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05/03/1996 | MONACO | N°26424

Monaco | Cour d'appel, 5 mars 1996, C. c/ C.


Abstract

Baux commerciaux

Obligations du preneur : interdiction contractuelle de sous-louer et d'entreprendre des transformations sans autorisation du bailleur - Renouvellement du bail : refus pour motifs graves et légitimes (non) - Location gérance non assimilée à la sous-location prohibée (1) - Défaut d'autorisation du bailleur quant à la transformation du magasin - Appréciation du juge du fond : absence de préjudice (2)

Résumé

Si aux termes des conditions générales du bail les preneurs ne pouvaient sous-louer tout ou partie des locaux loués, cette p

rohibition ne saurait concerner la location gérance.

En effet il existe entre une te...

Abstract

Baux commerciaux

Obligations du preneur : interdiction contractuelle de sous-louer et d'entreprendre des transformations sans autorisation du bailleur - Renouvellement du bail : refus pour motifs graves et légitimes (non) - Location gérance non assimilée à la sous-location prohibée (1) - Défaut d'autorisation du bailleur quant à la transformation du magasin - Appréciation du juge du fond : absence de préjudice (2)

Résumé

Si aux termes des conditions générales du bail les preneurs ne pouvaient sous-louer tout ou partie des locaux loués, cette prohibition ne saurait concerner la location gérance.

En effet il existe entre une telle convention et la sous-location une différence essentielle tenant à leur objet, la sous-location est une opération de même nature que le bail principal qui porte, comme lui, sur tout ou partie d'un immeuble, tandis que la location-gérance est une location qui porte sur un meuble incorporel, le fonds de commerce.

En l'absence d'une clause formelle du bail interdisant aux preneurs de se substituer une tierce personne dans la jouissance des lieux et exigeant leur occupation personnelle et faute par les appelants de démontrer, ce qu'ils n'ont même pas allégués, le caractère fictif des conventions de location gérance consenties par les preneurs, il convient de considérer que l'existence de la location gérance ne constitue pas un motif grave et légitime de refuser le renouvellement du bail (1).

Étant avéré le manquement des locataires à l'obligation contractuelle inhérente à l'obtention de l'accord des bailleurs pour supprimer une cloison séparant le magasin de l'arrière magasin, il demeure que relève du pouvoir d'appréciation de la Cour de déterminer si une telle inexécution caractérise un motif grave de non-renouvellement. Il apparaît, à cet égard que la démolition d'une cloison ne saurait être considérée comme un motif grave et légitime de refus du bail, ayant pour effet de priver les preneurs de leur droit à indemnité d'éviction, dès lors que cette transformation n'a pu déterminer aucune dépréciation de l'immeuble et peut être envisagée comme constituant une amélioration ; qu'en tout cas, elle ne peut être la cause d'aucun préjudice pour les bailleurs, ces derniers pouvant soit bénéficier des « améliorations » apportées au local, ainsi que le prescrivait une disposition des conditions générales du contrat de bail, soit accepter l'offre formulée par les locataires de remettre, lors de leur départ, les locaux dans leur état antérieur (2).

Motifs

La Cour

La Cour statue sur les appels  « parte in qua » relevés les 7 et 8 juin 1994, respectivement par L. C. et A. C. d'un jugement rendu le 9 mars 1994 par la Commission arbitrale des loyers commerciaux.

Les faits, la procédure, les prétentions et moyens des parties peuvent être relatés ainsi qu'il suit, référence étant faite pour le surplus au jugement déféré et aux conclusions échangées en appel :

Selon acte authentique en date du 14 septembre 1971, les époux C.-P. ont vendu aux époux C.-D. le fonds de commerce de vente de vins et liqueurs, d'épicerie, qu'ils exploitaient dans les locaux dont ils étaient propriétaires situés à Monaco.

Selon un second acte authentique en date du 27 octobre 1971, les époux C.-P. ont donné à bail à usage commercial aux époux C.-D., les locaux susvisés dont ils étaient restés propriétaires, après la vente de leur fonds et ce, pour une durée de 3, 6 ou 9 ans, à compter du 1er octobre 1971.

Ce bail était consenti pour l'exploitation de tous commerces compatibles avec le règlement de copropriété de l'immeuble, le preneur devant faire à ses frais, toute modification utile à l'aménagement intérieur du local, après avoir obtenu l'autorisation du bailleur, ce même bail prévoyait également que le local ne pouvait faire l'objet d'une sous-location même partielle.

