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06/07/1993 | MONACO | N°26215

Monaco | Cour d'appel, 6 juillet 1993, Dame S.-C., Agence de Gestion et de Promotion Immobilière c/ Consorts L. et Société Vernal Establishment.


Abstract

Agent immobilier

Commission (non) : Preuve du mandat non rapportée - Indemnité pour diligences (non) : visites non déterminantes dans la conclusion de l'affaire

Résumé

Si le mandat-acquéreur dont se prévaut l'agent immobilier pour réclamer à l'acquéreur d'un appartement une commission n'a pas à être souscrit légalement par le mandant, il n'en demeure pas moins que ledit agent immobilier doit rapporter la preuve d'un tel acte juridique conformément à l'article 1188 du Code civil, la matière du litige étant, en l'espèce, civile et non commer

ciale.

Les visites de l'appartement organisées par l'agent immobilier et le courrier qui...

Abstract

Agent immobilier

Commission (non) : Preuve du mandat non rapportée - Indemnité pour diligences (non) : visites non déterminantes dans la conclusion de l'affaire

Résumé

Si le mandat-acquéreur dont se prévaut l'agent immobilier pour réclamer à l'acquéreur d'un appartement une commission n'a pas à être souscrit légalement par le mandant, il n'en demeure pas moins que ledit agent immobilier doit rapporter la preuve d'un tel acte juridique conformément à l'article 1188 du Code civil, la matière du litige étant, en l'espèce, civile et non commerciale.

Les visites de l'appartement organisées par l'agent immobilier et le courrier qui en fait état ne sauraient constituer un travail de recherches et de négociations déterminant et essentiel dans la conclusion de l'affaire, laquelle ne s'est réalisée qu'un an après les visites des lieux, susceptible d'ouvrir droit à une indemnisation au titre des peines et soins.

Motifs

La Cour,

La Cour statue sur l'appel relevé le 25 mars 1992 par P. S., épouse C. ayant exploité l'agence Ageprim qu'elle a cédée, et par la Société en nom collectif B. et Compagnie au nom commercial d'Ageprim, partie intervenante en cause d'appel comme se trouvant aux droits de la dame C., à l'encontre d'un jugement rendu le 21 novembre 1991 par le Tribunal de première instance de Monaco ;

Référence étant faite pour un plus ample exposé des faits de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il suffit de rappeler les éléments ci-après énoncés :

Saisi par P. S., épouse C., alors propriétaire exploitante de l'agence immobilière Ageprim, d'une demande tendant à obtenir la condamnation des époux H. L. et de la Société de droit liechtensteinois « Vernal Establishment » au paiement d'une commission acquéreur de 3 % calculée sur le prix de vente d'un appartement augmentée de la TVA, soit 889 500 francs, ainsi qu'à celui d'une somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, le tout assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a, par la décision déférée, condamné in solidum les époux L. et la Société Vernal Establishment à payer à P. S., propriétaire exploitant de l'agence Ageprim la somme de 60 000 francs au titre de ses peines et soins, outre celle de 40 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

Débouté P. S. du surplus de ses demandes ;

Condamné sous la même solidarité les époux L. et la Société Vernal Establishment aux dépens.

Pour statuer ainsi, les premiers juges ont estimé que l'agence Ageprim ne justifiait nullement de l'existence d'un mandat la liant aux acquéreurs de l'immeuble, bien que ces derniers figurant sur les fichiers de l'agence aient sciemment utilisé son concours en procédant à deux visites des lieux avec un représentant de ladite agence et qu'en conséquence elle était fondée à obtenir, non le paiement de la commission acquéreur, mais le remboursement de ses peines et soins, évalués à 60 000 francs, qui ont contribué à la réalisation de l'opération ;

Ils ont par ailleurs fait valoir pour accorder des dommages-intérêts que la demande de rémunération présentée par l'agence Ageprim était justifiée en son principe, et que les acquéreurs, en s'y opposant avaient commis un abus de droit qu'il convenait de réparer ;

Ils ont, en outre, considéré que les conditions légales pour prononcer l'exécution provisoire n'étaient pas remplies ;

À l'appui de leur appel P. S. épouse C., et la Société en nom collectif B. et Compagnie font grief à la décision attaquée d'avoir jugé que la dame C. ne pouvait avoir droit à la commission réclamée au motif qu'elle n'établissait nullement l'existence d'un mandat la liant aux acquéreurs faute de commencement de preuve émanant de ces derniers mais qu'elle pouvait seulement prétendre au dédommagement de ses peines et soins par application de l'article 12 du règlement intérieur de la Chambre des Agents Immobiliers, eu égard à la reconnaissance par les époux L. de l'intervention de l'agent immobilier pour deux visites des lieux ;

Elles soutiennent, conformément à l'attestation du Président de la Chambre Immobilière monégasque établie le 7 décembre 1992, en cours d'appel, qu'aucune loi, ni aucun usage n'oblige un agent immobilier à faire souscrire un mandat à l'acquéreur, qu'en conséquence un simple échange verbal de consentement suffit pour constituer le mandat entre l'acquéreur et l'agent immobilier, et que la preuve de ce mandat apparent est libre ;

