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08/02/2000 | MONACO | N°26775

Monaco | Cour d'appel, 8 février 2000, Société Galaxy Trading Services Limited c/ Agence Franco Monégasque


Abstract

Agent d'affaires

Mandat non exclusif de vente - Rémunération - Droit à la commission de l'agence (oui) - Vente consentie à une société unie d'intérêts avec un amateur présenté par l'agence

Résumé

Au soutien du « mandat non exclusif de vente » consenti le 15 juillet 1991 à l'Agence Franco Monégasque, lequel ne faisait nullement obstacle à ce que le vendeur, E. K., effectue des démarches personnelles pour la vente d'un appartement, objet de ce mandat, l'Agence Franco Monégasque a effectivement fait visiter ce bien à Mme B., cliente incon

testée de l'agence, ce à deux reprises en février 1995 et en juin 1996, en lui faisant, par a...

Abstract

Agent d'affaires

Mandat non exclusif de vente - Rémunération - Droit à la commission de l'agence (oui) - Vente consentie à une société unie d'intérêts avec un amateur présenté par l'agence

Résumé

Au soutien du « mandat non exclusif de vente » consenti le 15 juillet 1991 à l'Agence Franco Monégasque, lequel ne faisait nullement obstacle à ce que le vendeur, E. K., effectue des démarches personnelles pour la vente d'un appartement, objet de ce mandat, l'Agence Franco Monégasque a effectivement fait visiter ce bien à Mme B., cliente incontestée de l'agence, ce à deux reprises en février 1995 et en juin 1996, en lui faisant, par ailleurs, parvenir un plan de l'appartement dont s'agit.

Ces visites ont abouti à la manifestation d'un intérêt certain de la part de Mme B. pour cet appartement, au point que cet intérêt s'est concrétisé le 13 septembre 1996, par une troisième visite de celui-ci, effectuée par Mme B. alors accompagnée de Mme I., qui avait, peu après la deuxième visite, indiqué téléphoniquement au vendeur qu'une de ses clientes voulait le rencontrer pour négocier le prix.

En dépit de ce que le prix ait alors été directement négocié par le vendeur avec Mme B. et dès lors qu'il est établi que c'est celle-ci qui a mené cette négociation pour le compte de la Société Galaxy Trading Services Limited en vue d'occuper personnellement l'appartement acquis par cette société, l'Agence Franco Monégasque est en droit d'obtenir la rémunération de 5 % prévue par le mandat en cas de réalisation de l'affaire, puisque aux termes de la convention « mandat non exclusif de vente » le mandant s'interdisait, en tout état de cause, de vendre le bien sans le concours du mandataire à un acquéreur que le mandataire lui aurait présenté, sauf à devoir alors supporter le montant de la commission ; le terme « acquéreur » doit s'entendre, en l'espèce, pour l'application de cette clause, non seulement de la personne morale identifiée comme telle dans l'acte de vente, mais également de la personne physique bénéficiaire réelle de l'opération, ayant en fait conduit la négociation.

En effet il est constant que la promesse de vente a été verbalement souscrite par Mme B. qui s'était présentée comme acquéreur à l'Agence Franco Monégasque, avant que l'acte ne soit immédiatement signé par une société manifestement unie d'intérêts avec elle.

D'autre part la Société Galaxy Trading Services Limited a expressément accepté la charge « de tous honoraires d'intermédiaires éventuels », sur stipulation de la clause correspondante ainsi souscrite au profit de tiers bénéficiaires déterminables à raison de leur qualité d'intermédiaires.

Il se déduit de ces circonstances que la commission originairement due par E. K. à l'Agence Franco Monégasque, selon le mandat susvisé, ce, du fait de la réalisation de la vente, doit être, en définitive, supportée par la Société Galaxy Trading Services Limited, laquelle ne saurait ainsi être admise à soutenir utilement, pour échapper à son obligation, que la vente n'a pas eu lieu par l'intermédiaire de l'Agence Franco Monégasque, dès lors que Mme B. a été présentée par celle-ci au vendeur, conformément au mandat précité, quel qu'ait été, par ailleurs, le rôle de Mme I. ou celui d'E. K.

