La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/06/1995 | MONACO | N°26386

Monaco | Cour d'appel, 6 juin 1995, Société Préservatrice Foncière Assurances c/ Sté Sefonil, A., Société Entreprise de Grands Travaux monégasques.


Abstract

Appel civil

Acte d'appel - Formulé par conclusions et irrecevabilité

Procédure civile

Nul ne plaide par procureur - Irrecevabilité de l'appel de l'assuré, relevé et garanti par son assureur - Impossibilité pour l'assureur de contester la responsabilité mise à la charge en première instance de son assuré, en vertu de cette règle

Résumé

L'appel qui n'a pas été relevé dans la forme prévue par le Code de procédure civile, c'est-à-dire sous forme d'assignation, mais par le biais de conclusions d'appel reconventionnel, pour tente

r de pallier l'erreur de procédure commise, doit être déclaré irrecevable.

Il s'ensuit que le jugement...

Abstract

Appel civil

Acte d'appel - Formulé par conclusions et irrecevabilité

Procédure civile

Nul ne plaide par procureur - Irrecevabilité de l'appel de l'assuré, relevé et garanti par son assureur - Impossibilité pour l'assureur de contester la responsabilité mise à la charge en première instance de son assuré, en vertu de cette règle

Résumé

L'appel qui n'a pas été relevé dans la forme prévue par le Code de procédure civile, c'est-à-dire sous forme d'assignation, mais par le biais de conclusions d'appel reconventionnel, pour tenter de pallier l'erreur de procédure commise, doit être déclaré irrecevable.

Il s'ensuit que le jugement ayant prononcé contre cet appelant une condamnation à des dommages-intérêts est devenu définitif à son égard et que son assureur condamné en première instance à le relever et garantir de sa condamnation - dont l'appel est régulier en la forme - n'a pas qualité pour demander la réformation du jugement à titre principal sur la responsabilité de son assuré, nul ne plaidant par procureur.

Motifs

La Cour,

La Cour statue sur les appels relevés par la Préservatrice Foncière Assurance IARD d'une part, et par la Société Anonyme Entreprise de Grands Travaux monégasques (EGTM), d'autre part, d'un jugement du Tribunal de première instance en date du 30 juin 1994 lequel sur la demande en paiement de dommages-intérêts présentée par A. A. à l'encontre de la SAM Sefonil, de la Compagnie d'Assurance La Préservatrice, et de la Société EGTM, en réparation des désordres constatés dans son habitation à la suite de tirs de mines effectués sur le chantier voisin ouvert pour la construction de l'immeuble « Hôtel de Rome », a déclaré la société Sefonil et la Société EGTM responsables in solidum des désordres affectant l'habitation d'A. dans les limites décrites par l'expert, a condamné ces sociétés in solidum au paiement des sommes de 76 000 francs au titre des frais de remise en état de l'habitation et de 20 000 francs au titre des troubles de jouissance, a condamné la compagnie La Préservatrice, à relever et garantir la société Sefonil de ces condamnations déduction faite de la franchise contractuelle, a condamné in solidum la société Sefonil, la société EGTM et la Compagnie La Préservatrice à payer à A. la somme de 15 000 francs à titre de dommages-intérêts, a ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

Pour statuer ainsi, les premiers juges ont estimé que la responsabilité de la société Sefonil était fondée sur la théorie des troubles anormaux de voisinage et que la responsabilité délictuelle de la société EGTM, entreprise sous-traitante, était engagée, car il résultait d'un rapport d'expertise judiciaire qu'elle avait à de nombreuses reprises dépassé les charges d'explosif admises dans la Principauté occasionnant ainsi les désordres constatés dans l'habitation d'A. ;

Ils ont estimé en outre, que les nuisances occasionnées par ces tirs avaient excédé les inconvénients normaux de voisinage et que la gêne occasionnée par la remise en état des lieux apportait un trouble de jouissance supplémentaire ;

Ils ont enfin condamné la Compagnie La Préservatrice qui n'avait pas dénié devoir sa garantie à son assuré à relever et garantir la société Sefonil du montant des condamnations, déduction faite de la franchise contractuelle ;

Par un arrêt du 24 janvier 1995, la Cour a joint les deux instances d'appel, a ordonné la suspension de l'exécution provisoire, a débouté A. A. de sa demande en paiement de dommages-intérêts et a réservé les dépens ;

1 - Au soutien de son appel, la Compagnie La Préservatrice fait grief aux premiers juges d'avoir retenu la responsabilité de la société Sefonil sans en préciser le fondement juridique légal ou contractuel, sans en rechercher l'imputabilité alors que seule la société EGTM, sous-traitant de l'entreprise principale Satrim était responsable des tirs de mines, sans rechercher un lien de causalité entre les actes de la société Sefonil et les désordres constatés, en condamnant la société Sefonil et la compagnie d'Assurance in solidum avec d'autres défendeurs sans avoir motivé cette solidarité et en se fondant sur une résistance abusive non établie ;

Elle sollicite en conséquence, la réformation du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la société Sefonil responsable in solidum de dommages subis par A. ;

À la suite de cet appel, la société Sefonil a repris l'ensemble de cette argumentation à son compte pour former elle-même un appel reconventionnel par conclusions du 29 novembre 1994.

