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03/05/1994 | MONACO | N°26286

Monaco | Cour d'appel, 3 mai 1994, B. A. K. M. c/ Société d'Études et de Travaux (SMETRA), Compagnie « La Strasbourgeoise »


Abstract

Accident du travail

Juge des accidents du travail - Pouvoirs limités : Incompétence pour statuer sur les questions de fond - Nullité de l'ordonnance

Résumé

Si la loi n° 636 du 11 janvier 1958 sur les accidents du travail, donne au magistrat chargé des accidents du travail la possibilité de statuer par les ordonnances exécutoires par provision, sur les demandes concernant le paiement de l'indemnité journalière et des frais médicaux et autres prévus à l'article 10 du texte susdit, elle ne lui confère point le pouvoir de trancher une contestatio

n portant soit sur la nature de l'accident déclaré, soit sur son caractère de rechute ...

Abstract

Accident du travail

Juge des accidents du travail - Pouvoirs limités : Incompétence pour statuer sur les questions de fond - Nullité de l'ordonnance

Résumé

Si la loi n° 636 du 11 janvier 1958 sur les accidents du travail, donne au magistrat chargé des accidents du travail la possibilité de statuer par les ordonnances exécutoires par provision, sur les demandes concernant le paiement de l'indemnité journalière et des frais médicaux et autres prévus à l'article 10 du texte susdit, elle ne lui confère point le pouvoir de trancher une contestation portant soit sur la nature de l'accident déclaré, soit sur son caractère de rechute d'une lésion déjà constatée et réparée, ou sur son caractère d'accident nouveau, cette contestation étant de la compétence du Tribunal de première instance.

Motifs

La Cour,

La Cour statue sur l'appel relevé le 5 août 1993 par B. A. K. M. d'une ordonnance rendue le 7 juillet 1993 par le juge chargé des accidents du travail ;

Référence étant faite pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, à l'ordonnance déférée et aux conclusions échangées en appel, il suffit de rappeler les éléments ci-après exposés :

Victime d'un accident de travail le 16 juin 1992 alors qu'il était au service de la Société SMETRA dont l'assureur-loi est la Compagnie « La Strasbourgeoise », B. A. K. M., qui a fait l'objet d'une expertise judiciaire confiée au docteur Bus fixant à 0 % le taux d'IPP consécutif à cet accident a ressenti le 6 novembre 1992, alors qu'il avait repris son emploi à la SMETRA depuis le 2 octobre 1992, une vive douleur à la partie droite du dos, l'obligeant à quitter son travail pour consulter son médecin traitant à Menton, le Docteur B., lequel diagnostiqua une lombalgie droite s'accompagnant d'une sciatique ;

Saisi par la Société d'assurance « La Strasbourgeoise » qui avait reçu de la société SMETRA une déclaration de l'accident survenu le 6 novembre 1992 précisant qu'il s'agissait d'une rechute du précédent accident du travail du 16 juin 1992, le juge chargé des accidents du travail, sur le vu du rapport en date du 3 mai 1993, dressé par le docteur Pastorello judiciairement désigné comme expert à la demande de l'assureur-loi, décidait, par l'ordonnance critiquée, d'homologuer le rapport du docteur Pastorello, et de dire que la rechute du 6 novembre 1992 n'était pas imputable à l'accident du travail du 16 juin 1992 ;

Au soutien de son appel, B. A. K. M. fait valoir que le premier juge, en homologuant le rapport de l'expert Pastorello qui a conclu que la rechute du 6 novembre 1992 n'était pas imputable à l'accident du 16 juin 1992 et ne devait pas être prise en charge par l'assureur-loi, a rendu une ordonnance mal fondée en fait et en droit ;

Qu'en effet, selon l'appelant, d'une part, le docteur Pastorello, pour nier l'existence de tout lien de cause à effet entre l'accident du 16 juin 1992 et la rechute du 6 novembre 1992, ne s'appuie sur aucune constatation d'ordre médical, et, d'autre part, le magistrat chargé des accidents du travail a méconnu la présomption d'imputabilité édictée par l'article 2 de la loi n° 636, selon laquelle tout accident survenu par le fait du travail ou à l'occasion de celui-ci, ouvre le droit pour la victime de cet accident au bénéfice des diverses prestations prévues par cette loi ;

La victime en conséquence fait plaider que si l'arrêt de travail du 6 novembre 1992 ne constitue pas une rechute du précédent accident du travail du 16 juin 1992, il doit être considéré comme résultant d'un nouvel accident du travail avec toutes conséquences de droit ;

L'assureur-loi et l'employeur, la Société SMETRA soulèvent tout d'abord l'irrecevabilité de l'appel formé par K. M. au motif que l'ordonnance querellée n'ayant pas été prise en application de l'un des articles 18, 26 ou 27 de la loi n° 490 n'est pas susceptible d'appel selon les termes de l'article 22 de ladite loi ;

Qu'en effet, suivant les intimés, le juge des accidents du travail qui a statué dans un cas relevant des dispositions de l'article 21 bis de la loi n° 490, devait renvoyer l'affaire devant le Tribunal de première instance compte tenu de ce que le résultat de l'expertise donnait lieu à un litige sur l'imputabilité des faits survenus le 6 novembre 1992 ;

Les intimés, quant au fond, font observer que l'accident du travail du 16 juin 1992 dont a été victime l'appelant, a entraîné, selon le rapport médical de l'expert judiciaire Bus, une consolidation au 2 octobre 1992 sans IPP, et que la « rechute » du 6 novembre 1992, selon l'expert judiciaire Pastorello, ne devait en aucun cas être prise en charge par l'assureur-loi, eu égard à l'absence de la prescription d'un traitement médical, et ne pouvait donner lieu à aucune ITT en matière d'accident du travail, les constatations de l'expert Pastorello n'étant nullement contredites par les certificats médicaux produits par la victime ;

