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13/12/1994 | MONACO | N°26333

Monaco | Cour d'appel, 13 décembre 1994, F. c/ dame D. et hoirie F.


Abstract

Vente

Promesse de Vente - Condition suspensive obligeant le promettant - Réitération par acte authentique, avant une date déterminée - Caducité de la promesse : Non-accomplissement de la condition de la réitération

Résumé

Une promesse de vente consentie sous seing privé, devant être réitérée par acte authentique au plus tard à une date déterminée, sous condition suspensive que le promettant, se disant exécuteur testamentaire et agissant tant en son nom personnel qu'au nom et se portant fort de A et B, justifie que les fidéicommissaires et

légataires institués aient tout pouvoir pour procéder à la vente par acte authentique, es...

Abstract

Vente

Promesse de Vente - Condition suspensive obligeant le promettant - Réitération par acte authentique, avant une date déterminée - Caducité de la promesse : Non-accomplissement de la condition de la réitération

Résumé

Une promesse de vente consentie sous seing privé, devant être réitérée par acte authentique au plus tard à une date déterminée, sous condition suspensive que le promettant, se disant exécuteur testamentaire et agissant tant en son nom personnel qu'au nom et se portant fort de A et B, justifie que les fidéicommissaires et légataires institués aient tout pouvoir pour procéder à la vente par acte authentique, est devenue caduque, dès lors que la condition suspensive n'a pas été réalisée et que la réitération n'est pas intervenue dans le délai impérativement fixé.

L'acte de prorogation aux fins de réitération intervenu après le délai, alors que les parties avaient déjà engagé des procédures les opposant, ne pouvait, en aucune manière faire revivre des droits au demeurant conditionnels, et caducs.

Motifs

La Cour,

La Cour statue sur l'appel du Jugement rendu le 30 avril 1992 par le Tribunal de Première Instance de Monaco dans le litige opposant G. F., W. D., J. F., épouse D., L. F., épouse K., I. F. et A. F. (Jugement n° 3460).

Les faits, la procédure, les moyens et les prétentions des parties peuvent être relatés comme suit, étant fait référence pour le surplus à la décision déférée et aux écritures échangées en appel :

Par acte sous seing privé du 16 décembre 1986, intitulé « compromis de vente et d'achat », W. D., se disant, sur le fondement d'un testament du 5 juillet 1977, exécutrice testamentaire avec saisine et fidéicommissaire de feue G. B., veuve H., et déclarant agir tant en son nom personnel qu'au nom et se portant fort de J. F., épouse D., et de L. F., épouse K., promettait de vendre à G. F., qui acceptait, un appartement situé à Monaco.

Sous la rubrique « propriété-jouissance » cet acte disposait : « L'acquéreur aura la propriété et la jouissance de l'immeuble présentement promis, dès la réitération des présentes par acte authentique, qui interviendra de la manière ci-après indiquée, au plus tard dans les quinze jours de la réalisation de la condition suspensive ci-après relatée et au plus tard le 15 mars 1987 ».

Sous la rubrique « condition suspensive » figure la clause suivante : « Il est expressément convenu que la réalisation du présent compromis est soumise à la condition suspensive de l'accomplissement de toutes les formalités actuellement en cours relatives à la succession de Madame H. et notamment de la justification que les fidéicommissaires et légataires institués ont tous pouvoirs pour procéder à la vente par acte authentique. »

Sous la rubrique « réitération », il est également précisé : « les présentes seront réitérées par acte authentique du ministère de Maître Aureglia, notaire susnommé, dans les quinze jours de la réalisation de la condition suspensive ci-dessus visée et au plus tard le 15 mars 1987 ».

Par acte du 16 avril 1987, J. D., L. K., I. F. et A. F. ont fait assigner W. D. devant le Tribunal de Première Instance aux fins de voir déclarer nul le testament de G. H. du 5 juillet 1977 dont se prévalait W. D. Par arrêt confirmatif du 29 novembre 1994, la Cour, faisant droit à la demande des hoirs F., a prononcé la nullité dudit testament.

La promesse n'ayant pas été suivie d'une vente, deux instances ont été engagées :

Par acte du 14 mars 1988, G. F., soutenant que la contestation du testament par les hoirs F. avait eu pour effet de l'empêcher de réaliser l'opération prévue, a fait assigner ceux-ci devant le Tribunal de Première Instance en paiement de dommages-intérêts.

Par acte du 3 février 1989, W. D., quant à elle, a fait assigner devant le même Tribunal G. F. et les hoirs F. aux fins d'être relevée et garantie par l'hoirie F. de toute condamnation pouvant intervenir à son encontre à la requête de G. F. et d'obtenir le paiement par les hoirs F. d'une somme de 187 500 francs par année de retard à la réalisation de la vente prévue.

