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08/10/1996 | MONACO | N°26498

Monaco | Cour d'appel, 8 octobre 1996, Société GELAM c/ État de Monaco - Société de banque suisse


Abstract

Conflit de lois

Convention fiscale franco-monégasque du 18 mai 1963 - Impôts recouvrés à Monaco sur une société suisse : article 23 de la convention applicable

Résumé

Si certaines dispositions de la Convention franco-monégasque du 18 mai 1963 ont un champ d'application limité aux personnes physiques ou morales de nationalité monégasque (titre I) ou française (titre II) ou à certains impôts et taxes (art. 20), il n'en va pas de même de l'article 23 ; en effet celui-ci est rédigé en termes généraux et ne fait aucune référence à la natio

nalité ou à la résidence du contribuable ; il précise au contraire que l'assistance est due « ...

Abstract

Conflit de lois

Convention fiscale franco-monégasque du 18 mai 1963 - Impôts recouvrés à Monaco sur une société suisse : article 23 de la convention applicable

Résumé

Si certaines dispositions de la Convention franco-monégasque du 18 mai 1963 ont un champ d'application limité aux personnes physiques ou morales de nationalité monégasque (titre I) ou française (titre II) ou à certains impôts et taxes (art. 20), il n'en va pas de même de l'article 23 ; en effet celui-ci est rédigé en termes généraux et ne fait aucune référence à la nationalité ou à la résidence du contribuable ; il précise au contraire que l'assistance est due « pour le recouvrement de tous impôts... suivant les règles propres à leur législation » de sorte que ce texte instaure une assistance réciproque pour le recouvrement de tous impôts, sans aucune restriction quant à la nationalité, au domicile ou au siège des personnes débitrices.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont, en application de l'article 23 de la Convention susvisée, reçu l'État de Monaco en ses demandes formulées pour le compte de l'Administration française et ont en conséquence déclaré régulière la saisie-arrêt pratiquée sur les avoirs détenus à Monaco par la société GELAM, société suisse ayant son siège à Genève.

Motifs

La Cour

La Cour statue sur l'appel du jugement rendu par le Tribunal de première instance de Monaco, le 9 juin 1994 dans un litige opposant l'État de Monaco à la société GELAM et à la société de Banque Suisse, venue aux droits de la Banque de placements et de crédit (BPC), tiers-saisi.

Les faits, la procédure, les moyens et les prétentions des parties peuvent être relatés comme suit, étant fait référence pour le surplus à la décision déférée et aux écritures échangées en appel :

La société de droit suisse GELAM était propriétaire à Cannes de biens immobiliers qu'elle a cédés par acte notarié du 21 juin 1989.

Conformément à la loi fiscale française, la banque monégasque Banque de placements et de crédit s'est engagée à représenter la société GELAM à l'égard de l'Administration française et à acquitter en ses lieu et place le prélèvement exigible au titre de la vente considérée.

En contrepartie de cet engagement, la société GELAM, par acte du 2 juin 1989, donnait en nantissement au profit de la Banque les sommes figurant sur un compte à terme qu'elle détenait à la BPC.

Pendant cette même période, l'Administration fiscale française avait émis, le 6 mars 1989, trois avis de mise en recouvrement, se rapportant à des causes différentes, pour un montant global de 415 063 francs.

Sur la base de ces trois avis, l'Administration fiscale française a sollicité, en application de l'article 23 de la convention franco-monégasque du 18 mai 1963, l'assistance de la direction monégasque des Services fiscaux afin d'obtenir paiement de cette somme par la société GELAM.

Pour satisfaire à cette demande, l'État de Monaco a présenté requête aux fins qu'il soit procédé à une saisie-arrêt des avoirs détenus à Monaco par la société GELAM.

Par ordonnance du 20 février 1991, l'État de Monaco a été autorisé à procéder à cette saisie à concurrence de 450 000 francs.

Par acte du 8 mars 1991, l'État de Monaco a procédé à la saisie ainsi autorisée et assigné la société GELAM et la BPC aux fins prévues par l'article 491-3° du Code de procédure civile. La société GELAM a été réassignée par acte du 24 avril 1991.

Par le jugement déféré, le Tribunal a :

* reçu l'État de Monaco en ses demandes formulées pour le compte de l'Administration fiscale française ;

* déclaré régulière la saisie-arrêt ;

* donné acte à la BPC de sa déclaration affirmative ;

* donné mainlevée de la saisie-arrêt pour toutes sommes excédant celle de 450 000 francs ;

* sursis à statuer au fond pour le surplus jusqu'à l'issue définitive de la réclamation contentieuse introduite en France par la société GELAM du chef des impositions faisant l'objet de deux des avis de mise en recouvrement ;

* ordonné le maintien de la cause au rôle général ;

* réservé les dépens.

Par acte du 17 novembre 1994, la société GELAM a relevé appel de cette décision à l'encontre de l'État de Monaco.

Par acte du 13 avril 1995, la société GELAM a assigné la BPC en intervention forcée.

Par décision du 16 mai 1995, la Cour a ordonné la jonction des deux instances enrôlées sous les n° 95-64 et 95-126.