Motifs

La Cour,

Considérant les faits suivants :

Aux termes d'une convention intitulée « mandat non exclusif de vente », versée en copie aux débats, et conclue à Roquebrune-Cap-Martin (France), le 15 juillet 1991, E. K. a donné à la société à responsabilité française dénommée Agence Franco Monégasque, alors représentée par D. V., mandat de vendre un appartement « Penthouse » situé aux 7e et 8e étages de l'immeuble dénommé ..., outre trois emplacements de voiture au sous-sol de l'immeuble.

Il était convenu en cet acte que le mandataire ne pourrait vendre l'ensemble de ces biens à un prix inférieur à 26 500 000 francs, sauf accord ultérieur du mandant, et que le mandat conféré par celui-ci devait avoir un caractère irrévocable durant trois mois à compter du 15 juillet 1991, après quoi il se poursuivrait par tacite reconduction aux mêmes conditions, sauf révocation par lettre recommandée avec demande d'avis de réception sur préavis de trois mois.

Il était également prévu en conséquence que le mandant s'interdisait, « après l'expiration du mandat, de vendre sans son concours à un acquéreur qui lui aurait été présenté par le mandataire », et qu'à défaut il s'engageait à verser au mandataire, à titre de clause pénale, le montant de la commission.

Par ailleurs le mandant s'engageait à notifier la vente à tout acquéreur présenté par le mandataire, en acceptant les frais et charges prévus au mandat, et aussi, en cas de vente, à informer immédiatement le mandataire, pour mettre un terme au mandat et éviter ainsi au mandataire d'engager la vente avec un autre acquéreur.

Enfin, en cas de réalisation de l'affaire, il était prévu à l'acte que le mandataire aurait droit, selon les honoraires en vigueur dans la Principauté de Monaco, à 5 % (+ TVA 18,60 %) du prix de vente.

En exécution du mandat ainsi conclu, l'Agence Franco Monégasque a fait visiter l'appartement mis en vente par E. K. à une personne, cliente de l'agence, Mme B.

La visite a eu lieu le 7 février 1995 ainsi qu'il résulte d'une lettre confirmant cette visite, que M. B., au nom de l'Agence Franco Monégasque, a adressée sous la date du 15 février 1995 à la société à responsabilité française dénommée « Contrôle et gestion méditerranéen d'architecture et de développement » (COGEMAD), dirigée par E. K.

Il était également indiqué dans cette lettre que Mme B. avait manifesté un vif intérêt pour l'appartement visité, présenté pour le prix de 26 500 000 francs, et qu'un plan de celui-ci lui avait alors été transmis.

Enfin, tout en se proposant de tenir le vendeur au courant de l'affaire, l'Agence Franco Monégasque demandait à ce dernier de l'informer immédiatement au cas où Mme B., ou un autre agent immobilier, prendrait directement contact avec lui.

Plus d'un an après, par une deuxième lettre datée du 10 mai 1996 et adressée au même destinataire, l'Agence Franco Monégasque informait la COGEMAD de ce que Mme B. devait revenir à Monaco au début du mois de juin 1996, et qu'il avait été reproposé à celle-ci l'appartement visité le 15 février 1995, pour le nouveau prix de 18 000 000 de francs, commission comprise.

Selon les termes d'une lettre de l'Agence Franco Monégasque datée du 28 octobre 1996, confirmés le 4 novembre 1996 par E. K., M. B. a, pour le compte de cette même agence immobilière, effectué une nouvelle visite de l'appartement à vendre, le 20 juin 1996 à 13 heures, avec Mme B., qui était alors accompagnée d'un couple ce, en présence de M. R., assistant d'E. K.

