La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/05/2000 | MONACO | N°26882

Monaco | Cour d'appel, 23 mai 2000, Monaco industriel cleaning services en abrégé MICS c/ SAM ENGECO


Abstract

Responsabilité civile

Responsabilité contractuelle - Rupture fautive d'un contrat d'entretien : - Non respect du délai de préavis - Obstacle à l'exécution des prestations - Action de la victime - Demande d'exécution du contrat : impossibilité - Demande de résiliation judiciaire (oui)

Résumé

La Société Engeco a souscrit, le 1er juillet 1996, un contrat d'entretien de ses locaux qui étaient alors situés au 3e étage de l'immeuble Coronado auprès de l'entreprise MICS, moyennant le prix forfaitaire mensuel de 6 030,00 francs TTC, ce contrat d'un

e durée de un an, renouvelable était résiliable au gré de chaque partie, suivant un préa...

Abstract

Responsabilité civile

Responsabilité contractuelle - Rupture fautive d'un contrat d'entretien : - Non respect du délai de préavis - Obstacle à l'exécution des prestations - Action de la victime - Demande d'exécution du contrat : impossibilité - Demande de résiliation judiciaire (oui)

Résumé

La Société Engeco a souscrit, le 1er juillet 1996, un contrat d'entretien de ses locaux qui étaient alors situés au 3e étage de l'immeuble Coronado auprès de l'entreprise MICS, moyennant le prix forfaitaire mensuel de 6 030,00 francs TTC, ce contrat d'une durée de un an, renouvelable était résiliable au gré de chaque partie, suivant un préavis donné trois mois avant l'échéance de chaque période annuelle en cours.

Par lettre du 28 mai 1998 la Société Engeco a résilié le contrat au motif qu'elle transférait ses bureaux dans de nouveaux locaux d'une superficie plus réduite.

Après cette résiliation les parties ont envisagé l'éventualité d'une novation de leur convention originaire par changement d'objet, qu'elles n'ont pu réaliser par suite d'un désaccord.

Les parties sont donc demeurées soumises à leur contrat d'origine, qui était à exécution successive.

Il n'est pas contesté que ledit contrat n'a pu être amiablement résilié en conformité des dispositions contractuelles qui imposaient, pour ce faire, un préavis de trois mois.

Par voie de conséquence ledit contrat était appelé à se poursuivre, au delà du 1er juillet 1998, pour une nouvelle période annuelle. L'appelant est ainsi fondé à soutenir que le changement de locaux ne s'analyse pas en un cas légitime de résiliation, dès lors, en effet que la Société Engeco a manqué elle-même à ses engagements en quittant les locaux objet du contrat et en faisant ainsi obstacle par son seul fait à l'exécution des prestations incombant à son cocontractant.

Sur le fondement de l'article 1039 du Code civil offrant le choix de demander en justice soit la résiliation de la convention avec dommages-intérêts, soit son exécution, l'entreprise MICS ne pouvait plus, contrairement à son action, opter pour l'exécution du contrat.

Étant donné qu'elle n'a pas conclu à la résiliation judiciaire des conventions souscrites par les parties, elle doit donc être déboutée de sa demande d'exécution, de même que de sa demande accessoire de dommages-intérêts qui trouve seulement sa cause dans la résistance de l'intimée à satisfaire à la demande de paiement d'une créance contractuelle non avérée.

Motifs

La Cour

Considérant les faits suivants :

La société anonyme monégasque dénommée Engeco a souscrit, le 1er juillet 1996, un contrat d'entretien pour ses locaux qui étaient alors situés au 3e étage de l'immeuble « le Coronado », à Monaco.

Aux termes de ce contrat, l'entreprise « Monaco industriel cleaning services (MICS) », qu'exploite S. S., avait pour tâche de procéder dans lesdits locaux à divers travaux de nettoyage qui étaient prévus comme devant avoir, selon leur nature, une périodicité journalière, hebdomadaire, mensuelle ou trimestrielle, et ce, pour le prix forfaitaire mensuel de 6 030 francs (TTC).

Ce même contrat a été conclu pour une durée d'un an, renouvelable par tacite reconduction mais résiliable au gré de chaque partie, moyennant un préavis qui devait être donné trois mois avant l'échéance de chaque période annuelle en cours.

Par lettre du 28 mai 1998 signée de son responsable administratif, M. M., la Société Engeco a fait connaître à l'entreprise MICS que, « pour cause de déménagement », elle était dans l'obligation de mettre fin au contrat à la date du 30 juin 1998.

