La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/01/1996 | MONACO | N°26408

Monaco | Cour d'appel, 16 janvier 1996, R.-L. c/ D. veuve R.


Abstract

Donations entre époux

Donation par contrat de mariage portant sur l'universalité des biens - Révocation pour ingratitude (non) : preuve d'un recel successoral non rapportée -

Donation faite à un héritier réservataire sur des biens immobiliers et mobiliers - Acte valable mais dépourvu d'effet - Attribution à cet héritier de sa part de réserve

Résumé

La preuve du recel successoral, lequel aurait consisté à s'approprier un stock d'or contenu dans le coffre d'une banque, n'étant point rapportée, la demande de révocation de la donation c

onsentie par contrat de mariage, attribuant l'universalité des biens à la future épouse, pour c...

Abstract

Donations entre époux

Donation par contrat de mariage portant sur l'universalité des biens - Révocation pour ingratitude (non) : preuve d'un recel successoral non rapportée -

Donation faite à un héritier réservataire sur des biens immobiliers et mobiliers - Acte valable mais dépourvu d'effet - Attribution à cet héritier de sa part de réserve

Résumé

La preuve du recel successoral, lequel aurait consisté à s'approprier un stock d'or contenu dans le coffre d'une banque, n'étant point rapportée, la demande de révocation de la donation consentie par contrat de mariage, attribuant l'universalité des biens à la future épouse, pour cause d'ingratitude sur fait du recel prétendu non reconnu, doit être rejetée. La donation notariée portant sur une partie des biens immobiliers et mobiliers, consentie, par un père à sa fille, constitue un acte valable mais dépourvu d'effet, dès lors que, par un contrat de mariage antérieur, celui-ci avait disposé irrévocablement au profit de son épouse de la totalité de la quotité disponible, en sorte que sa fille, héritière réservataire ne peut se voir attribuer que la part de réserve, que lui reconnaît la loi monégasque applicable à la succession, c'est-à-dire la moitié en pleine propriété des biens composant la masse partageable, l'autre moitié étant dévolue à l'épouse, compte tenu de l'option qu'elle a exercée (pour la pleine propriété de la plus large quotité disponible).

Motifs

La Cour

La Cour statue sur l'appel relevé par M. R. épouse L. d'un jugement du tribunal de première instance en date du 22 juillet 1994.

Les faits, la procédure, les moyens et prétentions des parties peuvent être relatés comme suit, référence étant faite pour le surplus à la décision déférée et aux écritures échangées en appel.

F. R., de nationalité française, est décédé à Monaco le 26 juin 1983 laissant pour lui succéder une fille, M. R., née d'un premier mariage dissout et sa seconde épouse A. D. avec qui il s'était marié le 31 janvier 1974 sous le régime de la séparation de biens aux termes d'un contrat de mariage reçu le même jour par Maître Grassot, Notaire à Agen, par lequel F. R. faisait donation à son épouse en cas de décès, de l'universalité des biens meubles et immeubles composant sa succession sous réserve en cas d'existence d'enfant d'opter soit pour la pleine propriété de la plus large quotité disponible, soit pour l'usufruit de l'universalité des biens, soit enfin pour la pleine propriété du quart avec usufruit des trois quarts.

Ayant opté pour la pleine propriété de la plus large quotité disponible, A. D., veuve R. a assigné M. R. épouse L. en partage devant le tribunal de première instance ; celui-ci saisi d'une contestation élevée par M. R. sur la consistance de la succession qui aurait été amputée, selon elle, d'une importante quantité d'or qu'elle reproche à la veuve de son père de s'être appropriée indûment quelques jours avant le décès de celui-ci en ayant eu accès au coffre bancaire où cet or était entreposé, a, par jugement du 8 janvier 1987, ordonné des investigations et des vérifications sous la forme d'une expertise.

À la suite du dépôt de ce rapport, l'affaire a été renvoyée devant le tribunal qui, par le jugement déféré, a dit qu'A. D., veuve R. n'avait pas commis de recel successoral, a constaté le caractère irrévocable de la donation faite par contrat de mariage et l'inefficacité de toutes dispositions libérales ultérieures, a dit que la fille et l'épouse du défunt avaient droit chacune à la moitié en pleine propriété des biens tant meubles qu'immeubles composant la succession, a désigné un notaire pour procéder au partage et un juge pour suivre les opérations de partage, a débouté les parties de leurs autres demandes.