À la suite de cette visite E. K. avait été immédiatement contacté téléphoniquement par M. I., qui lui avait alors précisé, sans la désigner, avoir une cliente désireuse de se porter acquéreur de l'appartement dont s'agit, et que celle-ci souhaitait le rencontrer afin d'ouvrir une négociation quant au prix.

Le 13 septembre 1996, ainsi qu'il résulte d'une lettre datée du 8 octobre 1996 signée d'E. K. et adressée à l'Agence Franco Monégasque, Mme B. s'est alors, une nouvelle fois rendue dans l'appartement dont s'agit, accompagnée des époux I.

E. K. indiquait dans sa lettre précitée avoir alors négocié directement avec Mme B. et s'être mis d'accord avec elle sur le prix de « 16 450 000 francs net vendeur » sous les trois conditions suivantes :

1) qu'une promesse de vente soit signée le jour même (13 septembre 1996) par devant notaire, avec un acompte de 10 % du prix,

2) que l'acte de vente et la remise du solde soient réalisés avant le 20 septembre 1996,

3) que la commission incombant au vendeur et à l'acquéreur au profit de l'Agence Franco Monégasque, et de tous autres intermédiaires, soit à la charge de l'acquéreur.

E. K. mentionnait dans sa lettre :

« Mme B. a accepté toutes ces conditions et nous nous sommes rendus chez Maître Aureglia pour la signature de la promesse de vente. J'ai exposé mes conditions et la situation de l'Agence Franco Monégasque à Maître Aureglia. Je lui ai même demandé d'ajouter sur la promesse les conditions mentionnées ci-dessus qu'il a rédigées à sa manière ».

De fait, la promesse de vente convenue de la sorte a été effectivement signée le 13 septembre 1996 par E. K., agissant comme vendeur, et une société des îles Vierges Britanniques, acquéreur, dénommée Galaxy Trading Services Limited qui s'est trouvée représentée à l'acte par A. I., agent immobilier à Monaco.

Au sujet des conditions qu'E. K. souhaitait voir figurer dans la promesse, l'acte précité du 13 septembre 1996 prévoit « que tous honoraires d'intermédiaires éventuels seront à la charge de l'acquéreur ».

En vue de la réitération par acte authentique de la promesse de vente ainsi conclue, E. K. dit s'être entretenu avec M. F., de l'Étude notariale de Maître Rey, afin de faire mentionner plus précisément dans le nouvel acte les commissions dues à l'Agence Franco Monégasque.

Il se serait alors heurté à l'opposition des représentants de l'acquéreur qui ne souhaitaient pas faire mention des commissions dues à l'Agence Franco Monégasque.

C'est ainsi que l'acte authentique dressé le 20 septembre 1996, en double minute, par Maître P.-L. Aureglia et Maître H. Rey, notaires à Monaco, reprend la formulation de la promesse, en ce sens « que tous honoraires d'intermédiaires éventuels seront à la charge de l'acquéreur ».

Selon cet acte authentique l'appartement mis en vente par E. K. a été effectivement acquis, avec ses annexes, par la société Galaxy Trading Services agissant par l'intermédiaire d'A. I., pour le prix précédemment convenu de 16 450 000 francs.

Dès la signature de cet acte authentique, les clefs de l'appartement ont été remises par E. K. en mains propres à Mme B., qui avait alors déclaré au vendeur, en se comportant apparemment en tant que nouveau propriétaire, ne pouvoir immédiatement emménager dans l'appartement.

Ces circonstances, non formellement contestées, résultent expressément des termes de la lettre ci-dessus mentionnée de l'Agence Franco Monégasque, datée du 28 octobre 1996, qu'a confirmés E. K.

Au demeurant, un procès-verbal de constat dressé, par Maître Marie-Thérèse Escaut-Marquet, huissier, le 10 juillet 1997, révèle la présence de la mention « B. - 130 - 8e ét. » sur une boîte aux lettres de l'immeuble ...

