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05/10/1993 | MONACO | N°26248

Monaco | Cour d'appel, 5 octobre 1993, B. c/ B.


Abstract

Conflit de juridiction

Compétence internationale - Succession - Rapport à succession : compétence pour en connaître relativement au prix de vente d'un immeuble situé à l'étranger

Succession

Rapport à succession concernant le prix de vente d'un immeuble sis à l'étranger - Compétence de la juridiction monégasque lieu d'ouverture de la succession

Résumé

La juridiction monégasque est compétente pour connaître d'une demande de rapport à succession, relative à un immeuble situé en Suisse entièrement vendu de son vivant par le pÃ

¨re, dont la succession est ouverte à Monaco, à l'un de ses enfants.

À l'ouverture de la succession de c...

Abstract

Conflit de juridiction

Compétence internationale - Succession - Rapport à succession : compétence pour en connaître relativement au prix de vente d'un immeuble situé à l'étranger

Succession

Rapport à succession concernant le prix de vente d'un immeuble sis à l'étranger - Compétence de la juridiction monégasque lieu d'ouverture de la succession

Résumé

La juridiction monégasque est compétente pour connaître d'une demande de rapport à succession, relative à un immeuble situé en Suisse entièrement vendu de son vivant par le père, dont la succession est ouverte à Monaco, à l'un de ses enfants.

À l'ouverture de la succession de celui-ci le prix payé par son fils, contrepartie de cet immeuble, constitue une valeur mobilière de remplacement dépendant de la succession mobilière du de cujus, susceptible de faire l'objet d'une action devant la juridiction monégasque.

Motifs

La Cour

Le Tribunal avait cependant considéré au regard des documents de l'espèce que l'immeuble en litige n'avait pas été entièrement vendu ce qui interdisait le rapport à succession pour la partie immobilière non cédée.

La Cour d'appel a opéré une constatation distincte en considérant qu'une cession était intervenue, qui aurait porté sur l'entier immeuble.

La conclusion de compétence qui en a été tirée est conforme aux règles de conflits de juridiction appliquées en première instance.

La cour statue sur l'appel relevé par C. B. divorcée B. d'un jugement rendu le 2 juillet 1992 par le Tribunal de première instance de Monaco dans le litige l'opposant à son frère C. B.

Les faits, la procédure, les moyens et les prétentions des parties peuvent être relatés comme suit, étant fait référence pour le surplus à la décision déférée et aux écritures échangées en appel ;

V. B. est décédé à Monaco le 19 mars 1988 en l'état d'un testament olographe du 16 septembre 1986 au terme duquel il instituait pour légataire universel son fils C. ne laissant à sa fille C. que la réserve ;

Par acte du 22 juin 1990 C. B. a fait assigner C. B. aux fins de voir ce dernier rapporter à la succession de son père, un immeuble sis à Pontrésina en Suisse ou le produit de sa vente, le produit de la vente d'un second immeuble se trouvant à Trouville, des sommes d'argent indûment encaissées et un stock de bijoux appartenant aux parents des parties ;

Il était également demandé au Tribunal de constater que C. B. s'était rendu coupable d'un recel successoral sur des biens qui devaient être partagés et qu'il devait être condamné à payer la somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts ;

C. B. ayant soulevé l'exception d'incompétence de la juridiction monégasque pour connaître des prétentions de sa sœur en ce qui concerne les biens situés en Suisse, les premiers juges ne furent saisis, à la demande expresse des parties, que de cette exception d'incompétence ;

Par le jugement déféré le Tribunal :

- s'est déclaré compétent pour connaître de la succession mobilière ouverte en Principauté de Monaco de V. B. domicilié de son vivant à Monaco et qui y est décédé le 19 mars 1988 ;

- s'est déclaré en revanche incompétent pour connaître des demandes de rapport à succession relatives à l'immeuble de Pontrésina (Suisse) et au lot non encore vendu de l'immeuble de Trouville (France),

- a renvoyé les parties à plaider au fond ;

C. B. divorcée B. a relevé appel parte in qua de cette décision ;

l'appui de son appel elle fait valoir dans le dernier état de ses conclusions :

- En premier lieu sur l'irrecevabilité de son acte d'appel du 14 octobre 1992 soulevée par C. B., que ledit acte contient clairement la critique du jugement, le rappel des faits et les demandes de l'appelante et qu'en conséquence l'appel interjeté par elle est parfaitement régulier ;

