, considéré comme pouvant découler du contrat de licence conclu entre les Sociétés Symtec et ABC, en vertu duquel des paiements ont été faits à la Société Banksoft pour l'utilisation des logiciels défectueux.

Dans ces conditions, la clause compromissoire dont s'agit apparaît également applicable à ce titre, il convient, en définitive d'infirmer le jugement dont s'agit, au regard d'une incompétence des juridictions étatiques devant être constatée en l'occurrence sur le fondement de l'article 262 du Code de procédure civile applicable en la cause, en tant que loi de la juridiction saisie, apte à définir les modalités de mise en œuvre de l'incompétence soulevée par La Société Banksoft.

Motifs

La Cour,

Considérant les faits suivants :

Suivant acte d'appel et d'assignation du 23 juillet 1999, régulièrement signifié à la société anonyme monégasque dénommée ABC Banque Internationale de Monaco (ABC), la société de droit belge dénommée Banksoft demande à la cour, par réformation du jugement susvisé du Tribunal de première instance, du 20 mai 1999, de faire droit à une exception d'incompétence qu'elle avait opposée à la société ABC lors d'une action en résiliation de contrat et en dommages-intérêts que cette dernière avait introduite à son encontre selon exploit du 9 novembre 1995, et sur laquelle le Tribunal de première instance se serait à tort reconnu compétent.

La société Banksoft fait grief, en effet, aux premiers juges d'avoir, par le jugement entrepris, rejeté l'exception d'incompétence qu'elle avait soulevée devant eux, in limine litis, fondé sur une clause compromissoire qui devait, à ses dires, la lier à la société ABC, ce, au motif erroné qu'elle ne pouvait nullement s'en prévaloir car ladite clause figurait dans un contrat de licence de logiciels souscrit le 17 janvier 1994 avec une société Symtec, auquel elle-même n'aurait pas été partie.

Elle soutient, cependant, que la société ABC avait conclu avec elle une convention intimement liée à ce contrat et que, dès lors, la clause compromissoire litigieuse aurait dû être reconnue comme applicable au différend séparant les parties à cette convention.

Il est de fait à ce propos qu'un litige a opposé, dès 1995, la société ABC et la société Banksoft, dans le cadre notamment des relations contractuelles que celles-ci avaient nouées au cours de l'année 1993.

À cette époque la société ABC avait envisagé, en effet, d'utiliser le réseau de règlement interbancaire dénommé Swift, (du nom de la société belge « Society for World Wide International Financial Telecommunication »), afin de procéder à des transferts de fonds, par voie de virements bancaires, entre les différentes filiales de son groupe « Arab Banking Corporation (ABC) ».

Ce réseau Swift permettait, par voie de télécommunications, l'échange de messages informatiques destinés à l'exécution des opérations financières internationales qui étaient antérieurement traitées par le mode du « Télex ».

Pour en bénéficier les établissements financiers ou de crédit devaient, d'une part, adhérer à la société Swift moyennant un droit d'entrée élevé et une redevance annuelle, d'autre part s'équiper de matériels et logiciels agréés par la société Swift, afin de servir d'interface entre les ordinateurs des différents établissements et les installations centrales de cette même société situés en Belgique.

L'équipement nécessaire aux établissements concernés dénommé Système ST 200, comprenait alors, habituellement, outre un ordinateur B 38 de marque Unisys, deux logiciels principaux :

* le premier (programme Swift) était destiné à la transmission des messages échangés avec les installations centrales de la société Swift au moyen d'un modulateur-démodulateur (Modem) et d'une ligne téléphonique ;

* le second (programme ATE) assurait la communication entre l'ordinateur B38 et les ordinateurs individuels (PC) garnissant les postes de travail intéressés et servant essentiellement à l'encodage des messages à émettre et au stockage des messages reçus.