Quatre jours après la vente, soit le 24 septembre 1996, E. K. écrivait dès lors à Maître Paul-Louis Aureglia, notaire, une lettre ainsi conçue :

« J'ai été très surpris le vendredi 20/9/96 de la mauvaise foi des acquéreurs, lors de la signature de l'acte de vente de mon appartement à Monaco.

Lorsque nous nous sommes rencontrés le vendredi 13/9/96 à votre bureau pour la signature de la promesse de vente, je vous avais exposé le sujet de l'Agence Franco Monégasque. Je vous ai informé que l'acquéreur B. qui s'est fait substituer par la société Galaxy avait visité à deux reprises, et notamment cet été, mon appartement par l'intermédiaire de Mademoiselle M. B. de l'Agence Franco Monégasque.

Madame B. a ensuite décidé de poursuivre cette affaire avec M. et Mme I. en lieu et place de Mademoiselle B. pour des raisons que j'ignore.

Lors de ma négociation avec Madame B. j'ai accepté de diminuer mon prix de 18 000 000 de Frs à 16 450 000 Frs sous réserves des deux conditions suivantes :

1. que la vente se réalise dans un délai d'une semaine,

2. que le prix de 16 450 000 francs soit un prix net vendeur et que la commission de M. et Mme I. et éventuellement de Mademoiselle M. B. soit à la charge de l'acquéreur.

L'acquéreur a accepté mon prix et mes deux conditions.

J'ai mentionné, ci-dessus, l'éventualité d'une commission due à Mademoiselle B., car les I. ont dit même devant vous, que cette commission ne serait pas due à Mlle B., car seule l'agence qui concrétise la vente a droit à la commission.

N'étant pas persuadé par les propos de M. I., je vous ai demandé d'ajouter une phrase concernant cette condition.

Au début de la semaine du 16/9/96, nous nous sommes aperçus mes conseils et moi-même que cette phrase était ambiguë et pas assez claire.

Étant donné que les acquéreurs étaient déjà d'accord sur le principe de la commission éventuellement due à l'Agence Franco Monégasque, j'ai demandé que cette phrase soit développée pour qu'elle soit précise et qu'elle reflète la réalité.

Les acquéreurs ont refusé de modifier la phrase dans l'acte ou même de signer une note séparée concernant ce sujet.

Les acquéreurs profitent de l'ambiguïté de la phrase inscrite dans la promesse pour ne pas prendre à leur charge le sujet de l'Agence Franco Monégasque.

Ils ont même eu l'audace de me dire que la commission vendeur resterait à ma charge, et que la phrase dans la promesse concernait seulement la commission acquéreur.

Je vous demande donc, en tant que Notaire et Officier Public, de me confirmer qu'il a bien été exposé par devant vous, le vendredi 13/9/96 que l'acquéreur avait visité à plusieurs reprises l'appartement par l'intermédiaire de l'Agence Franco Monégasque et que la phrase que vous avez rédigée dans la promesse se réfère bien à l'éventuelle commission qui serait due à l'Agence Franco Monégasque.

Dans cette attente, veuillez agréer, Maître l'expression de mes salutations distinguées.

E. K. »

Cette lettre devait appeler de Maître Aureglia, la réponse suivante :

« Monsieur,

J'ai bien reçu votre courrier du 24 septembre écoulé, concernant la vente de votre appartement au profit de la société Galaxy, dont les termes ont retenu toute mon attention.

Vous comprendrez aisément que je ne puisse en ma qualité d'officier ministériel prendre position sur la portée de la clause finale du compromis de vente signé en mon Étude le vendredi 13 septembre 1996, concernant les commissions éventuelles qui seraient dues, clause qui, apparemment, n'a pas été interprétée par les deux parties de manière identique, ce qu'au surplus je déplore.