À l'appui de son appel, la société GELAM fait valoir en premier lieu qu'elle n'est pas française ; qu'elle n'a jamais eu d'établissement stable en France et n'est pas domiciliée fiscalement en France.

Elle soutient que la Convention franco-monégasque, et spécialement son article 23, ne prévoit une assistance administrative entre les deux États qu'en ce qui concerne les personnes physiques ou morales domiciliées en France.

Elle prétend qu'aucun article de la Convention n'autorise directement ou indirectement le Gouvernement français à demander au Gouvernement monégasque une assistance au recouvrement contre des impôts dus en France par des ressortissants suisses n'ayant aucun domicile fiscal en France.

En second lieu, elle expose qu'une partie des sommes réclamées initialement par le fisc français a fait l'objet d'un dégrèvement à concurrence de 149 438 francs ramenant ainsi la créance éventuelle de 265 625 francs.

La société GELAM demande en conséquence à la Cour :

* d'ordonner l'entière mainlevée de la saisie-arrêt pour mauvaise application de la convention franco-monégasque ;

* subsidiairement, de réduire à 265 625 francs le montant de la saisie-arrêt ;

* de condamner l'État de Monaco aux dépens ;

L'État de Monaco, pour sa part, expose en premier lieu que la société GELAM a bénéficié d'un dégrèvement de 149 438 francs et déclare ramener à 265 625 francs le montant de la somme concernée par la demande d'assistance au recouvrement.

En second lieu, il soutient que l'article 23 de la Convention franco-monégasque instaure une assistance réciproque pour le recouvrement de tous impôts sans aucune restriction quant à la nationalité, au domicile ou au siège des personnes débitrices.

Il demande en conséquence à la Cour :

* de débouter la société GELAM des fins de son appel, sauf à ramener à 265 625 francs le montant de la somme concernée par la demande d'assistance au recouvrement ;

* de dire applicables en l'espèce les dispositions de la convention franco-monégasque ;

* de confirmer pour le surplus la décision entreprise ;

* de condamner l'appelante aux dépens.

La Société de banque suisse, venue aux droits de la Banque de placements et de crédit, tiers-saisi, déclare détenir pour le compte de la société GELAM les sommes de 6 470,65 francs sur un compte à vue et de 550 000 francs sur un compte à terme.

Elle précise que ces sommes sont affectées en nantissement à la garantie de l'engagement de caution délivré auprès de l'Administration fiscale française.

Elle demande à la Cour de lui donner acte de sa déclaration et de condamner l'État de Monaco aux entiers dépens.

Ceci étant exposé, la Cour :

Considérant que, si certaines dispositions de la Convention fiscale franco-monégasque du 18 mai 1963 ont un champ d'application limité aux personnes physiques ou morales de nationalité monégasque (titre I) ou française (titre II), ou à certains impôts et taxes (art. 20), il n'en va pas de même de l'article 23 ;

Qu'en effet celui-ci est rédigé en termes généraux et ne fait aucune référence à la nationalité ou à la résidence du contribuable ;

Qu'il précise au contraire que l'assistance est due « pour le recouvrement de tous impôts... suivant les règles propres à leur législation » ;

Considérant que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont, en application de l'article 23 de la Convention susvisée, reçu l'État de Monaco en ses demandes, formulées pour le compte de l'Administration fiscale française ;

Considérant que c'est également à juste titre qu'ils ont, en conséquence, déclaré régulière la saisie-arrêt pratiquée et qu'ils ont sursis à statuer au fond jusqu'à l'issue définitive des réclamations contentieuses introduites en France par la société GELAM ;

Considérant toutefois que l'État de Monaco, au vu d'un dégrèvement accordé par l'Administration fiscale française, et conformément à la demande de la société GELAM, déclare limiter à 265 625 francs le montant de sa demande ;

Qu'il y a lieu, en conséquence, réformant le jugement entrepris, de limiter à cette somme le montant de la saisie-arrêt ;

Considérant qu'il y a lieu de donner acte à la Société de banque suisse, venue aux droits de la BPC, de sa déclaration affirmative ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

* confirme le jugement entrepris en ce qu'il a reçu l'État de Monaco en ses demandes formulées pour le compte de l'Administration fiscale française.

* le confirme en ce qu'il a déclaré régulière la saisie-arrêt.

* le confirme également, en ce qu'il a sursis à statuer au fond pour le surplus jusqu'à l'issue définitive de la réclamation contentieuse introduite en France par la société GELAM et maintenu la cause au rôle général.

Le réformant pour le surplus,

* donne mainlevée de la saisie-arrêt susvisée pour toutes sommes excédant celle de 265 625 francs à laquelle l'État de Monaco déclare limiter sa demande.

* donne à la Société de banque suisse l'acte sollicité.

Composition

MM. Sacotte, prem. prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; Mes Escaut et Karczag-Mencarelli, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26498
Date de la décision : 08/10/1996

Analyses

Traités bilatéraux avec la France ; Impôts et taxes divers


Parties
Demandeurs : Société GELAM
Défendeurs : État de Monaco - Société de banque suisse

Références :

article 491-3° du Code de procédure civile
ordonnance du 20 février 1991


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1996-10-08;26498 ?

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