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13/02/1996 | MONACO | N°26415

Monaco | Cour d'appel, 13 février 1996, D. c/ Banque Populaire de la Côte d'Azur, Sudameris France


Abstract

Cautionnement

Contrat faisant application de la législation française - Obligations de la banque envers la caution (voir banque)

Banques

Obligations envers la caution - Devoir de conseil : absence de manquement : caution, professionnel averti ayant déclaré faire son affaire de la situation de l'emprunteur - Devoir de vigilance : absence de manquement, détournements commis étrangers à la caution - Devoir d'information : violation de l'article 48 alinéa 1 de la loi française n° 84-148 du 1er mars 1984 - Obligation de nantissement : non-violation du

contrat lequel ne la prévoit pas

Résumé

Les contrats de prêt et de cautionnemen...

Abstract

Cautionnement

Contrat faisant application de la législation française - Obligations de la banque envers la caution (voir banque)

Banques

Obligations envers la caution - Devoir de conseil : absence de manquement : caution, professionnel averti ayant déclaré faire son affaire de la situation de l'emprunteur - Devoir de vigilance : absence de manquement, détournements commis étrangers à la caution - Devoir d'information : violation de l'article 48 alinéa 1 de la loi française n° 84-148 du 1er mars 1984 - Obligation de nantissement : non-violation du contrat lequel ne la prévoit pas

Résumé

Les contrats de prêt et de cautionnement contenus dans le même acte, faisant uniquement référence à la législation française, dont ils citent les dispositions relatives au prêt et aux différentes sûretés dont il pouvait être assorti, il s'ensuit que les parties contractantes ont entendu placer leurs conventions sous le régime de ce droit, qu'il convient donc d'appliquer dans la présente instance, dès lors qu'aucune fraude à la loi monégasque n'est caractérisée et que l'ordre public monégasque n'est pas concerné.

La caution solidaire d'un prêt consentie par une banque, destinée au financement de l'achat d'un portefeuille d'assurances, laquelle avait déclaré dans le cautionnement faire son affaire personnelle de la situation financière et patrimoniale de l'emprunteur, ne saurait prétendre, pour se soustraire à son engagement, que l'octroi du prêt était inconsidéré d'autant qu'elle n'a, à aucun moment, allégué avoir fait de la solvabilité de celle-ci la condition de son engagement et qu'en sa qualité de professionnel en matière d'assurance, elle était parfaitement en mesure de connaître l'état de ce portefeuille.

Elle ne saurait se prévaloir d'un manquement de la banque à son devoir de vigilance, du fait que celle-ci avait porté au crédit de l'emprunteur des chèques établis par la compagnie d'assurances au profit de clients en règlement d'indemnités de sinistres, ces agissements lui étant étrangers et préjudiciables à la seule compagnie d'assurance, victime de détournements.

La caution est fondée à reprocher à la banque un manquement du devoir d'information envers elle, résultant des dispositions de l'article 48 alinéa 1 de la loi française n° 84-148 du 1er mars 1984 aux termes duquel les établissements de crédit ayant accordé un prêt sous condition du cautionnement par une personne physique ou morale, sont tenus, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, de faire connaître à la caution le montant du principal et intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente ainsi que du terme de cet engagement. Ce qui n'a point été respecté et a eu pour effet de déchoir la banque du droit aux intérêts conventionnels à l'égard de la caution, en application de l'article 48 alinéa 2 de la loi susvisée.

Aucune constitution de nantissement n'ayant été prévue par les parties au profit de la banque, la caution ne saurait être déchargée de son engagement, en application de l'article 2037 du Code civil, par suite du défaut de constitution de cette sûreté.

Motifs

La Cour

La Cour statue sur l'appel relevé le 29 mars 1993 par S. D. d'un jugement rendu le 14 janvier 1993 par le Tribunal de première instance, référence étant faite pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties au jugement déféré et aux conclusions échangées en appel il suffit de rappeler les éléments ci-après exposés :

Selon convention sous seing privé en date du 25 juillet 1989, enregistrée à Monaco le 27 juillet suivant, la Banque Populaire de la Côte d'Azur, en abrégé la BPCA, a consenti à A. F. un prêt d'un montant de 10 000 000 de francs destiné au financement partiel de l'achat d'un portefeuille d'agent d'assurances de la compagnie l'Abeille.

