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01/03/1999 | MONACO | N°26737

Monaco | Cour d'appel, 1 mars 1999, R. - État de Monaco c/ H., Sté Districommunication en présence du Ministère Public


Abstract

Accidents du travail

Recours de la victime entre le tiers responsable - Non-cumul de la réparation de droit commun et de celle accordée par la législation du travail - Réparation du préjudice complémentaire et des préjudices à caractère personnel (pretium doloris, esthétique et d'agrément)

Résumé

La victime d'un accident, revêtant le caractère d'un accident du travail dispose, indépendamment des réparations accordées par la législation dont il relève en matière d'accident du travail, du droit de réclamer au tiers responsable de l'accid

ent, l'indemnisation de son préjudice conformément au droit commun.

Cependant ces deux répar...

Abstract

Accidents du travail

Recours de la victime entre le tiers responsable - Non-cumul de la réparation de droit commun et de celle accordée par la législation du travail - Réparation du préjudice complémentaire et des préjudices à caractère personnel (pretium doloris, esthétique et d'agrément)

Résumé

La victime d'un accident, revêtant le caractère d'un accident du travail dispose, indépendamment des réparations accordées par la législation dont il relève en matière d'accident du travail, du droit de réclamer au tiers responsable de l'accident, l'indemnisation de son préjudice conformément au droit commun.

Cependant ces deux réparations ne peuvent pas se cumuler, l'indemnisation de droit commun n'intervenant qu'en complément de la réparation légale sur les accidents du travail, sauf en ce qui concerne les préjudices à caractère personnel (pretium doloris, préjudice esthétique, préjudice d'agrément) qui demeurent en propre à la victime.

C'est à la lumière de ce principe qu'il y a lieu d'examiner les demandes formulées par la victime.

Motifs

La Cour,

La Cour statue sur l'appel relevé le 13 mars 1998 par J.-M. R., d'un jugement du tribunal correctionnel du même jour qui a liquidé à la somme de 40 000 francs le préjudice à caractère personnel de J.-M. R. à la suite de l'accident du 25 janvier 1995 et condamné in solidum E. H. épouse C. et la SAM Districommunication à lui payer la somme de 25 000 francs à titre de dommages-intérêts, déduction faite de la provision déja allouée.

Considérant que les faits, objet de la poursuite, peuvent être résumés comme suit :

J.-M. R. a été victime le 25 janvier 1995 d'un accident de trajet soumis aux dispositions de la loi n° 975 du 12 juillet 1975 portant statut des fonctionnaires de l'État et de l'arrêté ministériel du 4 février 1947.

Par jugement du 4 avril 1995 le tribunal correctionnel a déclaré É. H. épouse C. responsable de cet accident, a ordonné une expertise médicale et a alloué à la victime une provision de 15 000 francs.

Le jugement dont appel qui a statué après dépôt du rapport d'expertise a rejeté la demande d'indemnisation de frais médicaux pour une cure non effectuée, les demandes en paiement d'ITT, d'ITP et d'IPP au motif que la victime avait été remplie de ses droits par le paiement de son traitement et d'une rente viagère.

Considérant que J.-M. R., partie-civile, sollicite la réformation du jugement entrepris sur les points suivants :

* IPP :

Bénéficiant d'une rente accidents du travail calculée sur un taux de 10 %, l'appelant sollicite l'allocation d'une somme de 50 000 francs correspondant à la valeur différentielle entre ce taux et celui de 15 % qui lui a été reconnu en droit commun.

* frais de cure :

J.-M. R. réitère sa demande en paiement à ce titre d'une somme de 29 073 francs, montant d'un devis pour une cure de thalassothérapie prescrite par son médecin traitant le 31 mai 1995. À titre subsidiaire, il demande la condamnation de la dame C. et du civilement responsable, au paiement de la première demande de la facture représentant ces soins.

* pretium doloris :

L'appelant évalue ce chef de préjudice chiffré à 4/7 par l'expert à la somme de 60 000 francs.

