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31/05/1999 | MONACO | N°26740

Monaco | Cour d'appel, 31 mai 1999, L. S. c/ G. T., en présence du Ministère public


Abstract

Diffamation et injures publiques

Procédure - Notification de la citation du plaignant au Ministère public par exploit d'huissier - Nullité de la poursuite à défaut d'accomplissement de cette formalité substantielle

Résumé

L'article 63 ter de l'ordonnance souveraine du 3 juin 1910 sur la liberté de la presse dispose, notamment, que la citation opérée à la requête du plaignant, devra être notifiée au Ministère public, à peine de nullité de la poursuite.

Cette notification qui constitue une dérogation au droit commun est destinée à

associer le Ministère public, à la poursuite, comme partie jointe, et constitue une formalité subs...

Abstract

Diffamation et injures publiques

Procédure - Notification de la citation du plaignant au Ministère public par exploit d'huissier - Nullité de la poursuite à défaut d'accomplissement de cette formalité substantielle

Résumé

L'article 63 ter de l'ordonnance souveraine du 3 juin 1910 sur la liberté de la presse dispose, notamment, que la citation opérée à la requête du plaignant, devra être notifiée au Ministère public, à peine de nullité de la poursuite.

Cette notification qui constitue une dérogation au droit commun est destinée à associer le Ministère public, à la poursuite, comme partie jointe, et constitue une formalité substantielle de la procédure.

Elle ne peut donc résulter que d'un acte extrajudiciaire, seul à même de lui conférer une date certaine ; elle doit ainsi procéder nécessairement d'un exploit d'huissier, comme tel est le cas d'ailleurs pour le prévenu auquel l'article 63 prévoit également que soit notifiée la citation.

Il convient donc d'exclure, en cette matière, comme constituant la notification légalement requise, la simple remise au Ministère public d'une copie de la citation, et à plus forte raison une communication verbale.

En l'espèce, la notification au Ministère public de la citation directement délivrée par la partie civile au prévenu, n'ayant pas eu lieu selon la forme d'un exploit signifié au procureur général, la nullité de la poursuite doit donc être prononcée.

Motifs

La Cour,

Considérant les faits suivants :

Par exploit de Maître Claire Notari, huissier, en date du 28 décembre 1998, G. T. a directement fait citer L. S., à comparaître devant le Tribunal correctionnel, à l'audience du 9 février 1999.

Par cet acte G. T. demandait au Tribunal de déclarer L. S. coupable du délit de diffamation à son encontre, conformément aux dispositions des articles 15, 31 alinéa 1, et 34 de l'ordonnance souveraine sur la liberté de la presse du 3 juin 1910, et, sur l'action civile, de le condamner à lui verser la somme de 1 franc à titre de dommages-intérêts.

Par conclusions datées du 9 février 1999, et avant toute défense au fond, L. S. a excipé de la nullité de la citation, en ce que, contrairement aux dispositions de l'article 63 ter de l'ordonnance souveraine précitée, cet acte n'avait pas été notifié au Ministère public.

Subsidiairement, L. S. a invoqué la prescription prévue par l'article 79 subséquent, comme s'appliquant au contenu de diverses photocopies visées par la citation directe, adressées les 21 et 22 novembre 1998.

L. S. a fait valoir, en outre, que la diffamation qui lui était reprochée n'était pas caractérisée faute de publicité, et qu'en toute hypothèse les imputations prétendument diffamatoires étaient vérifiées.

Il a donc conclu à sa relaxe, et réclamé paiement à G. T. d'une somme de 150 000 francs à titre de dommages-intérêts.

À l'audience du 9 février 1999, à laquelle les conclusions ainsi libellées ont été déposées, le Tribunal, constatant la comparution en personne de L. S., a ordonné, contradictoirement, un ajournement des débats au 11 février 1999.

À cette date, G. T. a conclu, pour sa part, qu'il avait, dès avant la première audience, dénoncé, le 9 février 1999, la citation au Ministère public.