Je vous prie d'agréer, Cher Monsieur, l'expression de mes sentiments distingués. »

L'ensemble des documents qui viennent d'être évoqués ayant été communiqués à l'Agence Franco Monégasque, celle-ci, par l'intermédiaire de son avocat-défenseur, Maître Jacques Sbarrato, s'adressait le 23 décembre 1996 à la société Galaxy Trading Services Limited, afin d'obtenir paiement des sommes suivantes :

Commission vendeur :

16 450 000 x 5% ................................ 822 500 francs

TVA 20,60 % .................................... 169 435 francs

Commission acquéreur :

16 450 000 x 3 % ............................... 493 500 francs

TVA 20,60 % .................................... 101 661 francs

* --------

soit au total : .............................. 1 587 096 francs

N'ayant pas obtenu satisfaction l'Agence Franco Monégasque a, le 28 janvier 1997, présenté requête au président du Tribunal de première instance aux fins d'inscription provisoire d'une hypothèque judiciaire sur les biens objet de l'acte authentique précité.

Deux ordonnances des 29 janvier et 19 février 1997 ont été rendues sur cette requête, qui contenaient des erreurs de dénomination de la société Galaxy Trading Services Limited ; elles ont été, pour ce, rapportées par une troisième ordonnance du 26 février 1997.

Aux termes de celle-ci la société Agence Franco Monégasque a été autorisée à prendre une inscription provisoire d'hypothèque judiciaire sur les biens dont s'agit pour avoir sûreté, garantie et paiement de la somme de 1 650 000 francs, montant provisoirement évalué de sa créance.

L'Agence Franco Monégasque a fait, dès lors, assigner la société Galaxy Trading Services Limited par devant le Tribunal de première instance en paiement à titre de commission de la somme de 1 587 056 francs, outre 40 000 francs à titre de dommages-intérêts, et pour obtenir ensuite, au vu du jugement de condamnation requis, une inscription définitive d'hypothèque judiciaire sur les biens de sa débitrice, sur constatation judiciaire de la régularité formelle de l'inscription provisoire.

En défense, la société Galaxy Trading Services Limited, s'estimant étrangère au mandat non exclusif de vente précité, du 15 juillet 1991, et relevant que l'appartement dont s'agit n'avait été vendu ni à Mme B., cliente de l'Agence Franco Monégasque, ni au prix prévu dans le mandat, a conclu, devant le Tribunal de première instance au rejet des demandes de cette Agence, à la radiation de l'inscription provisoire d'hypothèque obtenue par celle-ci, et à la condamnation de cette même partie à lui payer 50 000 francs à titre de dommages-intérêts, pour compenser les frais inhérents à sa défense en justice.

Par jugement du 26 novembre 1998, le Tribunal de première instance a condamné la société Galaxy Trading Services Limited à payer à la société Agence Franco Monégasque la somme de 991 935 francs, avec intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 1996, mais débouté celle-ci du surplus de ses demandes, tout en la renvoyant à l'accomplissement des formalités légales pour l'inscription définitive de son hypothèque judiciaire.

Le Tribunal de première instance a retenu, dans les motifs de sa décision, que Mme B. s'était fait substituer par la société Galaxy Trading Services Limited, lors de l'acquisition de l'appartement de M. E. K. ; qu'elle avait obtenu elle-même la remise des clefs de cet appartement et qu'elle l'occupait effectivement ; que la clause relative au « paiement des honoraires d'intermédiaires éventuels » figurant à l'acte de vente lui était opposable ; que cette clause devait s'interpréter à la lumière des divers courriers versés aux débats ; qu'à cet égard les pièces produites attestaient de ce que l'acquéreur avait bien souscrit l'obligation de payer l'ensemble des commissions d'agence ; qu'il y avait donc lieu de mettre à la charge de la société Galaxy Trading Services Limited le paiement de la commission incombant au vendeur, et correspondant, selon le mandat, aux 5 % du prix de vente, majorés de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'en revanche aucune pièce de la procédure ne permettait de lui imputer le paiement de la commission incombant à l'acquéreur, alors surtout qu'il ressortait des éléments de la cause que cette commission avait déjà été acquittée auprès de l'Agence Monaco Privilège.

