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02/12/1997 | MONACO | N°26568

Monaco | Cour d'appel, 2 décembre 1997, C., Société G. c/ Époux T., Caixabank


Abstract

Procédure civile

Qualité pour agir (non) - Représentant d'une société (non) - Titulaire d'un mandat spécial (procuration sur le compte d'une société) - Absence de mandat « ad litem »

Résumé

Le titulaire d'une procuration sur le compte bancaire d'une société dont il n'est point administrateur, ne saurait exciper de la qualité à agir en justice au nom de cette société, un tel mandat, de par son caractère spécial, limité au fonctionnement dudit compte, ne pouvant être étendu à un autre objet.

S'agissant d'un mandat « ad litem

 », il incombe à la partie demanderesse de rapporter la preuve d'un mandat exprès et écrit d'agir au nom ...

Abstract

Procédure civile

Qualité pour agir (non) - Représentant d'une société (non) - Titulaire d'un mandat spécial (procuration sur le compte d'une société) - Absence de mandat « ad litem »

Résumé

Le titulaire d'une procuration sur le compte bancaire d'une société dont il n'est point administrateur, ne saurait exciper de la qualité à agir en justice au nom de cette société, un tel mandat, de par son caractère spécial, limité au fonctionnement dudit compte, ne pouvant être étendu à un autre objet.

S'agissant d'un mandat « ad litem », il incombe à la partie demanderesse de rapporter la preuve d'un mandat exprès et écrit d'agir au nom de la société ; à défaut de ce faire, celle-ci ne peut se prévaloir, ainsi qu'elle l'a prétendu, de la qualité de représentant légal de ladite société dans l'instance, au sens de l'article 141 du Code civil.

Motifs

La Cour

La Cour statue sur les appels principal et incident relevés d'une part par J.-L. C. et la société Giorlor, d'autre part, par les époux T.-K. du jugement du Tribunal de première instance en date du 25 avril 1996.

Les faits, la procédure, les prétentions et moyens des parties peuvent être relatés comme suit, étant fait référence pour le surplus à la décision attaquée et aux écritures échangées en appel :

J.-L. C. se prétendant « responsable et ayant droit économique » de la société de droit liechtensteinois dénommée Giorlor Establishment laquelle serait créancière des époux T.-K. d'une somme de 15 millions de francs, a obtenu du président du Tribunal une ordonnance du 16 novembre 1994, l'autorisant à pratiquer une saisie-arrêt auprès de l'établissement financier dénommé Caixabank, à concurrence de la somme de 15 millions de francs sur toutes sommes, deniers ou valeurs appartenant aux époux T.-K., et ce, pour avoir garantie du paiement de ladite somme, montant auquel a été provisoirement évaluée sa créance.

Suivant exploit du 17 novembre 1994, J.-L. C. a formé la saisie-arrêt ainsi autorisée et a fait assigner, d'une part, la Caixabank, tiers saisi, aux fins de déclaration affirmative, d'autre part, les époux T.-K. en validation de la saisie-arrêt et en paiement du montant des causes de celle-ci.

La Caixabank, par lettre du 24 novembre 1994, valant conclusions, a déclaré détenir pour le compte des époux T., les sommes de 85 822,24 francs français, 33,17 dollars US et 372 291 lires italiennes et pour le compte de Mme K. épouse T., celle de 197 814 francs.

Par le jugement entrepris, le Tribunal de première instance, après s'être déclaré compétent, a :

* donné acte à la Caixabank de sa déclaration affirmative,

* constaté le défaut de qualité pour agir de J.-L. C.,

* déclaré celui-ci irrecevable en sa demande,

* ordonné la mainlevée des saisies-arrêts pratiquées le 17 novembre 1994 sur les comptes ouverts auprès de la Caixabank de Monaco au nom des époux T.-K. et de la dame K. épouse T.

* ordonné de ce chef l'exécution provisoire du jugement.