* préjudice esthétique :

J.-M. R. sollicite le paiement d'une somme de 25 000 francs en réparation de ce préjudice évalué à 1/7 par l'expert.

* préjudice d'agrément :

L'appelant réclame à ce titre une somme de 50 000 francs en faisant valoir que l'accident le prive désormais de la pratique de nombreux loisirs tels que le football, le jardinage et le bricolage.

Considérant que le Ministère public déclare s'en rapporter à justice ;

Considérant qu'É. C. et la SAM Districommunication, civilement responsable sollicitent la confirmation du jugement entrepris estimant que le tribunal correctionnel a fait une exacte appréciation des différents chefs de préjudice en relevant, d'une part, que la cure prescrite en 1995 apparaît aujourd'hui sans justification médicale et, d'autre part, que J.-M. R. n'établit pas qu'il pratiquait régulièrement un sport avant son accident et que la survenance de celui-ci l'empêche de s'y adonner depuis lors ;

Sur ce :

Considérant que la victime d'un accident revêtant le caractère d'un accident du travail dispose, indépendamment des réparations accordées par la législation dont il relève en matière d'accident du travail du droit de réclamer au tiers responsable de l'accident l'indemnisation de son préjudice conformément au droit commun ;

Que cependant ces deux réparations ne peuvent pas se cumuler, l'indemnisation de droit commun n'intervenant qu'en complément de la réparation légale sur les accidents du travail sauf en ce qui concerne les préjudices à caractère personnel qui demeurent en propre à la victime ;

Que c'est à la lumière de ce principe qu'il y a lieu d'examiner les demandes formulées par J.-M. R. ;

* ITT et IPP :

Considérant que l'appelant apparaît avoir acquiescé au jugement déféré sur ce point ;

* frais de cure :

Considérant que ces soins avaient été préconisés par le médecin traitant de J.-M. R. au mois de mai 1995 c'est-à-dire dans un temps très voisin de l'accident du 25 janvier 1995 ;

Considérant ces soins consistant en des séances de rééducation en centre de thalassothérapie avaient été prescrits pour aider une parfaite récupération des mouvements ;

Considérant que ce traitement n'a pas été effectué ; qu'il apparaît aujourd'hui, quatre ans après l'accident que cette prescription est devenue sans justification médicale ; qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande de J.-M. R. de ce chef ;

* pretium doloris :

Considérant qu'il ressort du rapport de l'expert médical qui a qualifié ce chef de préjudice de moyen (4/7), que J.-M. R. a subi une fracture enfoncement du plateau tibial externe du genou droit associée à une entorse postéro-externe ; qu'il a été soigné par ostéosynthèse et greffe, qu'une complication douloureuse est apparue sous forme d'une phlébite surale et qu'il a dû se soumettre à de nombreuses séances de rééducation ;

Que compte tenu de ces éléments d'appréciation il y a lieu d'évaluer ce chef de préjudice à la somme de 40 000 francs, la décision du tribunal devant être réformée sur ce point ;

* préjudice esthétique :

Considérant que l'expert a qualifié de très léger (1/7) ce chef de préjudice en indiquant dans son rapport du 29 juillet 1996 que J.-M. R. présentait une longue cicatrice blanchâtre visible sur la face interne du genou ;

Qu'il apparaît de la comparaison de ce rapport avec celui du 30 juin 1995 cité par la victime, que l'expert a commis une erreur dans son rapport du 29 juillet 1996 en attribuant la cicatrice blanchâtre de 5 cm située sur la face interne du genou à l'accident du 25 janvier 1995 ;

Qu'en effet celle-ci concerne une ménisectomie interne datant de 1982 ainsi qu'il ressort du rapport du 30 juin 1995 lequel énumère les trois cicatrices constatées par l'expert ;

Qu'outre cette cicatrice, l'expert a noté deux autres cicatrices qui elles, sont rattachables à l'accident du 25 janvier 1995 lequel a atteint la face externe du genou : une cicatrice de 18 cm sur cette face externe, mais bien cachée par les poils selon l'expert, une autre de 6 cm sur la crête iliaque ;

