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31/01/1995 | MONACO | N°26340

Monaco | Cour d'appel, 31 janvier 1995, Société Crédit National c/ SCI Aida, SCI gestion immobilière Fontvieille, G. es-qualité de syndic.


Abstract

Faillites

Extension de la liquidation de biens - Recours contre le Jugement : Tierce opposition (non) - Opposition (C. com., art 568)

Résumé

Un jugement qui étend les effets de la liquidation des biens d'une société à d'autres, s'inscrit par sa nature même dans le cadre d'une procédure collective de règlement du passif régie par le livre III du Code de commerce ; il s'ensuit que se trouve exclue la possibilité de former une tierce opposition contre ce jugement selon les règles du droit commun incompatibles avec la nécessaire rapidité exigée e

n la matière ; un tel jugement ne peut être attaqué que par l'opposition, voie de reco...

Abstract

Faillites

Extension de la liquidation de biens - Recours contre le Jugement : Tierce opposition (non) - Opposition (C. com., art 568)

Résumé

Un jugement qui étend les effets de la liquidation des biens d'une société à d'autres, s'inscrit par sa nature même dans le cadre d'une procédure collective de règlement du passif régie par le livre III du Code de commerce ; il s'ensuit que se trouve exclue la possibilité de former une tierce opposition contre ce jugement selon les règles du droit commun incompatibles avec la nécessaire rapidité exigée en la matière ; un tel jugement ne peut être attaqué que par l'opposition, voie de recours autonome en matière de procédure collective, dans les conditions qu'impose l'article 568 du Code de commerce.

Motifs

La Cour,

La Cour statue sur l'appel du jugement rendu le 10 février 1994 par le Tribunal de Première Instance de Monaco dans le litige opposant la société Crédit National, la SCI AIDA, la SCP Gestion immobilière Fontvieille (GIF) et A. G. es-qualité de syndic à la liquidation des biens de la SAM Le Prêt.

Les faits, la procédure, les moyens et les prétentions des parties peuvent être exposés comme suit, étant fait référence pour le surplus à la décision déférée et aux écritures échangées en appel.

Par un jugement du 8 juillet 1993, le Tribunal de Première Instance, après avoir constaté le caractère fictif des sociétés à forme civile GIF et AIDA, a étendu à ces sociétés les effets de la liquidation de biens de la SAM Le Prêt.

Par un premier acte du 26 octobre 1993, la société Crédit National a fait assigner devant le tribunal les sociétés GIF et AIDA, ainsi qu'A. G. es-qualité aux fins d'obtenir la suspension de l'exécution du jugement du 8 juillet 1993.

Par un second acte du même jour, le Crédit National a formé tierce-opposition au jugement précité aux fins d'obtenir sa rétractation en ce qu'il a déclaré la société AIDA fictive.

Par le jugement attaqué, du 10 février 1994, le Tribunal a :

- ordonné la jonction des deux instances ;

- déclaré irrecevable la tierce opposition formée par le Crédit National à l'encontre du jugement du 8 juillet 1993 ;

- dit n'y avoir lieu de statuer quant au surplus des demandes des parties ;

- condamné la Société Crédit National aux dépens ;

La société Crédit National a relevé appel de cette décision ;

l'appui de son appel, le Crédit National expose en premier lieu, qu'il se trouve, à divers titres, précisés dans ses écritures, créancier de la société AIDA pour une somme de 22 000 000 francs et qu'il bénéficie de sûretés réelles sur les immeubles de la société AIDA en garantie de sa créance.

Il fait valoir que la déclaration de fictivité de la société AIDA et l'extension à cette société des effets de la liquidation des biens de la société Le Prêt lui causent un préjudice important et qu'il a en conséquence un intérêt certain à agir.

En deuxième lieu, il rappelle que le jugement du 8 juillet 1993 n'a pas déclaré une cessation des paiements, mais qu'il a étendu à des sociétés civiles les effets d'une liquidation des biens déjà prononcée à l'égard d'une société commerciale.

Il en déduit que cette décision n'a pas une nature commerciale ; qu'elle relève du droit commun et que de ce fait seules sont applicables les règles de recours du droit commun, à l'exclusion des règles spéciales édictées par le titre IV du livre III du Code de commerce.

Il ajoute qu'en toute hypothèse, le caractère fictif ou non des sociétés AIDA et GIF serait indépendant de la procédure collective concernant la société Le Prêt.

En troisième lieu, il soutient que, même à supposer applicables les règles du Code de Commerce relatives à l'opposition, la procédure de droit commun de la tierce opposition demeurerait applicable.

Il prétend sur ce point que la tierce opposition est différente de l'opposition prévue par le Code de commerce et que si elle n'est pas visée par l'article 568 de ce code, elle n'est pas pour autant exclue. Il observe que, par nature, la tierce opposition ne suppose l'existence d'aucun délai et donc d'aucune modification d'un délai.