* condamné J.-L. C. à payer à chacun des époux T.-K. la somme de 20 000 francs, à titre de dommages-intérêts, pour procédure abusive.

Pour statuer ainsi les premiers juges ont, pour l'essentiel, relevé :

En premier lieu, sur la compétence du Tribunal, que celle-ci était fondée sur les dispositions de l'article 2 du Code de procédure civile, les époux T.-K. étant domiciliés à Monaco, ainsi que sur celles de l'article 3-9e du même code, s'agissant d'une saisie-arrêt formée en Principauté.

En second lieu, sur la recevabilité de la demande, que J.-L. C., ainsi qu'il l'a reconnu dans ses écritures judiciaires, réclame le remboursement d'une créance due à la société Giorlor Establishment et que nul ne plaidant par procureur, il a ainsi agi en justice sans qualité.

Que, par ailleurs, il ne saurait se prévaloir de la qualité de représentant de ladite société, dès lors qu'il n'était titulaire que d'une procuration sur les comptes de cette société auprès de la banque Crédit Suisse de Chiasso.

Qu'enfin, la qualité « d'ayant droit économique » de la société Giorlor que revendique J.-L. C. pour justifier son action ne lui donne, en aucun cas, la qualité de représentant légal de ladite société au sens de l'article 141 du Code de procédure civile, d'autant qu'il résulte des pièces produites, que ce sont successivement les dénommés E. W., E. S. et A. P. qui ont représenté la société Giorlor en leur qualité d'administrateurs de celle-ci.

En troisième lieu, qu'il découlait de l'irrecevabilité à agir de J.-L. C., que la mainlevée des saisies-arrêts pratiquées à sa requête devait être ordonnée, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, en l'état de l'urgence.

Au soutien de leur appel, J.-L. C. et la société Giorlor Establishment font valoir pour l'essentiel :

En premier lieu, que c'est à tort que les premiers juges ont déclaré J.-L. C. irrecevable en son action pour défaut de qualité à agir au nom de la société Giorlor, dès lors que ladite société a reconnu par la voie de son représentant légal, que J.-L. C. « ayant droit économique du compte Giorlor Establishment auprès du Crédit Suisse à Chiasso » avait tout à fait qualité pour représenter ladite société dans l'instance en validation de la saisie-arrêt pratiquée selon exploit du 17 novembre 1994 et non-paiement du montant des causes de celle-ci.

En second lieu, que c'est également à tort que, par voie de conséquence les premiers juges ont ordonné la mainlevée de la saisie-arrêt dont s'agit.

En troisième lieu, et à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans la présente instance dans l'attente d'une décision définitive de la juridiction pénale saisie de la plainte avec constitution de partie civile de la société Giorlor contre les époux T..

En définitive, les appelants demandent à la Cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il s'est déclaré compétent pour connaître de leur demande, et de le réformer pour le surplus, en déclarant J.-L. C. recevable en son action à l'encontre des époux T.-K. et en condamnant ces derniers au paiement du montant des causes de la saisie-arrêt litigieuse, sauf à surseoir à statuer sur celle-ci jusqu'à ce que l'instance pénale en cours ait pris fin.

Les époux T.-K., par voie d'appel incident, ont conclu à la réformation du jugement critiqué en ce qu'il s'est déclaré compétent pour connaître de la demande de J.-L. C. tout en sollicitant sa confirmation pour le surplus ainsi que la condamnation des appelants à lui payer la somme de 100 000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Ils exposent, à cet égard, pour l'essentiel :

En premier lieu que l'appel formé par la société Giorlor doit être déclaré irrecevable, celle-ci n'étant pas partie en première instance et n'ayant pas été représentée valablement par J.-L. C.

En second lieu que la demande de J.-L. C., lequel était sans qualité pour représenter la société Giorlor en justice, doit également être déclarée irrecevable.