Ledit bail a été tacitement reconduit, de l'accord des parties, pour une nouvelle période de trois, six ou neuf ans à compter du 1er octobre 1980.

Selon exploit du 26 octobre 1988, J. P. veuve C., A. et L. C., agissant en leur qualité respective d'usufruitière et de nus-propriétaires de ce local commercial, délivraient congé aux époux C.-D. pour l'échéance du 30 septembre 1989, en leur précisant qu'ils s'opposaient à tout renouvellement du bail sans qu'il y ait lieu à une indemnité d'éviction aux motifs qu'ils avaient contrevenu à diverses de ses clauses, notamment en :

* modifiant l'aménagement intérieur des locaux sans leur autorisation ;

* refusant d'entretenir la devanture du magasin ;

* ne justifiant pas de la souscription d'un contrat d'assurances contre l'incendie.

À la suite du procès-verbal de non-conciliation en date du 5 avril 1990, constatant le désaccord des parties sur les motifs du refus de renouvellement du bail qui leur a été signifié le 20 avril 1990, les époux C.-D. ont, suivant exploit du 23 mai 1990, fait assigner devant la Commission arbitrale des loyers commerciaux, J. P. veuve C., A. C. et L. C. à l'effet de voir dire et juger que les motifs allégués par leurs bailleurs au soutien de leur décision de refus de renouvellement du bail n'étaient pas graves et légitimes, au sens de l'article 9 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 et que leur était, dès lors, due une indemnité d'éviction devant être fixée à la somme de 2 500 000 francs, sauf à ordonner une mesure d'expertise préalable.

Par jugement du 9 mars 1994, la Commission arbitrale des loyers commerciaux a :

* constaté le refus de renouvellement par A. C. et L. C. du bail commercial du 27 octobre 1971 venu à échéance le 30 septembre 1989 ;

* déclaré régulier et valide le congé délivré par les bailleurs aux époux C. par lettre recommandée du 26 octobre 1988 pour le 30 septembre 1989 ;

* dit que le refus de renouvellement n'étant pas justifié par un motif grave et légitime, les époux C. ont droit à une indemnité égale au préjudice qui en est pour eux résulté ;

* avant dire droit sur le montant de cette indemnité, ordonné une mesure d'expertise à l'effet de rechercher les éléments permettant d'apprécier le préjudice causé aux locataires par le refus de renouvellement du bail.

Au soutien de leur appel respectif, A. et L. C. ont fait successivement valoir, pour l'essentiel :

* en premier lieu, que contrairement à leur engagement, les époux C.-D. n'avaient pas respecté la clause du bail leur enjoignant de souscrire une police d'assurances contre l'incendie et les risques pouvant provenir de leur commerce et d'en justifier auprès de leurs bailleurs ;

* en second lieu, qu'en infraction à la clause du bail relative aux modifications de l'aménagement du local, les époux C.-D. avaient procédé à des travaux de transformation de celui-ci en y abattant notamment une cloison sans avoir sollicité leur autorisation préalable, à cet effet, ni l'avoir obtenue ;

* en troisième lieu, que les époux C.-D., ayant donné, à diverses reprises, leur fonds de commerce exploité dans les locaux qui leur avaient été loués, en location-gérance, ont, par là même, procédé à une sous-location desdits locaux laquelle était formellement interdite par une clause du bail.

En conséquence, les appelants demandent à la Cour de réformer le jugement entrepris, en ce qu'il a déclaré que le refus de renouvellement n'était pas justifié par un motif grave ou légitime, les époux C.-D. avaient droit à une indemnité d'éviction, et, statuant à nouveau,

* de dire qu'eu égard aux infractions ci-dessus énumérées commises par leurs locataires, aux clauses du bail, ils devront être expulsés des lieux loués sous astreinte définitive de 2 000 francs par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir et ce sans aucune indemnité.

Ils ont, en revanche, sollicité la confirmation de ce même jugement, en ce qu'il a déclaré régulier et valide le congé portant refus de renouvellement délivré aux époux C.-D. pour le 30 septembre 1989.

Les époux C.-D., après avoir sollicité la jonction des appels formés par L. C. et A. C., ont conclu à la confirmation du jugement déféré, en toutes ses dispositions, les appelants devant être déboutés de toutes leurs autres demandes.

