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24/05/1994 | MONACO | N°26288

Monaco | Cour d'appel, 24 mai 1994, SCI Murinascia c/ T.


Abstract

Contrat

Preuve - Acte sous seing privé - Réserves émises sur écriture et signature : non-constitution d'un désaveu formel (C. civ., art. 1170) - Force probante entre les parties (C. civ., art. 1169)

Résumé

Étant constant qu'après avoir consenti une promesse de vente, par acte sous seing privé, par l'intermédiaire de son gérant une société civile immobilière s'est bornée à émettre des réserves sur l'écriture du reçu et la signature présumées émaner de son représentant, l'on doit considérer que ces réserves ne sauraient constituer l

e désaveu formel visé par l'article 1170 du Code civil qui exige une prise de position non équivoq...

Abstract

Contrat

Preuve - Acte sous seing privé - Réserves émises sur écriture et signature : non-constitution d'un désaveu formel (C. civ., art. 1170) - Force probante entre les parties (C. civ., art. 1169)

Résumé

Étant constant qu'après avoir consenti une promesse de vente, par acte sous seing privé, par l'intermédiaire de son gérant une société civile immobilière s'est bornée à émettre des réserves sur l'écriture du reçu et la signature présumées émaner de son représentant, l'on doit considérer que ces réserves ne sauraient constituer le désaveu formel visé par l'article 1170 du Code civil qui exige une prise de position non équivoque devant servir de fondement à une action en vérification d'écriture, laquelle n'est même pas évoquée, dès lors qu'aux termes de l'article 1169 du Code civil, cet acte légalement tenu pour reconnu a, entre ceux qui l'ont souscrit, la même foi que l'acte authentique au regard des mentions qu'il comporte notamment sur la justification du paiement du prix.

Motifs

La Cour,

Vu l'arrêt avant dire droit rendu par la même Cour le 15 février 1994 ayant renvoyé l'affaire à l'audience du 15 mars 1994 ;

Après reprise des conclusions par les avocats-défenseurs de la cause, en raison de la composition différente de la Cour ;

La Cour statue sur l'appel relevé par la SCI Murinascia d'un jugement du Tribunal de première instance en date du 25 juin 1992 ;

Référence étant faite pour un plus ample exposé des faits de la procédure, des moyens et prétentions des parties au jugement déféré et aux conclusions d'appel, il suffit de rappeler les éléments ci-après énoncés :

Par acte sous seing privé intitulé « Promesse de vente et d'achat », en date à Monaco du 28 mai 1984, enregistré, la SCI Murinascia représentée par son gérant R. M. a promis de vendre à F. T. qui a accepté, un appartement de deux pièces principales ainsi qu'une cave et un parking situés au 2e sous-sol moyennant le paiement de la somme de 1 950 000 F à la signature de la promesse, qui aux termes de l'acte, liait définitivement les parties ;

L'article 8 de cet acte prévoyait toutefois que l'acquéreur deviendrait propriétaire des locaux vendus à compter de l'acte notarié de vente dont la date n'était pas fixée ;

Au bas de la promesse figurent :

* le timbre humide de la Société Murinascia et la signature de son représentant ;

* la signature de l'acquéreur ;

* la mention manuscrite « les articles 3 et 5 sont supprimés » ;

* la mention manuscrite « reçu la somme de F.F. 1 950 000 » suivie d'une signature ressemblant à celle du représentant de la société ;

Sur la demande de la veuve de F. T. le tribunal, par le jugement dont appel, ordonnait à la Société Murinascia qu'elle passe l'acte authentique de vente dans les deux mois de la signification du jugement devant tel notaire du choix de l'acquéreur et sous astreinte provisoire de 5 000 F par jour de retard durant un délai de trois mois passé lequel il serait à nouveau fait droit, à défaut de quoi le jugement tiendrait lieu de vente aux conditions ordinaires et de droit en pareille matière ; le tribunal condamnait également la Société Murinascia au paiement de 30 000 F à titre de dommages-intérêts et ordonnait l'exécution provisoire du jugement ;

Il estimait pour statuer ainsi que cette promesse de vente à propos de laquelle la Société Murinascia bien que faisant état d'une écriture inconnue ne désavouait pas formellement la signature de son représentant, devait être légalement tenue pour reconnue et avait la même foi qu'un acte authentique ;

Il écartait l'argument de la Société Murinascia tendant à lier cette vente à celle d'un navire que T. aurait consentie à un tiers pour un prix largement inférieur à celui de la promesse en relevant que les mentions manuscrites invoquées par la Société Murinascia à l'appui de cette argumentation étaient dépourvues de valeur car elles n'apparaissaient que sur une photocopie de la promesse mais ne figuraient pas sur l'expédition produite aux débats ;