Pour statuer ainsi le tribunal a estimé que si le stock d'or a pu exister jusqu'en 1974, entreposé dans un coffre à Agen, il n'est pas établi qu'il ait été transféré à la BNP de Monte-Carlo, ni, à supposer le transfert établi, qu'il s'y soit trouvé en totalité le 14 juin 1993, jour de l'accès au coffre d'A. D., ni qu'à cette occasion elle s'en soit appropriée le contenu, la matérialité du détournement n'étant pas démontrée en l'état des attestations contradictoires versées aux débats.

Le tribunal rejetait, par voie de conséquence, la demande tendant à la révocation de la donation faite par contrat de mariage pour cause d'ingratitude et d'injure à la mémoire du défunt ; le tribunal jugeait enfin que le caractère irrévocable de la donation faite par contrat de mariage rendait inefficace le testament établi par F. R. le 16 février 1983 au profit de sa fille ;

Au soutien de son appel tendant à la réformation du jugement, M. R. épouse L. fait grief aux premiers juges d'avoir procédé à une inexacte appréciation des faits de la cause.

L'appelante soutient au plan du fait que dans son souci d'éviter des difficultés entre son épouse et sa fille, F. R. avait décidé de partager sa fortune entre son épouse à qui il destinait un stock d'or d'environ 70 kilos entreposé dans un coffre à la BNP et sa fille à qui il entendait attribuer la villa S.-J. à Monaco et le portefeuille titres qu'il détenait à la BNP.

Elle soutient que l'épouse de F. R., usant précipitamment d'une procuration qu'il lui avait consentie le 13 juin 1983 pour accéder au coffre à la BNP s'en était approprié le contenu à l'exception d'un lot de pièces d'or d'une valeur de 200 000 francs destiné aux frais d'obsèques, ainsi qu'un employé de la banque, R. M., l'aurait rapporté à son père.

Elle entend justifier ses dires :

* par une déclaration de Maître Aureglia, notaire, qui rapporte des propos tenus en sa présence par F. R., sur cette appropriation,

* par les dispositions prises par F. R. à compter du 16 juin 1983 ; (révocation de tout testament antérieur et donc de celui qu'il avait fait en faveur de son épouse le 25 novembre 1979, acte de donation au profit de sa fille, inventaire du portefeuille titres et inventaire de la villa).

* par la déclaration de G. B. rapportant les propos tenus par R. M. à l'appelante.

L'appelante fait valoir au plan du droit :

* que la preuve du recel successoral résulte des circonstances de la cause corroborées par l'attestation de Maître Aureglia et celle de G. B., l'appelante soulignant en outre que le tribunal a procédé à une inexacte appréciation de l'attestation du directeur de la Banque Populaire d'Azur sur l'utilisation par F. R. « de » valises et non pas de « deux » valises lors du déménagement de son stock d'or du coffre de cette banque,

* que la donation faite par contrat de mariage peut être révoquée pour cause d'ingratitude en raison des manœuvres de l'intimée lesquelles constituent en l'espèce une injure à la mémoire du défunt,

* que la donation faite par le père à sa fille sur la validité de laquelle le tribunal ne s'est pas prononcé doit être reconnue.

L'appelante demande en conséquence à la Cour de dire et juger :

* qu'A. D., veuve R. s'est rendue coupable de recel successoral et qu'elle doit être déchue de ses droits sur les biens recelés dont la valeur devra être appréciée au jour de l'ouverture de la succession avec intérêts à compter du 14 juin 1983,

* que la donation par contrat de mariage faite au profit d'A. D. veuve R. doit être annulée pour cause d'ingratitude,

* que la donation de la villa et du portefeuille titres faite par F. R. au profit de sa fille est valable,

* que les agissements de l'intimée justifient sa condamnation au paiement d'une somme de 1 000 000 francs à titre de dommages-intérêts,

* que le partage sera effectué sur les bases ci-dessus fixées.

L'intimée qui conclut à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de l'appelante au paiement d'une somme de 100 000 francs à titre de dommages-intérêts rappelle que le vif antagonisme entre le père et la fille né du divorce puis du remariage de F. R. avait conduit ce dernier à rédiger un testament spirituel dans lequel il critiquait le comportement passé de sa fille et ordonnait qu'elle ne soit avisée de son décès que quatre jours plus tard.

Elle soutient qu'à l'approche de sa mort F. R. - que sa fille était venue visiter - avait souhaité que ce testament soit retiré du coffre-fort et que c'est pour cette unique raison qu'il aurait établi la procuration du 13 juin 1983.

