La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/03/1996 | MONACO | N°26439

Monaco | Cour d'appel, 26 mars 1996, V. c/ P., Banque transatlantique de Monaco


Abstract

Litispendance international

Demande de sursis à statuer, en l'état d'un litige existant devant une juridiction étrangère : rejet - Exception de litispendance internationale non admise en droit monégasque (1)

Saisie-arrêt

Rétractation de l'ordonnance ayant autorisé la saisie-arrêt - Conditions : demande exercée antérieurement à l'assignation en validité (2) - Appréciation par le juge des référés du caractère certain de la créance (3)

Juge des référés

Saisie-arrêt - Appréciation du caractère certain de la créance (3)>
Résumé

La demande de sursis à statuer au motif qu'une juridiction française soit saisie d'un litige dont la s...

Abstract

Litispendance international

Demande de sursis à statuer, en l'état d'un litige existant devant une juridiction étrangère : rejet - Exception de litispendance internationale non admise en droit monégasque (1)

Saisie-arrêt

Rétractation de l'ordonnance ayant autorisé la saisie-arrêt - Conditions : demande exercée antérieurement à l'assignation en validité (2) - Appréciation par le juge des référés du caractère certain de la créance (3)

Juge des référés

Saisie-arrêt - Appréciation du caractère certain de la créance (3)

Résumé

La demande de sursis à statuer au motif qu'une juridiction française soit saisie d'un litige dont la solution est susceptible d'influer sur une décision du juge des référés de Monaco doit être rejetée, dès lors que l'exception de litispendance n'est point admise en droit monégasque (1).

En vertu des dispositions de l'article 492 du Code de procédure civile, le saisi a la faculté de se pourvoir en référé contre l'autorisation délivrée, jusqu'à l'audience fixée par l'exploit d'assignation, quand la saisie-arrêt a été pratiquée avec la permission du juge.

Ainsi l'assignation diligentée le 11 janvier 1995 par le saisi en mainlevée de la saisie-arrêt autorisée par le président du tribunal étant antérieure au 12 janvier 1995, date de l'audience du Tribunal de première instance fixée dans l'exploit d'assignation en validité de cette saisie, c'est à bon droit que le juge des référés a retenu sa compétence, en application du texte susvisé (2).

Le juge des référés, saisi d'une demande en rétractation d'une ordonnance autorisant une saisie-arrêt, étant investi des pouvoirs appartenant à l'auteur de celle-ci, il lui appartient de rechercher à l'issue du débat contradictoire si le prétendu créancier justifie d'une créance certaine en son principe.

Le saisissant qui se prévaut d'un engagement solidaire, matérialisé par un billet à ordre tiré par le saisissant sur le saisi, justifie d'une créance certaine, liquide et exigible, laquelle ne peut faire l'objet d'une compensation, celle-ci étant expressément exclue (3).

Motifs

La Cour

La Cour statue sur l'appel relevé par H. V. d'une ordonnance de référé en date du 15 mars 1995.

Les faits, la procédure, les prétentions et moyens des parties peuvent être relatés comme suit, référence étant faite pour le surplus à l'ordonnance déférée et aux conclusions échangées en appel :

Selon acte sous seing privé en date à Antibes, du 12 juillet 1994, H. V., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de mandataire de P. V., a cédé la totalité des parts de la société à responsabilité limitée de droit français dénommée Azur Europe Location, en abrégé AEL à P. G. et à S. P. moyennant le prix forfaitaire et global de 340 000 francs, sur lequel les cessionnaires réglaient, le jour de l'acte, la somme de 250 000 francs.

Les cessionnaires s'engageaient, par ailleurs à rembourser aux cédants le montant d'un compte courant arrêté à la somme de 160 000 francs.

Les parties convenaient enfin que la somme de 250 000 francs restant due aux cédants à titre de solde du prix de vente et de remboursement du compte courant, serait matérialisée par un billet à ordre émis par P. G. et avalisé par S. P., agissant solidairement entre eux, au profit d'H. V., sans que cet effet constitue novation de la création des cédants.

Par un acte distinct du même jour, H. V. agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de mandataire de P. V., s'engageait vis à vis des cessionnaires à prendre à sa charge exclusive le passif inconnu ou omis dans le bilan de la société arrêté au 31 mars 1994 et annexé audit acte mais ayant une cause antérieure et qui viendrait ultérieurement à se révéler, sous la condition que la différence entre l'actif et le passif réel excède la somme de 600 000 francs.