Il est de fait que la Société Engeco avait alors procédé au transfert de ses bureaux dans de nouveaux locaux d'une superficie plus réduite, qui se trouvaient désormais dans l'immeuble « Athos Palace ».

Motif pris de ce que le terme ainsi mis au contrat le liant à cette société n'avait pas été conforme aux dispositions conventionnelles prévoyant sa résiliation, l'entreprise MICS a, par courrier du 10 juin 1998, accusé réception de la lettre précitée mais indiqué à la Société Engeco que la demande de résiliation ne pouvait être prise en considération.

Par ce même courrier, l'entreprise MICS a néanmoins précisé à la Société Engeco qu'elle lui adressait pour signature, un avenant au contrat litigieux concernant les nouveaux locaux de l'immeuble « Athos Palace ».

La proposition de prix alors formulée par l'entreprise MICS n'a pas, cependant, été retenue par la Société Engeco.

Par une nouvelle lettre du 18 juin 1998, et rappelant que le contrat dont s'agit avait pour objet le nettoyage de locaux individualisés, situés dans l'immeuble « le Coronado », la Société Engeco a, dès lors, fait valoir que son déménagement de ces locaux entraînait nécessairement la cessation totale du marché, de sorte qu'elle ne pouvait que confirmer la résiliation notifiée pour la date du 30 juin 1998.

Il a été répondu à cette lettre le 24 juin 1998 par l'entreprise MICS. Celle-ci a alors précisé, par courrier adressé à la Société Engeco, que le contrat en cause avait été signé le 1er juillet 1996, et que, dès lors, la notification de résiliation du 28 mai 1998 était hors délai, ledit contrat n'étant en effet résiliable que trois mois avant l'échéance de la période annuelle.

Par une ultime lettre datée du 25 juin 1998 la Société Engeco a, sur ce, réitéré les termes de son précédent courrier du 18 juin 1998, au vu de quoi le conseil de l'entreprise MICS lui a réclamé, par lettre du 20 juillet 1998, paiement sous huitaine d'une somme de 6 030 x 12 = 72 360 francs en exécution du contrat liant les parties, ce, pour la période du 1er juillet 1998 au 30 juin 1999, et au motif que le contrat s'était poursuivi à sa date anniversaire du 1er juillet 1998 pour une nouvelle période annuelle, puisque le délai de préavis de trois mois n'avait pas été respecté au moment de la résiliation invoquée par la Société Engeco.

Faute d'avoir satisfait à cette demande de paiement, la Société Engeco a été, dès lors assignée le 11 septembre 1998 par S. S., devant le tribunal, en paiement de ladite somme, outre intérêts et 10 000 francs à titre de dommages-intérêts.

En défense à cette action, la Société Engeco a fait valoir, principalement, qu'il existait un motif valable de rupture du contrat, et subsidiairement que S. S. n'avait pas démontré, ni prétendu, avoir offert et réellement tenté de fournir les prestations auxquelles son entreprise était tenue.

La Société Engeco a donc soutenu que S. S. avait ainsi été défaillant dans l'exécution de ses obligations, de sorte qu'elle était elle-même fondée à lui opposer une exception d'inexécution qui devait conduire la juridiction au prononcé d'une résiliation judiciaire du contrat litigieux, au 30 juin 1998.

Par jugement du 16 juillet 1999 le tribunal de première instance, statuant contradictoirement, a constaté que la société anonyme monégasque dénommée Engeco avait résilié le contrat du 1er juillet 1996, ce à compter du 30 juin 1998, et pour une cause légitime ; il a donc débouté S. S. de l'ensemble de ses demandes et condamné ce dernier aux dépens.

Pour statuer de la sorte les premiers juges ont d'abord retenu qu'il n'était pas contesté que la Société Engeco avait déménagé et se fût installée dans les locaux différents de ceux qui avaient fait l'objet du contrat du 1er juillet 1996, lesquels de par leur superficie et la configuration des lieux, exigeaient, comme l'avait reconnu S. S. dans le courrier précité du 10 juin 1998, un avenant au contrat de nettoyage du 1er juillet 1996.

Les premiers juges en ont déduit que le délai de préavis prévu contractuellement par les parties ne pouvait donc s'appliquer en l'espèce, dès lors que l'objet même du contrat litigieux se trouvait profondément modifié et que l'exécution de ce contrat était devenue impossible alors en revanche qu'un tel délai aurait été opposable à la Société Engeco, si celle-ci n'avait pas déménagé, et si le contrat avait dû continuer à s'appliquer entre les parties dans les mêmes conditions.