- En deuxième lieu, après avoir rappelé les faits, que l'immeuble de Pontrésina ayant été vendu à C. B. en fraude de ses droits c'est la contre-valeur dudit immeuble qui doit être rapportée à la succession et comprise dans le débat au fond comme doit l'être également le produit de la vente de l'immeuble de Trouville ;

- Qu'ainsi doit être rapporté à la succession le produit de la vente de l'immeuble de Pontrésina tel que fixé par le protocole d'accord régularisé entre V. B. et ses enfants le 22 octobre 1987 s'agissant d'une action réelle mobilière dont peuvent connaître les juridictions monégasques ;

- En troisième lieu, qu'elle n'a jamais précisé dans ses écritures que l'immeuble de Trouville constituait une valeur de remplacement ;

- En quatrième lieu que le jugement dont appel étant muet sur sa demande concernant le recel successoral commis par C. B. elle demande qu'il lui soit donné acte de ses réserves sur ce point ;

- C. B. demande en conséquence à la Cour :

- de confirmer le jugement dont appel partiel en ce qu'il s'est déclaré compétent pour connaître de la succession mobilière de V. B., y ajoutant,

- de dire que la créance relative à l'immeuble de Pontrésina est une valeur mobilière qui doit faire partie du débat au fond devant les juridictions monégasques comme doivent également faire partie du débat au fond les créances relatives à l'immeuble de Trouville ;

- de donner acte de ses réserves quant au fait que le Tribunal ne s'est pas prononcé sur le recel successoral ;

V. B. pour sa part sollicite que soit déclaré irrecevable comme non suffisamment motivé l'acte d'appel et assignation du 14 octobre 1992 et que soit déboutée l'appelante de ses prétentions ;

Subsidiairement, en cas d'appel recevable, il demande qu'il lui soit donné acte de ce qu'il se réserve la faculté de conclure en réponse ;

C. B. fait valoir pour l'essentiel, reprenant l'argumentation développée devant le Tribunal, que les premiers juges ont à bon droit considéré que les biens immeubles situés à Pontrésina et Trouville ne sauraient être rapportés à la succession car d'une part le simple fait que son père lui ait vendu l'immeuble de Pontrésina ne transforme par ledit immeuble en créance mobilière, d'autre part l'immeuble de Trouville fait toujours partie de l'indivision immobilière et ne constitue pas un meuble soumis à la juridiction monégasque ;

Il soutient encore que l'acte d'appel est irrecevable comme étant totalement dépourvu de motivations, sans aucune argumentation de fond ou de forme, et ne comportant aucune critique sérieuse en droit du jugement ;

Sur ce,

I. - Sur l'irrecevabilité de l'appel,

Considérant que l'acte d'appel du 14 octobre 1992 comporte un rappel sommaire des faits et de la procédure ainsi que la critique des motifs retenus par les premiers juges pour asseoir leur décision d'incompétence en ce qui concerne la demande visant l'immeuble sis en Suisse à Pontrésina ; objet du présent appel parte in qua ;

Que les principaux moyens de l'appelante sont clairement exposés dans l'acte d'appel du 14 octobre 1992 et développés dans ses conclusions déposées le 9 mars 1993 auxquelles l'intimé n'a pas jugé bon de répliquer ;

Qu'il y a lieu en conséquence de débouter C. B. de son exception d'irrecevabilité ;

II. - Sur la compétence,

Considérant que seule l'exception d'incompétence soulevée par C. B. ayant été, d'accord parties, soumise aux premiers juges, à l'exception de tout débat au fond, il n'y a pas lieu de donner acte à C. B. de ses réserves sur le fait de recel successoral reproché à C. B. lequel sera éventuellement débattu ultérieurement au fond ;

Considérant que l'appel relevé parte in qua par C. B. ne vise que la disposition du jugement du 2 juillet 1992 par laquelle le Tribunal s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande de rapport à succession relative à l'immeuble sis à Pontrésina (Suisse),

Considérant qu'il résulte des éléments du dossier et notamment de l'attestation de vente émanant de V. B. du 8 septembre 1983 et des termes du protocole d'accord intervenu le 29 octobre 1987 entre les parties et leur père pour sortir de l'indivision résultant du décès de leur mère et épouse que le bien immobilier sis à Pontrésina a été entièrement vendu par V. B. de son vivant à son fils C. pour la somme de 434 000 F suisses ;

Considérant en conséquence qu'à l'ouverture de la succession de V. B. le prix de vente payé par C. B., contrepartie de cet immeuble, constitue une valeur mobilière de remplacement dépendant de la succession mobilière de V. B. susceptible de faire l'objet d'une action devant la juridiction monégasque ;