Elle fait valoir que pour éviter toute contestation ultérieure, elle s'était fait accompagner de deux témoins : sa fille et un ancien employé de la BNP qui a attesté qu'elle n'avait retiré du coffre qu'une enveloppe.

Elle rappelle que lors de l'information ouverte à la suite de sa plainte contre G. B., des témoins oculaires ont été entendus qui ont confirmé qu'à la sortie de la salle des coffres le groupe ne semblait pas particulièrement chargé.

Elle estime en droit reprenant l'argumentation du tribunal que l'appelante ne rapporte pas la preuve de l'existence ni du détournement d'un stock d'or qu'elle estime ne pas avoir vu lors de sa venue au coffre.

Dans des conclusions en réponse l'appelante reprend l'argumentation qu'elle a soutenue dans son acte d'appel ; l'étayant en ce qui concerne la validité de la donation du 17 juin 1983 faite en sa faveur elle soutient que l'institution contractuelle contenue dans le contrat de mariage a été faite à titre universel de telle sorte que F. R. avait conservé le droit de disposer à titre gratuit des biens dépendant de son patrimoine et qu'ainsi, sous réserve de l'action en nullité il y aurait lieu de déterminer la masse sur laquelle doit se calculer la quotité disponible due au légataire universel ce qui impliquerait que ce ne serait que si celui-ci ne trouvait pas à exercer son droit sur les biens existants non donnés que la donation du 17 juin 1983 pourrait être considérée comme inefficace en ce sens que cette donation pourrait donner lieu au rapport à la succession de la valeur de la villa sous déduction des améliorations faites par le donataire depuis le jour de la donation.

L'appelante réitère en conséquence le bénéfice de son exploit d'appel ainsi que de ses écritures de première instance des 1er février, 15 mars 1989, 7 mars 1990, 28 avril et 20 octobre 1993 déposées après expertise et se rapportant essentiellement à la démonstration de l'existence du recel allégué.

Sur ce,

Considérant sur le recel, que le tribunal a procédé à une analyse minutieuse des documents qui lui ont été soumis en des motifs que la Cour adopte et fait siens, aucun élément nouveau n'ayant été produit par l'appelante au regard de ces documents qui soit de nature à modifier cette appréciation ;

Considérant en ce qui concerne l'attestation établie par Maître Aureglia, notaire, qui rapporte des propos tenus par F. R. à quelques jours de son décès que ce document n'est pas de nature à établir avec certitude la présence d'un stock d'or de 60 à 70 kgs dans le coffre de la BNP ;

Considérant dès lors que la preuve du recel n'est pas rapportée ; qu'il s'ensuit que la demande de révocation de la donation par contrat de mariage pour cause d'ingratitude du fait du recel non reconnu doit être rejetée ;

Considérant que la donation notariée consentie le 17 juin 1983 par F. R. à sa fille est un acte valable mais dépourvu d'effet dès lors que par le contrat de mariage du 31 janvier 1974, F. R. avait disposé irrévocablement au profit de son épouse de la totalité de la quotité disponible en sorte que sa fille, héritière réservataire, ne peut se voir attribuer que la part de réserve que lui reconnaît la loi monégasque applicable à la succession, c'est-à-dire la moitié en pleine propriété des biens composant la masse partageable, l'autre moitié étant dévolue à l'épouse compte tenu de l'option qu'elle a exercée (cf. sa lettre du 25 septembre 1983) ;

Considérant qu'en l'état de sa succombance, l'appelante n'est pas fondée en sa demande en paiement de dommages-intérêts ;

Considérant que M. L. n'a pas commis d'abus de droit en assurant sa défense en première instance ni en prenant l'initiative d'un appel ; que dès lors l'intimée doit être déboutée de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts ;

Considérant qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Considérant que les dépens suivent la succombance principale de l'appelante ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Et ceux non contraires des premiers juges que la Cour adopte et fait siens,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de première instance en date du 22 juillet 1994.

Composition

MM. Sacotte prem. Prés. ; Serdet prem. Subst. Proc. Gén. ; Mes Leandri, Sbarrato av. déf.

Note

Cet arrêt confirme le jugement du 22 juillet 1994 du tribunal de première instance.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26408
Date de la décision : 16/01/1996

Analyses

Civil - Général ; Droit des successions - Successions et libéralités


Parties
Demandeurs : R.-L.
Défendeurs : D. veuve R.

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1996-01-16;26408 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award