Il a, par ailleurs, conclu à la déchéance de L. S. de son droit de faire la preuve de la vérité des faits diffamatoires, sur le fondement de l'article 63 de l'ordonnance souveraine du 3 juin 1910, excipant qu'une forclusion de L. S. existait, à cet égard, à la date du 1er février 1999 à laquelle ce dernier avait signifié ses prétentions, ses pièces et l'identité de son témoin.

Pour le surplus, G. T. a contesté la réalité de la prescription lui étant opposée et la diffamation publique poursuivie.

À l'audience du 11 février 1999, L. S. a répliqué qu'il n'avait pris connaissance de la citation que le 28 janvier 1999, par la remise que lui en avait alors faite les policiers de la commune française d'Istres, et que seule cette date devrait constituer, en l'espèce, le point de départ du délai prévu par l'article 63 précité.

À cette même audience, le Tribunal correctionnel, sans joindre au fond les incidents, a limité les débats, d'une part, à l'exception de nullité de la poursuite fondée sur le défaut invoqué de dénonciation de la citation au Ministère public, et d'autre part, à l'exception de déchéance opposée au prévenu pour faire la preuve de la vérité des faits diffamatoires litigieux.

Par jugement contradictoire du 23 février 1999, le Tribunal correctionnel a, sur le premier point, constaté que G. T. avait valablement notifié au Ministère public, le 9 février 1999, la citation en date du 28 décembre 1998 délivrée à L. S. : il a rejeté en conséquence l'exception de nullité de la poursuite.

Sur le deuxième point, et par le même jugement, le Tribunal correctionnel a constaté, par ailleurs, que L. S. était en toute hypothèse forclos lorsqu'il a, le 1er février 1999, signifié à G. T. son acte contenant énonciation des faits diffamatoires et manifestant son intention de prouver la vérité desdits faits.

Le Tribunal a donc, à ce titre, déclaré en conséquence L. S. déchu du droit de faire la preuve de la vérité des faits diffamatoires qui lui étaient reprochés, et renvoyé l'examen de l'affaire, au fond, à l'audience du mardi 23 mars 1999, en réservant les frais.

Pour statuer de la sorte, et après avoir rappelé que la citation litigieuse du 28 décembre 1998 n'avait pas été signifiée au Ministère public, les premiers juges ont relevé que cet acte avait été, en revanche, dénoncé et communiqué au Ministère public par un courrier de l'avocat de G. T., Maître Gorra, remis au Parquet Général le matin même de l'audience initiale du 9 février 1999, mais avant la tenue de celle-ci.

Le Tribunal correctionnel a estimé que cette dénonciation était régulière car l'article 63 fer de l'ordonnance souveraine du 3 juin 1910 n'imposerait qu'une simple notification et non une signification.

Les premiers juges ont, d'autre part, rappelé les termes de l'article 150 du Code de procédure civile, et estimé, sur le fondement de ce texte, que la citation directe délivrée à L. S. avait produit ses effets dès la remise d'une copie de cet acte au Parquet, à sa date précitée, du 28 décembre 1998.

C'était donc à cette date, et non à celle ultérieure du 28 janvier 1999, à laquelle le prévenu avait eu connaissance, à Istres, de la citation, que devait être fixé le point de départ du délai de 5 jours partant de la notification de la citation et prévu par l'article 63-5° de l'ordonnance sur la presse.

De la sorte, a estimé le Tribunal, L. S., qui ne s'était acquitté des formalités prévues par ce texte qu'après l'expiration de ce délai, était forclos lorsqu'il les a mises en œuvre.

Par acte de son avocat-défenseur du 25 février 1999, L. S. a déclaré faire appel du jugement ainsi rendu le 23 février 1999.

À l'audience du 26 avril 1999 fixée pour l'examen de cet appel, L. S. a été admis à se faire représenter par son avocat-défenseur, Maître Gardetto, la partie civile étant, pour sa part, représentée par Maître Blot, avocat-défenseur, plaidant par Maître Gorra, avocat étranger au barreau de Nice, régulièrement autorisé pour ce faire conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi n° 1047 du 28 juillet 1982.

