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18/06/1996 | MONACO | N°26449

Monaco | Cour d'appel, 18 juin 1996, S. c/ G.


Abstract

Divorce

Pouvoirs du Juge Conciliateur

- Exception d'incompétence :

- Défaut de qualité pour la trancher

- Seul le juge du fond est habilité à statuer sur sa compétence

Résumé

En l'état d'une exception d'incompétence (ratione loci) soulevé par l'un des époux prétendant avoir conservé un domicile à l'étranger, le juge conciliateur qui statue dans les limites des pouvoirs que lui confère l'article 203 du Code civil, n'a pas qualité pour apprécier la compétence de la juridiction du fond, seule habilitée à connaître de

sa propre compétence.

Il n'a pas davantage qualité, dans le cadre restrictif dudit article, pour saisir de cet...

Abstract

Divorce

Pouvoirs du Juge Conciliateur

- Exception d'incompétence :

- Défaut de qualité pour la trancher

- Seul le juge du fond est habilité à statuer sur sa compétence

Résumé

En l'état d'une exception d'incompétence (ratione loci) soulevé par l'un des époux prétendant avoir conservé un domicile à l'étranger, le juge conciliateur qui statue dans les limites des pouvoirs que lui confère l'article 203 du Code civil, n'a pas qualité pour apprécier la compétence de la juridiction du fond, seule habilitée à connaître de sa propre compétence.

Il n'a pas davantage qualité, dans le cadre restrictif dudit article, pour saisir de cette exception le Tribunal, lequel, statuant en ses lieu et place ne peut disposer de plus de pouvoir que le juge lui-même.

Motifs

La Cour

La Cour statue sur l'appel interjeté le 25 mars 1994 par Madame S. contre une ordonnance de non-conciliation en date du 3 mars 1994 signifiée le 18 mars 1994.

Les faits, la procédure, les prétentions et moyens des parties peuvent être ainsi résumés, référence étant faite pour le surplus à l'ordonnance attaquée et aux écritures échangées en appel :

Dans sa décision ci-dessus citée à la suite d'une requête de G. du 7 janvier 1994, le juge avait :

* autorisé le mari à assigner son épouse en divorce.

* donné acte à l'épouse de son exception d'incompétence « en donnant au tribunal la faculté de statuer du chef de cette exception ».

* ordonné une mesure d'enquête sociale confiée à Mme L., avec pour mission de recueillir tous renseignements sur la situation financière et morale des époux, leur mode de vie, les conditions d'entretien et d'éducation des enfants.

* confié la garde de l'enfant N. née le 6 mars 1993 à sa mère avec le plus large droit de visite au père.

* condamné le mari à payer à son épouse la somme de 20 000 francs à titre de pension alimentaire et celle de 15 000 francs au titre de sa part contributive à l'entretien et l'éducation de l'enfant.

L'appelante sollicite la réformation de l'ordonnance en indiquant que la juridiction monégasque était en effet incompétente pour connaître de la demande de son mari en soulignant qu'aucune disposition légale n'interdisait au juge de statuer sur l'exception d'incompétence.

Madame S. fait remarquer par ailleurs que la mesure d'enquête sociale ne pouvait être ordonnée alors que le juge n'avait pas statué sur l'exception d'incompétence et qu'au surplus cette mesure était inappropriée eu égard à son lieu de résidence et celui de l'enfant, les investigations étant limitées au territoire monégasque, en l'absence d'une commission rogatoire internationale.

Par conclusions du 25 novembre 1994, G. indique qu'en prétendant que la juridiction monégasque est incompétente, son épouse ne précise pas s'il s'agit du juge conciliateur ou du tribunal de première instance.

Dans l'hypothèse où Mme S. ferait allusion à l'incompétence du Tribunal de Première Instance, G. fait valoir que la Cour d'appel ne saurait en juger sauf à violer le double degré de juridiction et que dans l'autre hypothèse, à savoir l'incompétence du juge conciliateur, l'intimé indique que ce magistrat ne dispose pas de la faculté de statuer sur une exception d'incompétence, ce pouvoir ne figurant pas dans l'énumération de l'article 203 du Code civil.

G. soutient qu'en réalité, selon les termes de l'article 4 du Code de procédure civile une exception d'incompétence ne peut être soulevée que devant une juridiction du fond et non devant un magistrat conciliateur qui, par conséquence, ne statue que sur des mesures provisoires.

À titre subsidiaire, l'intimé indique que Mme S. ne démontre pas avoir conservé un domicile en Allemagne, le déclinatoire de compétence ne pouvant s'effectuer qu'au profit des juridictions allemandes selon G. par application de l'article 4 du Code de procédure civile, son épouse étant d'origine allemande.

À cet égard, G. soutient que le domicile conjugal a toujours été situé à Monaco depuis le 30 mai 1988 et que le magistrat conciliateur pouvait ordonner une mesure d'enquête sociale même sans avoir tranché la question de l'incompétence.

