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29/06/1999 | MONACO | N°26703

Monaco | Cour d'appel, 29 juin 1999, Cts G. c/ SAM Crédit foncier de Monaco


Abstract

Action paulienne

Conditions d'exercice - Acte attaqué : donation - Fraude du débiteur - Préjudice du créancier : appauvrissement du patrimoine du débiteur - Créance certaine - Antériorité de la créance par rapport à l'acte - Preuve de la complicité du donataire non nécessaire - Inopposabilité de l'acte au créancier

Résumé

Il résulte des éléments de la cause que S. G. s'est portée caution solidaire de la Société MGTT Monaco dont elle est l'administrateur-délégué, par acte sous seing privé du 19 janvier 1994, au profit du Crédit de

Monaco pour le Commerce, aux droits duquel se trouve le crédit foncier de Monaco, pour toutes opér...

Abstract

Action paulienne

Conditions d'exercice - Acte attaqué : donation - Fraude du débiteur - Préjudice du créancier : appauvrissement du patrimoine du débiteur - Créance certaine - Antériorité de la créance par rapport à l'acte - Preuve de la complicité du donataire non nécessaire - Inopposabilité de l'acte au créancier

Résumé

Il résulte des éléments de la cause que S. G. s'est portée caution solidaire de la Société MGTT Monaco dont elle est l'administrateur-délégué, par acte sous seing privé du 19 janvier 1994, au profit du Crédit de Monaco pour le Commerce, aux droits duquel se trouve le crédit foncier de Monaco, pour toutes opérations traitées avec la banque ; que les crédits que cette dernière avait accordés à la société MGTT Monaco et renouvelés par lettre du 21 novembre 1995 ont été dénoncés par la banque le 19 mars 1996, qui a mis en demeure la société et la caution d'avoir à payer le solde débiteur des comptes de la société s'élevant, à cette date, à la somme de 1 280 533,86 francs ; que par acte notarié du 19 juin 1996, S. G. a fait donation à sa fille de la nue-propriété d'un appartement avec réserve d'usufruit pour elle-même et son mari leur vie durant.

Il suffit pour exercer l'action paulienne que les droits de créance aient existé lors de la passation de l'acte incriminé, sans qu'il soit nécessaire qu'ils aient été reconnus en justice antérieurement à cet acte.

En l'espèce, la donation susvisée constitue un acte d'appauvrissement du patrimoine ayant rendu insolvable S. G. qui ne dispose désormais, selon l'état des transactions dressé le 8 juillet 1996, d'aucun autre bien immobilier pour faire face au montant de sa dette, occasionnant ainsi un préjudice au Crédit foncier de Monaco consistant dans le fait de ne plus trouver, après l'acte incriminé, les éléments saisissables qui lui assuraient le paiement de sa créance.

En soustrayant de son patrimoine et sans contrepartie, un élément essentiel de celui-ci en sachant que la société MGTT Monaco, dont elle s'était portée caution solidaire, était irrémédiablement débitrice à l'égard du Crédit foncier de Monaco et en ayant nécessairement conscience du préjudice que cet acte de dépossession allait occasionner à son créancier, S. G. a commis un acte frauduleux.

S'agissant d'un acte à titre gratuit, la complicité de fraude du donataire n'est pas exigée comme condition d'exercice de l'action paulienne.

Motifs

La Cour,

La Cour statue sur l'appel relevé par S. G., R. G., L. G. d'un jugement du Tribunal de première instance en date du 28 mai 1998.

Référence étant faite pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties à la décision déférée et aux écritures échangées en appel, il suffit de rappeler les éléments ci-après énoncés :

Saisi par la SAM Crédit foncier de Monaco d'une action paulienne dirigée à l'encontre de S., R. et L. G., le tribunal, par le jugement déféré, a révoqué et déclaré inopposable à cette banque, la donation faite par S. G. à sa fille L. G., de la nue-propriété d'un appartement situé à Monaco, a déclaré ledit jugement commun à R. G. et a condamné S. G. au paiement d'une somme de 15 000 francs au profit de la banque à titre de dommages-intérêts.

Pour statuer ainsi, les premiers juges ont relevé que le Crédit foncier de Monaco disposait à l'encontre de S. G. d'un principe certain de créance antérieur à la donation intervenue le 19 juin 1996, que la donatrice ne présentait plus, en raison de cet acte, d'une solvabilité suffisante pour faire face au montant de sa dette, que la fraude résultait de la conscience qu'avait S. G. du préjudice causé à la banque, que la preuve de la complicité du donataire n'était pas nécessaire.

Au soutien de leur appel tendant à la réformation du jugement déféré, les consorts G. font valoir :

* en premier lieu, que S. G. a relevé appel du jugement du tribunal ayant jugé valable l'acte de caution dont elle soutient - dans une autre instance - qu'il aurait été annulé par la convention des parties,

* en deuxième lieu, que la créance de la banque à l'encontre de S. G. n'est ni certaine, ni liquide, ni exigible,

* en troisième lieu, qu'à la date de la donation, les pourparlers antérieurement engagés avec la banque à propos du remboursement de la dette cautionnée n'avaient pas porté sur une éventuelle garantie hypothécaire qui ne sera envisagée par la banque que le 9 juillet 1996 de sorte que la fraude qui lui est reprochée n'est pas établie,

* en quatrième lieu, que la complicité de la donataire n'est pas davantage établie.

Dans des conclusions ultérieures, les appelants soulignent qu'en l'état de la contestation élevée par S. G. à propos de l'acte de caution, la créance de la banque ne serait pas certaine.