Ils demandent en conséquence à la Cour, de dire irrecevable l'appel formé par K. M., et, à titre subsidiaire, de confirmer l'ordonnance entreprise et de débouter l'appelant de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Par de nouvelles conclusions, B. A. K. M. soutient, pour écarter le moyen d'irrecevabilité de l'appel soulevé par les intimés, que le juge des accidents du travail a rendu l'ordonnance déférée en application de l'article 27 de la loi sur les accidents du travail, s'agissant d'une aggravation d'une lésion entraînant une nouvelle ITT pour la victime ;

Sur le fond, il reprend ses précédentes explications. En définitive, il sollicite de la Cour que celle-ci déclare recevable en la forme l'appel interjeté régulièrement le 5 août 1993, mette à néant l'Ordonnance attaquée, et, statuant à nouveau, dise, sauf à ordonner une nouvelle expertise, que l'accident survenu le 6 novembre 1992 constitue effectivement une rechute de l'accident de travail dont l'employé de la société SMETRA avait été originairement victime le 16 juin 1992, dise également que les conséquences entraînées par l'accident du 6 novembre 1992, qu'il s'agisse d'une rechute d'un premier accident de travail ou qu'il s'agisse d'un nouvel accident de travail totalement indépendant du précédent, devront être intégralement prises en charge par la compagnie d'assurance « la Strasbourgeoise », assureur-loi de la société SMETRA, et condamne les intimés in solidum entre eux aux entiers dépens d'appel ;

Ceci étant exposé, la Cour,

Sur la recevabilité de l'appel interjeté,

Considérant que l'ordonnance déférée devait répondre, à la suite de la demande d'expertise présentée par l'assureur-loi, au refus de prise en charge des indemnités journalières et des frais médicaux, pharmaceutiques et chirurgicaux dus à la victime B. A. K. M. en conséquence de son incapacité temporaire résultant de la déclaration de rechute d'accident du travail établie le 6 novembre 1992 par la Société SMETRA, employeur ;

Qu'il suit, au vu des pièces du dossier (certificats médicaux produits par la victime-existence d'une ITT), que l'ordonnance critiquée a été rendue, pour un montant non déterminé, en application de l'article 18-2° de la loi n° 636 sur les accidents du travail, et non pas de l'article 27 comme le soutient l'appelant, l'aggravation de la lésion n'étant pas établie ;

Considérant dès lors que selon les dispositions de l'article 22 de la loi n° 636 susvisée, l'ordonnance rendue le 7 juillet 1993 par le juge des accidents du travail est susceptible d'appel, et qu'en conséquence l'appel relevé le 5 août 1993 par en B. A. K. M. est recevable ;

Sur le bien fondé de l'ordonnance querellée,

Considérant en droit que si la loi n° 636 donne au magistrat chargé des accidents du travail la possibilité de statuer par des ordonnances exécutoires par provision sur les demandes concernant le paiement de l'indemnité journalière et des frais médicaux et autres prévus à l'article 10 du texte susdit, elle ne lui confère pas le pouvoir de trancher une contestation portant soit sur la nature de l'accident déclaré, soit sur son caractère de rechute d'une lésion déjà constatée et réparée, ou sur son caractère d'accident nouveau, cette contestation étant de la compétence du Tribunal de première instance ;

Considérant en l'espèce, que le juge chargé des accidents du travail en rendant l'ordonnance déférée, alors que les parties étaient en désaccord entre elles sur les conclusions du rapport de l'expert commis, a tranché, après avoir homologué ledit rapport d'expertise, sur la nature de l'épisode du 6 novembre 1992 en affirmant qu'il ne s'agissait pas d'une rechute du précédent accident du travail, alors que son intervention devait se limiter à statuer éventuellement sur le paiement des indemnités journalières et des divers frais médicaux et accessoires, et à renvoyer l'affaire par ordonnance devant le Tribunal en cas de persistance de l'assureur-loi dans son refus de prendre en charge les conséquences pécuniaires de l'arrêt de travail ;

Considérant que le premier juge a, par l'ordonnance dont est appel, méconnu les dispositions d'ordre public de la loi n° 636 sur les accidents du travail et a excédé ses attributions en tranchant une question sur le fond relevant de la connaissance du Tribunal de première instance ;

Considérant en conséquence que ladite ordonnance doit être déclarée nulle et de nul effet, et qu'il convient de renvoyer l'affaire en l'état devant le Tribunal de première instance par une assignation de la partie la plus diligente qui visera le présent arrêt ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

Déclare recevable l'appel relevé le 5 août 1993 par B. A. K. M. à l'encontre de l'ordonnance rendue le 7 juillet 1993 par le juge chargé des accidents du travail ;

Dit nulle et de nul effet ladite ordonnance ;

Ordonne le renvoi de l'affaire en l'état devant le Tribunal de première instance qui sera saisi conformément aux dispositions du paragraphe 3 de l'article 21 bis de la loi n° 636 ;

Composition

MM. Sacotte, prem. prés. ; Carrasco, proc. gén. ; Mes Clerissi et Leandri, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26286
Date de la décision : 03/05/1994

Analyses

Social - Général ; Sécurité au travail


Parties
Demandeurs : B. A. K. M.
Défendeurs : Société d'Études et de Travaux (SMETRA), Compagnie « La Strasbourgeoise »

Références :

loi n° 636 du 11 janvier 1958


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1994-05-03;26286 ?

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