2 - La société EGTM, autre appelante, fait grief au jugement attaqué de s'être fondé essentiellement sur des normes administratives alors que selon elle le seuil autorisé de vitesse vibratoire pouvait être dépassé si la bande de fréquence correspondante était augmentée ; elle soutient en conséquence, que sa responsabilité ne pouvait être engagée sur le seul fondement du rapport d'expertise qui avait constaté un dépassement du seuil de vitesse sans rechercher si ce dépassement était à l'origine des désordres ayant affecté l'habitation d'A., compte tenu des normes à respecter en matière de tirs dans un milieu urbain ;

A. A. a conclu :

* sur l'appel de la Compagnie La Préservatrice en relevant d'une part, que le Tribunal avait motivé sa décision en la fondant sur la théorie des troubles de voisinage et d'autre part qu'il avait valablement condamné les coauteurs d'un même dommage à une obligation in solidum ;

Il sollicite la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de « tout contestant » au paiement d'une somme de 20 000 francs à titre de dommages et intérêts ;

* sur l'appel de la société EGTM en rappelant que l'expert avait constaté soixante-trois dépassements de charge et qu'il avait minutieusement examiné les fissures de l'habitation avant d'en attribuer certaines, évidentes, aux tirs de mines, ce qui n'avait pas fait l'objet de contestation de la société EGTM en cours d'expertise ;

Il sollicite en conséquence la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de la société EGTM en paiement d'une somme de 200 000 francs à titre de dommages-intérêts pour appel abusif ;

Sur ce,

1 - Sur l'appel de la Compagnie La Préservatrice foncière,

Considérant que le jugement du 30 juin 1994 a condamné cette compagnie d'assurances dans le cadre de la garantie contractuelle qu'elle doit à son assurée, la société Sefonil, mais qu'aucune responsabilité n'a été retenue contre cet assureur dans l'apparition des désordres survenus chez A. ;

Considérant en revanche que le tribunal a déclaré la société Sefonil responsable de ces désordres in solidum avec la société EGTM ;

Considérant que ce jugement a été signifié à la Compagnie La Préservatrice et à la société Sefonil le 6 octobre 1994 ;

Considérant que la compagnie d'assurances a relevé appel dans le délai légal mais qu'elle n'a pas qualité pour demander la réformation du jugement à titre principal sur la responsabilité de la société Sefonil, nul ne plaidant par procureur ;

Considérant que cet appel doit être déclaré irrecevable sauf en ce qui concerne la condamnation de la Compagnie d'Assurance à titre personnel au paiement de dommages-intérêts, sur laquelle il sera revenu ci-après ;

Considérant que de son côté la société Sefonil n'a pas relevé appel dudit jugement dans la forme prévue par le Code de procédure civile, c'est-à-dire sous forme d'assignation et que c'est vainement que par le biais de conclusions d'appel reconventionnel, elle a tenté de pallier l'erreur de procédure qu'elle avait commise ;

Considérant que le jugement est donc définitif à son égard ;

Considérant sur l'appel relevé par la compagnie d'assurance Préservatrice foncière du chef de sa condamnation in solidum avec la société Sefonil et la Compagnie EGTM au paiement d'une somme de 15 000 francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, qu'aucune faute ne peut être relevée à l'encontre de cette compagnie d'assurance et qu'elle doit donc être déchargée de la condamnation in solidum dont elle fait l'objet, la décision du Tribunal devant être réformée sur ce point ;

2 - Sur l'appel de la société EGTM :

Considérant que pour retenir la responsabilité de cette société, sous-traitant du lot terrassement qui incluait les tirs de mines incriminés, le Tribunal s'est fondé sur les conclusions de l'expertise judiciaire ordonnée en référé à la requête d'A., expertise dans laquelle la Cour trouve des éléments suffisants lui permettant de statuer ;

Considérant que l'expert avait notamment reçu pour mission de déterminer l'origine des fissures qu'A. imputait aux tirs de mines ; qu'il devait également dire si les normes techniques applicables avaient été respectées lors de l'exécution des tirs ;

Considérant qu'en l'absence d'un constat des lieux à l'ouverture du chantier, l'expert a dressé une liste de fissures intérieures et extérieures affectant l'habitation d'A. lesquelles, par leur aspect, leur nature et leur évolution n'étaient pas liées à un vieillissement normal ;

Considérant que l'expert a attribué de façon catégorique l'origine de ces fissures aux tirs de mines effectués par la société EGTM entre les mois de juillet et de novembre 1990 ;

Considérant que l'expert a relevé que bien que toutes les dispositions aient été prises, tant contractuellement dans le cahier des clauses techniques particulières à l'usage de l'adjudicataire du lot Terrassement que techniquement par des études préalables de la nature du sol et des conditions de minage pour tenir compte des risques de nuisances et de dommages aux constructions voisines, les normes techniques prévues par les essais préalables en fonction de la réglementation monégasque sur la vitesse particulaire ont été largement dépassées à de nombreuses reprises par la compagnie EGTM ;