J.-L. C. faisant état de ce que la société Giorlor avait déposé plainte avec constitution de partie civile contre X... devenu T., pour abus de confiance pour les mêmes faits que ceux faisant l'objet de la présente instance civile, a, dans le dernier état de ses conclusions d'appel, sollicité, à titre principal, le sursis à statuer, en application de l'article 3 du Code de procédure pénale, jusqu'à ce qu'il ait été définitivement statué sur l'action publique.

Sur ce,

Considérant que la société Giorlor Establishment n'ayant pas été partie devant le Tribunal de première instance dans le litige opposant J.-L. C. aux époux T.-K., son appel doit, en conséquence, être déclaré irrecevable ;

Considérant que si J.-L. C. a été partie demanderesse dans le même litige ayant fait l'objet du jugement du 25 avril 1996, encore faut-il qu'il justifie de sa qualité à agir en justice au nom de la société Giorlor Establishment, ainsi qu'il le prétend, dès lors que celle-ci est contestée par les époux T.-K. ;

Considérant, à cet égard, que C. ne saurait, tout d'abord, exciper d'une telle qualité du seul fait qu'il était titulaire d'une procuration sur le compte de la société dont s'agit auprès du Crédit Suisse de Chiasso (Suisse) ;

Que, par ailleurs, le fait que ce document mentionne sa qualité « d'ayant droit économique » de la société Giorlor Establishment, notion juridique inconnue en droit monégasque, confirme simplement sa situation de mandataire de cette société dans ses rapports avec cet établissement bancaire ;

Considérant, qu'en tout état de cause, un tel mandat, de par son caractère spécial, limité au fonctionnement d'un compte bancaire, ne pouvait être étendu à un autre objet ;

Considérant qu'il convient d'observer, ici, qu'il résulte de l'extrait du registre du commerce délivré par les autorités du Liechtenstein, qu'à l'époque où J.-L. C. a déclaré agir pour le compte de la société Giorlor Establishment, seul le dénommé E. W. avait le pouvoir d'engager cette société, que par la suite, ce sont successivement les dénommés E. S. et A. P. qui, en tant qu'administrateurs, avaient qualité pour la représenter ;

Considérant que, s'agissant d'un mandat ad litem, J.-L. C. ne rapporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, d'un mandat exprès et écrit d'agir au nom de la société Giorlor Establishment, comme il l'a prétendu, en sorte qu'il ne peut se prévaloir de la qualité de représentant légal de ladite société dans la présente instance, au sens de l'article 141 du Code de procédure civile ;

Considérant qu'il y a lieu, en conséquence, de déclarer son appel irrecevable ;

Considérant enfin que J.-L. C. ayant, de manière manifestement fautive, persisté dans ses prétentions initiales, infondées tant en fait qu'en droit, devant les juges du second degré, en sorte que son appel ne pouvait prospérer en aucune façon, il convient de le condamner à payer à chacun des époux T.-K. la somme de 30 000 francs à titre de dommages-intérêts, pour appel abusif et dilatoire ;

Qu'en outre, il devra supporter, avec la société Giorlor, les entiers dépens d'appel, en l'état de leur succombance respective ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

* déclare la société de droit liechtensteinois dénommée Giorlor Establishment et J.-L. C., irrecevables en leur appel respectif.

* condamne J.-L. C. à payer à chacun des époux T.-K. la somme de trente mille francs à titre de dommages-intérêts pour appel abusif.

Composition

MM. Sacotte, prem. prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. Mes Blot, Brugnetti, av. déf.

Note

Cet arrêt déclare irrecevable l'appel interjeté contre le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 25 avril 1996.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26568
Date de la décision : 02/12/1997

Analyses

Contrat - Général ; Contrat de mandat


Parties
Demandeurs : C., Société G.
Défendeurs : Époux T., Caixabank

Références :

article 3 du Code de procédure pénale
article 2 du Code de procédure civile
article 141 du Code civil
article 141 du Code de procédure civile
ordonnance du 16 novembre 1994


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1997-12-02;26568 ?

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