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29/11/1994 | MONACO | N°26326

Monaco | Cour d'appel, 29 novembre 1994, Dame C. c/ la Banque pour l'Industrie Française.


Abstract

Saisie immobilière

Poursuite contre le mari (non) - Immeuble propre à la femme tenue à la dette (1) - Signification du procès-verbal de saisie (C. pr. civ., art. 580) - Domicile du débiteur (oui) : article 148 Code de procédure civile applicable (2)

Résumé

L'article 574 du Code de procédure civile ne prescrit la poursuite de la saisie des immeubles de la femme également contre le mari qu'en matière de régime de communauté entre époux, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, la saisie portant sur un bien propre de la femme mariée sous le régime

de la séparation de biens(1).

La signification de l'exploit de saisie faite au domicil...

Abstract

Saisie immobilière

Poursuite contre le mari (non) - Immeuble propre à la femme tenue à la dette (1) - Signification du procès-verbal de saisie (C. pr. civ., art. 580) - Domicile du débiteur (oui) : article 148 Code de procédure civile applicable (2)

Résumé

L'article 574 du Code de procédure civile ne prescrit la poursuite de la saisie des immeubles de la femme également contre le mari qu'en matière de régime de communauté entre époux, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, la saisie portant sur un bien propre de la femme mariée sous le régime de la séparation de biens(1).

La signification de l'exploit de saisie faite au domicile de la femme débitrice et non point à sa personne - a respecté les dispositions de droit commun sur la signification des exploits résultant de l'article 148 du Code de procédure civile, auxquelles l'article 580 dudit code ne déroge pas, le terme générique de débiteur étant employé par opposition à celui de créancier et non pas par assimilation à la notion procédurale de « personne » (2).

Motifs

La Cour

La Cour est saisie de l'appel relevé par N. C. épouse S. d'un jugement du tribunal de première instance en date du 13 octobre 1994 ayant statué en audience de règlement par application de l'article 601 du Code de procédure civile ;

Les faits, la procédure, les moyens et prétentions des parties peuvent être relatés comme suit, étant fait référence pour le surplus à la décision déférée et aux écritures échangées en appel ;

Par un acte notarié en date à Monaco du 15 mai 1992, N. S. a acquis un bien immobilier situé à Monaco, au prix de 6 200 000 francs pour le paiement duquel la Banque pour l'Industrie Française, intervenue à l'acte, lui a consenti un prêt de même montant pour une durée expirant le 15 mai 1993 sauf prorogation ;

En garantie de sa créance en principal, intérêts et accessoires, la banque a procédé à une inscription au Bureau des Hypothèques de Monaco le 22 mai 1992 vol. 877 n° 12 avec inscription d'office vol. 177 n° 110 ;

Par acte du 10 mars 1994, la banque a fait commandement à N. S. d'avoir à payer dans le mois, le capital prêté, les intérêts courus du 15 mai 1992 au 30 juin 1993 d'un montant de 972 929,41 francs outre les intérêts à compter du 1er juillet 1993, les intérêts des intérêts, les clauses pénales et indemnités forfaitaires contractuelles ainsi que le coût du commandement ;

Ce commandement étant demeuré sans effet, la banque a fait procéder le 7 juin à la saisie immobilière du bien hypothéqué, a signifié le 9 juin 1994 le procès-verbal de saisie au domicile de N. S. ainsi qu'à son domicile élu et a fait transcrire l'exploit de saisie au Bureau des Hypothèques de Monaco le 21 juin 1994 ;

Le 4 juillet 1994 la banque a déposé au Greffe général le cahier des charges et le 11 juillet 1994 elle a fait sommation à N. S. d'avoir à prendre communication dudit cahier des charges, de fournir ses dires et d'assister à l'audience de règlement du mardi 9 août 1994 au Palais de Justice de Monaco ;

Par un dire du 5 août 1994, N. S. a demandé l'annulation de la procédure de saisie immobilière par application de l'article 637 du Code de procédure civile pour violation des articles 574 al. 2 et 580 dudit code en soutenant que :

* s'agissant d'un bien propre de l'épouse, la saisie aurait dû être poursuivie également contre le mari,

* le procès-verbal de saisie n'a pas été signifié à personne,

* le pouvoir spécial de saisir ne mentionne pas la qualité du représentant légal de la banque,

* l'acte de prêt serait nul pour inobservation des dispositions d'ordre public de la loi du 13 juillet 1979 ;

* la banque ne peut se prévaloir d'un titre exécutoire en raison de son comportement fautif dans l'octroi du prêt et de la violation de son devoir de conseil ;

