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08/10/1996 | MONACO | N°26460

Monaco | Cour d'appel, 8 octobre 1996, C. c/ A.


Abstract

Action en Justice

Constitution de partie civile, ayant abouti à une relaxe - Action en responsabilité contre le plaignant - Abus de droit du plaignant - Mauvaise foi, imprudence, légèreté (non)

Résumé

Toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut porter plainte et se constituer partie civile devant le juge d'instruction.

L'exercice de ce droit ne peut engager la responsabilité de celui qui l'exerce que s'il constitue un abus résultant de la mauvaise foi, de l'imprudence ou de la légèreté.

Cette responsabilit

é s'apprécie au moment du dépôt de la plainte et ne saurait résulter du seul fait que ladite plaint...

Abstract

Action en Justice

Constitution de partie civile, ayant abouti à une relaxe - Action en responsabilité contre le plaignant - Abus de droit du plaignant - Mauvaise foi, imprudence, légèreté (non)

Résumé

Toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut porter plainte et se constituer partie civile devant le juge d'instruction.

L'exercice de ce droit ne peut engager la responsabilité de celui qui l'exerce que s'il constitue un abus résultant de la mauvaise foi, de l'imprudence ou de la légèreté.

Cette responsabilité s'apprécie au moment du dépôt de la plainte et ne saurait résulter du seul fait que ladite plainte ait, en définitive, abouti à une relaxe, alors que ce n'est qu'après une longue information que, contrairement aux réquisitions du Ministère Public, les juridictions pénales de jugement ont finalement exclu toute participation active de l'intéressé à l'infraction et l'ont renvoyé des fins de la poursuite.

En définitive, il ne résulte pas des éléments versés aux débats que la plainte avec constitution de partie civile de l'appelant ait été empreinte de mauvaise foi, d'imprudence ou même d'une légèreté coupable.

Motifs

La Cour,

La Cour statue sur l'appel du jugement rendu le 16 février 1995 par le Tribunal de Première instance de Monaco dans le litige opposant R. C. à G. A.

Les faits, la procédure, les moyens et les prétentions des parties peuvent être relatés comme suit, étant fait référence pour le surplus à la décision déférée et aux écritures échangées en appel :

Le 22 novembre 1990, R. C. déposait, devant le juge d'instruction de Monaco, une plainte avec constitution de partie-civile à l'encontre de G. A., de G. S. et F. G., ces deux derniers en leur qualité de responsables de la société Perspectives financières, des chefs d'escroquerie, abus de confiance, détournement de fonds et recel.

Dans sa plainte, R. C. exposait qu'ayant vendu en 1989 divers actifs pour une somme voisine de 50 millions de francs et souhaitant en placer une partie, il s'était adressé à G. A., conseiller fiscal, ancien fonctionnaire des services fiscaux français. Celui-ci l'avait alors présenté à G. S., directeur de « Perspectives financières » qui lui proposa de gérer ses fonds, lui fit signer un contrat de gestion et lui demanda d'ouvrir un compte à la Banque industrielle de Monaco (BIM), sur lequel il déposa 27 983 000 francs le 10 novembre 1989 et 1 650 000 francs le 13 décembre 1989. R. C. précisait que le jour même du premier dépôt, en chèque, il lui avait été demandé de signer un reçu de retrait, en espèces de la même somme.

Il déclarait qu'ayant voulu retirer 15 millions de francs au début de l'année 1990, il lui fut répondu par Perspectives financières que ses fonds avaient été confiés à une SCI constituée pour la circonstance et placés pour l'essentiel à la BIM et avaient disparu dans le « crack » de cette banque.

Il affirmait que G. A., G. S. et F. G. avait prélevé pour leur part plusieurs millions de francs lui appartenant et qu'il subissait un préjudice total de l'ordre de 25 millions de francs.

À la suite de l'information diligentée, F. G., G. S. et G. A. étaient renvoyés devant le Tribunal correctionnel de Monaco du chef d'abus de confiance.