Pour éviter le paiement de la redevance annuelle d'adhésion à la société Swift, les établissements intéressés pouvaient, toutefois, se connecter au réseau de cette société par l'intermédiaire d'un établissement étranger du même groupe (banque relais) déjà relié au réseau Swift.

Ce cas de liaison particulier par banque relais était dénommé « Swift Cross Border Registration ».

Il n'impliquait, de la part des établissements se connectant alors au réseau, que le paiement à la société Swift d'une redevance annuelle réduite.

Il leur permettait en outre de se doter de matériels et logiciels moins coûteux.

Il n'était alors besoin, en effet, que de deux ordinateurs individuels (PC) couplés à deux Modems permettant le transfert par ligne téléphonique des données informatiques correspondant aux messages financiers à transmettre.

Ces logiciels adaptés au « Swift Cross Border Registration » avaient été conçus par une société de droit anglais dénommée Symtec.

Ils devaient permettre, d'abord, la gestion des messages Swift sur un poste de travail de l'établissement émetteur connecté, grâce au programme « M-GEN/Swift ».

À partir de ce poste la transmission automatique par ligne téléphonique de ces messages était ensuite adressée à la Banque relais, au moyen du programme « M-GEN/CONS ».

Enfin, le programme « M-GEN/ATE » devait permettre les communications nécessaires entre l'ordinateur personnel de la banque relais et l'ordinateur B38 d'Unisys servant d'interface avec les installations de la société Swift.

C'est afin de bénéficier des avantages présentés par la liaison, moins onéreuse, du système Swift Cross Border Registration ainsi conçu que la société ABC a, en définitive, formulé une demande auprès de la société Banksoft, à laquelle celle-ci a fait répondre par une lettre du 22 août 1993, adressée en ces termes à la société ABC :

« Je me réfère à notre agréable entretien téléphonique de vendredi 2 juillet et tiens à vous remercier de votre intérêt dans nos systèmes M-GEN pour l'usage Swift dans votre banque.

Suite à cet entretien j'ai l'avantage de vous envoyer ci-joint notre proposition pour la solution suivante :

Installation de poste(s) de travail M-GEN/Swift avec une connexion de l'interface Swift central de votre banque à Paris en » Swift Cross Border Registration «.

Avec cette installation nous pouvons vous proposer une solution se distinguant par son faible coût d'investissement et sa grande flexibilité d'emploi. Un autre avantage de connexion est l'économie de frais d'envoi pour les messages de votre banque entre Monaco et Paris et vice versa ne devant pas transiter par Swift.

Je me permettrai de vous recontacter prochainement afin de voir si notre solution peut répondre à vos besoins et nous pourrons ensuite discuter ce projet plus en détail (...) » ;

À cette lettre, était joint un document de 19 pages écrit en langue anglaise et intitulé « M-GEN System Proposal for a Swift Cross Border Connection and Swift Message Facility ».

Ce document était accompagné de plusieurs descriptifs annexes.

En réponse, la société ABC Banque Internationale de Monaco, a fait parvenir à la société Banksoft une acceptation écrite ainsi conçue, sous la date du 25 octobre 1993 :

« Messieurs,

Comme suite à votre lettre du 22 août dernier concernant l'installation d'un poste de travail M-GEN/Swift avec une connexion » Swift Cross Border Registration «, au travers de ABC International Bank PLC Paris, nous avons l'honneur de vous marquer notre accord sur la mise en place de ce système.

Nous avons bien noté le coût de votre intervention, à savoir :

System in Monte Carlo

1 M-GEN Swift w/station 14 850,00 FRF

1 M-GEN/Comms Controller 9 550,00 FRF

* -------------

24 400,00 FRF

Systems in the » hub «

1 M-GEN/Swift work station with ATE-SID

Connection 27 250,00 FRF

1 M-GEN/Comms Controller 9 550,00 FRF

* -------------

36 800,00 FRF

Total 61 200,00 FRF

Installation and Training (per man/day) 4 250,00 FRF

Maintenance (annual fee) :  18 %

Pour notre part, nous adressons ce jour, à Swift notre demande d'adhésion » Cross Border Registration « et nous ne manquerons pas de vous informer dès notre agrément obtenu (...) ».