Par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté ce dire, a constaté que les formalités et délais prescrits par la loi avaient été respectés, a validé le dire déposé le 26 juillet 1994 par la banque tendant à obtenir l'annexion au cahier des charges du règlement de copropriété de l'immeuble, a fixé au mercredi 30 novembre 1994 à 11 heures la vente aux enchères publiques en un seul lot des parties d'immeuble saisies sur la mise à prix de 1 500 000 francs outre les clauses, charges et conditions fixées par le cahier des charges, a ordonné la publicité prévue par les articles 603 et 606 du Code de procédure civile ;

Pour statuer ainsi, les premiers juges ont estimé que :

* l'article 574 du Code de procédure civile ne prescrit la poursuite de la saisie des immeubles de la femme également contre le mari qu'en matière de régime de communauté entre époux, ce qui n'est pas le cas des époux S. ;

* la signification du procès-verbal a été régulièrement faite par application de l'article 148 du Code de procédure civile ;

* le pourvoi spécial de saisir a été revêtu de la signature du directeur général adjoint de la banque dont la qualité pour la représenter résulte de la délégation de pouvoir qui lui a été consentie au mois de décembre 1993 par son vice-président directeur général ;

* le prêt relevait de la loi monégasque ainsi que les parties l'avaient expressément déclaré dans l'acte notarié et le moyen tiré d'une faute prétendue de la banque sur l'opportunité d'accorder un prêt à N. S. est inopérant en face d'une créance liquide et exigible ;

Au soutien de son appel tendant à la réformation du jugement entrepris, N. S. fait valoir par réitération des moyens invoqués en première instance que :

* mariée sous le régime de la séparation de biens, son époux aurait dû être appelé à la saisie par application de l'article 574 du Code de procédure civile qui traite la saisie des immeubles non entrés en communauté ;

* le rapprochement des articles 578 al. 2 et 580 al. 1 du Code de procédure civile justifie la signification à la personne du débiteur de l'exploit de saisie, acte plus grave que le commandement ;

* le pouvoir spécial de saisir établi au nom de la banque ne comporte pas la mention du nom ni de la qualité du signataire, les indications fournies a posteriori par la banque ne couvrant pas la nullité du pouvoir ;

* la loi française d'ordre public du 13 juillet 1979 a été écartée à l'instigation de la banque qui a ainsi trompé N. S. sur la qualité en laquelle elle agissait ;

* la banque a failli à son devoir de conseil en ne décourageant pas l'emprunteuse compte tenu tant de l'endettement de cette dernière que la banque pouvait facilement connaître que de la crise du marché de l'immobilier qui rendait aléatoire l'espérance d'une revente rapide du bien ce que la banque aurait dû prévoir ; cette faute qu'il appartiendra aux juges du fond d'évaluer dans un compte à faire entre les parties justifie la nullité de la saisie, car la contestation ainsi élevée sur la validité du contrat de prêt ôte à ce contrat son caractère exécutoire ;

En réponse, la banque qui rappelle que la Cour doit statuer d'urgence par application de l'article 655 ter du Code de procédure civile fait valoir que :

* l'article 574 du Code de procédure civile ne vise que les époux mariés sous le régime de la communauté ;

* l'obligation de signifier le procès-verbal de saisie à la personne du débiteur n'est pas imposée par l'article 580 dudit code et cette obligation conduirait à paralyser la procédure en cas d'absences volontairement répétées du débiteur ;

* le pouvoir spécial de saisir est régulier ;

* l'acte du 15 mai 1992 précise que les parties ont entendu soumettre le prêt à la loi monégasque ;

* elle dispose d'une créance certaine liquide, exigible ;

Elle sollicite en conséquence la confirmation du jugement entrepris et demande à la cour si besoin était de fixer une autre date d'adjudication ;

En réplique N. S. qui relève que la cour est tenue au même titre que le tribunal de respecter les délais de l'article 601 du Code de procédure civile auquel renvoie l'article 654 du même code en sorte qu'une nouvelle date d'adjudication devrait être selon elle fixée réitère son argumentation sur trois points :

* elle rappelle une nouvelle fois que l'article 580 du Code de procédure civile prescrit la signification de l'exploit de saisie au débiteur et non à son domicile et que la sanction en est la nullité ;

* la référence à l'application de la loi monégasque au détriment de la loi française constitue une clause ambiguë qui doit s'interpréter en faveur du profane ; la banque ne rapportant pas la preuve de la qualité de marchand de biens attribuée à l'emprunteuse, la loi française doit s'appliquer et la saisie doit être annulée ;

* l'acte du 15 mai 1992 ne constitue pas un titre exécutoire puisqu'elle a demandé l'annulation devant les juridictions françaises et qu'elle en conteste la validité dans la présente instance ;

Sur ce,

Considérant que l'article 655 ter du Code de procédure civile prescrit à la cour de statuer d'urgence ;

