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25/06/1996 | MONACO | N°26452

Monaco | Cour d'appel, 25 juin 1996, État de Monaco c/ F.


Abstract

Domaine de l'Etat

Convention d'occupation fixant redevance annuelle - Modification admettant compensation invoquée par le débiteur - Novation (non) article 1119 inapplicable

Résumé

L'occupant du domaine de l'État, débiteur envers celui-ci de redevances annuelles fixées conventionnellement, apparaît fondé à invoquer en compensation de sa dette la valeur représentée par ses investissements dans les locaux occupés qu'il a abandonnés, dès lors qu'il ressort des circonstances de la cause que l'État en avait admis le principe, dérogeant ainsi à

la convention, sans pour autant que les parties aient eu la volonté de nover au sens de l...

Abstract

Domaine de l'Etat

Convention d'occupation fixant redevance annuelle - Modification admettant compensation invoquée par le débiteur - Novation (non) article 1119 inapplicable

Résumé

L'occupant du domaine de l'État, débiteur envers celui-ci de redevances annuelles fixées conventionnellement, apparaît fondé à invoquer en compensation de sa dette la valeur représentée par ses investissements dans les locaux occupés qu'il a abandonnés, dès lors qu'il ressort des circonstances de la cause que l'État en avait admis le principe, dérogeant ainsi à la convention, sans pour autant que les parties aient eu la volonté de nover au sens de l'article 1119 du Code civil.

Motifs

La Cour

La Cour statue sur l'appel interjeté le 9 août 1995 par l'État de Monaco contre un jugement du Tribunal de Première Instance du 1er juin 1995.

Les faits, la procédure, les prétentions et moyens des parties peuvent être ainsi résumés, référence étant faite par ailleurs au jugement entrepris et aux écritures échangées en appel :

Par exploit du 7 octobre 1992, l'État de Monaco assignait F. F. en paiement d'une somme de 256 033,77 francs correspondant au montant de la redevance du 1er avril au 30 septembre 1991 ainsi que de la condamnation de ce dernier à l'allocation d'une somme de 25 000 francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive.

À l'appui de sa demande, l'État de Monaco exposait qu'en vertu d'une convention d'occupation du 9 juin 1989, F. F. a exploité des locaux à usage de snack-bar dans l'ensemble balnéaire du Larvotto moyennant une redevance annuelle de 525 000 francs, jusqu'au 30 septembre 1991 sans régler les deux derniers trimestres de redevance, soit la somme de 356 033,77 francs. F. F., quant à lui, rétorquait qu'il avait proposé à son bailleur, par lettre du 16 octobre 1991, de compenser cette dette avec le matériel laissé dans les lieux, d'une valeur d'achat de 550 000 francs HT environ, soit une valeur résiduelle de 400 000 francs HT.

F. F. indiquait qu'en ne lui réclamant, au titre de la redevance du 1er avril au 30 septembre 1991, que la somme de 256 033,77 francs au lieu de celle de 356 033,77 francs, l'État de Monaco avait accepté le principe de la compensation et avait donc estimé le matériel laissé sur place à la somme de 100 000 francs.

F. F. contestait la modicité de cette évaluation en sollicitant la production de l'état des lieux à son départ et à titre subsidiaire l'organisation d'une mesure d'expertise.

L'État de Monaco répliquait que l'expertise était devenue impossible compte tenu de la présence d'un repreneur dans les lieux et conséquemment de la modification voire de la disparition du matériel concerné.

Il ajoutait que F. F. n'avait jamais émis la moindre réserve suite au courrier du 12 juin 1992 dans lequel le matériel avait été estimé à 100 000 francs.

En l'état de ces argumentations, le Tribunal de Première Instance, par jugement du 1er juin 1995, déboutait l'État de l'ensemble de ses demandes en soulignant que :

* F. F. avait quitté les lieux avant le terme fixé, soit le 30 juin 1992, contrairement à l'article 17 de la convention du 9 juin 1989, mais que les parties avaient entendu implicitement déroger à cette clause et qu'une novation était alors intervenue entre elles, l'État ayant reconnu dans ses conclusions avoir revendu au repreneur les équipements laissés dans les locaux :

* le matériel et les équipements laissés sur place par F. F. avaient une valeur résiduelle supérieure au montant des redevances impayées, soit la somme de 428 262 francs HT selon les conclusions du 19 mai 1994 déposées en première instance par l'État de Monaco.

* l'État de Monaco avait accepté la compensation entre le montant desdites redevances et la valeur des installations laissées par F. F.

Dans son acte d'appel, l'État de Monaco précise que la résiliation anticipée de la convention du 9 juin 1989 trouve en réalité son origine dans la décision de F. F. de cesser son activité.

