La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/04/1998 | MONACO | N°26606

Monaco | Cour d'appel, 28 avril 1998, F. c/ Société Cambiaso and Partners Banque Compagnie Monégasque


Abstract

Saisie-arrêt

Recours contre l'ordonnance l'autorisant sans titre - Référé : appréciation du caractère certain de la créance et de son quantum - Rétractation partielle de l'ordonnance

Preuve

Principe de la liberté de la preuve en matière commerciale - Acte unilatéral sous seing privé dépourvu des mentions prévues par l'article 1173 du Code civil - Valeur probante de cet acte

Résumé

Aux termes de l'article 492 du Code de procédure civile, jusqu'à la date de l'audience fixée par l'exploit en validité de la saisie-arrêt, le dÃ

©biteur saisi peut, dans tous les cas, se pourvoir en référé tant contre l'estimation du montant à concur...

Abstract

Saisie-arrêt

Recours contre l'ordonnance l'autorisant sans titre - Référé : appréciation du caractère certain de la créance et de son quantum - Rétractation partielle de l'ordonnance

Preuve

Principe de la liberté de la preuve en matière commerciale - Acte unilatéral sous seing privé dépourvu des mentions prévues par l'article 1173 du Code civil - Valeur probante de cet acte

Résumé

Aux termes de l'article 492 du Code de procédure civile, jusqu'à la date de l'audience fixée par l'exploit en validité de la saisie-arrêt, le débiteur saisi peut, dans tous les cas, se pourvoir en référé tant contre l'estimation du montant à concurrence duquel la saisie-arrêt a été pratiquée, que contre l'autorisation délivrée par le juge, à défaut de titre, en application de l'article 491 du même code.

La demande en rétractation d'une ordonnance sur requête relève de la compétence exclusive du juge qui l'a rendue, saisi, en la forme des référés, étant relevé, que ses pouvoirs ne sont subordonnés ni à l'absence d'une contestation sérieuse, ni à l'urgence.

S'agissant, en l'espèce, de la rétractation d'une ordonnance autorisant une saisie-arrêt, en l'absence de titre, il appartient à ce même juge, investi des mêmes pouvoirs que ceux appartenant à l'auteur de l'ordonnance querellée de rechercher à l'issue du débat contradictoire, si la requête du prétendu créancier est recevable et si ce dernier justifie d'une créance certaine en son principe.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont, au regard des éléments de preuve de la créance invoquée, rétracté partiellement cette ordonnance en limitant les effets de la saisie-arrêt autorisée par celle-ci, à concurrence d'une certaine somme et en donnant mainlevée de ladite saisie-arrêt pour le surplus.

Une lettre contenant l'engagement écrit d'une seule partie envers l'autre, de payer une somme d'argent, sans comporter un « bon » ou un « approuvé », portant en toutes lettres la somme objet de l'engagement, comme le prévoit l'article 1173 du Code civil, n'est pas cependant dénuée de toute valeur probante, dès lors que cet engagement a été souscrit par une société commerciale à l'égard de laquelle étaient seules applicables les dispositions de l'article 74 du Code de commerce et que ce faisant il n'était point soumis aux exigences de l'article 1173 susvisé.

Motifs

La Cour

La Cour statue sur l'appel relevé par A. F. d'une ordonnance de référé en date du 15 décembre 1997 dans une instance l'opposant à la société « Cambiaso and Partners International ».

Les faits, la procédure, les prétentions et moyens des parties peuvent être relatés comme suit, étant fait référence pour le surplus à la décision attaquée et aux conclusions échangées en appel.

A. F. a été employé par la société anonyme monégasque dénommée « Cambiaso and Partners International », en qualité de courtier maritime, entre le 1er octobre 1995 et le 30 septembre 1997, date à laquelle il a donné sa démission.

Faisant état d'un accord en date du 30 juillet 1997, aux termes duquel, la société Cambiaso and Partners International avait reconnu lui devoir la somme de 550 000 dollars US payable selon les modalités suivantes :

* 50 000 dollars le 31 juillet 1997,

* 50 000 dollars le 15 septembre 1997,

* 100 000 dollars le 15 décembre 1997,

* 350 000 dollars le 31 juillet 1998

et déclarant n'avoir reçu qu'un acompte de 75 000 dollars, en sorte qu'il lui restait dû un solde de 475 000 dollars, A. F. a, suivant ordonnance rendue à sa requête le 26 novembre 1997, été autorisé à faire pratiquer une saisie-arrêt auprès des établissements bancaires dénommés « Compagnie Monégasque de Banque » et « Banque du Gothard », à concurrence de la somme de 490 000 dollars, sur toutes sommes appartenant à la société Cambiaso and Partners International, et ce, pour avoir sûreté, garantie et paiement de ladite somme, montant auquel a été évaluée provisoirement sa créance.