Il était en outre stipulé que les bénéficiaires de cet engagement de passif s'interdisaient de retenir entre leurs mains à titre de règlement, le montant dudit passif sur les sommes restant dues au titre du solde du prix de cession et du remboursement du compte courant.

Le billet à ordre dont H. V. était le bénéficiaire étant retourné impayé à son échéance du 30 septembre 1994, celui-ci présentait requête au Président du Tribunal de première instance aux fins d'être autorisé à saisir-arrêter entre les mains de la Banque transatlantique de Monaco toutes sommes pouvant appartenir à S. P. à concurrence de la somme de 260 000 francs.

Par ordonnance rendue à la suite de cette requête, le magistrat autorisait H. V. à faire pratiquer la saisie-arrêt sollicitée à concurrence de la somme susvisée à laquelle était évaluée provisoirement sa créance.

Saisi par S. P. d'une action en rétractation de ladite ordonnance, le Président du Tribunal de première instance, statuant comme en matière de référé, a, par ordonnance du 15 mars 1995 rétracté son ordonnance sur requête du 30 novembre 1994 et donné mainlevée de ladite saisie-arrêt.

Pour statuer ainsi, il a, pour l'essentiel, estimé qu'il n'existait pas en faveur d'H. V. un principe certain de créance, compte tenu notamment de la compensation susceptible d'intervenir entre les parties en l'état de leurs prétentions réciproques et tirées de l'exécution des conventions du 12 juillet 1994, aux motifs que les cessionnaires avaient eu à supporter un passif excédant manifestement le montant de la créance matérialisée par le billet à ordre sur le fondement duquel il entendait poursuivre celle-ci à l'encontre de S. P.

À l'appui de son appel tendant à la réformation de l'ordonnance entreprise et au maintien des termes de l'ordonnance sur requête du 30 novembre 1994 autorisant la saisie-arrêt litigieuse, H. V. soutient, pour l'essentiel :

* en premier lieu, que le juge des référés avait, à tort, retenu sa compétence, dès lors qu'en se prononçant sur la demande de rétractation de l'ordonnance autorisant la saisie-arrêt dont il avait été saisi suivant assignation du 11 janvier 1995, il devait par sa décision préjuger du fond, l'assignation en validation de cette même saisie-arrêt devant être évoquée à l'audience du Tribunal de Première Instance du 12 janvier 1995.

* en second lieu, que S. P. n'établissait nullement, par les pièces produites, l'existence d'un passif social et de ce que son montant ait été supérieur à la somme de 600 000 francs pour permettre la mise en jeu de sa garantie de paiement de ce même passif.

* en troisième lieu, que S. P. ne pouvait nullement faire opposition au paiement du billet à ordre, devenu exigible à la date du 30 septembre 1994, dès lors que conformément aux dispositions de l'article 105 du Code de commerce applicable au billet à ordre ainsi que l'édicte l'article 150 du même code, l'opposition n'est admise qu'en cas de perte de l'effet ou de faillite du porteur.

S. P., faisant état de ce que P. G. et elle-même avaient assigné, suivant exploit du 30 janvier 1994, P. et H. V. en résolution du contrat de cession intervenu le 12 juillet 1994 devant le Tribunal de grande instance de Grasse, a sollicité qu'il soit sursis à statuer dans la présente instance dans l'attente de la décision de cette juridiction.

Elle demande, à titre subsidiaire, à la Cour, de confirmer l'ordonnance entreprise en faisant valoir pour l'essentiel :

* d'une part, que c'est à bon droit que le juge des référés a statué sur sa demande en rétractation de l'ordonnance autorisant la saisie-arrêt, sa compétence étant expressément prévue, dans ce cas, par l'article 488 du Code de procédure civile.

* d'autre part, qu'en l'état de l'importance du passif de la société AEL démontrée par le rapport officieux de l'expert M. qu'elle a versé aux débats, c'est à juste titre que le juge des référés a estimé que V. ne pouvait justifier d'une créance certaine en son principe, dès que ce passif excédait largement le montant du billet à ordre qu'elle avait avalisé au profit de celui-ci.

Elle a formé, enfin, une demande reconventionnelle en paiement de la somme de 20 000 francs contre H. V. au motif que son appel était manifestement abusif et dilatoire.

La Banque transatlantique de Monaco, en ce qui la concerne, a déclaré, par lettre en date du 18 septembre 1995 valant conclusions, détenir pour le compte de S. P. les sommes suivantes :

* 59 461,24 francs français

* 744,62 dollars US

* 79 960 lires italiennes.