Il demande en conséquence à la Cour, outre de dire et juger divers points qui n'ont pas leur place dans le dispositif d'un arrêt mais constitueraient éventuellement des motifs :

- de réformer le jugement entrepris ;

- de déclarer recevable la tierce opposition formée le 26 octobre 1993 ;

- d'ordonner la suspension de l'exécution du jugement du 8 juillet 1993 jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur les mérites de la tierce opposition ;

- de renvoyer l'affaire devant le Tribunal de Première Instance afin qu'il soit statué au fond ;

- de condamner tout contestant aux dépens ;

A. G., es-qualité, et les sociétés AIDA et GIF font valoir en premier lieu que le jugement du 8 juillet 1993, qui prononce l'extension d'une liquidation des biens, relève du régime des procédures collectives, le caractère civil ou non des sociétés déclarées fictives étant sans incidence. Ils en déduisent que les formes et délais de recours contre un jugement prononçant une extension de procédure collective sont nécessairement soumis aux dispositions de l'article 568 du Code de commerce.

En deuxième lieu, ils soutiennent que les textes spécifiques aux procédures collectives sont dérogatoires au droit commun.

Ils font observer que l'article 568 du Code de commerce ne fait pas de distinction entre l'opposition d'un tiers et celle des parties au jugement.

Ils en déduisent que le Crédit National devait exercer son opposition dans les délais et formes prévus par l'article 568 du Code de commerce.

En troisième lieu, et subsidiairement, ils affirment que le Crédit National ne justifierait d'aucun intérêt à agir, les sûretés qu'il détient n'étant pas affectées par le jugement du 8 juillet 1993.

Ils demandent en conséquence à la Cour :

- de confirmer la décision dont appel ;

- de débouter la société appelante de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- de la condamner aux dépens ;

Ceci étant exposé, la Cour,

Considérant, que le jugement du 8 juillet 1993 qui a étendu aux sociétés AIDA et GIF les effets de la liquidation des biens de la société Le Prêt, s'inscrit par sa nature même dans le cadre d'une procédure collective de règlement du passif régie par le livre III du Code de commerce ;

Considérant, que l'opposition contre les jugements rendus en matière de procédure collective est une voie de recours autonome qui s'impose aux tiers et exclut la possibilité de former tierce opposition selon les règles du droit commun, incompatibles avec la nécessaire rapidité exigée en la matière ;

Considérant, que l'article 568 du Code de commerce dispose que l'opposition est formée, dans les quinze jours du prononcé de la décision, par déclaration au Greffe Général ; que toutefois, pour les décisions soumises aux formalités de publicité prévues à l'article 415 du Code de commerce, le délai ne court que du jour de la formalité accomplie en dernier lieu ;

Considérant, que les premiers juges, après avoir relevé exactement les dates d'accomplissement des formalités légales, ont à juste titre constaté qu'en formant tierce opposition le 26 octobre 1993, la société Crédit National n'avait respecté ni le délai ni la forme prévus par l'article 568 du Code de commerce ;

Qu'il y a lieu en conséquence, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens des parties, de confirmer leur décision ;

Audience du 10 février 1994

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

Par jugement en date du 8 juillet 1993, le Tribunal, après avoir constaté le caractère fictif des sociétés à forme civile dénommées « GIF » et « AIDA », a étendu auxdites sociétés les effets de la liquidation des biens de la société Le Prêt ;

Par exploit en date du 26 octobre 1993, la société anonyme de droit français dénommée Crédit National, a fait assigner les sociétés civiles particulières dénommées GIF et AIDA, prises en la personne de leur administrateur provisoire C. B., ainsi qu'A. G., en sa qualité de syndic de la liquidation des biens de la société anonyme monégasque dénommée Le Prêt, aux fins d'obtenir la suspension de l'exécution du jugement susvisé en date du 8 juillet 1993, jusqu'à ce qu'il soit statué sur une tierce opposition par ailleurs formée par la demanderesse contre cette même décision ;

Par exploit en date du 26 octobre 1993, la société Crédit National a, en effet, formé tierce opposition et fait assigner les parties défenderesses précitées, aux fins de voir déclarer sa tierce opposition recevable en la forme et obtenir la rétractation du jugement du 8 juillet 1993 en ce qu'il a déclaré la société AIDA fictive, alors que la demanderesse soutient que la société AIDA se trouve pourvue d'une existence et d'un patrimoine propres, dès lors qu'elle a été amenée à lui consentir deux prêts dont l'objet était le financement de l'aménagement des biens immobiliers, propriété de la société AIDA ;

La société Crédit National soutient, en outre, être titulaire de droits personnels et réels à l'encontre de la société AIDA, et que la liquidation de cette société, de par sa nature, serait susceptible d'avoir des conséquences irrémédiables, comme l'entraînant à se trouver en concurrence avec les créanciers de la société Le Prêt et ceux de G. H. ;