Par acte d'appel et assignation du 5 février 1999, régulièrement signifié à la société Agence Franco Monégasque, la société Galaxy Trading Services Limited demande qu'il plaise à la Cour réformer le jugement ainsi rendu, en ce qu'il l'a condamnée à payer, avec intérêts, la somme de 991 935 francs, mais le confirmer en ce qu'il a débouté l'Agence Franco Monégasque du surplus de ses demandes.

Ce faisant, la société Galaxy Trading Services Limited a réitéré en cause d'appel ses antérieures demandes de débouté, de radiation d'inscription, et d'indemnité, formulées en première instance.

Au soutien de son appel, ainsi formé, la société Galaxy Trading Services Limited reprend également ses moyens de première instance en prétendant que lui est inopposable le mandat de vente conclu entre E. K. et l'Agence Franco Monégasque, et que cette agence n'a été nullement l'intermédiaire dans la réalisation de la vente, contrairement à ce qu'a retenu le jugement entrepris.

De la sorte aucune commission ne serait due à l'Agence Franco Monégasque, tandis que l'agence Monte-Carlo Privilège d'A. I. bénéficiait, en revanche, d'un mandat.

La société Galaxy Trading Services Limited a produit en effet, lors de son acquisition de l'appartement d'E. K., un document rédigé en langue anglaise et intitulé « Power of Attorney » donnant apparemment mandat à A. I. pour consentir à cette acquisition, document daté du 27 septembre 1995 mais enregistré à Monaco le 26 septembre 1996, après avoir été annexé à la minute de l'acte authentique de vente susvisé.

L'appelante déduit de ce mandat, et de l'intervention d'A. I. à l'acte de vente, que c'est l'agence Monte-Carlo Privilège qui avait permis la réalisation de la vente.

Elle en conclut donc que l'Agence Franco Monégasque n'avait pas été l'intermédiaire ayant permis cette réalisation et ne pourrait nullement prétendre à une commission de l'agence Monte-Carlo Privilège.

Elle ajoute, à cet égard, que M. R., représentant les intérêts d'E. K., avait écrit à l'agence Monte-Carlo Privilège une lettre datée du 21 avril 1993, dont il résulterait, selon ce qu'elle prétend, que cet appartement aurait été proposé à la vente à cette Agence.

La société Galaxy Trading Services Limited mentionne également, que par un deuxième courrier du 12 mai 1993 M. R. avait indiqué à cette agence le prix de location de l'appartement en cause ; enfin qu'une annonce en langue anglaise était parue dans un périodique signalant que ce même appartement était à la vente, et qu'il convenait de s'adresser à M. R., circonstance qui révélerait, aux dires de l'appelante, que ce bien pouvait être directement vendu par K.

La société Galaxy Trading Services Limited soutient, par ailleurs, que le contrat de mandat conclu par K. avec l'Agence Franco Monégasque est inopposable aux tiers, et que, de plus, il ne mentionne pas expressément que la commission de 5 % du prix de vente ait à être supportée par l'acquéreur.

La société Galaxy Trading Services Limited observe, enfin, qu'elle ne s'est jamais engagée au versement d'une commission envers l'Agence Franco Monégasque, l'acte de vente ne l'indiquant pas.

Elle prétend, en revanche, que, lorsqu'elle s'est engagée à prendre à sa charge les honoraires d'intermédiaires, il s'agissait seulement de ceux de l'agence Monte-Carlo Privilège.

L'Agence Franco Monégasque, reprenant également en cause d'appel ses moyens de première instance, rappelle, pour sa part, qu'elle disposait d'un mandat concernant le bien immobilier vendu par E. K., et que la commission incombant à ce vendeur, soit 5 % du prix selon le tarif de la Chambre immobilière monégasque, n'avait nullement été contestée par lui, alors cependant qu'il justifiait en avoir transféré sur l'acquéreur l'obligation de la payer.