Ledit prêt octroyé pour une durée de cinq ans et remboursable par échéances mensuelles de 22 117 francs chacune, était assorti d'un taux d'intérêts de 11,835 % l'an. L'article 9 du titre II du contrat relatif aux conditions générales du prêt prévoyait l'exigibilité immédiate des sommes restant dues à défaut de règlement à son échéance d'un seul terme par l'emprunteuse, et ce sans qu'il soit besoin d'une mise en demeure préalable, l'article 10 précisant, dans ce cas, que le solde restant dû à la banque, en capital et intérêts échus, serait majoré de 5 % à titre de clause pénale, l'intérêt contractuel du prêt continuant d'être appliqué sur les sommes dues majoré de trois points.

Par le même acte, S. D. se portait caution solidaire envers la Banque Populaire de la Côte d'Azur à concurrence du montant dudit prêt en capital, outre les intérêts selon le taux effectif global mentionné audit prêt.

Aux termes du titre III de ce même contrat, la caution, après s'être engagée « à faire son affaire personnelle de la situation financière et patrimoniale de l'emprunteur actuelle et future », déclarait renoncer aux bénéfices tant de discussion que de division ainsi qu'à se prévaloir du bénéfice du terme dans le cas où l'emprunteur en serait déchu, tout en renonçant à toutes subrogations qui auraient pour résultat de la faire venir en concours avec la banque tant que cette dernière n'aurait pas été désintéressée de la totalité des sommes lui restant dues au titre du prêt.

Se prévalant de la clause de déchéance du terme, A. F. ayant cessé tout paiement à compter de l'échéance du 5 septembre 1990 la Banque Populaire de la Côte d'Azur, créancière de cette dernière à concurrence de la somme de 882 171,71 francs, montant du solde du prêt restant dû en capital majoré de 5 % par l'effet de la clause pénale, faisant, par ailleurs, état de ce que S. D., malgré une mise en demeure de payer cette somme en date du 10 septembre 1990, ne s'était pas acquitté de son engagement de caution, ce même établissement financier, autorisé par ordonnance du 18 février 1991 à faire pratiquer une saisie-arrêt auprès de la banque Sudameris France à concurrence de la somme de 950 000 francs sur toutes sommes, deniers ou valeurs appartenant à S. D. a, suivant exploit du 16 mars 1991, fait assigner la Banque Sudameris France aux fins de sa déclaration et S. D. en validité de ladite saisie-arrêt ainsi qu'au paiement du montant de ses causes.

Par le jugement entrepris, le Tribunal a :

* Condamné S. D. à payer à la Banque Populaire de la Côte d'Azur, la somme de 882 171,71 francs avec intérêts au taux contractuel de 14 % l'an à compter du 10 septembre 1990.

* Validé la saisie-arrêt pratiquée par la Banque Populaire de la Côte d'Azur entre les mains de la Banque Sudameris avec toutes conséquences de droit.

* Débouté S. D. de l'ensemble de ses prétentions.

À l'appui de son appel et dans le dernier état de ses conclusions, S. D. soutient, successivement et pour l'essentiel, en reprenant l'argumentation développée devant les premiers juges ;

Au principal et en la forme,

Que le Tribunal de grande instance de Nice, saisi de la même demande en paiement que celle intentée ultérieurement à son encontre devant le Tribunal de Monaco, ayant rendu son jugement, lequel a été frappé d'appel, il convient, en l'état de cette litispendance, que la Cour d'appel de Monaco sursoit à statuer dans l'attente de l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, à l'effet d'éviter toute contrariété de décision.

Subsidiairement sur le fond,

En premier lieu que l'acte de caution qu'il a signé et contenu dans l'acte de prêt ayant été conclu à Nice, en France, seul le droit français est applicable au présent litige.

En deuxième lieu, qu'en l'état des différentes fautes commises par la Banque Populaire de la Côte d'Azur, il doit être déchargé de son engagement de caution.

