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07/03/1995 | MONACO | N°26348

Monaco | Cour d'appel, 7 mars 1995, Association Fédération monégasque de tennis c/ membres de ladite Association.


Abstract

Association

Dissolution - Intérêt pour agir : membre d'une association regroupée au sein d'une fédération (oui) - Non-conformité des statuts loi n° 1072 - Désignation des administrateurs autrement que par l'assemblée générale : dérogation prévue par l'article 4 - Inexistence d'une assemblée générale sanctionnée par la dissolution (art. 16)

Résumé

L'action tendant à la dissolution d'une association n'est pas réservée aux seuls membres de cette association, étant donné qu'aux termes de l'article 16 de la loi n° 1072 du 27 juin 1984 co

ncernant les associations, la dissolution peut être prononcée en cas d'infraction aux dispositio...

Abstract

Association

Dissolution - Intérêt pour agir : membre d'une association regroupée au sein d'une fédération (oui) - Non-conformité des statuts loi n° 1072 - Désignation des administrateurs autrement que par l'assemblée générale : dérogation prévue par l'article 4 - Inexistence d'une assemblée générale sanctionnée par la dissolution (art. 16)

Résumé

L'action tendant à la dissolution d'une association n'est pas réservée aux seuls membres de cette association, étant donné qu'aux termes de l'article 16 de la loi n° 1072 du 27 juin 1984 concernant les associations, la dissolution peut être prononcée en cas d'infraction aux dispositions des articles 2 et 3 de ladite loi à la demande du Ministère public ou de tout intéressé. Le seul fait pour les intéressés d'être membres de l'une des associations regroupées dans la Fédération dont s'agit, confère un intérêt personnel et légitime à voir leur activité sportive s'exercer dans un cadre conforme à la loi.

Aux termes de l'article 2-3° de la loi n° 1072 les statuts de toute association doivent au moins mentionner les règles relatives à la composition, à la convocation, au mode de délibération et aux pouvoirs de l'organe délibérant formé par l'assemblée générale des sociétaires. S'il n'est pas contesté que la fédération dont s'agit entre, en raison de son rayonnement et de son activité internationale, dans le champ d'application des dispositions de l'article 4-1° de la loi n° 1072 qui lui permettent de déroger à la règle de désignation de ses administrateurs par l'assemblée générale, cependant cette dérogation ne concerne que le mode de désignation des administrateurs et n'a aucun effet sur les autres attributions normalement dévolues à l'assemblée générale ; à plus forte raison il ne dispense pas l'association de l'existence d'une assemblée générale.

Dès lors qu'il est constant que cette fédération n'est dotée par ses statuts d'aucune assemblée générale ou organe délibérant quelconque, c'est à bon droit que les premiers juges ont prononcé sa dissolution, étant donné que ses statuts ne sont point conformes aux exigences de la loi n° 1072.

Motifs

La Cour,

La Cour statue après débats en chambre du Conseil, sur l'appel du jugement rendu le 19 mai 1994 par le Tribunal de première instance de Monaco dans le litige opposant E. G., R. G., B. S., M.-T. Z., G. B., P. S., J.-C. I., M. D., G. B., J. C., A. O., G. O. et H. R., à l'association Fédération monégasque de tennis.

Les faits, la procédure, les moyens et les prétentions des parties peuvent être relatés comme suit, étant fait référence pour le surplus à la décision déférée et aux écritures échangées en appel :

La Fédération monégasque de tennis est une association régie par la loi n° 1072 du 27 juin 1984.

Elle a pour objet :

1 - de régir, d'organiser et de développer la pratique du tennis,

2 - d'établir tous règlements concernant ladite activité,

3 - d'orienter, de coordonner et surveiller l'activité de ses membres,

4 - de promouvoir le tennis auprès des jeunes de la Principauté et d'en coordonner l'enseignement,

5 - d'assurer l'encadrement des joueurs appelés à représenter Monaco dans différentes compétitions,

6 - de grouper toutes les associations sportives et sections d'association pratiquant le tennis, de rechercher et de faciliter leur création, d'encourager et de soutenir leurs efforts.

À l'exception de ses membres fondateurs, bienfaiteurs ou d'honneur et des membres du conseil d'administration nommés par décision souveraine, elle est composée d'associations, dont les membres licenciés pratiquent le tennis.