À ladite audience, L. S. a liminairement repris le moyen de nullité de la citation originairement invoqué en première instance, et conclu principalement de ce chef à l'infirmation du jugement entrepris, dont il a également et subsidiairement sollicité l'infirmation s'agissant de la forclusion retenue à son encontre quant à la preuve, qui lui a été refusée, de la vérité des faits diffamatoires retenus par la poursuite, qu'il estime, en tout état de cause, injustifiée.

Il a, de ces chefs sollicité à l'encontre de G. T. l'allocation d'une somme de 100 000 francs à titre de dommages-intérêts.

Concluant à la confirmation du jugement entrepris, la partie civile, G. T., a, en revanche, fait plaider, principalement, la régularité de la citation ayant introduit cette poursuite, ainsi que la forclusion du prévenu quant à la preuve prétendue de la vérité des faits diffamatoires incriminés.

Concluant donc à la confirmation du jugement de première instance il a sollicité de la Cour la condamnation du prévenu à lui payer la somme de 10 000 francs à titre de dommages-intérêts, en raison de la voie de recours présentement exercée, qu'il estime inutile.

Pour sa part le Ministère public a déclaré s'en rapporter à la sagesse de la Cour quant aux moyens de nullité et de forclusion invoqués, à l'examen desquels il a relevé que devaient se limiter les débats.

Sur quoi :

Considérant que l'article 63 ter de l'ordonnance souveraine du 3 juin 1910 sur la liberté de la preuve dispose, notamment, que lorsque la citation sera à la requête du plaignant, elle devra être notifiée au Ministère public, à peine de nullité de la poursuite ;

Considérant que cette notification ; qui constitue une dérogation au droit commun est destinée à associer le Ministère public, à la poursuite, comme partie jointe, et constitue une formalité substantielle de la procédure ;

Qu'elle ne peut donc résulter que d'un acte extrajudiciaire, seul à même de lui conférer une date certaine ;

Qu'elle doit ainsi procéder nécessairement d'un exploit d'huissier, comme tel est le cas d'ailleurs pour le prévenu auquel l'article 63 précité prévoit également que soit notifiée la citation ;

Qu'il convient donc d'exclure en cette matière, comme constituant la notification légalement requise, la simple remise au Ministère public d'une copie de la citation, et à plus forte raison une communication verbale ;

Considérant qu'en l'espèce, la notification au Ministère public de la citation directement délivrée par la partie civile au prévenu n'a pas eu lieu selon la forme d'un exploit signifié au procureur général ;

Que la nullité de la poursuite doit donc être prononcée de ce seul chef, le jugement entrepris devant être à cet égard réformé, sans qu'il y ait lieu d'examiner le surplus des moyens de procédure, devenus sans objet, qui ont été développés par les parties et retenus par les premiers juges ;

Qu'il convient, par voie de conséquence, de débouter la partie civile de sa demande de dommages-intérêts ;

Considérant que, pour autant, cette partie qui a pu légitimement se méprendre sur la portée de ses droits et la nature des règles de procédure applicables, n'apparaît nullement avoir, en l'état, abusivement exercé sa poursuite ;

Que la demande de dommages-intérêts formulée par le prévenu à son encontre doit donc être également rejetée ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco, statuant contradictoirement en matière correctionnelle,

et infirmant le jugement susvisé du Tribunal correctionnel du 23 février 1999,

Prononce la nullité de la poursuite introduite par G. T., selon l'exploit de citation susvisé du 28 décembre 1998 ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne G. T. aux frais de première instance et d'appel ;

Fixe au minimum la durée de la contrainte par corps.

Composition

MM. Landwerlin, prem. prés. ; Serdet, proc. gén. ; Mes Gardetto et Blot, av. déf.

Note

Cet arrêt infirme le jugement du tribunal correctionnel du 23 février 1999.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26740
Date de la décision : 31/05/1999

Analyses

Infractions contre les personnes


Parties
Demandeurs : L. S.
Défendeurs : G. T., en présence du Ministère public

Références :

article 150 du Code de procédure civile
article 63 de l'ordonnance souveraine du 3 juin 1910
article 19 de la loi n° 1047 du 28 juillet 1982
ordonnance souveraine du 3 juin 1910
article 63 ter de l'ordonnance souveraine du 3 juin 1910


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1999-05-31;26740 ?

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