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01/03/1999 | MONACO | N°26738

Monaco | Cour d'appel, 1 mars 1999, M. R. c/ Ministère public


Abstract

Cour de révision

Annulation et renvoi devant la juridiction d'appel - Obligation pour la juridiction d'appel de se conformer au point de droit tranché par la Cour de Révision

Complicité

Complicité de tentative - Poursuite subordonnée à l'existence d'un fait principal - Absence de fait principal : renvoi des fins de la poursuite

Résumé

Dès lors que la Cour de Révision a dans son arrêt expressément rejeté le moyen soulevé par le prévenu pris d'un défaut de motif et de la violation des articles 361 et 390 du Code de procédure pÃ

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Abstract

Cour de révision

Annulation et renvoi devant la juridiction d'appel - Obligation pour la juridiction d'appel de se conformer au point de droit tranché par la Cour de Révision

Complicité

Complicité de tentative - Poursuite subordonnée à l'existence d'un fait principal - Absence de fait principal : renvoi des fins de la poursuite

Résumé

Dès lors que la Cour de Révision a dans son arrêt expressément rejeté le moyen soulevé par le prévenu pris d'un défaut de motif et de la violation des articles 361 et 390 du Code de procédure pénale en déclarant que la Cour d'appel avait caractérisé à la charge de celui-ci les éléments tant matériel qu'intentionnel de la complicité d'escroquerie par aide et assistance retenue à son encontre et justifié ainsi sa décision, il s'en suit que la culpabilité du prévenu M. R. ne peut plus être remise en cause devant la Cour de renvoi.

En effet, aux termes de l'article 497 du Code de procédure pénale, cette juridiction est tenue de se conformer à la décision de la Cour de Révision sur le point de droit que celle-ci a jugé.

Quant aux faits de complicité de tentatives d'escroqueries reprochés à M. R., la Cour de Révision ayant jugé que la déclaration de culpabilité prononcée, de ce chef, à l'encontre de ce prévenu était dépourvue de base légale, en l'absence de fait principal, il s'infère que celui-ci doit être renvoyé des fins de la poursuite dirigée à son encontre du chef de complicité de tentatives d'escroqueries alors que le fait principal de tentative d'escroquerie initialement reproché à un nommé F. M. a été requalifié de complicité de tentative d'escroquerie par jugement d'itératif défaut devenu définitif.

Motifs

La Cour,

La Cour statue, après cassation et renvoi, sur les appels respectivement relevés les 17 et 18 juillet 1997 par le prévenu M. R. et le Ministère public, d'un jugement du tribunal correctionnel en date du 8 juillet 1997.

Considérant que les faits, objet de la poursuite, peuvent être relatés comme suit :

Le 18 septembre 1995, M. T., responsable des agences du Crédit Lyonnais à Monaco, déposait plainte pour faux et usage de faux entre les mains du juge d'instruction.

Il exposait que M. F., client de l'agence de Font-vieille dirigée par M. R., avait pu décaisser en espèces la somme de 1 850 000 francs à la suite de la remise sur son compte d'un chèque du même montant, qui s'était avéré sans provision, tiré sur le compte de la société SMZ dont il était le gérant et ouvert dans une banque italienne à Vallercrosia, M. T. précisait que cette opération avait vraisemblablement nécessité la complicité du directeur de l'agence concernée.

Le plaignant expliquait, par ailleurs, que le Crédit Lyonnais avait été interrogé dans le courant de l'été 1995 par plusieurs banques européennes sur la validité de billets à ordre tirés par M. F. pour des montants variant entre 3 000 000 de francs et 7 600 000 francs, et portant l'aval du Crédit Lyonnais, M. T. ajoutait que le tampon et le visa du Crédit Lyonnais figurant sur ces billets à ordre étaient faux.

L'information permettait d'établir :

1) en ce qui concerne les décaissements espèces :

Que le solde débiteur du compte de M. F. était compensé par la remise de chèques s'avérant sans provision, tirés sur des tiers ou sur des comptes appartenant à M. F. lui-même ou à sa société ; l'enregistrement, avant leur encaissement, de ces chèques au crédit du compte de M. F. permettait ainsi à ce dernier de bénéficier de retraits en espèces avant que le rejet desdits chèques n'engendre de nouveau une position débitrice du compte.