À l'appui de son appel en réformation et en défense à exécution provisoire - cette dernière demande ayant été jugée par la Cour par arrêt du 15 décembre 1992 - la Société Murinascia soutient que F. T. lui a restitué l'appartement avant l'initiation de la procédure reconnaissant par là même avoir été payé du navire « V. » et renonçant au bénéfice de la promesse ; l'appelante demande à la Cour de constater le paiement de ce navire par R. M. pour le compte de la société, la caducité de la promesse du 28 mai 1984, la nullité de la mention « reçu la somme de 1 950 000 F » et à titre subsidiaire, la mise en œuvre d'une expertise comptable ou autre propre à établir la réalité des engagements et règlements des parties ;

Développant ces arguments dans des conclusions ultérieures, la Société Murinascia soutient :

* qu'il est constant qu'une promesse de vente et d'achat a été souscrite entre les parties en 1984 ;

* que l'intimée sur qui pèse la charge de la preuve n'en produit qu'une photocopie, surchargée de mentions manuscrites émanant nécessairement de l'acquéreur ce qui rend suspecte leur existence sur cette photocopie, et se rapportant aux modalités de paiement du prix au moyen d'une alternative, soit par compensation de la vente, d'un bateau, soit par débit d'un compte étranger ;

* qu'il appartient à F. T. d'en produire l'original ;

* que la compensation avec la vente du bateau ne s'est pas réalisée puisque T. a été payé par R. M. du prix du bateau ;

* qu'elle n'a pas été payée du prix de l'appartement ;

* que si le nom du vendeur et sa signature figurent clairement sous le timbre humide de la SCI Murinascia, la seconde signature attribuée également au représentant de la société semble atrophiée et différente de la première ;

* que cette seconde signature était inutile pour quittancer la promesse puisque la signature du vendeur n'était pas contestée, ce qui laisserait supposer l'ajout du reçu ;

* que l'appartement, objet de la promesse, a été loué par la Société Murinascia à compter du 1er juin 1984 ;

* que l'intimée n'établit pas sa qualité pour agir ;

S'appuyant sur la promesse de vente dont un exemplaire a été remis à Maître Louis-Constant Crovetto, Notaire, et relevant les contradictions de la thèse invoquée par l'appelante sur le lien qui existerait entre cet acte et la vente d'un navire ayant appartenu à son époux, l'intimée sollicite la confirmation du jugement entrepris sauf du chef des dommages-intérêts qu'elle demande à la Cour de porter à la somme de 200 000 F, en raison de la résistance abusive de la SCI Murinascia et de réserver ses droits en ce qui concerne la privation de jouissance et de loyers par la faute de cette société ;

Par arrêt du 15 février 1994, la Cour a déclaré F. T. recevable à agir et avant de statuer au fond a ordonné la production aux débats :

* à la charge de F. T., de la photocopie surchargée de la promesse, versée aux débats en première instance mais non communiquée en cause d'appel alors que ce document y faisait à nouveau l'objet d'un débat,

* à la charge de la SCI Murinascia, du second exemplaire, en original de ladite promesse,

F. T. a produit le document réclamé en rappelant qu'elle n'en détenait pas l'original,

La Société Murinascia a versé aux débats une déclaration de son directeur administratif selon qui l'original de la promesse n'avait pas été retrouvé et que le seul acte détenu par la société était la photocopie déjà présentée aux débats ;

Sur ce :

Considérant qu'il est constant qu'une promesse sous seing privé de vente et d'achat a été passée le 28 mai 1984 entre la SCI Murinascia représentée par R. M. vendeur et F. T., acheteur, aux droits duquel se trouve sa veuve, F. T. ;

Considérant que cette promesse dressée sur un formulaire de la SCI Murinascia concrétise un accord liant définitivement les parties sur la chose - un appartement, une cave et un parking au 2e sous-sol dudit immeuble, - et sur le prix - 1 950 000 F payable à la signature de ladite promesse ;

Considérant que cet acte signé par le vendeur et l'acquéreur, comporte in fine, au-dessous de sa date, des mentions manuscrites visant d'une part la suppression des articles 3, sur l'indexation du prix et 5, sur l'obligation pour le vendeur d'achever l'immeuble puisque celui-ci envisagé dans son état futur d'achèvement dans le formulaire était habitable depuis le 14 décembre 1983 et d'autre part la mention de reçu du prix de 1 950 000 F suivie d'une signature semblable à celle que le représentant de la SCI Murinascia a apposé sous le timbre humide de la société ;

Considérant que cet acte dont la matérialité n'est pas contestée dans son principe par la SCI Murinascia est bien celui qui a été annexé par Maître Louis-Constant Crovetto, notaire, au procès-verbal de défaut de comparution que celui-ci a dressé le 25 février 1988 à la requête de F. T. ;

Considérant qu'une photocopie de cet acte a été produite à l'instance par F. T., identique dans son contenu à l'acte qu'elle avait remis à Maître Crovetto à l'exception d'une mention manuscrite y figurant en tête et ainsi libellée :

Prix payé soit : par compensation de la vente d'un bateau par débit d'un compte étranger en francs.