Que tout d'abord, cet établissement financier a commis une première faute en manquant à son devoir de conseil vis-à-vis de l'emprunteuse en lui accordant un prêt que celle-ci ne serait pas en mesure de rembourser, compte tenu du montant de chaque mensualité s'élevant à 22 117 francs alors que le portefeuille qu'elle avait acquis au moyen de ce prêt était déficitaire de 42 % sur les quatre années précédant la cession, ce dont la banque aurait dû se rendre compte.

Que celle-ci aurait dû refuser de consentir un tel prêt à A. F., ce qui lui aurait évité la réalisation du dommage résultant du cautionnement qu'il a souscrit pour le garantir.

Que par ailleurs, la banque a commis une deuxième faute en manquant à son devoir d'information vis-à-vis de la caution en ne respectant pas la réglementation sur l'information des cautions, dès lors qu'elle ne l'a pas informée, le 31 mars 1990, de la situation de son engagement au 31 décembre 1989 ainsi que le prescrit l'article 48 de la loi française du 1er mars 1984.

Qu'ensuite, la banque a commis une troisième faute en manquant à son devoir de vigilance, dès lors elle a accepté de porter au crédit du compte d'A. F. des chèques établis par la compagnie l'Abeille au profit de clients en règlement d'indemnités de sinistres, et qu'elle a ainsi masqué la situation débitrice de l'emprunteuse et ses difficultés financières.

Qu'enfin, la banque a commis une dernière faute en omettant d'inscrire un nantissement sur le fonds de commerce d'A. F., dès lors que l'acte de prêt stipule sous son titre III intitulé « garanties », et sous le paragraphe « affectation en nantissement », la clause suivante « à la sûreté et garantie du remboursement du prêt et du paiement de tous intérêts, frais et accessoires, l'emprunteuse ou la caution selon le cas, affecte spécialement par les présentes, à titre de nantissement au profit de la banque, le fonds de commerce visé en tête des présentes... ».

Qu'ainsi, il s'avère en droit de prétendre à la décharge de son engagement de caution sur le fondement de l'article 2037 du Code civil français.

Il expose, en outre, à titre infiniment subsidiaire, qu'en tout état de cause, la BPCA ne saurait obtenir le paiement d'intérêts calculés sur un taux de 14 % l'an, étant ici précisé que le taux prévu à l'acte n'était que de 11,835 % l'an, dès lors que ce taux ne figurait pas dans la mention manuscrite qu'il a portée sur l'acte de cautionnement, les sommes réclamées ne pouvaient produire intérêt qu'au seul taux légal, en application des articles 1326 et 2015 du Code civil.

S. D. demande en conséquence à la Cour :

* au principal, en la forme, de surseoir à statuer dans l'attente de la décision à intervenir de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence.

* subsidiairement, sur le fond, réformant le jugement entrepris de :

* constater que le droit applicable au litige est le droit français.

* dire et juger que la BPCA a engagé sa responsabilité à son égard en raison de ses divers manquements au devoir de conseil vis-à-vis de l'emprunteuse, au devoir d'information vis-à-vis de la caution, et au devoir de vigilance lors du fonctionnement du compte de l'emprunteuse ainsi qu'à l'obligation d'inscrire un nantissement sur le fonds de commerce de celle-ci.

* prononcer en conséquence la décharge de son engagement de caution.

* ordonner la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée entre les mains de la banque Sudameris.

À titre infiniment subsidiaire,

* dire et juger que le seul taux d'intérêts applicable à son engagement de caution est le taux légal.

* condamner la BPCA à lui verser la somme de 11 186 francs, au titre des frais irrépétibles.

La Banque Populaire de la Côte d'Azur, intimée, a, pour sa part, et dans le dernier état de ses écritures, conclu à la confirmation du jugement déféré, en faisant valoir, successivement et pour l'essentiel :

En la forme que, d'une part, l'exception de litispendance opposée par l'appelant n'existant pas en droit monégasque, il ne saurait y avoir lieu de surseoir à statuer sur le présent litige.

Que, d'autre part, les dernières conclusions prises par S. D. le 7 novembre 1994 doivent être déclarées irrecevables au motif qu'elles n'ont été déposées qu'après l'audience du 20 octobre 1994 à laquelle l'affaire avait été plaidée alors que la réouverture des débats ultérieurement ordonnée par la Cour ne l'y avait pas autorisé.