À titre d'exemple, les remises de chèques du 2 mai 1995 (195 000 francs, 120 000 francs et 35 000 francs) étaient suivies les 3 et 4 mai 1995, des retraits d'espèces de 100 000 francs, 10 000 francs, 70 000 francs, 50 0000 francs et 90 000 francs ; les chèques crédités le 2 mai 1995 étaient rejetés le 9 mai 1995.

Il convient de souligner que certains chèques rejetés pour défaut de provision ont été cependant portés de nouveau au crédit du compte, il en a été ainsi pour les chèques tirés sur Mailier, Ida, Ripetti et Aic Media.

Au 30 novembre 1995, le compte de M. F. présentait un solde débiteur de 1 905 531,81 francs selon un relevé du Crédit Lyonnais en date du 15 février 1996.

Devant le magistrat instructeur, lors d'une confrontation du 6 décembre 1995, M. R. reconnaissait avoir décaissé des fonds en espèces à M. F. sachant que le compte de celui-ci était débiteur et que les chèques déposés étaient sans provision.

M. R. précisait qu'il s'était aperçu, en avril 1995 que le compte de M. F. était débiteur d'une somme excédant 100 000 francs, solde qui atteindra en juillet 1995, 1 850 000 francs ; selon lui M. R. espérait que ce découvert serait garanti par un prêt important que M. T., associé de M. F., voulait solliciter auprès du Crédit Lyonnais.

M. F. ajoutait que M. R. avait été rémunéré à hauteur de 115 000 francs en espèces, somme remise en plusieurs fois ; M. R. démentait cette information étant toutefois observé que Gay, co-inculpé, déclarait aux policiers et confirmait au magistrat instructeur avoir été témoin d'une remise d'une liasse de billets par M. F. à M. R. devant l'agence du Crédit Lyonnais.

M. T., quant à lui, indiquait que M. R. lui avait fait des difficultés pour lui avancer une somme de 5 000 francs parce que son compte était débiteur de 30 000 francs et bien qu'il connût sa solvabilité ; il ajoutait qu'en l'absence de M. R. à l'agence, les autres employés refusaient de décaisser une quelconque somme entre les mains de M. F.

2) en ce qui concerne les « billets à ordre » :

Qu'étant dans l'incapacité d'apurer son découvert de 1 850 000 francs, M. F. établissait des billets à ordre, pour un montant global de 167 millions de francs, avec des dates de création variant entre le 18 et le 24 juillet 1995, et des dates d'échéance variant entre le 15 octobre 1995 et la 15 juillet 1997.

Ces effets comportaient l'aval du Crédit Lyonnais mais le tampon et le visa de la banque s'avéreront contrefaits sans que l'auteur de ces falsifications soit identifié.

Selon M. F., F. M. rencontré par l'intermédiaire de G., aurait été à l'origine de cette opération.

Dans le cadre des interrogations formulées par des banques européennes et des particuliers sur la valeur de ces billets à ordre, M. R., indiquait par fax le 28 juillet 1995 à la Deutsche Bank de Madrid que :

« 1) ces documents sont valables. M. M. F. est au courant.

2) la signature est correcte.

3) la signature sur les billets à ordre entraîne pour M. F., l'obligation d'approvisionner le compte auxdites dates.

4) les documents ne sont pas garantis par le Crédit Lyonnais ».

M. R. reconnaissait avoir passé sous silence les difficultés financières de M. F. et n'avoir pas donné sur ce dossier de mauvais renseignements afin de ne pas rompre les relations avec M. F. qui était débiteur de la banque.

C'est dans cet état de l'information, que le juge d'instruction, par ordonnance du 8 avril 1997, a renvoyé M. R. devant le tribunal correctionnel, sous la prévention de complicité d'escroqueries et de complicité de tentatives d'escroqueries, qui, de ces chefs, l'a condamné à la peine d'un an d'emprisonnement et à celle de 10 000 francs d'amende.

Pour déclarer M. R. coupable des faits qui lui étaient reprochés, les premiers juges ont, pour l'essentiel, retenu :

* en premier lieu qu'en ce qui concerne les billets à ordre, qu'une complicité par aide et assistance des tentatives d'escroqueries commises à l'étranger était caractérisé en la cause à l'encontre de M. R.

