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05/01/1999 | MONACO | N°26641

Monaco | Cour d'appel, 5 janvier 1999, SCI FIMMO c/ G., veuve L.


Abstract

Baux commerciaux

Local distinct : accessoire à un local principal commercial

- Statut des baux commerciaux applicable

- Condition : connaissance par le bailleur de l'utilisation jointe

Validité d'un congé

- Compétence de la Commission Arbitrale des Loyers Commerciaux

Résumé

Dès lors qu'il est établi que la location d'un local, distinct d'un local principal, - appartenant à un propriétaire différent - où s'exploite un fonds de commerce, a été faite en vue de l'utilisation jointe que leur destinait le preneur et ce, Ã

  la connaissance du bailleur, il s'infère que le bénéfice du statut des baux commerciaux s'applique également...

Abstract

Baux commerciaux

Local distinct : accessoire à un local principal commercial

- Statut des baux commerciaux applicable

- Condition : connaissance par le bailleur de l'utilisation jointe

Validité d'un congé

- Compétence de la Commission Arbitrale des Loyers Commerciaux

Résumé

Dès lors qu'il est établi que la location d'un local, distinct d'un local principal, - appartenant à un propriétaire différent - où s'exploite un fonds de commerce, a été faite en vue de l'utilisation jointe que leur destinait le preneur et ce, à la connaissance du bailleur, il s'infère que le bénéfice du statut des baux commerciaux s'applique également à cette location en vertu de l'article 1er, alinéa 2, de la loi n° 490 du 24 novembre 1948.

L'appréciation de la validité des congés adressés par le bailleur d'un local commercial, relève de la compétence exclusive de la Commission Arbitrale des Loyers Commerciaux.

Motifs

La Cour,

La Cour statue sur l'appel relevé par la SCI FIMMO d'un jugement du Tribunal de première instance en date du 2 octobre 1997.

Référence étant faite pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties au jugement déféré et aux écritures échangées en appel il suffit de rappeler les éléments ci-après énoncés :

Saisi par la SCI FIMMO d'une demande en validation de congé et en expulsion dirigée à l'encontre de M. G., veuve L., à qui cette société dénie le bénéfice du statut des baux commerciaux, le tribunal a, par le jugement déféré, déclaré nul l'exploit d'assignation du 5 octobre 1994, et sur la demande reconventionnelle a prononcé la nullité des actes de congé, itératif congé et dénonce de congés des 31 mai, 22 juin et 26 juillet 1994, a dit que le bail verbal liant les parties relevait de l'ordonnance loi n° 490 et que M. L. bénéficiait du droit à la propriété commerciale, a condamné la SCI FIMMO à lui payer la somme de 10 000 francs à titre de dommages-intérêts.

Pour statuer ainsi les premiers juges ont estimé que l'exploit d'assignation contrevenait aux dispositions de l'article 148 du Code de procédure civile, en ce qu'il avait été fait à un lieu de séjour ponctuel et non au domicile de la requise.

Ils ont estimé en outre que les actes des 31 mai, 22 juin et 26 juillet 1994, encouraient la nullité pour violation des articles 141, 148 et 153 du Code de procédure civile.

Enfin, les premiers juges ont relevé que le local litigieux avait été loué à la connaissance du bailleur pour utilisation jointe au local commercial principal.

Au soutien de son appel tendant à la réformation du jugement déféré, la SCI FIMMO fait valoir qu'une assignation, délivrée à la résidence d'une partie est valable à défaut de l'avoir été à personne ou à domicile et qu'en tout état de cause l'absence de grief de cette assignation à l'égard de la défenderesse fait obstacle à la demande de nullité.

L'appelante soutient en deuxième lieu que seules les mentions exigées par l'article 141 alinéa 1 du Code de procédure civile, pour les sociétés de commerce, sont prévues à peine de nullité par l'article 155 dudit code ce qui ne saurait la concerner en raison de sa forme civile en sorte que les actes de congés argués de nullité et qui ne font aucun grief à la dame L. doivent être déclarés valables.

Elle prétend en troisième lieu que la dame L. ne rapporte pas la preuve de ce que le prêt amical du local consenti depuis 1969 entrerait dans l'hypothèse prévue par l'article 1 § 2 de l'ordonnance loi n° 490.

Elle estime en conséquence ne pas devoir les dommages-intérêts alloués à la dame L. par le tribunal et demande à la Cour de déclarer cette dernière occupante sans droit ni titre, d'ordonner son expulsion, de dire qu'elle est redevable d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer réglé, à compter du 1er janvier 1995, enfin de la condamner au paiement de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive.

L'intimée a conclu à la confirmation du jugement pour les motifs retenus par les premiers juges tant en ce qui concerne les nullités invoquées qu'en ce qui concerne le caractère commercial du bail liant les parties.

Estimant l'appel abusif, la dame L. sollicite la condamnation de la SCI FIMMO au paiement d'une somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts.