Par la décision déférée, le Tribunal a :

* joint les deux instances,

* débouté G. F. de ses demandes formées tant à l'encontre des hoirs F. que de W. D.,

* l'a condamné à payer, à titre de dommages-intérêts les sommes de 5 000 francs aux hoirs F. et de 5 000 francs à W. D.,

* déclaré W. D. irrecevable en sa demande tendant à obtenir la garantie des hoirs F.,

* l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts formée contre ces défendeurs,

* débouté les hoirs F. de leur demande reconventionnelle formée à l'encontre de W. D.,

* partagé les dépens.

Par acte du 30 juillet 1992, G. F. a relevé appel de cette décision (appel n° 93-10).

W. D. en a interjeté appel par acte du 31 juillet 1992 (appel n° 93-15).

À l'appui de ses prétentions, G. F. indique, à titre préliminaire qu'il n'a pas renoncé à acquérir, dans les conditions prévues à la promesse du 16 décembre 1986, l'appartement visé par cette promesse.

Il expose ensuite, que le terme, initialement fixé au 15 mars 1987, avait été prorogé purement et simplement par la promettante, dans un acte sous seing privé du 22 février 1989, jusqu'au jour « où sera tranché de manière définitive le litige qui m'oppose à mes co-légataires ».

Il rappelle en outre que, même si les hoirs F. persistaient à s'opposer à la vente, il n'en demeurait pas moins que W. D. s'était portée fort pour J. D. et L. K. Il soutient que, de ce fait, elle resterait tenue à son égard au paiement de dommages-intérêts en application de l'article 975 du Code civil.

Il demande en conséquence à la Cour :

* de réformer le jugement entrepris,

* de déclarer son action recevable,

* de lui donner acte de son intention de poursuivre l'acquisition du bien dans les conditions prévues à la promesse,

* au cas où les hoirs F. n'accepteraient pas de remplir l'engagement conclu sous clause de porte fort par W. D., de condamner celle-ci à lui rembourser la somme de 100 000 francs avec ses intérêts légaux à compter de l'assignation du 14 mars 1988,

* de la condamner en outre au paiement de 500 000 francs à titre de dommages-intérêts et de 50 000 francs pour frais irrépétibles.

W. D., pour sa part, rappelle en premier lieu qu'en passant, le 16 décembre 1986, la promesse de vente litigieuse, elle pensait agir dans le cadre des fonctions d'exécuteur testamentaire qui, selon elle, lui étaient confiées par le testament de G. H. du 5 juillet 1977. Sur ce point, elle persiste à soutenir la validité de ce testament.

En deuxième lieu, elle fait valoir qu'en tout état de cause, la promesse de vente était devenue caduque depuis le 16 mars 1987 conformément aux prévisions contractuelles.

En troisième lieu, elle affirme que l'acte sous seing privé du 22 février 1989, qu'elle dit avoir signé de bonne foi, prorogeant le délai initial, ne pourrait, en toute hypothèse avoir aucune portée puisque les hoirs F. n'ont jamais signé le compromis de 1986.

En quatrième lieu, elle expose que la non-réalisation de la vente dans les délais prévus résulte uniquement du comportement des hoirs F. et des procédures intentées par eux. Elle en déduit qu'en cas de condamnation, ils devraient la relever et garantir.

Elle demande en définitive à la Cour :

* de joindre les deux procédures,

* de confirmer le jugement entrepris,

* de débouter G. F. de l'ensemble de ses demandes,

* le cas échéant, de condamner les hoirs F. à lui payer la somme de 187 500 francs par année de retard à la réalisation de la vente,

* subsidiairement, de condamner les hoirs F. à la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée contre elle au profit de G. F.,

* de condamner les hoirs F. et G. F. à lui payer la somme de 50 000 francs à titre de frais irrépétibles,

* de les condamner aux dépens.

Les hoirs F., enfin, soutiennent en premier lieu que W. D. n'avait aucune qualité pour vendre le bien dépendant de la succession de G. H., le testament du 5 juillet 1977 étant frappé de nullité. Ils précisent qu'à supposer même que W. D. soit considérée comme l'une des héritières, elle n'avait reçu aucun mandat pour compromettre au nom des autres héritiers. Ils font observer qu'elle se serait comportée avec témérité et mauvaise foi, dans la mesure où dès le 13 octobre 1986, une Ordonnance rendue sur requête par le Président du Tribunal de Première Instance l'avait déboutée de sa demande d'envoi en possession.

En deuxième lieu, ils rappellent les termes du compromis et font observer que la condition suspensive y figurant n'avait pas été remplie et ne pourrait jamais l'être. Ils observent également que la date limite du 15 mars 1987 n'avait pas été respectée. Ils soulignent sur ce point que l'acte du 22 février 1989 ne pouvait en aucune façon faire revivre des prétendus droits caducs depuis deux ans.