Les sociétés AIDA et GIF, ainsi qu'A. G., concluent à l'irrecevabilité de la demande introduite par la société Crédit National et à son rejet quant au fond aux motifs, d'une part, que ni l'existence, ni la consistance des sûretés détenues par la société Crédit National ne seraient remises en cause par le jugement susvisé du 8 juillet 1993 et que, d'autre part, la demanderesse n'articule ni aucun moyen, ni aucun fait justifiant de l'absence de fictivité retenue par le Tribunal contre les sociétés GIF et AIDA ;

l'audience du 26 janvier 1994, les débats n'ont porté que sur la recevabilité de la tierce opposition et sur la demande de suspension de l'exécution du jugement du 8 juillet 1993 ;

Sur ce,

En la forme,

Attendu que, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il convient d'ordonner la jonction des instances n° 218 et 219 du rôle de 1993/1994 à l'effet, ainsi que les parties en ont convenu, qu'il soit immédiatement statué sur la recevabilité de la tierce opposition formée par la société Crédit National ;

Sur la recevabilité de la tierce opposition

Attendu qu'aux termes de l'article 568 du Code de commerce - devant recevoir application en l'espèce s'agissant d'une voie de recours exercée à l'encontre d'un jugement rendu dans une procédure collective de règlement du passif régie par le livre III du même Code -, l'opposition est formée, dans les quinze jours du prononcé de la décision, par déclaration au Greffe Général contenant élection de domicile dans la Principauté ; que, toutefois, pour les décisions soumises aux formalités de publicité prévues à l'article 415 du Code de commerce, le délai ne court que du jour de la formalité accomplie en dernier lieu ;

Attendu qu'il se déduit de ces dispositions que la possibilité de former tierce opposition suivant les règles du droit commun est exclue à l'encontre des jugements rendus en matière de cessation de paiements, de règlement judiciaire ou de liquidation des biens, seule l'opposition dans les formes et délais fixés par l'article 568 du Code de commerce susvisé étant en ce cas ouverte aux tiers, quels que soient les motifs que ceux-ci entendent faire valoir à l'appui de leur recours ;

Attendu, qu'en l'occurrence, le jugement rendu par le Tribunal le 8 juillet 1993 est soumis à la publicité prévue par l'article 415 du Code de commerce, lequel dispose que le Greffier en chef doit, sans délai, d'une part, adresser un extrait du jugement aux fins de mention au fonctionnaire chargé du Répertoire du Commerce et de l'Industrie ou s'il y a lieu, du Répertoire des Sociétés Civiles, et, d'autre part, faire publier un extrait du jugement au Journal de Monaco ;

Attendu, qu'en l'espèce, le Greffier en chef a, le 8 juillet 1993, adressé un extrait du jugement précité afin que les mesures de publicité prévues à l'article 415 du Code de commerce soient réalisées ;

Attendu que la publication au Journal de Monaco a eu lieu le 16 juillet 1993 et que, par lettre du 16 juillet 1993, le fonctionnaire chargé du Répertoire du Commerce et de l'Industrie a déclaré avoir effectué la mention prévue à l'article 415 du Code de commerce ;

Attendu que, par conséquent, la société Crédit National, disposait d'un délai de 15 jours à compter du 17 juillet 1993 pour former tierce opposition par déclaration au Greffe Général ;

Attendu qu'il s'ensuit que, la société Crédit National, en formant tierce opposition par exploit en date du 26 octobre 1993, n'a respecté ni le délai ni la forme prévus par l'article 568 du Code de commerce ;

Que, dans ces conditions, il échet de déclarer la tierce opposition de la société Crédit National, irrecevable ; qu'il n'y a dès lors pas lieu de statuer quant au surplus des demandes des parties devenu sans objet ;

Et attendu que la partie qui succombe doit être condamnée aux dépens ;

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Ordonne la jonction des instances n° 218 et 219 du rôle de 1993/1994 ;

Déclare irrecevable la tierce opposition formée par la société anonyme de droit français dénommée Crédit National à l'encontre du jugement susvisé en date du 8 juillet 1993 ;

Dit n'y avoir lieu de statuer quant au surplus des demandes des parties ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS, et ceux des premiers juges que la Cour adopte,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du 10 février 1994 ;

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions ;

Composition

MM. Sacotte prem. prés. ; Carrasco proc. gén. ;

Mes Sbarrato, Lorenzi, av.-déf., Licari av., Manceau av. bar. de Paris.

Note

Cet arrêt confirme en toutes ses dispositions un jugement du 10 février 1994, publié après le présent arrêt.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26340
Date de la décision : 31/01/1995

Analyses

Sociétés - Général


Parties
Demandeurs : Société Crédit National
Défendeurs : SCI Aida, SCI gestion immobilière Fontvieille, G. es-qualité de syndic.

Références :

C. com., art 568
article 415 du Code de commerce
Code de commerce


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1995-01-31;26340 ?

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