Cette acceptation a été suivie, peu après, d'un message télécopié envoyé par la société Banksoft à la société ABC Banque Internationale de Monaco, et lui adressant un document intitulé « Purchase Order Confirmation », apparemment destiné à énoncer les logiciels devant être mis en œuvre sous licence Symtec pour l'utilisation du serveur Swift.

Ultérieurement, par courrier daté du 28 décembre 1993, et se référant à « la commande du 25 octobre dernier », la société Banksoft a fait parvenir à la société ABC Banque Internationale de Monaco, pour être signés et paraphés en deux exemplaires, ce qui fut fait, un « Software licence Agreement » et un « Software Maintenance Agreement » consistant ainsi en des documents contractuels manifestement souscrits par la société Symtec Ltd, ayant son siège à Londres, ainsi que par la société ABC Banque Internationale de Monaco.

Le premier de ces documents intitulé précisément « Symtec Ltd Licence Agreement n° 33900.101 4406593/MC » comporte notamment les dispositions suivantes :

« * (2) In this agreement the following expression shall have the ollowing meanings : » SyMtec « includes the servants, Agents, Distributors and Subcontractors of SymTec together with its successors and assigns.

* (24) This Agreement shall be construed and governed by laws of England.

* (27) Any dispute arising in connection with this Agreement which cannot be settled by negotiation between the parties or their representatives shall be submitted to arbitration before a suitable arbitrator nominated by the President for the time being of the Chartered Institute of Arbitrators In London in accordance with Arbitration Act of 1950 or any statutory modifications or re-enactment of it for the time being in force ».

Estimant que la société Banksoft n'avait jamais été en mesure de faire fonctionner correctement et durablement le système informatique objet des correspondances et contrats susvisés, alors qu'elle se serait engagée, était-il prétendu, à prendre en charge la « conception », l' « installation » et la « maintenance » de ce système, la société ABC, ainsi que cela a été ci-dessus rappelé, a fait assigner cette même société Banksoft devant le Tribunal de première instance en résiliation de la convention conclue avec elle par son acceptation susvisée du 25 octobre 1993, ainsi qu'en dommages-intérêts.

Selon l'assignation alors signifiée à la société Banksoft le 9 novembre 1995, la société ABC rappelait qu'elle avait reproché à celle-ci des dysfonctionnements dans la connexion au réseau Swift auxquels la société Banksoft avait déclaré pouvoir remédier, moyennant certaines modifications de l'installation existante ; que la filiale d'ABC à Londres avait, en avril 1995, constaté la défaillance du système M-GEN « conçu » par la société Banksoft ; que celle-ci avait cependant répondu que le logiciel M-GEN n'était pas en cause puisqu'il fonctionnait dans d'autres établissements ; que ni la société Banksoft ni la société Symtec n'avaient pu déterminer les causes exactes des dysfonctionnements constatés ; que la société Banksoft lui avait alors proposé un système complet Swift pour un montant supplémentaire de 135 000 francs ; que cette même société avait alors tenté de lier les défaillances constatées à l'obsolescence du matériel ST 200 ; et qu'en définitive elle avait, sans succès, mis en demeure la société Banksoft, de faire fonctionner correctement le système que celle-ci avait « conçu » et « installé » dans les locaux d' « ABC Monaco ».

Pour faire échec à l'assignation ainsi délivrée la société Banksoft a excipé de l'application en l'espèce de la clause compromissoire ci-dessus rapportée écrite en anglais à la rubrique (27) du contrat de licence conclu par la société Symtec.

Après avoir, par un jugement avant dire droit, ordonné la production d'une traduction en langue française des documents contractuels versés aux débats, le Tribunal de première instance a, par le jugement entrepris, effectivement rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société Banksoft et renvoyé les parties à conclure à une audience ultérieure.