Dès lors qu'en l'occurrence les parties avaient ainsi admis la nécessité de conclure un nouveau contrat, le tribunal a estimé que la somme forfaitaire mensuelle réclamée ne pouvait correspondre à la superficie et à la configuration des nouveaux locaux de la Société Engeco.

Au vu de ces éléments, le tribunal a donc considéré que ladite société avait régulièrement résilié le contrat à compter du 30 juin 1998, pour une cause légitime, dès lors que le demandeur ne contestait pas le déménagement de cette société au cours de la période litigieuse, et que le contrat initial ne correspondait plus aux nouveaux besoins de cette partie.

Par acte du 18 octobre 1999, S. S. a régulièrement formé appel de ce jugement.

Il fait d'abord grief aux premiers juges d'avoir affirmé, de sa part, la reconnaissance de la nécessité d'un nouveau contrat, et son acceptation implicite du bien fondé de la demande de résiliation.

Il fait valoir en effet que l'avenant qu'il a proposé à la Société Engeco, d'ailleurs, soutient-il à la demande de celle-ci, ne pouvait aucunement s'assimiler à une reconnaissance, qu'il aurait manifestée, que le contrat devait être résolu, puisqu'aussi bien il contestait le principe même qu'une telle résiliation ait eu lieu dans le respect des formes contractuelles.

En deuxième lieu, S. S. reproche au tribunal de s'être fondé sur l'inapplicabilité en l'espèce du délai de préavis contractuel considéré comme inopposable à la Société Engeco du fait du déménagement invoqué.

S. S. explique, à ce propos, qu'il appartenait à cette société de prévoir ce déménagement en temps utile ou bien de résilier le contrat initial, sauf à se trouver encore liée par celui-ci.

L'appelant maintient, de la sorte, ses antérieures demandes formulées en première instance, et poursuit en définitive la réformation du jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Il demande également à la cour de dire et juger que le déménagement de la Société Engeco ne pouvait constituer une cause légitime de résiliation du contrat de nettoyage conclu par les parties.

En cause d'appel, mais sans reprendre sa demande de résiliation judiciaire, la Société Engeco conclut en revanche au débouté de S. S. de son appel et à la confirmation du jugement. Elle formule en outre une demande reconventionnelle de 20 000 francs de dommages-intérêts en raison de l'appel.

Cette société estime d'abord que les premiers juges ont, à juste titre considéré que le déménagement de ses locaux impliquait la conclusion d'un nouveau contrat dont l'appelant avait admis la nécessité, car c'est lui-même, rappelle-t-elle, qui avait formulé une proposition pour le nettoyage des nouveaux locaux.

La Société Engeco insiste en deuxième lieu sur la profonde modification de l'économie du contrat qu'entraînait le changement de locaux, et sur le fait que la proposition de nouveau contrat émanant de S. S. ne pouvait en rien s'assimiler à une reconduction de l'ancien contrat.

Enfin la Société Engeco soutient que, par l'effet du changement de locaux, c'est la substance même du premier contrat qui avait disparu, de même que la cause du paiement exigé par S., puisque les prestations de nettoyage et d'entretien ne pouvaient plus être assurées de la manière initialement prévue.

Elle en conclut donc que la question des modalités de la résiliation n'est plus fondamentalement en litige, puisqu'en réalité il n'y aurait plus de contrat.

Sur quoi,

Considérant qu'à tout le moins depuis le 30 juin 1998, date d'échéance du contrat, renouvelé, du 1er juillet 1996 conclu par les parties, les prestations d'entretien et de nettoyage fournies par S. S. au travers de son entreprise MICS en contrepartie de la somme mensuelle de 6 030 francs qui devait lui être périodiquement versée par la Société Engeco, n'ont plus pu s'exécuter dans les locaux initialement désignés par ces parties comme devant être l'objet de ces prestations, lesquels étaient, de convention expresse, situés dans l'immeuble « le Coronado » ;

Qu'en effet à cette date la Société Engeco n'avait plus ses bureaux dans lesdits locaux, pour les avoir déjà transférés dans l'immeuble « Athos Palace » ;

Considérant qu'ainsi S. S. s'est trouvé, ipso facto, dans l'impossibilité d'exécuter ses obligations ;

Considérant qu'en suite de la lettre de résiliation susvisée du 28 mai 1998, les parties ont communément envisagé l'éventualité d'une novation de leurs conventions par changement d'objet afin, manifestement, de tenir compte de cette impossibilité.