Considérant que s'appuyant sur cette photocopie dont elle estime qu'elle devrait être produite en original par F. T., la SCI Murinascia tire comme conséquence que la mention du reçu du prix, émanant selon elle d'une écriture inconnue et d'une signature étrangement différente de celle qu'elle reconnaît comme étant celle de son représentant et placée sous le cachet du vendeur, serait un ajout postérieur à la signature de la promesse puisque la mention manuscrite figurant en tête de la photocopie précitée - dont elle assimile l'écriture à celle de la mention du reçu et qu'elle attribue à la main de l'acquéreur - fait état d'une alternative pour le paiement du prix de l'appartement dont la première branche ne s'est pas réalisée puisque le bateau concerné a été payé à F. T. ; qu'elle estime dès lors que l'appartement aurait dû lui être payé au moyen d'un virement bancaire dont F. T. sur qui pèse la charge de la preuve ne rapporte pas l'existence et alors qu'elle-même établit par une déclaration de son chef comptable qu'aucune somme correspondant au prix de l'appartement n'est entrée dans sa comptabilité ;

Considérant cependant que la SCI Murinascia attribue à la mention inscrite sur la photocopie susvisée une portée qu'elle n'a pas, ce qui rend inutile la production de l'original que F. T. a par ailleurs déclaré ne pas détenir ;

Considérant en effet que cette mention d'une main à l'évidence différente de celle qui a porté la mention du reçu, n'a pu qu'être ajoutée postérieurement à la signature de la promesse car s'il en avait été autrement elle aurait nécessairement figuré dans l'acte remis à Maître Crovetto et aurait été signée par les parties ;

Considérant qu'en présence de l'acte du 28 mai 1984 annexé au procès-verbal de défaut de comparution, la SCI Murinascia s'est bornée à émettre des réserves sur l'écriture du reçu et sur la signature qui y fait suite ;

Considérant cependant que ces réserves ne sauraient constituer le désaveu formel visé par l'article 1170 du Code civil qui exige une prise de position non équivoque devant servir de fondement à une action en vérification d'écriture, laquelle n'est même pas évoquée ;

Considérant dès lors qu'aux termes de l'article 1169 du Code civil, cet acte légalement tenu pour reconnu a, entre ceux qui l'ont souscrit, la même foi que l'acte authentique au regard des mentions qu'il comporte notamment sur la justification du paiement du prix ;

Considérant que la circonstance que l'appartement ait été loué par la SCI Murinascia n'est pas de nature à modifier les conséquences de l'acte sous seing privé du 28 mai 1984, et qu'il n'y a pas lieu de rechercher les conditions matérielles du paiement dès l'instant que la société a reconnu dans l'acte que ce paiement était intervenu ;

Considérant qu'il y a donc lieu de confirmer la décision du tribunal ;

Sur l'appel incident,

Considérant que tant la résistance abusive de la SCI Murinascia que son appel téméraire revêtent un caractère abusif et dilatoire ayant occasionné un préjudice certain à F. T. et justifient le principe de son appel incident en paiement de dommages-intérêts ;

Considérant sur le montant, que la Cour a des éléments suffisants d'appréciation pour les évaluer à la somme de 40 000 F au paiement de laquelle il y a lieu de condamner la SCI Murinascia ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu de concéder à l'intimée le donné acte sollicité, un tel donné acte étant sans effet sur le droit de toute partie d'ester en justice ;

Considérant que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS, et ceux non contraires des premiers juges,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

Confirme le jugement du Tribunal de première instance du 25 juin 1992, sauf du chef des dommages-intérêts sollicités par F. T.,

Déboute la SCI Murinascia des fins de son appel,

Reçoit F. T. en son appel incident,

Condamne la SCI Murinascia à payer à cette dernière la somme de 40 000 F à titre de dommages-intérêts,

Composition

MM. Sacotte prem. prés. ; Carrasco, proc. gén. ; Mes Blot et Sbarrato, av. déf. ; Palmero, av.

Note

Cet arrêt confirme sur ce point le jugement rendu le 25 juin 1992 par le Tribunal de première instance.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26288
Date de la décision : 24/05/1994

Analyses

Contrat de vente ; Contrat - Preuve


Parties
Demandeurs : SCI Murinascia
Défendeurs : T.

Références :

C. civ., art. 1170
C. civ., art. 1169


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1994-05-24;26288 ?

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