Ils demandent en conséquence à la Cour :

* de dire G. F. irrecevable en son action tendant à se voir judiciairement reconnaître quelque droit que ce soit sur l'immeuble litigieux,

* de le condamner à leur payer la somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts, outre ceux déjà alloués en première instance,

* de dire W. D. irrecevable et mal fondée en son appel en garantie,

* de la condamner à leur payer 50 000 francs à titre de dommages-intérêts,

* de condamner solidairement G. F. et W. D. à leur payer la somme de 50 000 francs à titre de frais irrépétibles,

* de les condamner aux dépens.

Ceci étant exposé, la Cour :

Considérant que les instances inscrites au rôle de la Cour sous les numéros 93-10 et 93-15 sont connexes et concernent les appels d'un même jugement ;

Qu'il y a lieu, dans l'intérêt d'une meilleure administration de la justice, d'en prononcer la jonction ;

Considérant que dans la promesse de vente du 16 décembre 1986, W. D. et G. F. étaient expressément convenus que leur accord ne deviendrait parfait que par la survenance d'une condition suspensive, rappelée ci-avant, et par une réitération qui devait intervenir au plus tard le 15 mars 1987 ;

Qu'il est constant que la condition suspensive n'a pas été réalisée et que la réitération n'est pas intervenue ;

Considérant que l'acte de prorogation du 22 février 1989, intervenu alors que les parties avaient déjà engagé les procédures qui les opposent, ne pouvait en aucune manière faire revivre des droits, au demeurant conditionnels, caducs depuis presque deux ans ;

Considérant que la caducité s'étend à l'ensemble des dispositions de l'acte du 16 décembre 1986, y compris la promesse de porte-fort qui y est contenue ;

Considérant que, de ce fait, G. F. ne peut se prévaloir d'aucun droit à obtenir la réalisation de la vente projetée, ni à obtenir l'allocation de dommages-intérêts ;

Considérant que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu le caractère fautif des actions entreprises par G. F. tant à l'encontre des hoirs F. que de W. D. ;

Que son appel est également abusif, dans la mesure où il ne pouvait se méprendre sur l'existence de ses droits ;

Qu'en contraignant les hoirs F. à se défendre devant la Cour, cet appel téméraire leur a occasionné un préjudice qui sera équitablement réparé par l'allocation d'une somme de 10 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

Qu'en revanche, aucune réparation ne saurait être accordée à W. D., elle-même appelante ;

Considérant que, par arrêt du 29 novembre 1994, la Cour a prononcé la nullité du testament de G. H. du 6 juillet 1977 ;

Qu'il résulte de cet arrêt que W. D. n'avait aucune qualité pour vendre l'appartement litigieux dépendant de la succession H. ;

Qu'elle ne saurait donc prétendre à l'allocation de dommages-intérêts pour compenser un prétendu retard apporté à la réalisation de la vente ;

Considérant qu'aucune condamnation n'étant prononcée à l'encontre de W. D. au profit de G. F., sa demande en garantie formée contre les hoirs F. se trouve sans objet ;

Considérant qu'en faisant assigner les hoirs F. devant le Tribunal de Première Instance, puis en relevant appel de la décision rendue, W. D. a agi avec une témérité fautive ;

Qu'en effet, dès l'origine, en passant la promesse de vente du 16 décembre 1986, elle ne pouvait ignorer, au moins depuis l'ordonnance présidentielle du 13 octobre 1986, que les droits dont elle se prévalait faisaient, pour le moins, l'objet d'une contestation sérieuse ;

Que son comportement fautif à l'égard des hoirs F. a occasionné à ceux-ci, en les obligeant à assurer leur défense en justice, un préjudice qui sera équitablement réparé par l'allocation d'une somme globale de 15 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS, et ceux non contraires des premiers juges,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

Prononce la jonction des instances inscrites au rôle sous les numéros 93-10 et 93-15,

Confirme le jugement déféré du 30 avril 1992 sauf en ce qu'il a débouté les hoirs F. de leur demande de dommages-intérêts à l'encontre de W. D.,

Le réformant de ce chef et y ajoutant :

Déboute G. F. de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Le condamne à payer à titre de dommages-intérêts, la somme de 10 000 francs aux hoirs F.,

Déboute W. D. de toutes ses demandes, fins et conclusions,

La condamne à payer aux hoirs F., à titre de dommages-intérêts la somme globale de 15 000 francs,

Déboute les hoirs F. du surplus de leurs demandes,

Composition

MM. Sacotte prem. prés. ; Carrasco proc. gén. ;

Mes Blot, Leandri et Sbarrato av. déf. ; Schileo et Lambat av. bar. Nice.

Note

Cet arrêt confirme en particulier pour l'essentiel le jugement du 30 avril 1992.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26333
Date de la décision : 13/12/1994

Analyses

Contrat - Formation ; Contrat de vente


Parties
Demandeurs : F.
Défendeurs : dame D. et hoirie F.

Références :

article 975 du Code civil
30 avril 1992


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1994-12-13;26333 ?

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