L'Agence Franco Monégasque rappelle, à cet égard, les termes de l'acte du 20 septembre 1996 précisant que l'acquéreur acquittera tous les frais, droits et émoluments et que de même « tous honoraires d'intermédiaires éventuels seront à la charge de l'acquéreur ».

Elle rappelle également que la société acquéreur, Galaxy Trading Services Limited, s'est trouvée engagée par cette clause bien que cette même société ait cherché à en éluder l'application en se substituant à Mme B., ce qui ne serait cependant pas opérant, puisque l'acquéreur ne serait que l'émanation de cette personne, et que l'occultation de la réalité de cette circonstance n'aurait pour seul objet que de tromper la justice monégasque.

L'Agence Franco Monégasque souligne également que la société Galaxy Trading Services Limited ne conteste ni le mandat de vente consenti par E. K., ni les visites organisées pour présenter le bien à Mme B., ce qui priverait d'effet la prétention soutenue par l'appelante que la vente n'aurait pu se réaliser que grâce à A. I.

L'intimée précise, par ailleurs, que le fondement de l'obligation à paiement de commission opposée à la société Galaxy Trading Services Limited réside, en réalité, non dans le contrat de mandat souscrit par le vendeur, mais dans la clause précitée du contrat de vente qui obligeait l'acquéreur.

L'Agence Franco Monégasque rappelle enfin que l'efficacité de son intervention est patente, et qu'en conséquence, eu égard au mandat de vente préalablement obtenu d'E. K., elle est en droit de prétendre à la commission incombant au vendeur, mais devant être payée en l'espèce par l'acquéreur, aux termes de cette même clause.

Estimant, en définitive, que le recours de l'appelante est abusif, car fondé sur les mêmes moyens que sa demande préalable au jugement entrepris, l'Agence Franco Monégasque sollicite, à l'encontre de l'appelante, la condamnation de celle-ci à lui payer 50 000 francs à titre de dommages-intérêts.

Par ses dernières conclusions déposées en cause d'appel, la société Galaxy Trading Services Limited, maintenant l'ensemble de ses prétentions, rappelle que, dans le mandat initial conclu par E. K. avec l'Agence Franco Monégasque, le prix fixé pour le bien mis en vente était de 26 500 000 francs ; qu'ainsi, et dès lors que le vendeur avait ensuite accepté de réduire le prix à 18 000 000 de francs, en envisageant dans cette hypothèse, de réaliser lui-même la vente avec l'acquéreur, le prix de 16 500 000 francs finalement retenu devait s'entendre « net vendeur », de sorte qu'aucune commission ne devait en définitive revenir à l'Agence Franco Monégasque, étant par ailleurs précisé que l'Agence Monte-Carlo Privilège, avait, pour sa part, reçu sa commission d'un montant de 396 774 francs.

Sur quoi :

Considérant qu'au soutien du « mandat non exclusif de vente » consenti le 15 juillet 1991 à l'Agence Franco Monégasque, comme il a été ci-dessus rapporté, et qui ne faisait nullement obstacle à ce que le vendeur effectue des démarches personnelles pour la vente du bien, objet de ce mandat, l'Agence Franco Monégasque a effectivement fait visiter ce bien à Mme B., cliente incontestée de l'agence, ce à deux reprises, en février 1995 et en juin 1996, en lui faisant, par ailleurs, parvenir un plan de l'appartement dont s'agit ;

Considérant que ces visites ont abouti à la manifestation d'un intérêt certain de la part de Mme B. pour cet appartement ;

Considérant que cet intérêt s'est concrétisé le 13 septembre 1996, par une troisième visite de l'appartement effectuée par Mme B., alors accompagnée notamment de Mme I., qui avait, peu après la deuxième visite effectuée par Mme B., indiqué téléphoniquement au vendeur qu'une de ses clientes voulait le rencontrer pour négocier le prix ;