Considérant que l'expert a également relevé que cette société avait commis une erreur d'appréciation sur la situation de l'habitation d'A. par rapport au chantier alors que son âge et son implantation à une cote supérieure à celles de ce chantier aurait dû la faire classer dans la zone sensible ;

Considérant que l'expert s'est fondé sur un tableau établi à partir de l'enregistrement de soixante-huit tirs, communiqué par la compagnie La Préservatrice ; qu'il s'agit du seul document se rapportant aux tirs mis à sa disposition, la société EGTM s'étant abstenue de communiquer quelque document que ce soit à l'expert ;

Considérant que cette carence volontaire anéantit la critique que cette société tente aujourd'hui d'opposer à l'expertise en se fondant sur un avis émis après le dépôt du rapport par G. L., expert de sa compagnie d'assurance, au sujet de l'incidence d'autres paramètres - dont la bande de fréquence - sur l'appréciation de la vitesse particulaire ;

Considérant que cette critique est d'autant plus infondée qu'en premier lieu elle prend pour base des normes françaises non applicables dans la Principauté, qu'en second lieu le CEBTP qui a établi un plan de tir à la demande de la société EGTM a calculé les charges maximales en fonction de l'ensemble des paramètres, y compris la bande de fréquence, et que c'est à partir de ces calculs qu'a été établi le tableau des dépassements, qu'en troisième lieu, l'expert auquel s'est référé la société EGTM avait clairement déclaré à la Compagnie d'Assurances qui l'avait missionné que les désordres constatés avaient été provoqués sans doute possible par les tirs de mines, s'associant ainsi à l'avis de l'expert judiciaire qui avait lui-même relevé dans sa note n° 3 aux parties que celles-ci admettaient que les désordres constatés avaient été causés par les seuls tirs de mines ;

Considérant encore que ce même expert de la compagnie d'assurances avait tout aussi clairement indiqué que pour éviter la survenance de ces désordres, la société EGTM aurait dû tenir compte de la faible résistance aux vibrations mécaniques de la villa d'A. en raison de son absence de structure rigide, ce qui aurait dû la faire classer dans les constructions très sensibles ;

Considérant en définitive, que la faute de la société EGTM apparaît amplement démontrée par les éléments de la cause, et que cette faute qui réside dans la mauvaise exécution des tirs de mines qui entraient dans son lot Terrassement engage sa responsabilité sur le fondement des articles 1229 et 1230 du Code civil ;

Considérant que la société EGTM doit donc être déboutée de son appel, et la décision du tribunal confirmée à son égard ;

3 - Sur les appels incidents d'A. A. :

Considérant que sa demande en paiement de dommages-intérêts dirigée à l'encontre de « tout contestant » doit être purement et simplement rejetée car elle ne met pas la Cour en mesure de statuer en raison des termes généraux employés et de l'absence de démonstration d'une faute et d'un préjudice ;

Considérant en revanche que l'appel témérairement formé par la société EGTM a occasionné un préjudice certain à A. qui est fondé à en obtenir réparation par l'allocation de dommages-intérêts que la Cour a les éléments d'appréciation suffisants pour fixer à la somme de 20 000 francs au paiement de laquelle il y a lieu de condamner cette société ;

Considérant que les dépens, en ce compris les dépens réservés de l'arrêt du 24 janvier 1995 doivent être supportés par moitié par la Compagnie Préservatrice Foncière et par la Société Entreprise des Grands Travaux monégasques ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS, et ceux non contraires des premiers juges,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

* Déclare irrecevable l'appel formé par la compagnie d'assurance Préservatrice Foncière IARD sauf du chef de sa condamnation au paiement de dommages-intérêts ;

* Déclare inexistant l'appel principal formé par voie de conclusions par la société Sefonil ;

* Déboute la société anonyme Entreprise des Grands Travaux monégasques des fins de son appel ;

* Réforme le jugement du 30 juin 1994 en ce qu'il a condamné la compagnie Préservatrice Foncière au paiement de dommages-intérêts in solidum avec d'autres parties ;

* Dit n'y avoir lieu à prononcer une condamnation en paiement de dommages-intérêts à l'encontre de cette compagnie d'assurance ;

* Confirme ledit jugement pour le surplus ;

* Déboute A. A. de sa demande en paiement de dommages-intérêts à l'encontre de « tout contestant » ;

* Condamne la société anonyme Entreprise de Grands Travaux monégasques à payer à A. A. la somme de 20 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

Composition

MM. Sacotte prem. prés. ; Serdet prem. subst. proc. gén. - Mes Lorenzi, Blot, Clerissi av. déf. ; Palmero av. ; Berlioz et Lorrain av. bar. de Nice.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26386
Date de la décision : 06/06/1995

Analyses

Procédure civile


Parties
Demandeurs : Société Préservatrice Foncière Assurances
Défendeurs : Sté Sefonil, A., Société Entreprise de Grands Travaux monégasques.

Références :

Code de procédure civile
articles 1229 et 1230 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1995-06-06;26386 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award