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11/01/1994 | MONACO | N°26267

Monaco | Cour d'appel, 11 janvier 1994, SAM Bulk Trading International c/ B.


Abstract

Société commerciale

Société Anonyme - Dépenses de restaurant et de bar d'un dirigeant - Prise en charge par la Société (non) à défaut d'accord de celle-ci

Résumé

Les dépenses de restaurant et de bar engagées par le dirigeant d'une société, (administrateur et directeur général, non partie à l'instance, ne sauraient être mises à la charge de celle-ci, en raison de ses seules qualités, dès lors qu'il n'est point établi que ses repas aient été pris à l'occasion de son activité sociale, ni que la société ait consenti à supporter ces

frais, ni encore qu'un compte ait été ouvert chez le restaurateur au nom de ladite société.

Motifs
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Abstract

Société commerciale

Société Anonyme - Dépenses de restaurant et de bar d'un dirigeant - Prise en charge par la Société (non) à défaut d'accord de celle-ci

Résumé

Les dépenses de restaurant et de bar engagées par le dirigeant d'une société, (administrateur et directeur général, non partie à l'instance, ne sauraient être mises à la charge de celle-ci, en raison de ses seules qualités, dès lors qu'il n'est point établi que ses repas aient été pris à l'occasion de son activité sociale, ni que la société ait consenti à supporter ces frais, ni encore qu'un compte ait été ouvert chez le restaurateur au nom de ladite société.

Motifs

La Cour,

La Cour statue sur l'appel du jugement rendu le 18 mars 1993 par le Tribunal de Première Instance de Monaco dans le litige opposant M. B. à la SAM Bulk Trading International.

Les faits, la procédure, les moyens et les prétentions des parties peuvent être relatés comme suit, étant fait référence pour le surplus à la décision déférée et aux écritures échangées en appel :

Par actes des 10 avril, 22 octobre et 24 novembre 1992, M. B., exploitant un commerce de restauration à Monaco, a fait assigner la SAM Bulk Trading International devant le Tribunal de Première Instance en vue d'obtenir le paiement d'une somme de 66 688 F représentant des notes de bar et de restaurant impayées, de celle de 10 000 F à titre de dommages-intérêts, ainsi que la validation d'une saisie conservatoire, autorisée par ordonnance du 6 octobre 1992, pour la somme de 85 000 F ;

Par le jugement déféré, du 18 mars 1993, le Tribunal a :

* prononcé la jonction des deux instances ;

* condamné la SAM Bulk Trading International au paiement de 66 688 F avec intérêts légaux ;

* condamné ladite SAM au paiement de 5 000 F à titre de dommages-intérêts ;

* validé la saisie conservatoire et ordonné sa conversion en saisie exécution, avec toutes conséquences habituelles ;

* ordonné l'exécution provisoire du jugement, sans astreinte ;

* condamné la SAM Bulk Trading International aux dépens ;

Par deux actes du 17 mai 1993, la SAM Bulk Trading International a, d'une part, relevé appel de la décision intervenue sur le fond et, d'autre part, assigné M. B. en sursis à exécution provisoire.

À l'appui de ses appels, la SAM Bulk Trading International fait valoir en premier lieu que les factures dont M. B. réclame le paiement concernent des repas et des consommations pris par C. P., qui, s'il était effectivement administrateur et directeur général de la société, n'agissait pas en cette qualité et ne saurait l'engager à défaut de tout accord de sa part.

Elle affirme en particulier qu'aucun document n'établit qu'un compte aurait été ouvert au nom de la société et que la correspondance versée aux débats concerne le seul C. P.

Elle fait observer également que les fonctions de C. P., du fait de la nature des activités de la société, ne justifiaient nullement l'organisation de repas d'affaires en telle quantité.

En deuxième lieu, l'appelante relève que les factures produites, au nombre de 71 pour une période de deux mois environ, ne portent aucune signature ou acceptation du prétendu consommateur. Elle soutient en conséquence que ces documents ne sauraient à eux seuls établir la réalité d'une créance qui paraît invraisemblable.

Elle ajoute que les attestations produites sont imprécises.

En troisième lieu, sur l'exécution provisoire, la SAM Bulk Trading International déclare que cette mesure est de nature à lui causer un préjudice irréparable en la privant de tout moyen de fonctionnement.

Elle affirme en outre être parfaitement solvable, intégrée dans un groupe international.

Elle se propose de consigner les sommes litigieuses.

Elle demande en conséquence à la Cour :

* d'infirmer le jugement entrepris,

* d'annuler l'exécution provisoire,

* d'annuler la conversion de la saisie conservatoire en saisie exécution,

* de débouter M. B. de toutes ses demandes,

* de le condamner au paiement de 50 000 F pour procédure abusive,

* de le condamner au paiement de 50 000 F à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la saisie des biens de la société,

* de le condamner aux dépens ;

M. B., pour sa part, dans des conclusions datées du 15 juin 1993 et communes aux deux instances, prétend en premier lieu que l'exploit d'appel ne serait pas motivé et qu'il serait, de ce fait, nul et l'appel irrecevable ;

En deuxième lieu, il soutient que l'assignation tendant au sursis à l'exécution provisoire de la décision entreprise aurait dû, en application de l'article 14 de la loi du 21 mai 1901 modifiée, faire l'objet d'une autorisation préalable du Premier Président de la Cour d'Appel saisi par requête, et qu'à défaut de cette autorisation l'assignation devrait être rejetée.