Ces associations sont les suivantes :

* Monte-Carlo country club,

* Monte-Carlo tennis club,

* Tennis club de Monaco,

* Association sportive du lycée de Monaco,

* Association sportive de la fonction publique.

Courant juin 1993, certains membres du Tennis club de Monaco, s'opposant au comité provisoire de direction en place, ont entendu créer un nouveau comité de direction. Les difficultés de gestion du club résultant de cette situation font actuellement l'objet d'une procédure distincte.

Parallèlement, les treize personnes mentionnées ci-avant, membres du Tennis club de Monaco, ont fait assigner, par acte du 29 octobre 1993, la Fédération monégasque de tennis devant le Tribunal de première instance, en chambre du conseil, aux fins de voir prononcer la dissolution de ladite fédération au motif essentiel que ses statuts ne seraient pas conformes à la loi régissant les associations, faute de prévoir l'existence d'une Assemblée générale des sociétaires.

Par le jugement déféré, le Tribunal a :

* prononcé la dissolution de la Fédération monégasque de tennis,

* nommé André Garino en qualité de liquidateur,

* condamné la Fédération monégasque de tennis aux dépens.

La Fédération monégasque de tennis, régulièrement autorisée par ordonnance du 3 juin 1994, a relevé appel de cette décision et assigné les treize personnes aujourd'hui intimées devant la Cour, en chambre du conseil.

À l'appui de son appel, la fédération monégasque de tennis, reprenant les moyens soutenus devant les premiers juges, soutient en premier lieu que les intimés seraient irrecevables en leur action faute pour eux de justifier d'un intérêt personnel et légitime, c'est-à-dire reposant sur un droit, pour agir.

En ce sens, elle déclare que ces personnes sont des tiers vis-à-vis de la Fédération dont les membres ne sont que des associations.

Elle relève que ces personnes, à l'exception selon elle de R. G., sont membres du Tennis club de Monaco et soutient que seuls les organes statutaires de ce club seraient habilités à contester la validité de la Fédération, mais qu'au contraire ils ont formellement adhéré à ses statuts.

Elle rappelle que les prétentions des intimés vont à l'encontre de l'accord du Tennis club de Monaco, d'un avis du Conseil d'État, d'un arrêté ministériel du 28 mai 1991 et d'une décision souveraine du 9 juillet 1992. Elle ajoute que les statuts actuels de la Fédération ne causent aucun préjudice, même éventuel, aux intimés.

En deuxième lieu, sur le cas particulier de R. G., elle fait valoir que celui-ci n'aurait pas la qualité de membre du Tennis club de Monaco, dont il se prévaut.

Elle déclare en effet que depuis 1987, il ne s'est acquitté de sa cotisation que pour l'année 1992-1993 et soutient que, n'étant pas à jour de ses cotisations au club, il n'était pas habilité à voter. Elle dénie toute valeur probante à la licence délivrée par une fédération française.

En troisième lieu, sur le fond, elle affirme disposer, en raison de son caractère international et de sa contribution au rayonnement de Monaco, d'un statut dérogatoire au droit commun des associations, par application de l'article 4 de la loi n° 1072.

Elle rappelle les conditions dans lesquelles ses statuts ont été établis, puis modifiés et invoque la décision souveraine du 9 juillet 1992 ayant nommé les membres de son Conseil d'administration.

Elle demande en conséquence à la Cour :

* d'infirmer le jugement entrepris,

* de déclarer les intimés irrecevables en leur action,

* en tout état de cause, de dire et juger qu'il n'y a pas lieu de prononcer la dissolution de la Fédération monégasque de tennis,

* de condamner les intimés aux entiers dépens.

Les treize intimés, pour leur part, prétendent en premier lieu avoir intérêt à agir. Ils estiment en effet que la qualité de membre de la Fédération n'est pas nécessaire pour avoir un tel intérêt. Déclarant tout d'abord ne pas être des tiers vis-à-vis de la Fédération, puisqu'ils sont membres d'une association appartenant à celle-ci, ils soutiennent ensuite que même un tiers peut être « intéressé » au sens de la loi, du moment qu'il se fonde sur une disposition légale : l'article 16 de la loi n° 1072.