Qu'en effet, même à supposer que celui-ci ait agi avec l'accord de sa hiérarchie au sein du Crédit Lyonnais, - ce qui n'est pas de nature à l'exonérer de sa responsabilité pénale -, il demeure qu'il a signé des réponses aux renseignements demandés par les établissements bancaires détenteurs de billets similaires à celle précitée du 28 juillet 1995 ; que l'analyse de cette réponse fait clairement ressortir qu'il a entendu, vis-à-vis de ces établissements, donner valeur et crédit aux billets dont il ne pouvait cependant méconnaître le caractère frauduleux ;

Qu'alors qu'il était parfaitement conscient que le souscripteur M. F. serait dans l'impossibilité absolue de les honorer à leur échéance, eu égard à sa situation financière désastreuse et aux montants exorbitants des billets à ordre présentés, M. R. n'a en aucune manière satisfait à son obligation de renseignement et a au contraire fait preuve d'une parfaite mauvaise foi ; qu'en s'abstenant de prévenir ses interlocuteurs du caractère chimérique des paiements promis et en se gardant en outre de révéler que le tampon et la paraphe censés émaner du Crédit Lyonnais n'avaient pas été apposés par la banque, tout en affirmant que les documents étaient « valables » et en laissant penser que M. F. en assurerait le paiement, M. R. s'est rendu complice des agissements visant à escroquer les escompteurs desdits billets ;

* en second lieu, en ce qui concerne l'escroquerie de 1 850 000 francs commise au préjudice du Crédit Lyonnais, que la complicité de M. R. apparaissait tout aussi établie ; qu'il a permis en effet à M. F., par son comportement d'assistance active - sans même qu'il soit nécessaire de caractériser les instructions, qu'il conteste en dernier lieu avoir données, au vue de la création d'une trésorerie fictive - d'obtenir frauduleusement des fonds importants ;

Que pour ce faire, il a d'abord accepté la remise par M. F. d'une série de chèques litigieux, en particulier ceux dans lesquels M. F. réunissait la double qualité de tireur et bénéficiaire, puis a immédiatement crédité son compte alors qu'il savait que ces chèques ne seraient pas payés et lui a enfin, dans le même temps, remis des espèces comme si l'état du compte en permettait le paiement ;

Que l'analyse des mouvements du compte M. F. fait ressortir que M. R. a de la sorte, au mépris des règles élémentaires de la profession, décaissé indûment la somme totale de 2 436 780 francs effectivement versée en espèce à M. F., même si la prévention retient seulement la somme de 1 850 000 francs prélevée en dernier lieu en contrepartie de la remise d'un chèque de ce montant ;

Sur les appels du prévenu M. R. et du Ministère public, la cour d'appel, par arrêt du 24 novembre 1997, a confirmé le jugement du tribunal correctionnel du 8 juillet 1997 en ce qu'il avait déclaré M. R. coupable de complicité d'escroqueries et de complicité de tentatives d'escroqueries.

Elle a, en revanche, réformé ledit jugement en ce qu'il avait condamné M. R. à la peine d'un an d'emprisonnement et statuant à nouveau, de ce chef, condamné celui-ci à la peine de deux ans d'emprisonnement.

Sur le pourvoi de M. R., la Cour de Révision, par arrêt du 19 juin 1998, a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel du 24 novembre 1997, en toutes ses dispositions, et renvoyé l'affaire devant cette juridiction, autrement composée, pour qu'il soit de nouveau jugé, conformément à la loi.

Considérant que le Ministère public a requis la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il avait déclaré M. R. coupable de complicité d'escroqueries dont il avait caractérisé les éléments tant matériel qu'intentionnel au regard des faits reprochés à M. F., auteur principal.

Il a, en revanche, sollicité la réformation dudit jugement ayant déclaré ce prévenu coupable de complicité de tentatives d'escroqueries, dès lors que les faits de tentatives d'escroqueries reprochés à F. M., auteur principal, avaient été requalifiés de délit de complicité de tentatives d'escroqueries par jugement d'itératif défaut du 24 novembre 1998, devenu définitif.

Il a, enfin, demandé la confirmation de la peine prononcée contre M. R. par les premiers juges.