SUR CE :

1) La nullité de l'exploit d'assignation :

Considérant qu'en première instance, M. L. a invoqué une double nullité, l'une, fondée sur les articles 136 et 153 du Code de procédure civile tenant à l'omission de l'identité du gérant de la société requérante, l'autre, fondée sur l'article 148 dudit code en ce que l'exploit aurait dû être fait à domicile et non à résidence ;

Qu'ayant déclaré l'exploit nul pour violation des dispositions de l'article 148 précité, le tribunal n'a pas abordé l'autre moyen de nullité, même s'il a relevé de manière incidente la régularité de la représentation de la société ;

Qu'ainsi la Cour examinera en premier lieu le moyen de nullité tiré de la violation de l'article 148 du Code de procédure civile dont la réformation est demandée par la société FIMMO ;

Considérant qu'il y a lieu de rappeler que l'exploit du 5 octobre 1994 fait suite à la procédure engagée par M. L. devant la commission arbitrale des loyers commerciaux en contestation de la validité d'un congé délivré le 16 mars 1992 et en revendication de la propriété commerciale ;

Qu'en effet, ce litige impliquant l'appréciation préalable de la nature du bail, cette commission a sursis à statuer jusqu'à ce que le tribunal ait tranché cette question ;

Considérant que postérieurement à cette décision, la société FIMMO a délivré un nouveau congé à M. L. le 31 mai 1994 ;

Qu'à l'occasion de la réitération de ce congé, le 22 juin 1994, la société FIMMO a appris du fils de M. L. que celle-ci séjournait à la maison de retraite du ... ; que cette information constitue un élément de fait non contestable ;

Que la société FIMMO a alors fait notifier à M. L., le 26 juillet 1994, un exploit dénonçant les deux exploits précédents à la maison de retraite où la destinataire a été touchée à personne ainsi qu'il ressort de la mention dudit exploit ;

Considérant que l'exploit d'assignation du 5 octobre 1994 a été fait à cette même adresse, la copie de l'exploit ayant été laissée au Parquet Général par l'huissier qui en a adressé une copie à la destinataire par une lettre recommandée avec avis de réception du même jour ;

Considérant qu'il résulte d'une notification-protestation qu'elle a adressée le 14 octobre 1994 à la société FIMMO que M. L. a reçu la notification de l'assignation ;

Considérant enfin, que la signification du jugement déféré, faite le 29 octobre 1997 à la requête de M. L. précise toujours qu'elle est actuellement en maison de retraite ;

Considérant que ces éléments de fait établissent à suffisance qu'en signifiant l'exploit d'assignation au lieu de résidence avéré de M. L. où la société FIMMO savait la toucher et l'a touchée pour assurer le contradictoire des débats - ce qui est le voeu de la loi - cette société a accompli une signification valable, étant souligné qu'il ne ressort pas du dossier de M. L. qui était seule en mesure de produire une attestation relative à la durée de son séjour, que celui-ci aurait eu la brièveté qu'elle allègue ;

Qu'aucune nullité n'est donc encourue de ce chef ;

Considérant que la Cour n'ayant pas retenu le moyen de nullité tiré de l'article 148 du Code de procédure civile, il doit être déduit des conclusions d'appel en date du 12 mai 1998 de M. L. que celle-ci entend faire juger le moyen de nullité invoqué devant les premiers juges dans ses écritures du 11 janvier 1995 et tenant à l'omission de l'identité du gérant de la société FIMMO, en se fondant sur les dispositions des articles 136 et 153 du Code de procédure civile ;

Considérant que si l'article 136 alinéa 2 du Code de procédure civile prescrit que l'exploit doit contenir le nom du demandeur, cet article n'exige pas lorsque le requérant est une personne morale que soit mentionné en outre, le nom de la personne physique la représentant ;

Considérant que l'article 153 alinéa 4 du Code de procédure civile qui concerne la signification des actes de procédure doit s'entendre non de la personne physique mais de l'organe représentant la personne morale ;

Considérant qu'il est essentiel de relever en fait, que les lettres adressées les 25 juin et 4 juillet 1991 à la dame L. par la SCI FIMMO ont été signées par le gérant, M. J.-Y. L., que le congé du 16 mars 1992 et la correspondance qui y a fait suite porte cette même signature, que le préliminaire de conciliation devant la commission arbitrale des loyers commerciaux en date du 27 août 1992 désignait la SCI FIMMO comme agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice, M. J.-Y. L., que la notification-protestation du 14 octobre 1994 à la requête de la dame L. a été adressée à la SCI FIMMO prise en la personne de son gérant, M. J.-Y. L., que les statuts de la société versés aux débats font apparaître que la gérance est exercée par MM. J.-Y. L. et J. L. avec faculté d'agir ensemble ou séparément ;

Considérant que ces éléments de fait établissent que la dame L. a toujours connu l'identité de l'organe représentatif de la société FIMMO ;

Que la nullité n'est donc pas encourue de ce chef ;

Considérant qu'il y a donc lieu de réformer la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré nul l'exploit d'assignation ;

2) La nature du bail :