Ils exposent que l'intérêt qu'ils invoquent réside dans le fait que l'absence d'organe délibérant au sein de la Fédération monégasque de tennis prive le Tennis club de Monaco, auquel ils appartiennent, de tout moyen de se faire entendre. Ils relèvent le caractère anormal de cette situation, notamment en l'état d'une procédure actuellement en cours et évoquée ci-avant.

Sur le cas particulier de R. G., ils exposent qu'il n'a jamais été exclu de l'association et qu'il est à jour de cotisation.

En deuxième lieu, sans contester le statut dérogatoire de la Fédération monégasque de tennis ni sa spécificité, les intimés exposent que la dérogation prévue par l'article 4-1° ne porte que sur « la désignation des administrateurs par l'assemblée générale » mais qu'en aucune façon elle ne dispense l'association de l'obligation d'avoir une assemblée générale.

En troisième lieu, ils soutiennent que l'appel de la fédération monégasque de tennis est abusif et dilatoire.

Ils demandent en conséquence à la Cour :

* de confirmer le jugement entrepris,

* de débouter la Fédération monégasque de tennis des fins de son appel,

* de la condamner au paiement de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts pour appel abusif,

* de la condamner aux dépens.

Ceci étant exposé, la Cour,

Sur la recevabilité de l'action :

Considérant que l'action tendant à la dissolution d'une association n'est pas réservée aux seuls membres de cette association ;

Qu'aux termes de l'article 16 de la loi n° 1072 du 27 juin 1984, la dissolution peut être prononcée en cas d'infraction aux dispositions des articles 2 et 3 de la loi à la demande du Ministère public ou de tout intéressé ;

Considérant que le seul fait pour les intimés d'être membres de l'une des associations regroupées dans la fédération monégasque de tennis leur confère un intérêt personnel et légitime à voir leur activité sportive s'exercer dans un cadre conforme à la loi ;

Considérant qu'il ne résulte pas des pièces versées aux débats que R. G. ne serait pas membre du Tennis club de Monaco ;

Qu'en effet s'il apparaît qu'il a pu, par le passé, ne pas se trouver à jour de cotisation, il n'est aucunement établi qu'il ait été exclu du club ;

Qu'au contraire, il justifie avoir acquitté sa cotisation pour l'année 1992-1993, être régulièrement licencié et utiliser normalement les installations du club ;

Que dès lors il ne saurait lui être réservé un autre sort qu'aux autres intimés ;

Considérant que c'est ainsi à juste titre que les premiers juges ont déclaré recevable l'action des treize personnes aujourd'hui intimées ;

Sur le fond,

Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi n° 1072, les statuts de toute association doivent au moins mentionner « 3°: les règles relatives à la composition, à la convocation, au mode de délibération et aux pouvoirs de l'organe délibérant formé par l'Assemblée générale des sociétaires » ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que la fédération monégasque de tennis entre, en raison de son rayonnement et de son activité internationale, dans le champ d'application des dispositions de l'article 4-1° de la loi n° 1072 qui lui permettent de déroger à la règle de désignation de ses administrateurs par l'assemblée générale ;

Considérant cependant que ce statut dérogatoire ne concerne que le mode de désignation des administrateurs et n'a aucun effet sur les autres attributions normalement dévolues à l'assemblée générale ;

Qu'à plus forte raison, il ne dispense pas l'association de l'existence d'une assemblée générale ;

Considérant qu'il est constant que la fédération monégasque de tennis n'est dotée par ses statuts d'aucune assemblée générale ou organe délibérant quelconque ;

Considérant que ses statuts n'étant pas conformes aux exigences de la loi n° 1072, c'est à bon droit que les premiers juges ont prononcé la dissolution de la fédération monégasque de tennis ;

Considérant que l'appel n'étant pas manifestement malicieux, abusif ou dilatoire, il n'y a pas lieu d'allouer à quiconque de dommages et intérêts ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS, et ceux non contraires des premiers juges, statuant publiquement après débats en Chambre du conseil, La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris du 19 mai 1994 ;

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions.

Note

Cet arrêt confirme en toutes ses dispositions un jugement du Tribunal de première instance du 19 mai 1994.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26348
Date de la décision : 07/03/1995

Analyses

Associations et fondations


Parties
Demandeurs : Association Fédération monégasque de tennis
Défendeurs : membres de ladite Association.

Références :

loi n° 1072 du 27 juin 1984
article 16 de la loi n° 1072 du 27 juin 1984


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1995-03-07;26348 ?

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