Le Crédit foncier de Monaco a conclu à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation solidaire des appelants au paiement d'une somme de 100 000 francs à titre de dommages-intérêts pour appel abusif.

Il rappelle que sa créance est certaine et antérieure à la donation, qu'elle est exigible depuis le 19 mars 1996, date de la dénonciation des concours financiers qu'il avait accordés à la société MGTT Monaco, garantis par la caution donnée par S. G., qu'elle est liquide.

Il fait observer que la fraude paulienne résulte de la seule connaissance qu'a le débiteur du préjudice causé au créancier.

Il relève que la preuve de la complicité du tiers qui a participé à un acte gratuit n'est pas nécessaire.

SUR CE :

Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats que S. G. s'est portée caution solidaire de la société MGTT Monaco dont elle est l'administrateur-délégué, par acte sous seing privé du 19 janvier 1994, au profit du Crédit de Monaco pour le commerce aux droits duquel se trouve le Crédit foncier de Monaco, pour toutes opérations traitées avec la banque ;

Que les crédits que cette dernière avait accordés à la société MGTT Monaco et renouvelés par lettre du 21 novembre 1995 ont été dénoncés par la banque le 19 mars 1996 qui a mis en demeure la société et la caution d'avoir à payer le solde débiteur des comptes de la société s'élevant à cette date à la somme de 1 280 533,86 francs ;

Que par acte notarié du 19 juin 1996, S. G. a fait donation à sa fille de la nue-propriété d'un appartement situé à Monaco avec réserve d'usufruit pour elle-même et son mari leur vie durant ;

Considérant qu'il suffit, pour exercer l'action paulienne que les droits de créance aient existé lors de la passation de l'acte incriminé sans qu'il soit nécessaire qu'ils aient été reconnus en justice antérieurement à cet acte ;

Qu'en l'espèce, l'acte de caution du 19 janvier 1994 a fait naître au profit du Crédit Foncier de Monaco une créance certaine dans son principe et la contestation élevée par S. G. à propos de l'existence de cet acte n'a eu par elle-même aucun effet juridique sur le caractère certain de la créance ;

Que l'engagement de caution ayant été confirmé par un arrêt rendu ce jour, il apparaît que le Crédit foncier de Monaco disposait, antérieurement à la donation du 19 juin 1996, d'un principe certain de créance à l'encontre de S. G. ;

Considérant que cette donation constitue un acte d'appauvrissement du patrimoine ayant rendu insolvable S. G. qui ne dispose désormais, selon l'état des transcriptions dressé le 8 juillet 1996, d'aucun autre bien immobilier pour faire face au montant de sa dette, occasionnant ainsi un préjudice au Crédit foncier de Monaco consistant dans le fait de ne plus trouver, après l'acte incriminé, les éléments saisissables qui lui assuraient le paiement de sa créance ;

Considérant qu'en soustrayant de son patrimoine et sans contrepartie, un élément essentiel de celui-ci en sachant que la société MGTT Monaco dont elle s'était portée caution solidaire était irrémédiablement débitrice à l'égard du Crédit foncier de Monaco et en ayant nécessairement conscience du préjudice que cet acte de dépossession allait occasionner à son créancier, S. G. a commis un acte frauduleux ;

Que s'agissant d'un acte à titre gratuit, la complicité de fraude du donataire n'est pas exigée comme condition d'exercice de l'action paulienne ;

Que la preuve de la complicité du donataire n'est donc pas nécessaire ;

Considérant qu'il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a condamné S. G. au paiement d'une somme de 15 000 francs à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice que son comportement fautif a occasionné au Crédit foncier de Monaco ;

Considérant sur la demande reconventionnelle de la banque, que S. G., qui a initié la fraude commise au préjudice de son créancier, n'a pu se méprendre sur l'étendue de ses droits ayant été éclairée sur ceux-ci par le jugement déféré et n'a fait valoir aucun moyen sérieux au soutien de son appel ;

Qu'en instaurant témérairement devant la Cour une procédure, dont le caractère abusif et dilatoire est manifeste, S. G. a occasionné au Crédit foncier de Monaco un préjudice certain qui sera réparé par l'allocation au profit de cette banque de dommages-intérêts que la Cour a les éléments suffisants d'appréciation pour fixer à la somme de 30 000 francs au paiement de laquelle il y a lieu de condamner l'appelante ;

Considérant en revanche que l'appel formé par R. G. et L. G. dans une instance où leur présence était indispensable pour que l'arrêt à intervenir soit opposable à toutes les parties, ne revêt pas, en lui-même, un caractère fautif ;

Qu'il y a donc lieu de débouter le Crédit foncier de Monaco de sa demande en paiement de dommages-intérêts dirigée contre ces parties ;

Que les dépens doivent demeurer à la charge de S. G. ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS, et ceux non contraires des premiers juges :

La Cour d'appel de la principauté de Monaco,

Déboute S. G., R. G., L. G. des fins de leur appel ;

Confirme le jugement du Tribunal de première instance en date du 28 mai 1998 ;

Condamne S. G. à payer à la SAM Crédit foncier de Monaco la somme de 30 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

Déboute la SAM Crédit foncier de Monaco du surplus de ses demandes ;

Composition

Mme François, vice-prés, f.f. prem. prés. ; Mlle Le Lay, prem. subst. proc. gén. ; Mes Escaut et Licari, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26703
Date de la décision : 29/06/1999

Analyses

Banque, finance - Général ; Crédits


Parties
Demandeurs : Cts G.
Défendeurs : SAM Crédit foncier de Monaco

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1999-06-29;26703 ?

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