Saisi par assignation du 9 décembre 1997, d'une action en rétractation de ladite ordonnance et en mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée, le Président du Tribunal de première instance, statuant comme en matière de référé, a, par ordonnance du 15 décembre 1997, rétracté partiellement sa précédente ordonnance du 26 novembre 1997, en limitant à la somme de 25 000 dollars, les effets de la saisie-arrêt autorisée par ladite ordonnance.

Pour statuer ainsi, le premier juge, a relevé, pour l'essentiel :

En premier lieu, que la société Cambiaso and Partners ne pouvait nier l'existence de la créance invoquée par son employé au prétexte que l'accord dont se prévalait celui-ci, avait été obtenu sous la contrainte, dès lors que dès 1995, le principe d'un supplément au salaire versé à F. avait été reconnu par ladite société ;

En second lieu, que les dispositions de l'article 1173 du Code civil ne pouvaient être utilement invoquées par cette même société, au regard de la nature commerciale de celle-ci, ainsi que des dispositions des articles 1er, 2, 3 et 74 du Code de commerce ;

En dernier lieu, que les termes de l'accord litigieux ne s'avéraient pas contradictoires en tant qu'ils consacreraient une déchéance du terme, la société Cambiaso and Partners ayant pu valablement s'engager, sous peine de cette sanction, aux paiements partiels indiqués par cet acte.

Au soutien de son appel, A. F. a fait valoir, pour l'essentiel, que c'est à tort, que le premier juge avait donné une interprétation restrictive à l'engagement souscrit le 30 juillet 1997 par la société Cambiaso and Partners en estimant, sur la base de ce document, que ladite société, eu égard aux versements qu'elle avait déjà effectués s'élevant à 75 000 dollars, ne restait lui devoir qu'un solde de 25 000 dollars.

Qu'en effet, ce faisant, ce magistrat, n'a pas tenu compte de la déchéance du terme prévue par les parties, faute de règlement intégral d'une seule échéance par ladite société, en sorte que celle-ci lui était désormais redevable de la totalité des sommes restant dues, à savoir celle de 475 000 dollars.

Il demande, en conséquence, à la Cour d'infirmer l'ordonnance entreprise, et statuant à nouveau, de confirmer les termes de l'ordonnance du 26 novembre 1997, l'autorisant à pratiquer la saisie-arrêt des comptes bancaires de la société Cambiaso and Partners, à concurrence de la somme de 490 000 dollars.

La société Cambiaso and Partners a relevé appel incident de l'ordonnance du 15 décembre 1997 et sollicite sa réformation en ce qu'elle n'avait que partiellement rétracté l'ordonnance du 26 novembre 1997 en maintenant les effets de la saisie-arrêt autorisée par ladite ordonnance à la somme de 25 000 dollars.

Elle expose, à cet effet, reprenant les moyens qu'elle avait développés devant le premier juge :

En premier lieu, que la lettre du 30 juillet 1997, constituant un acte unilatéral, était soumis aux exigences de l'article 1173 du Code civil, dès lors qu'il ne comportait pas, écrit de sa main, un bon ou un approuvé, portant en toutes lettres la somme, objet de son engagement ;

Que ce faisant, cet acte était dénué de toute valeur probante ;

En second lieu, que F. ayant quitté son emploi le 30 septembre 1997, ne pouvait plus prétendre, à compter de cette date, à aucune rémunération de la part de son employeur, d'autant que son contrat de travail ne prévoyait que le versement d'un salaire fixe, sans suppléments, ni primes ;

Qu'à cet égard, le courrier du 30 mai 1995 produit par ce dernier qui révélerait que le principe d'un supplément à son salaire avait été admis par son employeur, constitue un faux, bien qu'il comporte la signature du représentant de la société Cambiaso and Partners, les mentions portées sur ce courrier l'ayant été par F. qui s'était servi d'un papier à en tête de cette société, signé en blanc ;

Que, par ailleurs, en tout état de cause, ce document ne pouvait, en lui-même permettre d'établir que la société Cambiaso and Partners avait reconnu à F. le principe d'une rémunération, en sus de son salaire, avant la lettre du 30 juillet 1997 ;

En troisième lieu, qu'il résulte des témoignages produits, que F. a extorqué la signature de la lettre du 30 juillet 1997, sous la menace faite à son employeur de le dénoncer auprès de l'administration fiscale, en sorte que l'engagement pris dans cette lettre est nul pour vice du consentement, en application de l'article 964 du Code civil.

