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12/10/1993 | MONACO | N°26259

Monaco | Cour d'appel, 12 octobre 1993, K. c/ Société Patricia


Abstract

Référés

Pouvoir du juge des référés : incompétence pour ordonner mainlevée d'une saisie-gagerie - Compétence pour ordonner déplacement matériel des meubles saisis-gagés

Saisie-galerie

Mainlevée : incompétence du juge des référés pour l'ordonner - Compétence du juge de paix du Tribunal de Première instance - Déplacement matériel des meubles saisis-gagés - Compétence du juge des référés pour l'ordonner

Résumé

Si la juridiction des référés a pour but d'apporter, par mesure provisoire et urgente, une solution à une

difficulté, sans préjuger le fond du litige et en réservant tous les droits des parties, elle ne saurait ordonner l...

Abstract

Référés

Pouvoir du juge des référés : incompétence pour ordonner mainlevée d'une saisie-gagerie - Compétence pour ordonner déplacement matériel des meubles saisis-gagés

Saisie-galerie

Mainlevée : incompétence du juge des référés pour l'ordonner - Compétence du juge de paix du Tribunal de Première instance - Déplacement matériel des meubles saisis-gagés - Compétence du juge des référés pour l'ordonner

Résumé

Si la juridiction des référés a pour but d'apporter, par mesure provisoire et urgente, une solution à une difficulté, sans préjuger le fond du litige et en réservant tous les droits des parties, elle ne saurait ordonner la mainlevée d'une saisie-gagerie laquelle relève de la compétence du juge de paix ou du Tribunal de première instance en application des articles 9 alinéa 5 et 21 alinéa 1 du Code de procédure civile.

L'existence d'une saisie-gagerie - laquelle s'oppose à la vente des meubles - n'interdit pas cependant que le juge des référés puisse en ordonner le déplacement matériel.

Motifs

La Cour,

La Cour statue sur l'appel d'une ordonnance de référé rendue le 23 novembre 1992 par le Président du Tribunal de Première instance de Monaco dans le litige opposant M. K. et la SAM Patricia.

Les faits, la procédure, les moyens et les prétentions des parties peuvent être relatés comme suit, étant fait référence pour le surplus à la décision déférée et aux écritures échangées en appel :

Depuis le 1er novembre 1984, M. K. est locataire de l'appartement de l'immeuble ..., ainsi que d'une cave, appartenant à la SAM Patricia. Cette location a fait l'objet de plusieurs baux successifs, le dernier, d'une durée de trois ans, en date du 1er septembre 1990. Le loyer annuel était en dernier lieu fixé à 370 000 F.

D'importants travaux ayant été entrepris dans l'immeuble, occasionnant des nuisances au locataire, celui-ci faisait part à la Société propriétaire de son intention de résilier conventionnellement le bail avant le terme fixé. Par lettre du 9 septembre 1992, la SAM Patricia faisait connaître à M. K. son accord, sous réserve du paiement préalable de la totalité des loyers et charges jusqu'au 31 octobre 1992, et de l'établissement d'un constat de l'état des lieux en vue de leur remise en état.

Le 1er septembre 1992, la société bailleresse faisait délivrer à M. K. commandement de payer l'arriéré de loyer couru du 1er août au 31 octobre 1992, rappelant le jeu de la clause résolutoire du bail.

Le 10 septembre 1992, la SAM Patricia délivrait commandement aux fins de saisie-gagerie, laquelle était régularisée le 16 septembre 1992.

Le 8 septembre 1992, M. K. informait la SAM Patricia de son intention de faire procéder au constat de sortie le 30 septembre 1992.

Le 14 septembre 1992, il faisait notifier par huissier l'offre de règlement de la somme qui lui était réclamée à titre d'arriéré de loyers et charges, et objet du commandement susvisé. Il demandait également à la Société propriétaire de lui délivrer, conformément à la clause n° 25 du bail, un bon pour accord à son déménagement. La Société Patricia refusait le chèque et la délivrance du bon de déménagement.

Le 15 septembre 1992, en réponse à une nouvelle sommation, la SAM Patricia répondait à M. K. qu'elle « ne pouvait accepter la prétention de Monsieur K. d'être autorisé à vider les lieux aussi longtemps que le contrôle de l'éventuelle remise en état des lieux, conformément aux clauses du bail, ne sera pas réglé ».

Le 30 septembre 1992, Maître Escaut-Marquet, huissier, dressait son constat de l'état des lieux en présence des époux K. et, représentant la SAM Patricia, de Monsieur V. P., de Mademoiselle M.-H. P. et de Mademoiselle C. L. Au cours des opérations de constat, à la suite d'un échange de propos peu amènes, les représentants de la SAM Patricia quittaient les lieux.