Que ces deux dernières cicatrices, encore violacées car récentes, n'entraînent pas, selon l'expert, de préjudice esthétique ;

Considérant cependant qu'É. C. ayant offert la somme de 8 000 francs au titre de ce préjudice en première instance, et ayant demandé la confirmation du jugement qui a entériné cette offre, il y a lieu d'accorder cette indemnité à la victime ;

* Préjudice d'agrément :

Considérant qu'il ressort des attestations produites par J.-M. R. qu'il a dû réduire ses activités de loisirs, notamment de football à la suite de l'accident ;

Qu'il y a lieu de lui allouer de ce chef, une somme de 12 000 francs en réparation de ce préjudice, compte tenu des éléments d'appréciation dont la Cour dispose, la décision du tribunal devant être réformée ;

* IPP :

Considérant que l'accident dont J.-M. R. a été victime a revêtu le caractère d'un accident du travail soumis à la loi n° 995 du 12 juillet 1975 ;

Considérant que son employeur l'État de Monaco lui a alloué une rente correspondant à une IPP de 10 % ;

Considérant qu'il ressort des pièces versées aux débats que l'État de Monaco a été remboursé de toutes sommes pouvant lui être dues au titre de cet accident du travail (cf. lettre du service des Prestations Médicales du 30 juin 1997) et notamment du capital constitutif représentatif de la rente de 10 % (137 705,92 francs);

Considérant qu'il apparaît qu'en réclamant en droit commun une somme de 50 000 francs correspondant à la différence de 5 % entre l'IPP de 10 % et celle de 15 % allouée en droit commun, J.-M. R. entend en fait que l'indemnité représentant l'IPP de droit commun soit évaluée à la somme de 137 705,92 francs + 50 000 francs = 187 705,92 francs ;

Considérant à cet égard que J.-M. R. a été victime d'une fracture complexe du genou droit ;

Que l'expert judiciaire a constaté que persistaient lors de son examen du 29 juillet 1996 une réduction modérée de la flexion, un œdème et une laxité latérale importante du genou, une amyotrophie également importante du quadriceps droit, un raccourcissement du membre inférieur de 1 cm qualifié de négligeable ;

Que compte tenu de ces éléments d'appréciation et de l'âge de J.-M. R. né le 10 avril 1952, il y a lieu d'évaluer le préjudice résultant de l'IPP de 15% à la somme de 150 000 francs ;

Que J.-M. R. percevant une rente représentant un capital de 137 705,92 francs, il doit donc lui être alloué au titre de l'IPP la somme de 12 294,08 francs ;

Considérant en définitive que le préjudice subi par J.-M. R. s'élève à la somme de 72 294,08 francs ;

Considérant qu'en l'état de la provision de 15 000 francs précédemment allouée, il y a lieu de condamner in solidum É. H. épouse C. et la SAM Districommunication à payer à J.-M. R. la somme de 57 294,08 francs à titre de dommages-intérêts ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco, statuant contradictoirement en matière correctionnelle sur les intérêts civils,

* Réforme le jugement du tribunal correctionnel en date du 13 mars 1998, sauf en ce qu'il a homologué les rapports de l'expert Nicorini ;

* Condamne in solidum É. H. épouse C. et la SAM Districommunication à payer à J.-M. R. la somme de 57 294,08 francs à titre de dommages-intérêts, déduction faite de la provision ;

* les condamne solidairement aux frais ;

* Fixe au minimum la durée de la contrainte par corps.

Composition

MM. Landwerlin, prem. Prés. ; Serdet, proc. gén. ; Mes Blot, Karczag-Mencarelli, Sbaratto, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26737
Date de la décision : 01/03/1999

Analyses

Sécurité au travail


Parties
Demandeurs : R. - État de Monaco
Défendeurs : H., Sté Districommunication en présence du Ministère Public

Références :

loi n° 995 du 12 juillet 1975
loi n° 975 du 12 juillet 1975
arrêté ministériel du 4 février 1947


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1999-03-01;26737 ?

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