Considérant que c'est donc à tort que le Tribunal s'est déclaré incompétent et qu'il y a lieu de réformer pour partie le jugement entrepris et de déclarer compétente la juridiction monégasque pour connaître de ce chef de demande présentée par C. B. ;

Considérant que C. B. qui succombe doit être condamné aux dépens d'appel ;

Le Tribunal,

Attendu que, par assignation du 22 juin 1990, C. B. a fait citer C. B. afin de voir ce dernier rapporter à la succession de feu V. B., les biens suivants :

- un immeuble sis en Suisse, à Pontrésina, ou le produit de sa vente,

- le produit de la vente d'un second immeuble se trouvant à Trouville,

- des sommes d'argent indûment encaissées de 257 000 francs et 350 000 francs ;

- un stock de bijoux appartenant à ses parents ;

Que, par le même exploit, C. B. a soutenu que C. B., coupable de recel successoral sur des biens qui devaient être partagés, n'a plus aucun droit sur lesdits biens, et doit être condamné à lui payer 100 000 francs à titre de dommages-intérêts, tandis qu'un notaire doit être désigné à l'effet de procéder aux comptes, liquidation et partage de la succession de V. B. ;

Attendu que le défendeur ayant soulevé avant toute autre exception ou discussion au fond, l'exception dite de « caution judiciaire », le Tribunal de Première Instance suivant jugement avant-dire-droit du 4 juillet 1991 a constaté que les conditions édictées par l'article 259 du Code de Procédure civile n'étaient pas remplies, a débouté C. B. des fins de son exception, tout en le condamnant à payer à C. B., la somme de 10 000 francs à titre de dommages-intérêts, et en renvoyant la cause et les parties à l'audience du 17 octobre 1991 pour qu'il soit conclu par C. B. ;

Attendu que C. B. soulève, en premier lieu, l'exception tirée de l'incompétence de la juridiction monégasque pour connaître des prétentions de la demanderesse, en ce qui concerne les biens situés en Suisse ;

Que, se référant ensuite au droit suisse applicable au testament olographe du 16 septembre 1986, C. B. expose que sa sœur C. B. épouse B. se trouve prescrite en ses actions qui doivent dès lors être déclarées irrecevables ;

Qu'à titre subsidiaire, C. B. reprenant chacun des chefs de revendication formulés par sa sœur, invoque l'absence de justification produite et conclut au débouté de toutes les demandes ;

Qu'il sollicite par voie reconventionnelle, la condamnation de C. B. à lui payer la somme de 200 000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Attendu que la demanderesse, rappelant que son père est décédé en Principauté de Monaco, où la succession s'est dès lors ouverte, estime que les juridictions monégasques sont bien compétentes pour connaître de sa demande, alors que la loi monégasque lui apparaît avoir vocation à régir ladite succession, s'agissant d'une action de rapport à succession des biens mobiliers ou immobiliers qui auraient dû se trouver dans le patrimoine du « de cujus » et être partagés conformément au testament olographe de celui-ci ;

Que, s'agissant de ses demandes en revendication, C. B. estime inopérants les moyens avancés par son frère pour s'opposer au rapport des biens et réitère les termes de son exploit introductif d'instance ;

Sur ce,

Attendu que, les parties n'ayant soumis au Tribunal, en son audience du 14 mai 1992, que la seule question inhérente à la compétence, en lui demandant expressément de ne statuer que de ce seul chef, il y a lieu d'examiner le bien-fondé de l'exception soulevée par C. B. à cet égard ;

Attendu qu'il ressort des pièces produites, notamment, de l'acte de notoriété établi par Maître Louis-Constant Crovetto, que V. B., né le 13 janvier 1906 à Menton, est décédé le 19 mars 1988 à Monaco, en laissant pour héritiers C. B. et C. B. épouse B., ses deux enfants légitimes, issus de son union avec P. B., décédée le 6 août 1976 à Monaco ;

Attendu qu'il est par ailleurs constant et établi par les pièces versées à la procédure que feu V. B. demeurait de son vivant en Principauté de Monaco, où il occupait avec son épouse (décédée en 1976), un appartement ;

Attendu qu'il s'évince dès lors de l'application combinée des articles 83 du Code civil et 3-3° du Code de Procédure civile que la succession s'est ouverte en Principauté de Monaco, où le défunt a eu son dernier domicile, et que le Tribunal de céans est compétent pour connaître de l'action relative à cette succession, introduite par l'héritière du « de cujus », et ce, en ce qu'elle porte sur les biens mobiliers exclusivement (à savoir notamment les sommes d'argent et bijoux) faisant l'objet de la revendication formulée par C. B. ;