Par jugement du 30 octobre 1992, le Tribunal correctionnel a déclaré G. S. et F. G., coupables d'abus de confiance et les a condamnés à des peines d'emprisonnement et d'amende. Il a en revanche renvoyé G. A. des fins de la poursuite.

Pour statuer ainsi à l'égard de G. A., le tribunal a considéré « qu'il n'était pas établi que C. ait donné à A. mandat de gérer les fonds détournés par G. et S. ; que, de plus, la participation matérielle d'A. à ce détournement n'était pas davantage démontrée, alors notamment que S. avait expressément indiqué qu'A. était resté en dehors de la gestion des fonds demeurés en Suisse et qu'il n'avait été informé que du transfert des sommes ayant abouti au Mexique avec l'accord de C. ».

Par arrêt du 11 janvier 1993, la Cour, statuant en matière correctionnelle, a confirmé la relaxe de G. A.

En l'état de cette relaxe, G. A., estimant que R. C. avait porté contre lui, en connaissance de cause, des accusations fausses et l'avait, de ce fait gravement calomnié, a fait assigner celui-ci, par acte du 9 juin 1993, devant le Tribunal de Première Instance de Monaco en responsabilité sur la base de l'article 1229 du Code civil.

Par son jugement du 16 février 1995 attaqué, le Tribunal, estimant fautif le comportement de R. C. l'a condamné à payer à G. A. la somme de 150 000 francs à titre de dommages-intérêts et l'a condamné aux dépens.

R. C. a relevé appel de cette décision.

À l'appui de son appel, R. C. expose en premier lieu que son comportement doit être apprécié au moment du dépôt de sa plainte et au vu des seuls éléments dont il disposait à cette époque, sans tenir compte du déroulement ultérieur des procédures. Il explique qu'au moment du dépôt de sa plainte, il pouvait croire que G. A. était impliqué dans « l'escroquerie » commise à son encontre ; qu'en effet, c'est G. A. qui lui avait conseillé de placer ses fonds à Monaco par l'intermédiaire de « Perspectives financières » dirigée par F. G. et G. S. ; qu'il avait confié en toute confiance à G. A. les sommes à déposer à la BIM ; que c'est G. A. qui lui avait fait signer un contrat de gestion avec Perspectives financières aux termes duquel G. A. disposait d'un pouvoir de contreseing.

Il soutient en conséquence qu'il ne peut lui être reproché d'avoir déposé plainte contre G. A., alors surtout que le juge d'instruction avait estimé à l'issue de son information qu'il existait des charges suffisantes contre lui et que le Ministère Public avait requis jusqu'en cause d'appel la condamnation de G. A.

En second lieu, et à titre subsidiaire, il conteste le montant de l'indemnisation sollicitée par G. A., soutenant que le préjudice qu'il invoque est sans lien avec la plainte pénale dont s'agit.

Il demande en conséquence à la Cour :

* d'infirmer le jugement attaqué ;

* de débouter G. A. de toutes ses demandes ;

* de le condamner aux dépens.

G. A., pour sa part, rappelle en premier lieu que les juridictions pénales ont constaté qu'aucun mandat de gestion ne lui avait été donné par R. C. et ont écarté toute participation matérielle à des détournements. Il rappelle également qu'à l'époque où il déposait plainte à son encontre, R. C., par lettre du 8 mars 1990, lui témoignait sa satisfaction pour les services rendus.

Il prétend en conséquence que R. C. a délibérément porté à son encontre des accusations qu'il savait fausses pour lui extorquer des fonds.

En second lieu, il soutient que le Tribunal n'a pas apprécié exactement le montant du préjudice subi du fait de cette plainte.

Il expose avoir subi, du fait de R. C., d'importantes pertes de recettes professionnelles ; avoir dû engager des frais, à hauteur de 267 179 francs pour assurer sa défense ; avoir enfin subi un préjudice patrimonial considérable.

Il demande en conséquence à la Cour :

* de débouter R. C. des fins de son appel ;

* de le condamner au paiement de deux millions de francs à titre de dommages-intérêts ;

* de le condamner aux dépens.