Le 12 octobre 1992, M. K., par acte de Maître Escaut-Marquet, huissier, dénonçait à la SAM Patricia le constat du 30 septembre, réitérait son offre de règlement de la somme de 108 840 F et lui faisait sommation de lui faire parvenir l'évaluation des travaux restant à sa charge et le bon pour accord à son déménagement.

Cet acte étant resté sans effet, M. K. faisait assigner la SAM Patricia devant le juge des référés en vue, essentiellement, en l'état du règlement de la somme de 108 840 F de voir ordonner sous astreinte la délivrance de l'autorisation de déplacer ses meubles.

Par une première ordonnance de référé, en date du 30 octobre 1992, le Juge des Référés a, avant dire droit :

* commis Maître Claire Notari, huissier, pour dresser un constat contradictoire de l'état des lieux loués ;

* ordonné la remise à l'huissier, qui en demeurera séquestre, d'un chèque de M. K. pour le montant des sommes réclamées ;

* ordonné à la Société Patricia de remettre à l'huissier avant le 16 novembre 1992, les devis correspondant aux travaux de remise en état qu'elle estimerait nécessaires au vu du constat ;

* dit irrecevable en l'état la demande de la Société Patricia tendant à la constatation de la résolution du bail ;

* renvoyé la cause et les parties à l'audience des référés du 16 novembre 1992 pour être statué ce qu'il appartiendra sur la demande de M. K.

Ensuite de cette ordonnance, Maître Claire Notari procédait contradictoirement au constat de l'état des lieux. M. K. remettait par ailleurs le chèque demandé.

De son côté, la SAM Patricia, déclarant que les entreprises mandatées par elle n'avaient pu accéder à l'appartement, faisait établir un devis estimatif des travaux de remise à neuf dudit appartement pour un montant de 300 000 F.

Les parties ayant ainsi satisfait aux dispositions de l'ordonnance du 30 octobre 1992, le Président du Tribunal de Première instance rendait, le 23 novembre 1992, une nouvelle ordonnance de référé, dont M. K. relevait appel le 7 décembre 1992.

Par cette ordonnance, le Magistrat des référés a :

Renvoyé les parties à se pourvoir au principal, s'il y a lieu et ainsi qu'elles aviseront ;

Mais, dès à présent, par mesure provisoire et urgent de référé, tous leurs droits demeurant quant au fond réservés,

Ordonné que Maître Claire Notari, huissier, remettra pour encaissement à la Société Patricia, le chèque de 108 840 F objet de notre ordonnance du 30 octobre 1992 ;

Donné en conséquence mainlevée de la mission de séquestre précédemment instituée du chef dudit chèque ;

Constaté que le devis prévu par l'ordonnance susvisée s'élève à la somme de 300 000 F ;

Sans préjudice de son droit de contester ultérieurement, s'il y a lieu, le montant de ce devis, autorisé M. K. à procéder à l'enlèvement immédiat du mobilier contenu dans l'appartement spécifié par l'assignation susvisée du 28 octobre 1992, ce, avant le 1er décembre 1992, mais sous la double condition :

* d'une part, qu'il consigne préalablement entre les mains de Maître Claire Notari, huissier, qui en demeurera séquestre jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné, la somme de 300 000 F, ce, au moyen d'un chèque de banque libellé au nom de l'huissier susnommé, lequel l'encaissera ès qualités pour placer les fonds correspondants auprès d'un établissement bancaire monégasque en dépôts à termes trimestriels, et aux cours moyens habituellement pratiqués sur la place ;

* d'autre part, que, dans le même temps, il remette au même huissier, pour être par celui-ci transmis à la Société Patricia, un deuxième chèque de banque libellé au nom de cette société, pour la somme de 33 500 F ;

Réservé les dépens ;

À l'appui de son appel M. K. fait valoir en premier lieu qu'en l'état du paiement par ses soins des sommes arriérées, objet du commandement aux fins de saisie-gagerie, le Juge des référés aurait dû ordonner la mainlevée de ladite saisie-gagerie.

En second lieu, il conteste le montant du devis estimatif de remise en état des lieux. Pour cela, il prétend que les entreprises ne se sont pas présentées au jour convenu avec l'huissier. Il conteste son obligation de remettre les lieux à l'état neuf, faisant observer qu'aucun constat n'a été fait à son entrée dans les lieux et soutenant qu'un abattement doit être fait pour vétusté en raison de la durée de son séjour. Il rappelle enfin que la Société bailleresse détient une caution de 92 500 F et aurait également perçu une somme de 100 000 F à titre de reprise.