Pour statuer de la sorte le Tribunal de première instance a considéré que la société Banksoft invoquait une clause compromissoire contenue dans le contrat conclu par la société Symtec avec la société ABC, alors que le litige opposant en l'espèce la société ABC à Banksoft s'avérait inhérent à l'exécution du contrat souscrit le 25 octobre 1993 par ces deux parties, et aux termes duquel l'obligation de Banksoft consistait à :

* étudier une solution informatique adaptée aux besoins de la société ABC et à son environnement informatique existant, destinée à relier la banque au réseau international Swift.

* procurer à la société ABC le droit d'utiliser les logiciels applicatifs Symtec.

* installer le système proposé (essentiellement à installer les programmes sur l'équipement informatique d'ABC à Monaco et à Paris).

* mettre le système en route et former le personnel.

Le Tribunal de première instance a souligné en revanche, que les parties au contrat de licence étaient la société ABC et la société Symtec, laquelle devait consentir à la société ABC une licence personnelle d'utilisation de quatre programmes.

Les premiers juges ont dès lors retenu, pour l'essentiel, que les deux contrats susvisés, souscrits entre des parties distinctes et ayant un objet différent, étaient juridiquement indépendants et qu'eu égard à l'effet relatif des conventions, édicté par l'article 1020 du Code civil, la société Banksoft ne pouvait pas se prévaloir des dispositions du contrat Symtec auquel elle n'était pas partie.

Au soutien de son appel la société Banksoft rappelle, toutefois que les pièces versées aux débats établissent que c'est elle-même qui a facturé tant le prix correspondant au droit d'utiliser les logiciels mis au point par la société Symtec que la première redevance mentionnée au contrat de maintenance, et que c'est donc à tort que les premiers juges ont estimé que des contrats réellement distincts avaient été souscrits, de sorte que la clause compromissoire serait bien opposable aux parties en cause.

En ses dernières conclusions la société Banksoft a, par ailleurs, fait valoir qu'une pièce qu'elle a produite, seulement, en cause d'appel consiste en une correspondance par laquelle la société ABC Monaco lui avait envoyé le 17 janvier 1999, les contrats de licence et de maintenance qui incluaient une mention expresse de la société ABC, par laquelle cette société l'invitait à lui retourner, après signature, lesdits contrats, mention qui, comportant de la part de la société ABC les mots « après signature par vos soins », signifierait que la société ABC l'avait également considérée comme sa cocontractante en ce qui concerne l'octroi de la licence, et l'obligation d'assurer la maintenance.

La société Banksoft a également produit, en cause d'appel, un second document qu'elle analyse comme contenant de la part de la société ABC, et à trois reprises, l'affirmation d'une assimilation par la société ABC des firmes Symtec et Banksoft.

La société appelante se réfère, en effet, aux mentions suivantes de ce document :

1° « vous avez aimablement recommandé l'utilisation du produit M-GEN de la société Symtec & Banksoft pour nous fournir l'accès au système Swift ».

2° « nous avons constaté certains décalages dans les phases d'installation des produits nécessaires à notre connexion au réseau Swift (équipé par M. O. de la société Symtec & Banksoft) ».

3° « nous vous serions obligés si vous pouviez intervenir et effectuer les démarches nécessaires auprès de la société Symtec & Banksoft afin de résoudre définitivement cette question en suspens tant à Paris qu'à Monaco. »

La société Banksoft estime en outre, en ses dernières conclusions, qu'en réalité la société Symtec s'est très concrètement impliquée dans la tentative de mise en service de la connexion au réseau Swift commandée par la société ABC, sans seulement se borner à concéder à celle-ci le droit d'utiliser ses programmes.