Elles concluent :

Que la preuve de l'existence du mandat résulte à suffisance des deux visites que l'agent immobilier a fait effectuer aux époux L. qui ont, par la suite, acquis l'appartement à la vente, ainsi qu'il en est justifié par les lettres jointes ;

Que si l'acquéreur est la Société Vernal Establishment, l'administrateur de ladite société qui a visité les lieux et signé l'acte d'acquisition devant le notaire Maître Rey, est bien le sieur H. L. ;

Qu'en conséquence, les investigations de l'Agence Ageprim ont servi à la réalisation de la transaction, et ont nécessairement généré le droit au paiement de la commission de 3 % du prix, outre la TVA et non pas comme le tribunal l'a décidé à tort, à la simple rémunération des peines et soins ;

En définitive, les appelantes demandent à la Cour de donner acte à la Société en nom collectif B. et Compagnie de son intervention d'infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de condamner solidairement les époux H. L. et la Société Vernal Establishment à payer à la Société en nom collectif B. et Compagnie, la commission de 3 % due par l'acquéreur sur le prix de la vente indiqué à l'acte du 5 août 1988, ainsi qu'une somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ainsi qu'aux dépens ;

Les intimés font valoir que l'acquéreur de l'appartement vendu est la Société Vernal Establishment dont l'administrateur qui a conclu la transaction est effectivement H. L. ;

Que les représentants de la société venderesse (Jamera) et de la Société acquéreur se connaissaient fort bien et que des pourparlers ont eu lieu entre eux au sujet de cette transaction ;

Que l'agence Ageprim n'est jamais intervenue dans les opérations ayant précédé la signature de l'acte chez le notaire le 5 août 1988 ;

Que cette agence s'est présentée à Madame L. en qualité de mandataire de la Société Jamera pour lui faire visiter l'appartement les 27 et 31 juillet 1987 ;

Qu'H. L. a visité l'appartement à l'invitation du représentant de la Société venderesse (un sieur N.) par l'intermédiaire de l'intendant de l'immeuble qui détenait les clefs ;

Que l'acte de vente a été signé plus d'un an après les deux visites qu'a faites Madame L. ;

Ils estiment que l'agent immobilier ne disposait d'aucun mandat, même verbal tant à l'égard de la Société Vernal, acquéreur, que de son administrateur H. L. et que les premiers juges ont à juste titre débouté la dame S. de sa demande en paiement de commission ;

Ils soutiennent dans leurs conclusions que le tribunal a fait une analyse inexacte des deux visites de l'appartement faites par la dame L., comme étant l'utilisation consciente du concours de l'agent immobilier, et a, de ce fait, reconnu à tort à l'agence Ageprim un droit à remboursement de ses peines et soins qui n'est pas fondé ;

Ils forment enfin un appel incident en réclamant la condamnation in solidum des appelantes à leur payer des dommages-intérêts en réparation du préjudice que leur causent les procédures abusives intentées ;

En résumé, ils sollicitent de la Cour :

* la réformation partielle du jugement rendu le 21 novembre 1991 en ce qu'il a condamné in solidum les époux L. et la Société Vernal à payer à P. S. la somme de 60 000 francs au titre des peines et soins et 40 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

* la reconnaissance qu'il n'existe aucun fondement à ces condamnations ;

* la condamnation in solidum de P. S. et de la SNC B. et Compagnie à payer aux époux L. et à la Société Vernal la somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ;

Sur ce,

Considérant que l'intervention volontaire de la Société en nom collectif B. et Compagnie qui tient ses droits de P. S., épouse C., est recevable ;

Considérant que si le mandat acquéreur dont se prévaut l'agent immobilier pour réclamer une commission de 3 % aux intimées, n'a pas à être souscrit légalement par les mandants, il n'en demeure pas moins que celui qui allègue l'existence d'un tel acte juridique doit en rapporter la preuve ;

Considérant que P. S. qui soutient avoir reçu mandat, en juillet 1987, des époux L. qui le contestent, de leur trouver à Monaco, un appartement correspondant à leurs goûts et à leurs facultés, apporte comme moyen de preuve :

* son affirmation de l'existence dans son fichier de l'agence d'un acquéreur potentiel en la personne d'une dame L. qui l'aurait contactée précédemment,

* son intervention auprès de cette personne pour lui faire visiter à deux reprises, en juillet 1987, l'appartement au sujet duquel est intervenue par la suite la transaction ;

* l'envoi d'une lettre datée du 4 août 1987, (versée aux débats) aux époux L., et non plus à l'épouse seule, pour confirmer que l'agence Ageprim leur a présenté l'affaire à réaliser et leur a fait visiter les 27 et 31 juillet lesdits locaux à vendre ;

Considérant que les intimés reconnaissent que l'agence a fait visiter les lieux à la dame L. aux dates indiquées, et a envoyé aux époux L. la lettre du 4 août 1987 ;