Il demande en conséquence à la Cour :

* d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle n'a pas ordonné la mainlevée de la saisie-gagerie ;

* de l'infirmer également en ce qu'elle a subordonné l'enlèvement du mobilier au versement des sommes de 300 000 F et 33 500 F, sans tenir compte de sa contestation des frais de remise en état, ni du montant du cautionnement ;

* d'autoriser le déplacement de ses facultés mobilières se trouvant dans les lieux ;

* de condamner la SAM Patricia aux dépens.

La SAM Patricia, pour sa part, fait valoir en premier lieu que le juge des référés n'est pas compétent pour ordonner la mainlevée d'une saisie-gagerie, cette décision étant du ressort du Juge de Paix, jusqu'à la valeur de 30 000 F, ou du Tribunal de Première instance, au-delà de cette valeur.

En deuxième lieu, elle prétend que M. K. reste redevable d'une somme de 224 338,83 F à titre de loyers échus depuis le 1er novembre 1992, ainsi que de charges.

En troisième lieu, elle prétend que le bail liant les parties impose au locataire la remise en état de l'appartement et déclare que M. K. ne peut être autorisé à déménager tant qu'il n'aura pas accepté le devis qui lui est présenté.

En quatrième lieu, et enfin, elle déclare que le montant du cautionnement ne pourra être restitué, s'il y a lieu, qu'après la réalisation des travaux et l'établissement des comptes définitifs entre les parties.

La SAM Patricia demande en conséquence à la Cour :

* de confirmer l'ordonnance entreprise ;

* de condamner M. K. au paiement de 30 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et aux dépens.

Ceci étant exposé, la Cour :

Considérant que l'objet de la demande formée par M. K. dans son assignation en référé était uniquement de se voir autorisé à déplacer ses facultés mobilières se trouvant dans l'appartement litigieux et objet de la saisie-gagerie susvisée ;

Considérant que la procédure de référé a pour but d'apporter, par mesure provisoire et urgente, une solution à une difficulté, sans préjuger le fond du litige et en réservant tous les droits des parties ;

Considérant que la mainlevée de la saisie-gagerie, qui ne lui était d'ailleurs pas demandée, ne relève pas de la compétence du Magistrat des référés, mais de celle du Juge de Paix ou du Tribunal de Première instance en application des articles 9 alinéa 5 et 21 alinéa 1 du Code de procédure civile ;

Considérant que la saisie-gagerie n'interdit d'ailleurs pas le déplacement matériel des meubles saisis mais s'oppose seulement à leur vente ;

Considérant qu'il ne saurait donc être reproché au Magistrat des référés de ne pas avoir ordonné la mainlevée de la saisie-gagerie ;

Considérant que les contestations élevées par M. K. quant à l'étendue de son obligation de remise en état des lieux et au montant des devis établis constituent le fond du litige l'opposant à la SAM Patricia, et, comme telles, ne relèvent pas de la compétence du Magistrat des référés ;

Qu'il en est de même des comptes à établir entre les parties à l'issue de la procédure ;

Qu'en toute hypothèse, M. K. conserve le droit de faire valoir ses prétentions devant les juges du fond et d'obtenir d'eux, s'il y a lieu, l'indemnisation du préjudice qu'il aurait pu subir ;

Considérant en définitive que les mesures urgentes et provisoires ordonnées par la décision déférée sont de nature à répondre à la demande de M. K. tout en garantissant les droits des deux parties ;

Qu'elle doit donc être purement et simplement confirmée ;

Considérant que l'appel de M. K. n'est pas manifestement abusif ;

Qu'il n'y a pas lieu à l'allocation de dommages-intérêts de ce chef ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS, et ceux non contraires du premier juge,

La Cour d'appel de la principauté de Monaco,

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du 23 novembre 1992 ;

Composition

MM. Sacotte prem. prés. ; Serdet prem. subst. proc. gén. ; Mes Escaut et Karczag-Mencarelli av. déf.

Note

Cet arrêt confirme en toutes ses dispositions une ordonnance de référé du 23 novembre 1992

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26259
Date de la décision : 12/10/1993

Analyses

Procédure civile


Parties
Demandeurs : K.
Défendeurs : Société Patricia

Références :

articles 9 alinéa 5 et 21 alinéa 1 du Code de procédure civile
ordonnance du 30 octobre 1992


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1993-10-12;26259 ?

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