Au fond, que S. D. ne saurait être déchargé de son engagement de caution, aux motifs, qu'en premier lieu, celui-ci ne saurait se prévaloir d'un manquement quelconque de la banque à son devoir de conseil, vis-à-vis d'A. F. en ce qu'elle lui aurait consenti un prêt qui ne pourrait être remboursé, compte tenu des déficits grevant le portefeuille dont l'acquisition était financée par ce même prêt et de l'importance des mensualités de remboursement.

Qu'en effet, la banque n'avait pas eu connaissance de l'existence de ces déficits lors de la constitution du dossier concernant ce prêt.

Qu'en second lieu, celui-ci ne saurait faire état d'un manquement à son devoir de vigilance résultant du fait qu'elle aurait accepté d'encaisser sur le compte d'A. F. des chèques établis par la Compagnie d'Abeille au profit de clients en règlement d'indemnités, qu'en effet lesdits chèques étaient portés au crédit du compte courant d'A. F., ce qui constitue une opération étrangère au contrat de cautionnement, objet du litige.

Qu'en troisième lieu, celui-ci ne saurait davantage exciper d'un manquement à son obligation d'information de la caution, tel que prévu par l'article 48 de la loi du 1er mars 1984.

Qu'en effet, d'une part, l'engagement souscrit par S. D. prévoyait, au titre III du contrat de prêt sous l'intitulé garanties, que la caution dispensait la banque de tout avis de non-paiement ; que, d'autre part, celle-ci l'avait informé par lettre recommandée du 10 septembre 1990, qu'une échéance de 22 467,52 francs était restée impayée, ce qui l'autorisait à réclamer notamment le capital restant dû dont elle lui avait précisé le montant.

Que, de troisième part, l'article 48 de la loi du 1er mars 1984 ne saurait s'appliquer à Monaco, s'agissant d'une disposition de la loi française, et qu'à la supposer applicable, le défaut d'information de la caution édicté par ce texte n'a pour effet que d'interdire à la banque de se prévaloir du taux d'intérêt contractuel auquel se substitue le taux légal, pour la période considérée.

Qu'en quatrième lieu, S. D. ne saurait invoquer le fait que la banque ayant omis d'inscrire un nantissement sur le fonds de commerce d'A. F., cette absence de garantie le déchargeait de son engagement de caution, par application de l'article 2037 du Code civil français ; qu'en effet, il n'avait été nullement stipulé dans le contrat de prêt, que le fonds de commerce de l'emprunteuse ferait l'objet d'un nantissement, dès lors que les seules garanties prévues audit contrat figurant sous le titre I intitulé « caractéristiques particulières » consistaient dans l'engagement de caution pris par les personnes qui y étaient énumérées parmi lesquelles figurait S. D.

Sur ce,

En la forme,

Considérant que la notion de litispendance internationale n'est pas admise en droit monégasque ;

Que la décision française invoquée n'est pas revêtue de l'exequatur, n'étant d'ailleurs pas définitive ;

Que la demande de sursis à statuer qui procède de cette exception de litispendance doit en conséquence être rejetée ;

Considérant que les conclusions de synthèse en date du 7 novembre 1994 prises par l'appelant qui ne modifient pas les termes du litige ont été déposées à la demande de la Cour après la réouverture des débats ;

Que d'ailleurs, l'intimée ayant répondu par des conclusions déposées le 24 janvier 1995, il n'y a pas lieu de les déclarer irrecevables ;

Au fond,

Considérant, quant au droit applicable, que les contrats de prêt et de cautionnement contenus dans le même acte font uniquement référence à la législation française dont ils citent les dispositions relatives au prêt et aux différentes sûretés dont il pouvait être assorti ;

Considérant qu'il suit de cette référence expresse au droit français que les parties contractantes ont entendu placer leurs conventions sous le régime de ce droit qu'il convient donc d'appliquer dans la présente instance dès lors qu'aucune fraude à la loi monégasque n'est caractérisée et que l'ordre public monégasque n'est pas concerné ;