En troisième lieu, et subsidiairement au fond, il rappelle que C. P. a consommé dans son établissement au compte de la société dont il était administrateur et directeur général et en déduit que la dette est une dette sociale. Il fait observer que C. P. aurait admis le caractère social de sa dette en réclamant des factures détaillées « pour ses commissaires aux comptes ».

En quatrième lieu, et enfin, il déclare que la société Bulk Trading International aurait subi de lourdes pertes et ne serait plus solvable, ce qui rendrait d'autant plus nécessaire l'exécution provisoire du jugement entrepris.

Il demande en conséquence à la Cour :

* de déclarer irrecevable l'appel interjeté et irrégulière la demande de sursis à exécution provisoire,

* de débouter l'appelante des fins de son appel,

* subsidiairement de confirmer le jugement entrepris,

* de condamner l'appelante aux dépens.

Ceci étant exposé, la Cour,

Considérant que les instances inscrites au rôle sous les numéros 93-126 et 93-127 sont connexes ;

Qu'il y a lieu, pour une bonne administration de la justice, d'en prononcer la jonction et de statuer sur le tout par un seul arrêt ;

Considérant que les exploits d'appel et assignation du 17 mai 1993 sont, l'un et l'autre, motivés, ainsi qu'il apparaît à leur seule lecture, et contiennent tous les éléments exigés par l'article 427 du Code de Procédure Civile ;

Que les allégations contraires de l'intimé sur ce point sont dénuées de tout fondement et apparaissent hautement fantaisistes ;

Considérant qu'en l'état de la législation en vigueur, aucune autorisation préalable n'est requise pour assigner en défense à l'exécution provisoire d'un jugement ;

Considérant que les notes de restaurant et de bar dont le paiement est réclamé à la SAM Bulk Trading International ne comportent aucune mention de ladite société mais la seule indication manuscrite « M. P. » ;

Considérant que les déclarations, au demeurant assez vagues, versées aux débats, et qui devront être enregistrées, ainsi que les autres pièces qui ne l'auraient déjà été, avec le présent arrêt, font état de la présence répétée et assidue de C. P. dans l'établissement et attestent du fait qu'il y avait un compte ouvert, sans aucune référence à la SAM Bulk Trading International ;

Considérant qu'à une demande de paiement adressée personnellement à C. P., celui-ci répondait le 1er février 1992, par une lettre manuscrite sur papier blanc, et non sur papier commercial, qu'il entendait apurer son compte ;

Que la mention selon laquelle il demandait des précisions « à la demande de ses commissaires aux comptes » ne peut avoir aucun effet déterminant dans la mesure où elle ne concerne pas les rapports entre créancier et débiteur et ne précise pas à quelles fins les commissaires aux comptes seraient saisis ;

Que ce n'est qu'ultérieurement, et pour la première fois le 3 février 1992, que M. B. présentait sa demande à la SAM Bulk Trading International ;

Considérant que le seul fait que C. P., qui n'est pas partie au procès, se trouve être, ou avoir été, administrateur et directeur général d'une société n'est pas suffisant pour que soient mises à la charge de cette société les dépenses de restaurant et de bar qui auraient été engagées par lui ;

Considérant dans ces conditions que la décision entreprise doit être infirmée ;

Considérant qu'en l'état de l'infirmation de la décision attaquée, les demandes relatives à l'exécution provisoire et à la saisie-exécution deviennent sans objet ;

Considérant que la SAM Bulk Trading International ne justifie d'aucun préjudice particulier ;

Que la procédure suivie à son encontre n'est pas manifestement abusive, malveillante ou dilatoire ;

Qu'il n'y a donc pas lieu à l'allocation de dommages-intérêts ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la principauté de Monaco,

Joint les instances inscrites au rôle sous les numéros 93-126 et 93-127 ;

Dit réguliers les actes d'appel et assignation du 17 mai 1993 ;

Dit recevable l'appel interjeté ;

Infirme le jugement du 18 mars 1993 en toutes ses dispositions excepté la jonction des instances ;

Déboute M. B. de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Déboute l'appelante de ses demandes de dommages-intérêts ;

Dit sans objet les demandes des parties relatives à l'exécution provisoire de la décision infirmée ;

Note

Cet arrêt infirme le jugement du 18 mars 1993 rendu par le Tribunal de première Instance.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26267
Date de la décision : 11/01/1994

Analyses

Sociétés - Général ; Dirigeant et associé ; Conditions de travail


Parties
Demandeurs : SAM Bulk Trading International
Défendeurs : B.

Références :

article 14 de la loi du 21 mai 1901
article 427 du Code de Procédure Civile
ordonnance du 6 octobre 1992


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1994-01-11;26267 ?

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