Qu'en effet des pourparlers ont eu lieu à ce propos, comme cela résulte de l'échange de courriers ci-dessus rapporté, lesquels n'ont pu aboutir par suite, notamment, d'un désaccord des parties quant au prix des prestations envisagées ;

Considérant qu'à défaut de novation conclue les parties sont, ainsi, demeurées soumises à leur contrat synallagmatique d'origine, qui était à exécution successive ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que ledit contrat n'a pu être amiablement résilié en conformité des dispositions contractuelles qui imposaient, pour ce faire, un préavis de trois mois ;

Considérant que, par voie de conséquence, ledit contrat était appelé à se poursuivre, au delà du 1er juillet 1998, pour une nouvelle période annuelle ;

Considérant que S. S. est ainsi fondé à soutenir, comme il le fait, que le changement de locaux de la Société Engeco dans l'immeuble « Athos Palace », ne s'analyse pas en un cas légitime de résiliation, dès lors, en effet, que ladite société a manqué d'elle-même à ses engagements en quittant les locaux faisant l'objet du contrat susvisé du 1er juillet 1996 et en faisant ainsi obstacle par son seul fait à l'exécution des prestations incombant à son cocontractant ;

Qu'il convient donc d'infirmer sur ce point les dispositions du jugement dont appel ;

Considérant que, sur le fondement de l'article 1039, la clause résolutoire étant sous entendue dans ledit contrat, en vertu de ce texte, S. S. avait seulement le choix, au regard de l'inexécution par la Société Engeco de ses engagements, de demander en justice soit la résiliation de la convention, avec dommages-intérêts, soit son exécution ;

Considérant qu'il ressort manifestement des termes de son acte d'appel, conforme sur ce point à ses écritures judiciaires de première instance, que S. S. poursuit expressément l'exécution du contrat susvisé, qu'il estime s'être régulièrement prorogé à partir du 1er ? ? ? 1998, et à l'égard de la Société Engeco, à laquelle il réclame en effet paiement des mensualités prévues pour la période du 1er juillet 1998 au 30 juin 1999 ;

Considérant, toutefois, qu'ainsi qu'il a été ci-dessus relevé, l'exécution poursuivie n'était plus possible à compter du 1er juillet 1998 ; que cela exclut en l'occurrence l'application de l'article 1039 du Code civil, quant à la faculté offerte à l'appelant d'opter pour l'exécution du contrat ;

Qu'étant rappelé que S. S. n'a pas d'autre part conclu à la résiliation judiciaire des conventions souscrites par les parties, il doit donc être débouté de sa demande d'exécution, de même que de sa demande accessoire de dommages-intérêts qui trouve seulement sa cause dans la résistance de l'intimée à satisfaire à la demande de paiement, visant une créance contractuelle non avérée de 72 360 francs ;

Considérant que, pour autant, la demande de dommages-intérêts simultanément formulée en cause d'appel par la Société Engeco n'est pas davantage fondée ;

Qu'il apparaît en effet que S. S. a pu légitimement se méprendre sur la portée de ses droits, de sorte que son appel n'apparaît pas abusif ;

Qu'en revanche, succombant dans cette voie de recours il devra en supporter les dépens ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS, et ceux non contraires des premiers juges,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

* Infirme le jugement susvisé du tribunal du 16 juillet 1999 en ce qu'il a constaté que la Société Engeco avait résilié le contrat du 1er juillet 1996 conclu par les parties pour une cause légitime ;

* Le confirmant pour le surplus ;

* Déboute S. S. de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Composition

M. Landwerlin prem. prés. ; Serdet proc. gén. Mes Pastor et Sbarrato av. déf.

Note

Cet arrêt a infirmé le jugement du tribunal de première instance rendu le 16 juillet 1999 en ce qu'il a constaté que la Société Engeco avait résilié le contrat du 1er juillet 1996 conclu entre les parties pour une cause légitime et l'a confirmé pour le surplus.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26882
Date de la décision : 23/05/2000

Analyses

Droit des obligations - Responsabilité civile contractuelle


Parties
Demandeurs : Monaco industriel cleaning services en abrégé MICS
Défendeurs : SAM ENGECO

Références :

article 1039 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2000-05-23;26882 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award