La société Banksoft fait en effet valoir que, dans une lettre datée du 21 octobre 1994, sous la signature de J. A., exerçant la fonction de « installation manager », la société Symtec a mentionné à un nommé G., de la filiale anglaise du groupe ABC, le déroulement des tests auxquels ladite société avait fait procéder par ses services ; qu'en outre, par une télécopie datée du 9 novembre 1994, signée de S. N., directeur de ses services techniques, la société Symtec a admis ne pouvoir exclure qu'une erreur de Software ait affecté l'installation litigieuse, et assuré le directeur général de la banque ABC de Monaco de toute sa collaboration pour résoudre la difficulté rencontrée.

La société Banksoft a donc estimé, avoir, ainsi démontré dans les faits que la firme Symtec avait collaboré avec elle pour l'installation des logiciels en cause, qui pouvaient être défectueux, et que la société ABC avait elle-même considéré avoir eu affaire, selon ses propos, à un interlocuteur unique identifié sous le vocable « Symtec & Banksoft Company ».

De la sorte, la société Banksoft, sur la base des éléments ainsi invoqués, dont elle admet que les premiers juges n'ont pas eu connaissance, soutient que la thèse de contrats distincts conclus entre des personnes différentes ne correspond pas à la réalité des relations contractuelles qui devraient être retenues en la cause.

La société intimée ABC, qui poursuit la confirmation du jugement frappé d'appel, soutient en revanche que c'est à juste titre que le Tribunal de première instance a distingué les contrats en cause.

Elle fait valoir à cet égard qu'en sa qualité de distributeur des logiciels édités par Symtec, Banksoft avait étudié une solution informatique devant répondre aux besoins de la Banque ABC, préconisé un système M-GEN/Swift « connexion transfrontalière » installé ce système et tenté, sans succès, d'en assurer le démarrage, l'ensemble de ces prestations faisant l'objet du contrat entre Banksoft et ABC Banque Internationale de Monaco du 25 octobre 1993 ; qu'en sa même qualité de distributeur des logiciels Symtec, Banksoft a servi d'intermédiaire pour la conclusion entre Symtec, éditeur, et ABC, utilisateur, d'une licence d'utilisation personnelle du logiciel susvisé au travers du contrat intervenu entre Symtec et ABC Banque Internationale de Monaco.

Rappelant que seul ce second contrat contient la clause compromissoire invoquée par Banksoft, la société intimée en déduit qu'en raison de l'effet relatif des contrats, cette clause ne peut être étendue à la première convention, sur le fondement de laquelle Banksoft a été assignée devant le Tribunal de première instance de Monaco.

La société ABC mentionne, par ailleurs, que la circonstance qu'après la conclusion des deux contrats Banksoft ait pu encaisser la première redevance de licence serait indifférente, et ressortit exclusivement aux relations financières entre Banksoft, distributeur, et Symtec, concédant.

Réfutant la portée qui est prêtée par l'appelante aux nouvelles pièces que celle-ci a produites en cause d'appel, la société ABC prétend, en effet, que les faits en dernier lieu invoqués par la société Banksoft sur la base de ces pièces seraient sans pertinence quant à la qualification juridique de l'ensemble contractuel en cause, lequel révèlerait toujours une dualité de contrats.

La société ABC mentionne d'abord, à ce propos, qu'il n'a pas été soutenu par la société Banksoft que celle-ci aurait agi en qualité de mandataire de la société Symtec, en concluant le premier contrat, ni non plus qu'en concluant le second contrat la société Symtec aurait repris à son compte la responsabilité du premier contrat.

La société ABC conclut donc à l'existence indubitable de deux contrats distincts, dont rien ne prouverait qu'ils seraient liés par une indivisibilité intellectuelle, faute de clause expresse en ce sens.