Considérant que le litige concerne un bail dont il ressort des pièces versées aux débats par M. L. qu'il a été loué à partir du 1er janvier 1970 à son mari (quittance de loyer du 1er janvier 1970) puis à elle-même au décès de celui-ci (lettre à en-tête de la galerie T. en date du 29 juin 1998, quittances de loyer) ;

Considérant que ce local est distinct du local principal dans lequel M. L. exploite un commerce d'antiquités et qu'il doit être admis - en l'absence de contestation sur ce point - que ces locaux appartiennent à des propriétaires différents, hypothèse dans laquelle l'article 1er alinéa 2 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 dont se prévaut M. L. étend au local accessoire le bénéfice du statut des baux commerciaux à la condition que la location dudit local ait été faite en vue de l'utilisation jointe que leur destinait le preneur et ce, à la connaissance du bailleur ;

Considérant à cet égard, d'une part, que les quittances versées aux débats établissent que ce local a été loué et non prêté au sieur L. puis à son épouse ;

Considérant, d'autre part, que le caractère commercial de ce local découlant de son utilisation jointe était connu des bailleurs successifs ;

Qu'en effet, les statuts de la société FIMMO, laquelle a reçu en apport l'immeuble dont dépend le local, comportent en annexe un état locatif dudit immeuble faisant apparaître M. L. comme étant locataire d'un local commercial ;

Considérant que la société FIMMO ignorait d'autant moins le caractère commercial du bail que le congé qu'elle a donné le 16 mars 1992 visait expressément le « bail commercial verbal » concernant « le local accessoire de la Galerie T. » ;

Considérant dès lors que la nature commerciale du bail est établie avec toute conséquence de droit ;

3) La validité des congés :

Considérant que l'appréciation de la validité des congés délivrés par la société FIMMO relève de la compétence exclusive de la commission arbitrale des loyers commerciaux ainsi que cette juridiction l'a rappelé dans sa décision du 17 novembre 1993 rendue entre les parties ;

Qu'il s'ensuit que le Tribunal de première instance était incompétent ratione materiae pour en connaître et que cette incompétence doit être relevée d'office ;

4) Les demandes de dommages-intérêts :

a) Considérant que la société FIMMO, qui a été condamnée en première instance au paiement d'une somme de 10 000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, sollicite la réformation du jugement de ce chef ;

Considérant que la saisine du tribunal par la société FIMMO, en application de la décision rendue par la commission arbitrale, n'apparaît pas abusive ;

Qu'il y a lieu, dès lors, de réformer le jugement qui l'a condamnée au paiement de dommages-intérêts ;

b) Considérant que la société FIMMO sollicite la condamnation de M. L. au paiement de 50 000 francs de dommages-intérêts pour sa résistance abusive ;

Que cette demande doit s'entendre comme visant la réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi depuis le jugement ;

Considérant que la société FIMMO n'établit pas l'existence d'un tel préjudice ; qu'elle doit donc être déboutée de cette demande ;

c) Considérant que M. L. a déclaré former appel incident du jugement pour obtenir une somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Considérant qu'il ressort des motifs de sa demande que M. L. entend, non pas obtenir la réformation du jugement en ce qui concerne le montant des dommages-intérêts qu'il lui avait alloués - demande de réformation qu'elle ne formule pas expressément - mais entend obtenir, par voie reconventionnelle, des dommages-intérêts pour appel abusif ; qu'en effet, M. L. justifie sa réclamation par l'abus que représenterait le recours exercé par la société FIMMO ;

Considérant que l'appel formé par cette société ne revêt pas un caractère abusif en l'état de la réformation partielle du jugement déféré ; que M. L. doit donc être déboutée de sa demande ;

Considérant que les dépens doivent demeurer à la charge de l'appelante qui succombe pour l'essentiel ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

réformant parte in qua le jugement du Tribunal de première instance en date du 2 octobre 1997,

Rejette l'exception de nullité de l'exploit d'assignation du 5 octobre 1994 ;

Se déclare incompétente pour connaître de la validité des congés ;

Déboute M. L. de sa demande en paiement de dommages-intérêts ;

Confirme ledit jugement pour le surplus ;

Déboute les parties de leurs demandes reconventionnelles respectives en paiement de dommages-intérêts ;

Composition

Mme François vice-prés. f.f. prem. prés. ; M. Serdet, proc. gén. ; Mes Pastor et Léandri, av. déf. ; Karcenty, av. bar. de Nice.

Note

Cet arrêt réforme parte in qua le jugement rendu le 2 octobre 1997 par le Tribunal de première instance.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26641
Date de la décision : 05/01/1999

Analyses

Baux commerciaux


Parties
Demandeurs : SCI FIMMO
Défendeurs : G., veuve L.

Références :

articles 141, 148 et 153 du Code de procédure civile
article 136 alinéa 2 du Code de procédure civile
article 1er, alinéa 2, de la loi n° 490 du 24 novembre 1948
article 153 alinéa 4 du Code de procédure civile
articles 136 et 153 du Code de procédure civile
article 141 alinéa 1 du Code de procédure civile
article 148 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1999-01-05;26641 ?

Source

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