Ceci étant exposé, la Cour :

Considérant, que toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut porter plainte et se constituer partie civile devant le juge d'instruction ;

Que l'exercice de ce droit ne peut engager la responsabilité de celui qui l'exerce que s'il constitue un abus résultant de la mauvaise foi, de l'imprudence ou de la légèreté ;

Considérant que cette responsabilité s'apprécie au moment du dépôt de la plainte et ne saurait résulter du seul fait que ladite plainte ait, en définitive, abouti à une relaxe ;

Considérant qu'à la date de la plainte, soit le 22 novembre 1990, R. C., qui avait appris qu'une partie importante des sommes confiées à Perspectives financières ne pourrait être récupérée par lui, ignorait à l'évidence les causes ayant abouti à cette situation ;

Qu'il ne saurait lui être reproché d'avoir dans sa plainte, mis en cause les trois seules personnes ayant participé à un titre ou à un autre, aux placements qui devaient se révéler désastreux pour ses intérêts ;

Considérant qu'il est constant en effet que c'est G. A., alors conseiller de R. C., qui avait mis celui-ci en relations avec F. G. et G. S., ultérieurement condamnés seuls pour abus de confiance ;

Qu'il est également constant, comme rappelé dans l'arrêt de la Cour du 11 janvier 1993, que les deux premiers chèques, respectivement de 16 630 000 francs et 11 360 000 francs avaient été remis par R. C. à G. A. pour être confiés à G. et S. et déposés à la BIM le 30 octobre 1989 ;

Qu'enfin, G. A. apparaissait dans la convention d'administration fiduciaire et de gestion établi par R. C. en faveur de Perspectives financières le 10 novembre 1989, même si son rôle était limité et son pouvoir réduit à contresigner certaines décisions de R. C. ;

Considérant que ce n'est qu'après une longue information que, contrairement aux réquisitions du Ministère public, les juridictions pénales de jugement ont finalement exclu toute participation active de G. A. à l'infraction et l'ont renvoyé des fins de la poursuite ;

Considérant que la lettre adressée le 8 mars 1990 par R. C. à G. A., huit mois avant le dépôt de la plainte, ne peut avoir la valeur que lui attribuent les premiers juges ;

Qu'en effet elle ne vise expressément que la vente d'une SCI et d'une SARL et non les placements dont s'agit, la satisfaction exprimée en outre étant d'ordre trop général pour être appliquée à ces placements ;

Considérant qu'en définitive, il ne résulte pas des éléments versés aux débats que la plainte avec constitution de partie civile déposée par R. C. à l'encontre de G. A., ait été empreinte de mauvaise foi, d'imprudence, ou même d'une légèreté coupable ;

Qu'en usant, sans abus, d'un droit qui lui est reconnu par la loi, R. C. n'a en aucune façon engagé sa responsabilité ;

Qu'il y a lieu, en conséquence, d'infirmer la décision des premiers juges et de débouter G. A. de l'ensemble de ses demandes ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

* Infirme le jugement attaqué du 16 février 1995.

* Déboute G. A. de toutes ses demandes.

Composition

MM. Sacotte Prem. Prés. ; Serdet Prem. Subst. Proc. Gén. ; Montecucco Gref. en chef ; Mes Karczag-Mencarelli Escaut av. déf. ; Lachaud av. bar. de Paris, Bourdie av. bar. de Nice.

Note

Cet arrêt infirme le jugement attaqué du 16 février 1995.

Après une ordonnance de non-lieu l'inculpé a la possibilité d'exercer une action en dommages-intérêts contre la partie civile dans les trois mois (art. 80 du Code de procédure pénale).

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26460
Date de la décision : 08/10/1996

Analyses

Pénal - Général ; Infractions - Généralités


Parties
Demandeurs : C.
Défendeurs : A.

Références :

art. 80 du Code de procédure pénale
article 1229 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1996-10-08;26460 ?

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