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12/03/1996 | MONACO | N°26425

Monaco | Cour d'appel, 12 mars 1996, B., Banque Sofinco c/ SAM Crédit Suisse


Abstract

Procédure civil

Principe du contradictoire - Tribunal statuant sur une question pour laquelle le défendeur n'a pas conclu - Absence de débats contradictoires - Renvoi de l'affaire aux premiers juges

Résumé

Étant constant que, saisi d'une demande en paiement et en validation de saisie conservatoire à laquelle les défendeurs ont conclus seulement à la nullité de cette mesure, le Tribunal a également statué sur la demande en paiement après avoir relevé à tort que le principe ni le montant de la dette n'était contesté, alors que cette question

n'avait pas fait l'objet d'un débat entre les parties, il s'ensuit que cette juridiction...

Abstract

Procédure civil

Principe du contradictoire - Tribunal statuant sur une question pour laquelle le défendeur n'a pas conclu - Absence de débats contradictoires - Renvoi de l'affaire aux premiers juges

Résumé

Étant constant que, saisi d'une demande en paiement et en validation de saisie conservatoire à laquelle les défendeurs ont conclus seulement à la nullité de cette mesure, le Tribunal a également statué sur la demande en paiement après avoir relevé à tort que le principe ni le montant de la dette n'était contesté, alors que cette question n'avait pas fait l'objet d'un débat entre les parties, il s'ensuit que cette juridiction a méconnu le principe fondamental du caractère contradictoire des débats, de sorte que la décision doit être réformée sur ce point et l'affaire envoyée devant les premiers juges pour y être débattue et statuée.

Motifs

La Cour

La Cour est saisie de l'appel relevé par G. B. et la SA Banque Sofinco, d'un jugement du Tribunal de première instance en date du 26 novembre 1992.

Les faits, la procédure, les moyens et prétentions des parties peuvent être relatés comme il suit, référence étant faite pour un plus ample exposé de la cause au jugement déféré et aux écritures échangées en appel :

Par un premier acte sous seing privé du 2 mai 1990, le Crédit du Nord s'est engagé en qualité de caution solidaire de G. B. au profit du Crédit Suisse pour un montant de 2 000 000 de francs jusqu'au 23 octobre 1991.

Par un second acte sous seing privé du 21 octobre 1991, le Crédit du Nord s'est engagé, en qualité de caution solidaire de G. B. au profit du Crédit Suisse pour un montant de 1 750 000 francs, cet engagement étant valable jusqu'au 23 décembre 1991.

Par lettre du 19 décembre 1991, le Crédit Suisse, rappelant que la facilité de caisse dont il bénéficiait venait à échéance, mettait en demeure G. B. de rembourser la somme de 1 696 702,85 francs, outre les intérêts débiteurs arrêtés au 23 décembre 1991.

Une sommation interpellative lui était adressée le 2 janvier 1992 à laquelle il répondait ne pas être en mesure de payer la somme réclamée.

Le Crédit Suisse a alors engagé trois instances à l'encontre de G. B. devant le tribunal de première instance de Monaco :

* le 5 mars 1992, en paiement de la somme de 1 753 233,78 francs outre les intérêts conventionnels au taux bancaire.

Cette instance n'a pas encore été jugée par le tribunal.

* le 27 mai 1992, en paiement de la somme précitée et en validation de la saisie-conservatoire d'un véhicule BMW que le Crédit Suisse a été autorisé à faire pratiquer.

Cette instance a donné lieu au jugement déféré.

* le 17 septembre 1992, en paiement de pareille somme et en validation de la saisie-conservatoire de meubles que le Crédit Suisse a été autorisé à pratiquer.

Cette instance n'a pas encore été jugée par le tribunal.

Parallèlement le Crédit Suisse a assigné le Crédit du Nord devant le tribunal de Commerce de Nice aux fins de faire juger que l'engagement de caution du 2 mai 1990 avait été reconduit à compter du 21 octobre 1991 dans les mêmes termes et conditions et a demandé 200 000 francs à titre de dommages-intérêts.

Le 14 décembre 1993, le Tribunal de commerce de Nice a condamné le Crédit du Nord à payer au Crédit Suisse la somme de 1 750 000 francs outre 5 000 francs de dommages-intérêts.

Le jugement du tribunal de première instance, soumis à la censure de la Cour a reçu la Société Sofinco en son intervention en sa qualité de créancier gagiste, a condamné G. B. à payer au Crédit Suisse la somme de 1 753 233,78 francs avec intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 1992 et celle de 10 000 francs à titre de dommages-intérêts, a déclaré valable la saisie-conservatoire pratiquée le 7 mai 1992, sur un véhicule de marque BMW appartenant à G. B., a ordonné la vente dudit véhicule, a dit que la société Sofinco, créancier gagiste, pourra réclamer par préférence jusqu'à due concurrence, l'attribution à son profit du montant de la vente, a dit que le Crédit Suisse pourra recouvrer sur le solde du produit de la vente le montant de sa créance en principal et accessoires.

Pour statuer ainsi, le tribunal a estimé que la créance du Crédit Suisse que G. B. ne contestait ni dans son principe ni dans son montant résultait d'un relevé de compte versé aux débats, que la clôture du compte justifiait l'allocation d'intérêts de retard au taux légal et non conventionnel, enfin que l'inscription d'un gage par le prêteur de deniers n'entraînait pas la nullité de la saisie-conservatoire.