Sur ce,

En la forme,

Considérant que la notion de litispendance internationale n'est pas admise en droit monégasque ;

Que la demande de sursis à statuer qui procède de cette exception de litispendance doit, en conséquence, être rejetée ;

Considérant sur la compétence, qu'en vertu des dispositions de l'article 492 du Code de procédure civile, le saisi a la faculté de se pourvoir en référé contre l'autorisation délivrée, jusqu'à l'audience fixée par l'exploit d'assignation quand la saisie-arrêt a été pratiquée avec la permission du juge ;

Que l'assignation diligentée le 11 janvier 1995 par S. P. en mainlevée de la saisie-arrêt autorisée par le Président du tribunal est antérieure au 12 janvier 1995, date de l'audience du Tribunal de première instance fixée dans l'exploit d'assignation en validité de cette saisie ;

Que c'est en conséquence, à bon droit que le juge des référés a retenu sa compétence, en application du texte susvisé ;

Au fond,

Considérant que le juge des référés, saisi d'une demande en rétractation d'une ordonnance autorisant une saisie-arrêt est investi des pouvoirs appartenant à l'auteur de cette ordonnance et qu'il lui appartient de rechercher, à l'issue du débat contradictoire, si le prétendu créancier justifie d'une créance certaine en son principe ;

Considérant qu'il résulte de l'acte sous seing privé du 12 novembre 1994, que S. P. et P. G. se sont engagés solidairement à payer à H. V. la somme de 90 000 francs, à titre de solde du prix de cession des parts de la société AEL outre celle de 160 000 francs représentant le montant du solde créditeur de son compte courant dans ladite société, advenant le 30 septembre 1994, au plus tard ;

Que cette somme a été matérialisée par un billet à ordre tiré par H. V. sur P. G. et avalisé par S. P., sans que cet effet ne constitue une novation à la créance fondamentale ;

Considérant qu'il suit de là qu'H. V. justifie à l'encontre de S. P., du fait de l'engagement solidaire de celle-ci, d'une créance certaine, liquide et exigible, d'un montant de 250 000 francs ;

Considérant que la contestation de cette créance par S. P. ne saurait suffire à lui conférer un caractère incertain, dès lors que le différend qui l'oppose à H. V., ainsi que cela résulte des éléments de la cause, porte sur l'engagement de garantie du passif de la société AEL souscrit par ce dernier à son profit ;

Qu'en effet, l'acte sous seing privé du 12 novembre 1994, relatif à cette même garantie, comporte, in fine, une clause aux termes de laquelle elle a expressément renoncé à opposer une quelconque compensation résultant de sa créance du montant du passif à la créance de V. relative au solde du prix de vente et au remboursement de son compte courant ;

Considérant qu'il y a lieu en conséquence d'infirmer l'ordonnance entreprise et de maintenir l'ordonnance sur requête du 30 novembre 1994 autorisant la saisie-arrêt dont s'agit ;

Considérant qu'H. V. ayant obtenu l'adjudication de ses prétentions, son appel n'a pas revêtu un caractère fautif, en sorte que S. P. doit être déboutée de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts ;

Considérant que S. P. qui succombe doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

* dit n'y avoir lieu à sursis à statuer.

* infirme l'ordonnance de référé en date du 15 mars 1995.

Statuant à nouveau,

* maintient l'ordonnance sur requête en date du 30 novembre 1994 ayant autorisé H. V. à faire pratiquer une saisie-arrêt auprès de l'établissement bancaire dénommé Banque transatlantique de Monaco, sis à Monaco, à concurrence de la somme de deux cent soixante mille francs (260 000 francs), sur toutes sommes, deniers ou valeurs appartenant à S. P., et ce, pour avoir sûreté, garantie et paiement de ladite somme, montant auquel a été provisoirement évaluée la créance d'H. V. en principal, intérêts, frais et accessoires, sauf à parfaire ou à diminuer.

* déboute S. P. de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts.

Composition

MM. Saccote prem. Prés. ; Serdet prem. Subst. Proc. Gén. ; Mes Escaut, Blot av. déf. ; Mullot av. stagiaire.

Note

Cet arrêt infirme l'ordonnance de référé du 15 mars 1995.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26439
Date de la décision : 26/03/1996

Analyses

Contentieux et coopération judiciaire


Parties
Demandeurs : V.
Défendeurs : P., Banque transatlantique de Monaco

Références :

article 488 du Code de procédure civile
article 492 du Code de procédure civile
article 105 du Code de commerce
ordonnance du 15 mars 1995


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1996-03-26;26439 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award