Sur ce,

Considérant que le fondement juridique de la demande de la société Cambiaso and Partners repose sur les dispositions de l'article 492 du Code de procédure civile, aux termes desquelles jusqu'à la date de l'audience fixée par l'exploit en validité de la saisie-arrêt, le débiteur saisi peut, dans tous les cas, se pourvoir en référé tant contre l'estimation du montant à concurrence duquel la saisie-arrêt a été pratiquée, que contre l'autorisation délivrée par le juge, à défaut de titre, en application de l'article 491 du même code ;

Considérant que la demande en rétractation d'une ordonnance sur requête relève de la compétence exclusive du juge qu'il l'a rendue, saisi, en la forme des référés, étant relevé, que ses pouvoirs ne sont subordonnés, ni à l'absence d'une contestation sérieuse, ni à l'urgence ;

Que s'agissant, en l'espèce, de la rétractation d'une ordonnance autorisant une saisie-arrêt, en l'absence de titre, il appartient à ce même juge, investi des mêmes pouvoirs que ceux appartenant à l'auteur de l'ordonnance querellée de rechercher à l'issue du débat contradictoire, si la requête du prétendu créancier est recevable et si ce dernier justifie d'une créance certaine en son principe ;

Considérant, en premier lieu, qu'ainsi que l'a, à bon droit, relevé le premier juge, les attestations produites par la société Cambiaso and Partners, tendant à établir qu'A. F. aurait menacé son employeur de le dénoncer auprès de l'administration fiscale, ne sont pas de nature, à elles seules à démontrer que l'engagement pris par ladite société, aux termes de sa lettre du 30 juillet 1997, lui aurait été extorqué par violence ;

Qu'à cet égard, il convient de relever que, par un précédent courrier en date du 30 mai 1995, dont aucun élément ne permet de suspecter la réalité en ce qu'il comporte la signature non déniée de son représentant légal, ladite société avait déjà convenu d'octroyer à F., à titre de primes, pour les années 1994 et 1995, la somme forfaitaire de 200 000 dollars, en sus de son salaire ;

Considérant en second lieu, ainsi que l'a considéré de manière fondée, le premier juge, l'engagement de la société Cambiaso and Partners n'était pas soumis aux exigences de l'article 1173 du Code civil, dès lors qu'il était souscrit par une société commerciale à l'égard de laquelle étaient seules applicables les dispositions de l'article 74 du Code de commerce ;

Considérant, en troisième lieu, ainsi que l'a retenu, à juste titre, le premier juge que la lettre adressée le 31 juillet 1997 par la société Cambiaso and Partners à F., alors que celui-ci était à son service, s'analysait en une promesse faite par cette société de lui payer, au titre de son activité de courtier, pour la période du 30 juillet 1997 au 31 juillet 1998, la somme de 550 000 dollars, selon les échéances qui y étaient indiquées ;

Que F. ayant mis fin, par sa démission devenue effective le 30 septembre 1997, à son contrat de travail, sa créance à l'encontre de son employeur ne doit être considérée comme certaine qu'à concurrence de la somme de 100 000 dollars, correspondant aux versements devant lui être effectués les 31 juillet et 15 septembre 1997, toutes autres sommes concernant la période postérieure à la cessation du contrat de travail ne pouvant pas lui être dues ;

Considérant qu'à cet égard, F. ayant reçu paiement de la somme de 75 000 dollars, ainsi qu'il l'a reconnu dans ses écritures judiciaires, la société Cambiaso and Partners lui reste redevable de celle de 25 000 dollars, en sorte que c'est à bon droit, que le premier juge a rétracté partiellement son ordonnance du 26 novembre 1997, en limitant des effets de la saisie-arrêt autorisée par celle-ci, à concurrence de l'équivalent en francs français de la somme de 25 000 dollars US, et en donnant mainlevée de ladite saisie-arrêt pour le surplus ;

Qu'il y a lieu, en conséquence, de confirmer, en toutes ses dispositions, l'ordonnance entreprise ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Et ceux non contraires des premiers juges,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

Déboute A. F. et la société anonyme monégasque dénommée « Cambiaso and Partners International » de leur appel principal et incident respectif ;

Confirme, en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé en date du 15 décembre 1997.

Composition

MM. Sacotte, prem. prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; Mes Brugnetti, Gardetto, av. déf.

Note

Cet arrêt confirme l'ordonnance de référé du 15 décembre 1997.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26606
Date de la décision : 28/04/1998

Analyses

Contrat - Général ; Contrat - Contenu ; Procédure civile


Parties
Demandeurs : F.
Défendeurs : Société Cambiaso and Partners Banque Compagnie Monégasque

Références :

article 74 du Code de commerce
article 492 du Code de procédure civile
article 1173 du Code civil
article 964 du Code civil
ordonnance du 15 décembre 1997
articles 1er, 2, 3 et 74 du Code de commerce
ordonnance du 26 novembre 1997


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1998-04-28;26606 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award