L'appelant fait valoir qu'il n'avait pas à requérir de son preneur l'enlèvement du matériel et des équipements qui « font partie intégrante de l'universalité des biens et qui garantissent sa dette ».

L'État de Monaco soutient par ailleurs que les premiers juges ont tiré abusivement de l'état des lieux du 9 octobre 1991 la conclusion que le preneur serait resté en possession d'une cuisine complète et que les factures produites par F. F. pour l'estimation du matériel et des équipements, dans la mesure où elles sont établies à l'ordre de « L. C. » et « L. S. », ne permettent pas de savoir si leur contenu concerne les locaux dont s'agit.

L'appelant prétend enfin que « les premiers juges ne pouvaient présumer la compensation, ni la novation sans démontrer la volonté réelle des parties d'y procéder, étant réitéré le fait crucial consistant en un droit légal du bailleur de garantir ses créances sur l'universalité des biens appartenant au preneur ».

L'État de Monaco sollicite en définitive la réformation du jugement entrepris et la condamnation de F. F. au paiement de la somme de 256 033,77 francs, outre les intérêts au taux légal et de celle de 25 000 francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive.

Par conclusions du 24 janvier 1996, l'intimé indique que « L. S. » et « L. C. » étaient respectivement le nom de l'ancienne exploitation et l'enseigne utilisée par lui et que les factures produites concernent effectivement les locaux dont s'agit, contrairement aux allégations de l'appelant, étant observé par ailleurs que lesdites factures ont été établies entre juillet et août 1989 soit quelques mois avant et après son entrée dans les lieux en date du 9 juin 1989.

F. F. sollicite en définitive la confirmation du jugement et la condamnation de l'État de Monaco à lui payer la somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts pour appel abusif.

Par écritures du 5 mars 1996 l'État de Monaco sollicite l'adjudication de ses précédentes conclusions.

Sur ce,

Considérant qu'il ne résulte pas du dossier de la procédure, que les parties aient eu la volonté de nover étant observé par ailleurs que le cas d'espèce ne peut se situer dans aucune des hypothèses visées à l'article 1119 du Code civil ;

Considérant par contre, comme l'ont constaté les premiers juges, que les parties étaient convenues de déroger à la clause contenue dans l'article 17 de la convention du 9 juin 1989 ;

Qu'en effet, les courriers échangés entre l'Administration des Domaines et F. F. en dates des 8 octobre 1991, 16 octobre 1991 et 12 juin 1992 sont à cet égard sans équivoque ;

Qu'il était donc ainsi admis par les parties que F. F. laisserait dans les locaux matériel et équipements ;

Considérant par ailleurs qu'il était dans l'intention des parties que cet abandon des investissements par F. F. serait rémunéré sans qu'un prix ait toutefois été déterminé ;

Qu'à cet égard, l'Administration des Domaines ne peut tirer parti du silence de F. F. à la suite du courrier du 12 juin 1992 et en déduire qu'il était d'accord pour valoriser ces investissements à la somme de 100 000 francs alors que ce dernier les estime à 630 589 francs TTC, moyennant une dépréciation annuelle de 10 % l'an dans son courrier du 16 octobre 1991 ;

Considérant que les premiers juges ont relevé que dans ses conclusions du 19 mai 1994 l'État de Monaco avait admis que la valeur hors taxes de ces équipements était de 428 262 francs en précisant que lesdits équipements avaient été revendus au repreneur des lieux ;

Considérant qu'il est ainsi établi que l'État de Monaco avait admis le principe de sa dette à l'égard de F. F. ;

Que les premiers juges ont procédé à une exacte évaluation de celle-ci en soulignant que, même si ces installations avaient nécessairement subi une usure certaine après deux ans et demi d'occupation, leur valeur résiduelle devait être considérée comme supérieure au montant des redevances impayées ;

Considérant que la créance de l'État de Monaco à l'égard de F. F. est donc intégralement compensée par la créance détenue par ce dernier ;

Qu'il y a lieu par conséquent de confirmer le jugement entrepris ;

Considérant que l'État de Monaco ayant pu se méprendre sur l'étendue de ses droits, son appel ne peut être considéré comme abusif de telle sorte qu'il convient de débouter F. F. de sa demande en dommages-intérêts ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Et ceux non contraires des premiers juges,

La Cour d'Appel de la Principauté de Monaco,

Confirme le jugement du Tribunal de Première Instance du 1er juin 1995.

Déboute F. F. de sa demande en paiement de dommages-intérêts.

Composition

MM. Sacotte prem. Prés. ; Serdet prem. Subst. Proc. Gén. ; Mes Karczag-Mencarelli et Escaut av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26452
Date de la décision : 25/06/1996

Analyses

Propriété des personnes publiques et domaine public


Parties
Demandeurs : État de Monaco
Défendeurs : F.

Références :

article 1119 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1996-06-25;26452 ?

Source

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