Sur quoi :

Considérant que la clause compromissoire invoquée par la société Banksoft se trouve incluse dans le contrat de licence susvisé n° 33900.101.4406593/MC qui a été conclu en langue anglaise entre la société Symtec Ltd, et la société monégasque ABC Banque Internationale de Monaco :

Qu'elle apparaît ainsi conçue, selon la traduction dudit contrat en langue française qui a été versée aux débats :

« Tout litige né dans le cadre du présent contrat ne pouvant être réglé par une négociation entre les parties ou leurs représentants sera soumis à l'arbitrage d'un arbitre ad hoc nommé par le Président en fonction du Chartered Institute of Arbitrators à Londres conformément à la loi sur l'arbitrage de 1950 ou à une quelconque modification statutaire ou remise en vigueur de celle-ci aux moments des faits. »

Considérant que, par ce contrat, la société Symtec a accordé à la société ABC une licence d'utilisation portant sur des logiciels décrits dans une partie annexe à cet acte ; que la société ABC s'est parallèlement engagée à utiliser ces logiciels aux coûts également indiqués en cette annexe.

Considérant que celle-ci a décrit les logiciels comme suit :

« - le logiciel couvert par le présent contrat est :

1 x M-GEN/Swift Licence pour utilisateur unique à Monte-Carlo.

1 x M-GEN/Swift, Licence pour utilisateur unique à Paris

1 x M-GEN/ATE SID Link ST 200 à Paris

2 x M-GEN/CIMMS Licences d'utilisations uniques

À utiliser sur le territoire de Monte-Carlo en vue d'une connexion transfrontalière avec Paris ; »

Considérant que l'annexe au contrat de licence précité comporte également diverses stipulations relatives aux conditions de paiement et aux droits de licence qui sont ainsi rédigées :

« les prix sont tels qu'ils sont décrits sur la facture commerciale n° 44065.33900.102 établie par Banksoft à Bruxelles, Belgique.

* 100 % de la facture est payable à réception de la commande.

* les 00 % restants sont payables lors de la livraison du logiciel (sic) ».

Qu'il est également prévu dans l'annexe :

Modification du logiciel :

« Aucune modification du logiciel n'est comprise pour les modules M-GEN Standard. Banksoft et Symtec œuvreront ensemble avec le client pour spécifier toute mise à jour ou modification pouvant parfois être nécessaire (...) »

Considérant que, par la confirmation de commande adressée, comme il a été ci-dessus rapporté, le 25 octobre 1993 à la société Banksoft par la société ABC, celle-ci s'est engagée à rémunérer la société Banksoft des frais d'installation, d'utilisation et de maintenance des logiciels commandés à Symtec, lesquels ont été expressément décrits dans ce document ;

Considérant qu'alors que les conventions conclues par la société ABC tant avec la société Symtec qu'avec la société Banksoft n'apparaissent pas ainsi totalement dépourvues de lien, il doit être relevé que le contrat de licence susvisé, souscrit par la société ABC, comporte accessoirement de la part de celle-ci, une promesse de paiement des droits de licence au profit de la société Banksoft, émettrice d'une facture commerciale n° 44065.33900.102 expressément visée par ce même contrat ;

Considérant que, dans les relations contractuelles existant en l'espèce, comme liant la société ABC à la société Symtec, il apparaît ainsi que cette dernière a stipulé, de la part de sa cocontractante, un paiement du montant des causes du contrat au profit de la société Banksoft, tiers bénéficiaire ;

Considérant que ces circonstances permettent, dès lors, de conclure qu'au moyen d'une stipulation pour autrui, telle que prévue à l'article 976 du Code civil, l'effet du contrat de licence initialement conclu entre la société Symtec et la société ABC a été étendu à la société Banksoft devenue créancière, laquelle doit être, par voie de conséquence, admise à se prévaloir comme elle l'a fait du bénéfice de la clause compromissoire ci-dessus rapportée, figurant dans ce contrat ;