Attendu en revanche, que le Tribunal de Monaco ne pouvant, aux termes de l'article 3 alinéa 1er du Code de Procédure civile, connaître que des actions ayant pour objet des immeubles situés sur le territoire de la Principauté, il n'apparaît pas compétent pour statuer sur les demandes de rapport à succession inhérentes aux immeubles situés respectivement en Suisse (à Pontrésina) et en France (à Trouville), et ce, à l'exception toutefois du litige afférent à la rétention d'une partie du prix de vente de l'essentiel des lots de ce dernier immeuble, qui constitue en fait une valeur mobilière de remplacement, et caractérise une action réelle mobilière dont peuvent connaître les Juridictions monégasques ;

Attendu qu'il convient en effet de préciser, s'agissant du domaine d'application de cette règle de compétence, qu'elle ne saurait être limitée aux seules demandes de partage portant sur des immeubles situés à l'étranger, ainsi qu'il a été soutenu, mais s'étend, au contraire, à toute demande inhérente à une succession immobilière, comme en l'occurrence l'action en rapport de libéralité concernant un immeuble situé hors de la Principauté, le système de droit international privé monégasque constituant en effet de tels immeubles en une masse dévolue et liquidée séparément ;

Qu'à cet égard, le fondement de cette règle d'incompétence, dérivée du principe de morcellement des successions internationales, réside notamment dans l'application territoriale des lois relatives aux immeubles et interdit à la juridiction monégasque de connaître de la demande de rapport à succession de l'immeuble sis à Pontrésina, et qui aurait été vendu ou donné en avancement d'hoirie à C. B., comme de celle inhérente à un second immeuble situé à Trouville, du moins en ce qu'elle porterait sur le lot n° 1 (rez-de-chaussée et 1er étage) qui n'aurait pas été vendu du vivant du « de cujus » et constituerait toujours une valeur immobilière située à l'étranger ;

Et attendu que le Tribunal de Monaco étant compétent pour connaître du surplus des demandes afférentes à la succession de V. B., il y a lieu de réserver les dépens et de renvoyer les parties à l'audience du 22 octobre 1992, pour fixation d'une date de plaidoirie au fond ;PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement avant-dire-droit au fond,

Se déclare compétent pour connaître de la succession mobilière ouverte en Principauté de Monaco de V. B., domicilié de son vivant à Monaco, et qui y est décédé le 19 mars 1988 ;

Se déclare en revanche incompétent pour connaître des demandes de rapport à succession relatives à l'immeuble de Pontrésina (Suisse), et au lot non encore vendu de l'immeuble de Trouville (France) ;

Renvoie les parties à l'audience du jeudi 22 octobre 1992 pour fixation d'une date de plaidoirie au fond.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

La cour d'appel de la Principauté de Monaco,

Dit valable l'exploit d'appel du 14 octobre 1992,

Confirme le jugement du 2 juillet 1992 en ce qu'il s'est déclaré compétent pour connaître de la succession mobilière de V. B. ouverte en Principauté de Monaco ;

Le confirme également en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande de rapport à succession relative aux immeubles situés à l'étranger ;

Le réformant pour le surplus,

Dit que la demande de rapport à succession du prix de vente de l'immeuble sis à Pontrésina (Suisse) constitue un élément de la succession mobilière de V. B. et en tant que tel relève de la compétence de la juridiction monégasque ;

Renvoie la cause et les parties devant le Tribunal de Première Instance de Monaco pour être statué au fond ;

Déboute C. B. de ses demandes, fins et conclusions ;

Déboute C. B. de sa demande de donner acte ;

Composition

MM. Sacotte, prem. prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; Mes Blot et Brugnetti, av. déf.

Note

Le jugement du Tribunal du 2 juillet 1992 publié à la suite de ce jugement n'apparaît pas avoir été infirmé en son principe par l'arrêt susvisé de la Cour d'appel puisqu'il avait implicitement admis les rapports à succession de biens meubles situés à l'étranger.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26248
Date de la décision : 05/10/1993

Analyses

Droit des successions - Successions et libéralités ; Justice (organisation institutionnelle)


Parties
Demandeurs : B.
Défendeurs : B.

Références :

article 259 du Code de Procédure civile
2 juillet 1992
Code de Procédure civile
articles 83 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1993-10-05;26248 ?

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