Ils exposent, à cet égard, pour l'essentiel :

* en premier lieu, que contrairement à ce que soutiennent les consorts C., ils ont justifié de ce qu'une police d'assurances multirisques portant le n° 6.628.609 AM avait été souscrite auprès de la compagnie Lilloise d'assurances et de réassurances, concernant les locaux loués ;

* que le fait que cette police ait été contractée par leur gérant libre est sans aucune incidence sur leur engagement qui était de faire assurer les locaux qui leur étaient donnés en location contre les risques résultant de l'exploitation du commerce qui y était exercé ;

* en second lieu, que désirant exploiter dans le local loué, un commerce de boulangerie-pâtisserie, ce que le bail relatif à « tout genre de commerce » leur permettait de faire, ils avaient dû procéder à la démolition de la cloison qui divisait auparavant le local en deux parties à l'effet d'y installer un four et le laboratoire de pâtisserie ; que s'ils n'ont pas obtenu l'autorisation écrite de leurs bailleurs d'effectuer lesdits travaux, celle-ci n'était nullement exigée par le bail, en sorte qu'une simple autorisation verbale s'avérait suffisante, en l'espèce ; qu'une telle autorisation doit être déduite du comportement de leurs bailleurs qui ne pouvaient ignorer les travaux de transformation des locaux auxquels ils avaient fait procéder par l'entreprise Richelmi au mois de novembre 1971, après avoir obtenu l'autorisation de l'Administration monégasque laquelle était subordonnée à celle de leurs bailleurs, propriétaires des locaux concernés par ces travaux ;

* en troisième lieu, que la mise en location-gérance de leur fonds de commerce, ce dont les bailleurs étaient parfaitement au courant, ne constituait en aucune manière une infraction aux clauses du bail qui ne l'interdisait pas et ne saurait, en raison de sa nature, aucunement être assimilée à une sous-location prohibée par ce même bail.

Sur ce,

En la forme,

Considérant, quant à la jonction, que les appels respectivement diligentés par L. C. et A. C., suivant exploits en dates des 7 et 8 juin 1994, étant dirigés contre le même jugement et ayant pour objet d'en obtenir la réformation pour les mêmes motifs, il convient, en l'état de l'indivisibilité de ses appels et dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, d'en ordonner la jonction pour être statué sur leur ensemble par un seul et même arrêt ;

Considérant, quant à l'exception de communication de pièces, que L. C. ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article 274 du Code de procédure civile, dès lors qu'il est constant, au regard des pièces qu'il détient, que celles employées par les intimés, au soutien de ses prétentions, ont été portées à sa connaissance ;

Au fond,

Considérant qu'il y a lieu, au préalable, de constater que les parties ayant sollicité la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré régulier et a validé le congé avec refus de renouvellement délivré aux époux C.-D. pour le 30 septembre 1989, seule demeure litigieuse devant la Cour, l'appréciation des motifs allégués par les bailleurs au soutien de leur refus de renouvellement, étant fait application des dispositions de l'article 9 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948, et s'ils peuvent être retenus comme graves et légitimes, en sorte que les locataires seraient privés de leur droit à une indemnité d'éviction égale au préjudice causé par ce défaut de renouvellement ;

Considérant, sur le moyen tiré du défaut de justification d'une police d'assurances souscrite par les époux C.-D., qu'aux termes de l'article 3 des conditions générales du bail ceux-ci devaient faire assurer leur fonds contre l'incendie et tous les risques pouvant provenir de leur commerce et justifier l'existence de cette assurance à toute demande des bailleurs ;

Qu'il résulte, à cet égard, des pièces produites que plusieurs polices ont été successivement souscrites à l'effet de garantir les dommages pouvant être rattachés à la responsabilité civile découlant de l'exploitation du fonds de commerce, appartenant aux époux C.-D., et concernant notamment les risques « Incendie » et « bris de glace » ;

Que si ces diverses polices n'ont pas été souscrites par les époux C.-D., mais par leurs locataires-gérants successifs, il n'en découle pour autant aucune violation du bail dont les termes « feront assurer » démontrent que si la souscription d'une police d'assurance afférente aux locaux dans lequel était exploité le fonds de commerce constituait une obligation substantielle imposée aux preneurs, il n'en demeurait pas moins qu'ils étaient libres de l'exécuter eux-mêmes ou de s'assurer de son exécution au cas où il n'exploiteraient pas personnellement leur fonds de commerce ;

Considérant de la sorte, ainsi que l'on relevé les premiers juges, qu'il était dans la commune intention des parties de garantir les bailleurs contre les risques inhérents à l'exploitation du fonds, et qu'un tel but a été atteint par la souscription des polices d'assurances effectuées par les locataires-gérants successifs du fonds des époux C.-D., qu'il s'ensuit que le jugement entrepris doit être confirmé de ce chef ;