Considérant qu'il convient de rappeler que l'action en paiement des causes de la saisie-arrêt a été introduite par la Banque Populaire de la Côte d'Azur à l'encontre de S. D. en raison de sa qualité de caution solidaire et indivisible du remboursement du montant du prêt en principal outre les intérêts au taux contractuel consenti à A. F. par cet établissement financier et à la suite du non-paiement par cette emprunteuse du solde dudit prêt ;

Considérant qu'il ressort des pièces produites que la créance de la Banque Populaire de la Côte d'Azur était devenue exigible par suite du défaut de règlement par l'emprunteuse de l'échéance du mois de septembre 1990, en application de la clause de déchéance du terme prévue à l'article 9 des conditions générales du contrat de prêt, tant contre cette dernière que contre S. D., celui-ci ayant valablement renoncé dans son engagement de caution à se prévaloir du bénéfice du terme stipulé pour le remboursement des sommes prêtées dans le cas où l'emprunteuse en serait déchue ;

Considérant cependant que S. D. prétend devoir être déchargé de son engagement de caution, en l'état des fautes qu'aurait commises la banque et qui engageraient la responsabilité délictuelle de celle-ci à son égard ;

Considérant, en ce qui concerne le moyen tiré du manquement de la banque à son devoir de conseil, que l'appelant, qui dans son engagement de caution a déclaré faire son affaire personnelle de la situation financière et patrimoniale de l'emprunteuse actuelle et future ne saurait prétendre que l'octroi du prêt à A. F. était inconsidéré, d'autant qu'il n'a, à aucun moment, allégué avoir fait de la solvabilité de celle-ci, la condition de son engagement ;

Considérant qu'en tout état de cause, S. D. n'est pas fondé à faire grief à la banque d'un tel manquement, dès lors qu'en sa qualité de professionnel en matière d'assurances, et plus particulièrement en sa qualité d'agent général de la compagnie l'Abeille à Monaco, il était parfaitement en mesure de connaître la situation financière et patrimoniale d'A. F. de même que le caractère déficitaire du portefeuille d'assurances dont elle allait faire l'acquisition au moyen du prêt dont s'agit ;

Qu'en effet, il résulte, à cet égard, des dépositions de S. N. et de J.-M. M., respectivement délégué régional et inspecteur de la compagnie l'Abeille, recueillies au cours de l'information ouverte contre la dame F. du chef d'abus de confiance au préjudice de cette compagnie, que S. D. avait présenté la candidature de celle-ci pour la reprise du portefeuille de la demoiselle R., agent général de la compagnie l'Abeille à Cap d'Ail, en attestant de ses capacités ;

Considérant qu'ainsi l'obligation pour la banque d'informer la caution s'arrêtant là où commençait l'obligation pour cette dernière de se renseigner, l'appelant doit être débouté de ce chef de demande, le jugement entrepris devant être confirmé sur ce point, par substitution de motifs ;

Considérant, en ce qui concerne le moyen tiré du manquement de la banque à son devoir de vigilance que le fait, pour celle-ci, d'avoir porté au crédit du compte d'A. F. des chèques établis par la compagnie l'Abeille au profit de clients en règlement d'indemnités de sinistres, n'a été préjudiciable qu'à cette seule compagnie, victime de ces détournements sans que l'appelant, auquel ces agissements sont totalement étrangers, puisse s'en prévaloir dans le cadre de l'acte de cautionnement le liant à la banque ; le jugement entrepris devant être confirmé sur ce point par substitution de motifs ;

Considérant en ce qui concerne le manquement au devoir d'information de la caution qu'il résulte des dispositions de l'article 48 alinéa 1er de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984, que les établissements de crédit ayant accordé un prêt sous la condition du cautionnement par une personne physique ou morale, sont tenus, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, de faire connaître à la caution le montant du principal et intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente ainsi que du terme de cet engagement ;

Considérant, qu'à cet égard, la Banque Populaire de la Côte d'Azur ne justifie pas s'être conformée aux prescriptions de ce texte, dès lors que la mise en demeure de payer qu'elle a adressée le 10 septembre 1995 à la caution par suite de la défaillance de l'emprunteur, ne correspondait pas aux exigences légales ;