Au soutien de leur appel, G. B. et la société Sofinco font grief aux premiers juges, d'une part, d'avoir statué ultra petita en ayant abordé le fond alors que les conclusions en défense qu'ils avaient déposées le 24 juin 1992 tendaient exclusivement à faire juger la nullité de la saisie-conservatoire en raison d'un gage régulièrement inscrit, d'autre part, de n'avoir pas fait droit à cette exception de nullité alors que le créancier gagiste est fondé à exercer son droit de rétention et donc à s'opposer à la vente du véhicule, dès lors que cette vente pouvait ne pas le désintéresser dans les conditions auxquelles elle devait être effectuée.

Les appelantes sollicitent en conséquence la réformation du jugement entrepris, le renvoi de l'affaire au fond devant les premiers juges et la main levée de la saisie conservatoire.

Le Crédit Suisse a conclu à la confirmation du jugement entrepris mais en limitant sa demande de condamnation au paiement d'intérêts de découvert au taux conventionnel soit 675 277,30 francs à fin février 1994 sous réserve des intérêts à échoir jusqu'à parfait paiement, en indiquant qu'à la suite de la procédure engagée devant le Tribunal de commerce de Nice, ci-dessus rappelée, le Crédit du Nord condamné par jugement du 14 décembre 1993 sur la base de l'acte de caution avait réglé le principal du découvert.

Les appelants ont maintenu les demandes formulés dans leur acte d'appel en y ajoutant la condamnation du Crédit Suisse au paiement d'une somme de 10 000 francs à titre de dommages-intérêts pour chaque appelant outre une indemnité de 500 francs par jour au profit de G. B. pour la privation de jouissance de son véhicule jusqu'à la mainlevée de la saisie.

Sur ce,

Sur la demande en nullité de la saisie-conservatoire :

Considérant que les biens d'un débiteur, constituant le gage général de ses créanciers, rien n'interdit à l'un d'entre eux de saisir un bien gagé ;

Qu'une telle saisie n'est pas nulle dans son principe mais que les droits du créancier saisissant se heurtent dans l'exécution de cette saisie à ceux du créancier gagiste qui bénéficie d'une situation préférentielle ;

Considérant à cet égard que l'argumentation développée par la société Sofinco, créancier gagiste, fondée sur une identité des textes français et monégasques en matière de gage automobile est erronée car si le prêteur de deniers pour l'achat d'un véhicule à crédit bénéficie en France, par l'effet d'une disposition législative expresse lui en attribuant la possession fictive, du droit de rétention sur le véhicule gagé (décret du 30 septembre 1953 art. 2 alinéa 3) ce qui lui permet non pas de faire prononcer la nullité de la saisie mais de s'opposer par principe à la vente aux enchères poursuivie par un autre créancier jusqu'à paiement de sa créance à due concurrence de la valeur du bien saisi, pareille disposition ne figure pas à Monaco dans l'ordonnance loi n° 676 du 2 décembre 1959 sur le nantissement des véhicules automobiles, applicable en la cause ;

Considérant dès lors que la société Sofinco n'est pas fondée à invoquer un droit de rétention à l'encontre du Crédit Suisse, créancier saisissant, et qu'elle ne peut donc s'opposer à la vente aux enchères ;

Que cependant par l'effet de son gage elle bénéficie d'un droit de préférence sur le prix de vente du véhicule gagé ;

Considérant qu'il a donc lieu de confirmer la décision du tribunal de ce chef ;

Sur la demande en paiement :

Considérant qu'il ressort des pièces de la procédure que les premiers juges ont été saisis par le Crédit Suisse d'une demande en paiement et en validation de saisie-conservatoire à laquelle G. B. et la société Sofinco ont répondu par des conclusions du 24 juin 1992 tendant à la nullité de la saisie-conservatoire ;

Considérant dès lors qu'en statuant également sur la demande en paiement après avoir relevé à tort que G. B. ne contestait ni le principe ni le montant de sa dette alors que cette question n'avait pas fait l'objet d'un débat entre les parties, le tribunal a méconnu le principe fondamental du caractère contradictoire des débats ;

Considérant que sa décision doit être réformée sur ce point et l'affaire renvoyée devant les premiers juges pour y être débattue et statuée sur la demande en paiement du Crédit Suisse aujourd'hui limitée aux intérêts, la somme principale de 1 750 000 francs ayant été acquittée par le Crédit du Nord en exécution du jugement du Tribunal de commerce en date du 14 décembre 1993 ainsi qu'il ressort des conclusions prises le 7 février 1995 par le Crédit Suisse devant la Cour ;

Sur les demandes en paiement de dommages-intérêts :

Considérant qu'en l'absence de faute démontrée, les appelants doivent être déboutés de leurs demandes respectives en paiement de dommages-intérêts dirigées à l'encontre du Crédit Suisse ;

Considérant que les dépens doivent être réservés ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

* réforme le jugement du tribunal de première instance en date du 26 novembre 1992 sauf en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité de la saisie-conservatoire.

* renvoie la cause et les parties devant le tribunal de première instance en son audience du jeudi 23 mai 1996 pour être débattu et statué ce qu'il appartiendra sur la demande du Crédit Suisse.

* réserve les dépens.

Composition

MM. Sacotte prem. Prés. ; Serdet prem. Subst. Proc. Gén. ; Mes Leandri, Brugnetti av. déf.

Note

Cet arrêt réforme le jugement du 26 novembre 1992 du Tribunal de première instance.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26425
Date de la décision : 12/03/1996

Analyses

Procédure civile


Parties
Demandeurs : B., Banque Sofinco
Défendeurs : SAM Crédit Suisse

Références :

loi n° 676 du 2 décembre 1959


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1996-03-12;26425 ?

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