Considérant que le prévenu M. R. a fait valoir, pour l'essentiel, au soutien de son appel :

En ce qui concerne les faits de complicité d'escroqueries qui lui sont reprochés, qu'il ne résulte aucunement des éléments de l'information qu'il ait donné des instructions à M. F. pour se créer une trésorerie fictive en émettant des chèques sans provision, ni accepté de créditer le compte de ce dernier par un chèque qu'il savait sans provision ;

En ce qui concerne les faits de complicité de tentatives d'escroqueries, que le fait principal de tentatives d'escroqueries initialement reproché à F. M. ayant été requalifié de complicité de tentatives d'escroqueries, il s'ensuivait nécessairement que faute de tentative punissable, la déclaration de culpabilité de M. R. relative au délit de complicité de tentatives d'escroqueries était dépourvue de base légale ;

Considérant que M. R. sollicite, en définitive, sa relaxe pure et simple de l'ensemble des délits qui lui sont reprochés ;

Sur ce :

Considérant, quant aux faits de complicité d'escroqueries retenus contre M. R. par l'arrêt confirmatif de la Cour d'appel, que la Cour de Révision a, dans son arrêt du 19 juin 1998, expressément rejeté le moyen soulevé par le prévenu pris d'un défaut de motif et de la violation des articles 361 et 390 du Code de procédure pénale, en déclarant que la Cour d'appel avait caractérisé à la charge de celui-ci les éléments tant matériel qu'intentionnel de la complicité d'escroqueries par aide et assistance retenue à son encontre et justifié ainsi sa décision ;

Considérant qu'il s'ensuit que la culpabilité du prévenu M. R. ne peut plus être remise en cause devant la Cour de renvoi ;

Qu'en effet, aux termes de l'article 497 du Code de procédure pénale, cette juridiction est tenue de se conformer à la décision de la Cour de Révision sur le point de droit que celle-ci a jugé ;

Considérant quant aux faits de complicité de tentatives d'escroqueries reprochés à M. R., que la Cour de Révision a jugé que la déclaration de culpabilité prononcée, de ce chef, à l'encontre de ce prévenu était dépourvue de base légale, en l'absence de fait principal punissable ;

Qu'à cet égard, la décision des premiers juges de requalifier les faits de tentatives d'escroqueries, objet de la prévention initiale, en complicité de tentatives d'escroqueries ne pouvant être remise en cause dans le cadre de la présente procédure, dans laquelle F. M. n'a été ni appelant, ni intimé, il s'ensuit que faute d'un fait principal punissable pouvant être reproché à ce dernier, M. R. doit être renvoyé des fins de la poursuite dirigée à son encontre du chef de complicité de tentatives d'escroqueries ;

Considérant, quant à la pénalité, que les faits de complicité d'escroqueries dont s'est rendu coupable M. R. revêtent un caractère de gravité certain, compte tenu des fonctions qu'il occupait, en sorte qu'il ne saurait bénéficier, en l'espèce, d'aucune circonstance atténuante ;

Considérant qu'il y a lieu, en conséquence, de confirmer la peine d'un an d'emprisonnement et celle de 10 000 francs d'amende prononcées à son encontre par les premiers juges ainsi que la confusion de cette peine d'emprisonnement avec celle prononcée par l'arrêt de la Cour d'appel du 21 octobre 1996 ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

La Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, composée comme indiqué ci-après, à défaut de toute autre possibilité, statuant en matière correctionnelle, après cassation et renvoi,

* Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement du tribunal correctionnel en date du 8 juillet 1997 concernant M. R., à l'exclusion de celle le déclarant coupable des faits de complicité de tentatives d'escroqueries,

Et statuant à nouveau, de ce seul chef,

Relaxe M. R. des faits de complicité de tentatives d'escroquerie qui lui étaient reprochés,

Le condamne aux frais d'appel,

Fixe au minimum la durée de la contrainte par corps.

Composition

M. Landwerlin, prem. Prés. ; Mlle Le Lay, prem. subst. gén. ; Me Licari, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26738
Date de la décision : 01/03/1999

Analyses

Infractions économiques, fiscales et financières


Parties
Demandeurs : M. R.
Défendeurs : Ministère public

Références :

articles 361 et 390 du Code de procédure pénale
ordonnance du 8 avril 1997
article 497 du Code de procédure pénale


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1999-03-01;26738 ?

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