En définitive, l'intimé conclut à la confirmation de l'ordonnance entreprise et au retrait des débats des pièces adverses n° 57 à 60, 35, 37 et 53 du bordereau de communication du 18 mai 1994 et n° 91 à 99, 103 et 105.

Par conclusions du 17 octobre 1995, l'appelante fait valoir qu'en application des dispositions de l'article 203 du Code civil, le magistrat conciliateur devait, soit statuer sur le déclinatoire de compétence soit renvoyer les parties à date fixe devant le tribunal.

Mme S. ajoute qu'elle a, conformément à l'article 262 du Code de procédure civile, avant toute défense au fond, soulevé in limine litis et à Monaco, l'exception d'incompétence en justifiant avoir conservé dans son pays un domicile de droit et de fait ; à cet égard, cette dernière précise que le tribunal de Lausanne a retenu sa compétence en constatant qu'il était celui du lieu où les époux avaient fixé leur centre d'intérêts et leur résidence effective (jugement du 1er juin 1995).

À titre très subsidiaire, l'appelante conclut à l'harmonisation des mesures provisoires prises par le juge monégasque et par le juge helvétique (tribunal civil de Lausanne du 12 décembre 1994 et Tribunal Fédéral Suisse du 10 mai 1995).

Dans ses écritures du 2 avril 1996, l'intimé sollicite l'adjudication de ses précédentes conclusions en soulignant que « Mme S. est mal fondée à solliciter de la Cour d'appel d'harmoniser les mesures provisoires prises par le juge monégasque avec celles ordonnées par le juge helvétique, le juge monégasque n'étant ni censé ni autorisé à se soumettre aux appréciations, conclusions et décisions d'un juge étranger ».

G. indique que le juge helvétique, pour déterminer sa compétence, s'est fondé sur une fausse pièce et un contrat de mariage dont il a soulevé devant le Tribunal de première instance la nullité et au surplus la caducité et en a sollicité l'annulation.

L'intimé soutient qu'en réalité le domicile conjugal était fixé en Principauté depuis 1988 comme l'a confirmé Mme L., dans son rapport d'enquête sociale.

Dans ses écritures du 16 avril 1996, l'appelante précise que la juridiction suisse a définitivement scellé sa compétence et que les allégations sur l'existence d'une fausse pièce sont spécieuses.

En définitive, Mme S. demande que les conclusions de G. du 2 avril 1996 soient rejetées comme étant inopérantes et sans fondement, la compétence de la juridiction helvétique ayant été définitivement retenue par l'arrêt de la Chambre des recours du tribunal cantonal de Vaud du 10 novembre 1995.

Sur ce,

1° Sur l'exception d'incompétence :

Considérant que le juge conciliateur, statuant dans les limites des pouvoirs qui lui sont reconnus par l'article 203 du Code civil, n'a pas qualité pour apprécier la compétence de la juridiction du fond, seule habilitée à connaître de sa propre compétence ;

Qu'il n'a pas davantage qualité dans le cadre restrictif dudit article, pour saisir de cette exception le Tribunal, lequel, statuant en ses lieu et place ne peut disposer de plus de pouvoir que le juge lui-même ;

Considérant que la décision déférée doit donc être réformée de ce chef ;

2° Sur les mesures provisoires :

Considérant que le juge conciliateur a usé de la faculté que lui reconnaît l'article 203 précité de renvoyer devant le Tribunal et donc de ne pas statuer ;

Que dès lors, ayant épuisé sa saisine, il n'avait plus qualité pour statuer sur des mesures provisoires ;

Considérant que la décision déférée doit donc être réformée de ce chef et qu'il n'y a pas lieu par voie de conséquence d'examiner la demande de G. tendant au retrait des pièces visées dans ses conclusions ;

Considérant que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

* Réforme l'ordonnance de non-conciliation du 3 mars 1994 :

• en ce qu'elle a renvoyé les parties devant le Tribunal pour y être statué sur l'exception d'incompétence ;

• en ce qu'elle a statué sur les mesures provisoires ;

* Confirme ladite ordonnance sur ce qu'elle a renvoyé les parties à date fixe devant le Tribunal pour y être statué sur les mesures provisoires ;

Composition

MM. Sacotte prem. Prés. ; Serdet prem. Subst. Proc. Gén. ; Mes Léandri et Palmero av. déf.

Note

Cet arrêt infirme parte in qua l'ordonnance de non-conciliation du juge d'instruction du 3 mars 1994.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26449
Date de la décision : 18/06/1996

Analyses

Droit de la famille - Dissolution de la communauté et séparation de corps ; Justice (organisation institutionnelle)


Parties
Demandeurs : S.
Défendeurs : G.

Références :

article 203 du Code civil
article 262 du Code de procédure civile
article 4 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1996-06-18;26449 ?

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