Considérant qu'en dépit de ce que le prix ait alors été directement négocié par E. K. avec Mme B., et dès lors que les éléments de fait ci-dessus rapportés révèlent que c'est celle-ci qui a mené cette négociation pour le compte de la société Galaxy Trading Services Limited en vue d'occuper personnellement le bien acquis par cette société, l'Agence Franco Monégasque est en droit d'obtenir la rémunération de 5 % prévue par le mandat en cas de réalisation de l'affaire, puisque aux termes de cette convention ci-dessus rapportés, le mandant s'interdisait, en tout état de cause, de vendre le bien sans le concours du mandataire à un acquéreur que le mandataire lui aurait présenté, sauf à devoir alors supporter le montant de la commission ;

Que le terme « acquéreur » doit s'entendre, en l'espèce, pour l'application de cette clause, non seulement de la personne morale identifiée comme telle dans l'acte de vente, mais également de la personne physique bénéficiaire réelle de l'opération, ayant en fait conduit la négociation ;

Qu'en effet il est constant que la promesse de vente a été verbalement souscrite par Mme B. s'étant présentée comme acquéreur à l'Agence Franco Monégasque, avant que l'acte ne soit immédiatement signé par une société manifestement unie d'intérêts, avec Mme B. ;

Considérant, d'autre part, que la société Galaxy Trading Services Limited a expressément accepté, comme il a été ci-dessus rappelé, la charge « de tous honoraires d'intermédiaires éventuels », sur stipulation de la clause correspondante ainsi souscrite au profit de tiers bénéficiaires déterminables à raison de leur qualité d'intermédiaires ;

Considérant qu'il se déduit de ces circonstances que la commission originairement due par E. K. à l'Agence Franco Monégasque, selon le mandat susvisé, ce, du fait de la réalisation de la vente, doit être, en définitive, supportée par la société Galaxy Trading Services Limited, qui ne saurait ainsi être admise à soutenir utilement, pour échapper à son obligation, que la vente n'a pas eu lieu par l'intermédiaire de l'Agence Franco Monégasque, dès lors que Mme B. a été présentée par celle-ci au vendeur, conformément au mandat précité, quel qu'ait été, par ailleurs, le rôle des époux I., ou celui d'E. K. ;

Considérant qu'il convient donc de confirmer de ce chef le jugement entrepris dont le calcul de la condamnation principale s'avère justifié et n'a pas été critiqué en cause d'appel, le montant de cette condamnation devant porter intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 1996, date à juste titre retenue par les premiers juges comme correspondant à la mise en demeure de payer susvisée, adressée par l'avocat-défenseur de l'Agence Franco Monégasque à la société Galaxy Trading Services Limited ;

Que les dispositions accessoires de ce même jugement, relatives à l'inscription d'hypothèque doivent être, par voie de conséquence, également confirmées ;

Considérant, cependant, que l'appel formé par la société Galaxy Trading Services Limited n'apparaît pas abusif ;

Qu'il ne peut donc être alloué à l'intimée les dommages-intérêts qu'elle a réclamés en cause d'appel ;

Considérant, enfin, que l'appelante, succombant en son appel, devra supporter les entiers dépens de la présente instance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS, et ceux non contraires des premiers juges :

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco, statuant contradictoirement,

* Confirme en toutes ses dispositions le jugement susvisé du Tribunal de première instance, du 26 novembre 1998 ;

* Déboute la société dénommée Agence Franco Monégasque de sa demande de dommages-intérêts ;

Composition

M. Landwerlin, prem. Prés. ; M. Serdet, proc. gén. ; Mes Brugnetti, Sbarrato, av. déf. ; Baudoux. av. bar. de Nice.

Note

Cet arrêt confirme le jugement du Tribunal de première instance en date du 26 novembre 1998.

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Synthèse
Numéro d'arrêt : 26775
Date de la décision : 08/02/2000

Analyses

Contrat de vente ; Contrat de mandat


Parties
Demandeurs : Société Galaxy Trading Services Limited
Défendeurs : Agence Franco Monégasque

Références :

ordonnance du 26 février 1997


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2000-02-08;26775 ?

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