Que la banque doit donc être déclarée déchue du droit aux intérêts conventionnels à l'égard de la caution, en application de l'article 48 2e alinéa de la loi susvisée, le jugement entrepris devant être réformé sur ce point ;

Considérant en outre que le défaut d'information de la caution ne saurait faire obstacle, comme celle-ci le prétend, à l'action en paiement exercée à son encontre par la banque pour les autres sommes dues en vertu du cautionnement, dès lors qu'il n'en affecte pas la validité, le jugement entrepris devant être confirmé sur ce point ;

Considérant, en ce qui concerne le grief tiré de l'absence d'inscription d'un nantissement sur le fonds de commerce d'A. F., qu'il résulte du contrat de prêt du 25 juillet 1989 que les diverses garanties envisagées au titre III dudit contrat, dont l'affectation en nantissement, sont manifestement d'application éventuelle, au gré de l'accord des parties les concernant ; qu'à cet égard, il convient plus particulièrement de relever qu'après avoir rappelé que le prêt était consenti sous les conditions générales et les caractéristiques particulières qui y étaient stipulées, cet acte comportait, in fine de sa première page, une clause ainsi libellée : « l'emprunteur et la caution (s'il y a lieu) reconnaissent d'ores et déjà ne pas pouvoir se prévaloir des indications non fournies, ni des clauses non remplies dans la rubrique » caractéristiques particulières du contrat « qui, dans ce cas, seront considérées comme n'ayant jamais existé » ;

Qu'il est constant que sous le titre I relatif aux caractéristiques particulières du prêt dont s'agit, la première partie concernait les modalités techniques de son octroi, tandis que la seconde partie énumérait les diverses personnes s'étant portées cautions dudit prêt, parmi lesquelles S. D. ;

Qu'il s'ensuit qu'aucune constitution de nantissement n'avait été prévue par les parties au profit de la banque en sorte que l'appelant ne peut aucunement prétendre être déchargé de son engagement de caution en application des dispositions de l'article 2037 du Code civil français, par suite du défaut de constitution de cette sûreté ;

Considérant, en conséquence, que c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné S. D. à payer, en sa qualité de caution solidaire, à la Banque Populaire de la Côte d'Azur, la somme de 882 171,71 francs, montant du solde du capital restant dû majoré de 5 % en application de la clause pénale, qu'il n'a pas contesté dans ses écritures judiciaires tant de première instance que d'appel, le jugement entrepris devant être confirmé sur ce point ;

Considérant que S. D. ne sera, en revanche, tenu qu'au paiement des intérêts au taux légal sur cette somme, et ce, à compter du 10 septembre 1990, date de la mise en demeure qui lui a été adressée par la banque, le jugement entrepris devant être réformé sur ce point ;

Considérant que l'appelant ayant succombé dans l'essentiel de ses prétentions, il y a lieu de le condamner aux dépens d'appel ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

PARTIELLEMENT SUBSTITUÉS À CEUX DES PREMIERS JUGES,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

Dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer.

Confirme le jugement du 14 janvier 1993 sauf en ce qu'il a condamné S. D. au paiement des intérêts au taux contractuel de 14 % l'an.

Le réformant de ce chef, et statuant à nouveau,

Condamne S. D. à payer les intérêts de la somme de huit cent quatre vingt deux mille cent soixante et onze francs soixante et onze centimes, 882 171,71 francs, au taux légal à compter du 10 septembre 1990 ;

Composition

MM. Sacotte prem. Prés. ; Serdet prem. Subst. Proc. Gén. ; Mes Brugnetti, Lorenzi, Escaut, Sbarrato av. déf.

Note

Cet arrêt confirme en grande partie le jugement du 14 janvier 1993 du Tribunal de première instance.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26415
Date de la décision : 13/02/1996

Analyses

Contrat de prêt ; Responsabilité (Banque, finance)


Parties
Demandeurs : D.
Défendeurs : Banque Populaire de la Côte d'Azur, Sudameris France

Références :

article 48 de la loi du 1er mars 1984
ordonnance du 18 février 1991
article 2037 du Code civil
articles 1326 et 2015 du Code civil
loi n° 84-148 du 1er mars 1984


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1996-02-13;26415 ?

Source

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