Qu'à ce propos s'agissant en l'occurrence d'un contrat de caractère international, la Convention de New-York du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères rendues exécutoires à Monaco par l'ordonnance souveraine n° 7.485 du 14 septembre 1982, impose aux juridictions de la Principauté saisies d'un litige sur une question au sujet de laquelle a été conclue une convention d'arbitrage, de renvoyer les parties à l'arbitrage, à la demande d'une d'entre elles, sauf si la ladite convention n'est pas susceptible d'être appliquée ;

Qu'en outre, en vertu d'une règle matérielle du droit international de l'arbitrage, la clause compromissoire est indépendante juridiquement du contrat principal qui la contient directement ou par référence, de sorte que son existence et son efficacité s'apprécient, sous réserve des règles impératives du droit monégasque et de l'ordre public international, d'après la commune volonté des parties, et sans qu'il soit nécessaire de se référer à la loi étatique appelée à régir l'interprétation du contrat principal ;

Qu'il doit être également constaté qu'en tant que la société Symtec a admis, comme l'a souligné la partie appelante, que ses logiciels aient pu être défectueux et entraîner les dysfonctionnements constatés par la société ABC, après l'intervention de la société Banksoft, le litige séparant les parties actuellement en présence doit être, en l'état, considéré comme pouvant découler du contrat de licence conclu entre les sociétés Symtec et ABC, en vertu duquel des paiements ont été faits à la société Banksoft pour l'utilisation des logiciels en cause ;

Que, dans ces conditions, la clause compromissoire dont s'agit apparaissant également applicable à ce titre, il convient, en définitive, d'infirmer le jugement susvisé du Tribunal de première instance, au regard d'une incompétence des juridictions étatiques devant être constatée en l'occurrence, pour ce qui est du Tribunal de première instance, ce sur le fondement de l'article 262 du Code de procédure civile applicable en la cause, en tant que loi de la juridiction saisie, apte à définir les modalités de mise en œuvre de l'incompétence soulevée par la société Banksoft ;

Considérant, enfin, que la société ABC succombe, ainsi, en ses moyens de défense opposés à cette exception ;

Qu'elle devra, dès lors, supporter les dépens de première instance et d'appel, en application des articles 231 et 435 du Code de procédure civile ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

La Cour d'Appel de la Principauté de Monaco,

Statuant contradictoirement,

Infirme le jugement susvisé du Tribunal de première instance du 20 mai 1999, en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence formulée par la société Banksoft SPRL sur le fondement de la clause d'arbitrage invoquée par cette partie.

Et, statuant à nouveau,

Dit que le Tribunal de première instance n'était pas compétent pour connaître de l'action en résolution de contrat et en dommages-intérêts introduite par la société ABC Banque Internationale de Monaco à rencontre de la société Banksoft, suivant assignation du 9 novembre 1995 ;

Renvoie les parties à l'arbitrage, en vertu de la clause susvisée.

Composition

M. Landwerlin, prem. prés. ; Mlle Le Lay, prem. subst. proc. gén. ; Mes Pastor et Escaut, av. déf. ; Me d'Hoeyre, av. bar. de Bruxelles ; Aubry av. bar. de Paris.

Note

Cet arrêt infirme le jugement du Tribunal de première Instance du 20 mai 1999 qui a rejeté l'exception d'incompétence soulevée.

VIDAL Dominique, Arbitrage commercial international – clause compromissoire – Extension de la clause - Contrat « intimement lié », Revue de Droit Monégasque, 2005, n° 7, p. 171 à 185.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26892
Date de la décision : 30/01/2001

Analyses

Contrat - Interprétation ; Arbitrage - Général


Parties
Demandeurs : Société Banksoft SPRL
Défendeurs : SAM ABC Banque Internationale de Monaco

Références :

articles 231 et 435 du Code de procédure civile
Ordonnance Souveraine n° 7485 du 14 septembre 1982
article 262 du Code de procédure civile
article 1020 du Code civil
ordonnance souveraine n° 7.485 du 14 septembre 1982
article 976 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2001-01-30;26892 ?

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