Considérant, sur le moyen tiré de la location-gérance de leurs fonds par les époux C.-D., laquelle aurait constitué une sous-location des locaux, que si aux termes de l'article 7 des conditions générales du bail les preneurs ne pouvaient sous-louer tout ou partie des locaux loués, que cette prohibition ne saurait concerner la location-gérance du fonds des époux C.-D. ;

Qu'en effet, il existe entre une telle convention et la sous-location une différence essentielle tenant à leur objet, la sous-location est une opération de même nature que le bail principal qui porte, comme lui, sur tout ou partie d'un immeuble tandis que la location-gérance est une location qui porte sur un meuble incorporel, le fonds de commerce ;

Considérant qu'ainsi, en l'absence d'une clause formelle du bail interdisant aux preneurs de se substituer une tierce personne dans la jouissance des lieux et exigeant leur occupation personnelle et faute par les appelants de démontrer, ce qu'ils n'ont même pas allégués, le caractère fictif des conventions de location-gérance consenties par les époux C.-D., il convient de confirmer, de ce chef, le jugement entrepris ;

Considérant, sur le moyen tiré du fait que les travaux modifiant l'état des lieux, ont été réalisés par les époux C.-D. sans l'autorisation de leurs bailleurs, qu'aux termes de l'article 3 des conditions générales du bail, les preneurs se sont vus reconnaître tant la possibilité d'affecter les locaux loués à l'exploitation de tout commerce de leur choix que celle d'effectuer les modifications utiles à l'aménagement intérieur des lieux à l'effet de les rendre conformes à leur destination, ces modifications étant toutefois soumises à l'autorisation préalable des bailleurs ;

Qu'il est constant, à cet égard, que les époux C.-D. ont supprimé la cloison qui séparait le magasin de l'arrière magasin dans le courant du mois de novembre 1971, et qu'ils ne justifient pas d'une autorisation écrite de leurs bailleurs concernant cette modification des lieux ;

Considérant, par ailleurs, que force est de constater que la Cour ne trouve pas davantage dans les pièces produites la preuve que les bailleurs aient eu connaissance de la réalisation de ces travaux depuis l'origine, en sorte que le fait pour eux d'avoir accepté le renouvellement du bail initial, venu à échéance le 30 septembre 1980 pour une nouvelle période de 3, 6 ou 9 ans à compter du 1er octobre 1980 ne saurait valoir autorisation tacite de leur part ;

Considérant qu'étant ainsi avéré le manquement des locataires à l'obligation contractuelle inhérente à l'obtention de l'accord des bailleurs, il demeure que relève du pouvoir d'appréciation de la Cour de déterminer si une telle inexécution caractérise un motif grave de non-renouvellement ;

Qu'il apparaît, à cet égard, que la démolition d'une cloison ne saurait être considérée comme un motif grave et légitime de refus de renouvellement du bail ayant pour effet de priver les preneurs de leur droit à indemnité d'éviction, dès lors que cette transformation n'a pu déterminer aucune dépréciation de l'immeuble et peut être envisagée comme constituant une amélioration, qu'en tout cas, elle ne peut être la cause d'aucun préjudice pour les bailleurs, ces derniers pouvant soit bénéficier des « améliorations » apportées au local, ainsi que le prescrivait l'article 2 dernier alinéa des conditions générales du contrat de bail, soit accepter l'offre formulée par les locataires de remettre, lors de leur départ, les locaux dans leur état antérieur ;

Que le jugement entrepris doit donc être confirmé de ce chef ;

Considérant que les dépens d'appel suivront la succombance des consorts C. ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

Joint les instances portant les numéros 133 et 135 du rôle de 1994.

Déboute L. C. et A. C. des fins de leur appel.

Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement de la Commission Arbitrale des Loyers Commerciaux en date du 9 mars 1994.

Composition

MM. Sacotte prem. Prés. ; Serdet prem. Subst. Proc. Gén. ; Mes Karczag-Mencarelli, Clerissi, Escaut av. déf. ; Michel av.

Note

Cet arrêt confirme une décision de la Commission des loyers commerciaux du 9 mars 1994.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26424
Date de la décision : 05/03/1996

Analyses

Contrat - Général ; Baux commerciaux


Parties
Demandeurs : C.
Défendeurs : C.

Références :

article 9 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948
article 274 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1996-03-05;26424 ?

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