Considérant qu'en l'espèce il n'est pas établi que la Société Vernal Establishment, ni les époux L., soient commerçants ;

Que l'acquisition d'un appartement aux fins d'habitation n'est pas un acte de commerce ;

Que dès lors n'étant pas en matière commerciale, l'administration de la preuve des conventions verbales, que ces acquéreurs ont pu passer avec une agence immobilière est soumise aux règles du droit commun prévues par l'article 1188 du Code civil ;

Considérant que l'agent immobilier ne fournit en l'état de la contestation formelle des acquéreurs, aucun commencement de preuve par écrit, de l'existence d'un tel mandat acquéreur ;

Considérant ainsi que le tribunal l'avait à bon droit estimé, que l'agence immobilière Ageprim est mal fondée à réclamer le paiement d'une commission fondée sur un mandat dont l'existence n'est pas établie ;

Considérant, sur la réalité des diligences qu'a pu faire P. S. dans la transaction ayant abouti à la signature de l'acte passé devant Maître Jean-Charles Rey, notaire, le 5 août 1988, il y a lieu de relever :

* que le vendeur des biens immobiliers, la Société Jamera, et l'acquéreur, la Société Vernal Establishment sont des sociétés de droit liechtensteinois dont les représentants à Monaco se connaissaient nécessairement ;

* qu'il n'est pas anormal qu'H. L. qui était domicilié, au moment des faits dans l'immeuble où se trouvaient situés les locaux à vendre, ait pu s'adresser directement à l'intendant dudit immeuble pour obtenir les clefs et visiter les lieux à sa guise ;

* que le prix de la transaction (25 millions de francs) est nettement inférieur au prix minimum (38 millions) que l'Agence « Le Zodiaque » chargée de la vente par la Société Jamera ne devait pas transgresser ;

* que l'intervention de la Société Ageprim s'est réalisée selon les affirmations de P. S. en première instance, notamment dans son assignation introductive d'instance, auprès de la dame L. seule, laquelle n'est pas partie à l'acte notarié du 5 août 1988 ;

* qu'enfin la vente ne s'est réalisée qu'un an après les deux visites des lieux non contestées ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments, que ces visites organisées par l'agence Ageprim en juillet 1987, et l'envoi de courriers postérieurs ne sauraient constituer, en l'espèce, un travail de recherches et de négociations déterminant et essentiel dans la conclusion de l'affaire, susceptible d'ouvrir droit à une indemnisation au titre des peines et soins, contrairement à ce que les premiers juges avaient, à tort décidé ;

Considérant qu'il suit qu'il y a lieu de réformer la décision du tribunal sur ce chef, ainsi que sur celui complémentaire des dommages-intérêts alloués à l'agence immobilière pour la résistance abusive des acquéreurs ;

Considérant sur l'appel incident formé par les intimés tendant à obtenir la condamnation in solidum des appelants au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive, que les appelants ont pu se méprendre en toute bonne foi sur l'étendue de leurs droits, et que leur recours ne présente aucun caractère abusif ;

Qu'il convient dès lors de rejeter cet appel incident ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

et ceux non contraires des premiers juges,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

Dit recevable l'intervention volontaire de la Société en nom collectif B. et Compagnie,

Confirme le jugement du 21 novembre 1991 en ce qu'il a débouté P. S. de sa demande en paiement d'une commission de 3 %, s'élevant à la somme de 889 500 francs ;

Infirme ledit jugement pour le surplus et, statuant à nouveau,

Dit n'y avoir lieu au paiement d'une indemnité au profit des appelants au titre des peines et soins ;

Déboute les intimés de leur appel incident.

Composition

MM. Sacotte prem. prés. ; Serdet prem. subst. proc. gén. ; Mes Léandri et Karczag-Mencarelli av. déf. ; Cohen av. barreau de Nice.

Note

Cet arrêt confirme pour partie un jugement rendu le 21 novembre 1991 qui avait débouté l'agent immobilier de sa demande en paiement de commission mais lui avait alloué une indemnité au titre de ses peines et soins.

En droit monégasque il n'existe point de législation comparable à la loi française du 2 janvier 1970.

Selon une attestation du président de la Chambre immobilière monégasque en date du 7 décembre 1992 produite aux débats, « Aucune loi, ni aucun usage n'oblige un agent immobilier à faire souscrire un mandat a l'acquéreur ; en conséquence, un simple échange verbal de consentement suffit pour constituer le mandat entre l'acquéreur et l'agent immobilier ».

... faut-il que la preuve en soit rapportée ?

Si la preuve est libre en matière commerciale, elle se trouve soumise en matière civile aux règles de l'article 1188 du Code civil.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26215
Date de la décision : 06/07/1993

Analyses

Pratiques commerciales ; Autres professions réglementées


Parties
Demandeurs : Dame S.-C., Agence de Gestion et de Promotion Immobilière
Défendeurs : Consorts L. et Société Vernal Establishment.

Références :

article 1188 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1993-07-06;26215 ?

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