Considérant qu'en dépit de cette urgence, les droits de la défense ont été respectés puisque outre un acte d'appel longuement motivé, N. S. a fait déposer des conclusions en réplique et que son avocat a développé l'ensemble de ses moyens d'appel à l'audience des plaidoiries du 22 novembre 1994 ;

* Sur le premier moyen :

Considérant qu'il est constant que les époux S. sont mariés sous le régime de la séparation de biens ;

Considérant dès lors que l'article 574 du Code de procédure civile qui ne concerne que le régime de communauté est inapplicable en la cause et que ce moyen doit être rejeté ;

* Sur le deuxième moyen :

Considérant que la signification de l'exploit de saisie faite au domicile de N. S. a respecté les dispositions de droit commun sur la signification des exploits résultant de l'article 148 du Code de procédure civile auxquelles l'article 580 dudit code ne déroge pas, le terme générique de débiteur étant employé par opposition a celui de créancier et non par assimilation à la notion procédurale de « personne » ;

Considérant dès lors que ce moyen doit être rejeté ;

* Sur le troisième moyen :

Considérant que le pouvoir spécial de saisie visé par l'article 580 du Code de procédure civile a été donné par la banque, prêteur de deniers, poursuivante, et signé par H. S., son Directeur général adjoint qui avait qualité pour la représenter ainsi qu'il résulte de la délégation de pouvoir, versée aux débats qui lui avait été consentie au mois de décembre 1993 par G. C., Vice-Président-Directeur Général ;

Considérant que ce pouvoir est donc régulier et que le moyen doit être rejeté ;

* Sur le quatrième moyen :

Considérant qu'aux termes du contrat notarié du 15 mai 1992, les parties ont déclaré soumettre l'ouverture de crédit à la loi monégasque ;

Considérant que cette déclaration commune qui est l'expression de la libre volonté des parties n'est en rien contredite par la déclaration lui faisant suite sur l'inapplicabilité au prêt de la loi française du 13 juillet 1979, dont rien ne permet de prétendre qu'elle émanerait de la banque seule, N. S. n'établissant pas la tromperie qu'elle allègue ;

Considérant que ce moyen doit être rejeté ;

* Sur le cinquième moyen :

Considérant que la nullité invoquée par N. S. en France, en défense à une action en exequatur du contrat du 15 mai 1992 diligentée par la banque est sans portée dans le présent débat, les tribunaux de la Principauté étant seuls compétents pour connaître de la validité d'un contrat passé à Monaco sous l'empire de la loi monégasque et portant sur un immeuble situé à Monaco ;

Considérant sur la faute alléguée de la banque qui aurait manqué à son obligation de conseil, que N. S. qui ne peut contester avoir pris la qualité de marchand de bien ce qui lui confère une compétence certaine en la matière n'établit ni ne rapporte la preuve d'une telle faute, alors que le prêt consenti a correspondu à l'achat d'un appartement dont rien ne permet de présumer qu'il n'a pas la valeur qu'elle lui avait reconnue à la signature de l'acte ;

Considérant que ce moyen doit être rejeté ;

Considérant dès lors qu'il y a lieu de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris à l'exception toutefois de la date de l'audience d'adjudication qu'il échet de reporter au mercredi 18 janvier 1995 à 11 heures ;

Considérant que les dépens du présent arrêt seront employés en frais privilégiés de vente ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS, et ceux non contraires des premiers juges,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

Reçoit en la forme l'appel interjeté par N. S.,

L'en déboute au fond,

Confirme le jugement du tribunal de première instance en date du 13 octobre 1994 en toutes ses dispositions à l'exception de la date de l'audience d'adjudication,

Dit que cette date est reportée au mercredi 18 janvier 1995 à 11 heures,

Dit que les dépens du présent arrêt seront employés en frais privilégiés de vente et distraits au profit de Maître Escaut, avocat-défenseur, sur sa due affirmation ;

Composition

Mes Brugnetti et Escaut av. Déf. Raynaud av. bar. de Grasse.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26326
Date de la décision : 29/11/1994

Analyses

Droit des biens - Biens et patrimoine ; Droit de la famille - Mariage


Parties
Demandeurs : Dame C.
Défendeurs : la Banque pour l'Industrie Française.

Références :

article 148 du Code de procédure civile
articles 603 et 606 du Code de procédure civile
article 601 du Code de procédure civile
article 574 du Code de procédure civile
article 580 du Code de procédure civile
article 637 du Code de procédure civile
article 655 ter du Code de procédure civile
articles 578 al. 2 et 580 al. 1 du Code de procédure civile
loi du 13 juillet 1979
Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1994-11-29;26326 ?

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