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09/03/1993 | MONACO | N°26206

Monaco | Cour d'appel, 9 mars 1993, M. c/ M.


Abstract

Divorce et séparation de corps

Conflits de lois :

- Époux de nationalité française :

- application de la loi française, notamment quant à la continuation de l'usage du nom du mari ;

- accord des parties pour appliquer la loi française.

Résumé

Les époux de nationalité française, divorcés à Monaco peuvent voir régler par leur loi nationale certaines conséquences de leur divorce, notamment celles se rapportant à leur statut personnel, tel que l'usage du nom du mari par la femme divorcée, dans les conditions prévues par l

'article 264, alinéa 3, du Code civil français, et ce, pour la première fois en appel dès lors qu'ils ont ma...

Abstract

Divorce et séparation de corps

Conflits de lois :

- Époux de nationalité française :

- application de la loi française, notamment quant à la continuation de l'usage du nom du mari ;

- accord des parties pour appliquer la loi française.

Résumé

Les époux de nationalité française, divorcés à Monaco peuvent voir régler par leur loi nationale certaines conséquences de leur divorce, notamment celles se rapportant à leur statut personnel, tel que l'usage du nom du mari par la femme divorcée, dans les conditions prévues par l'article 264, alinéa 3, du Code civil français, et ce, pour la première fois en appel dès lors qu'ils ont manifesté leur accord à cet égard.

Motifs

La Cour,

La Cour statue sur l'appel parte in qua relevé le 5 décembre 1991 par M., née M. d'un jugement rendu le 11 juillet 1991 par le Tribunal de première instance de Monaco ;

Saisi par M., d'une demande en divorce à l'encontre de son époux M. lequel a formé en cours d'instance une demande reconventionnelle en divorce, le tribunal, faisant droit pour l'essentiel à la demande de la femme,

* a prononcé le divorce des époux M. - M. aux torts exclusifs de l'époux, avec toutes conséquences de droit ;

* a condamné M. à payer à M. la somme de 5 000 francs par mois à titre de part contributive à l'entretien et à l'éducation des deux enfants communs, ainsi qu'une somme de 10 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

* a condamné M. aux entiers dépens ;

M. expose qu'elle entend limiter les effets de son appel aux dispositions dudit jugement qui constatent que, par application de l'article 206-21 du Code civil, l'épouse ne pourra continuer à faire usage du nom de M., en l'absence de l'accord du mari à une convention contraire, et elle demande à la Cour pour la première fois l'autorisation judiciaire de continuer à porter le même nom que son conjoint dont elle est divorcée soit, par application de la loi française, en l'espèce l'article 264, alinéa 3, du Code civil français eu égard au fait que les deux parties sont de nationalité française, et que le nom est, par principe, soumis à la loi personnelle des intéressés, soit par interprétation de la loi monégasque sur le divorce afin de permettre l'intervention du juge pour autoriser l'épouse divorcée à continuer de porter le nom du conjoint, ainsi que cela avait été le cas quand l'ancienne loi personnelle française était identique aux dispositions actuelles monégasques interdisant à la femme divorcée de porter le nom de son mari, sans accord de celui-ci ;

Au soutien de cette demande, elle fait valoir qu'elle a, sous le nom de M., exercé la profession libérale de médecin gynécologue et y a acquis la notoriété auprès de sa clientèle ;

À titre subsidiaire, elle sollicite de la Cour, au cas où cette autorisation lui serait refusée, la condamnation de son ancien conjoint à lui payer la somme de un million de francs à titre de dommages-intérêts en réparation du grave préjudice que lui occasionnerait ce refus, l'obligeant alors à financer une nouvelle installation de son cabinet médical dans des conditions plus difficiles face à la concurrence des autres médecins gynécologues entraînant ainsi une diminution de ses recettes avant de reconstituer sa clientèle ;

Elle produit, pour justifier qu'un intérêt particulier s'attache tant pour elle-même et pour les enfants à ce qu'elle conserve le nom de son ancien mari,

* de très nombreuses attestations de clients qui déclarent ne connaître l'appelante que sous le nom de docteur M., et non de M. et de professionnels qui déclarent ne travailler qu'avec le docteur M.,

* des relevés d'inscription dans les annuaires médicaux et au Conseil de l'Ordre des Médecins, sous le nom de « M. »,

* des chèques de clients, et même de l'intimé, libellés à l'ordre de Madame M.,

* et enfin une attestation de la fillette du couple qui écrit vouloir que sa mère porte le même nom de M. comme elle-même ;

L'intimé répond par conclusions en donnant son accord pour qu'en matière de nom patronymique la loi applicable au jugement dont appel soit la loi personnelle des parties, en l'espèce l'article 264 du Code civil français et spécialement son 3e alinéa qui permet qu'avec l'autorisation du juge la femme puisse continuer à conserver le nom du mari si elle justifie d'un intérêt particulier ;

Sur la demande principale formulée par l'appelante, M. fait valoir que son épouse ne justifie, malgré le nombre élevé d'attestations produites, d'aucun intérêt particulier à conserver l'usage du nom de M., alors que depuis le début de son activité médicale la plaque professionnelle apposée à l'entrée de son cabinet ainsi que l'en-tête de ses feuilles d'ordonnances portent la mention « Docteur M. - M. - gynécologue » ; c'est-à-dire le nom de M. placé en première position ;

Qu'il estime que la clientèle connaît également l'appelante sous le nom de M. ;

Il fait observer, en outre, qu'utiliser, ainsi que le fait M., dans son propre intérêt, l'attestation de l'enfant commun Mélanie, âgée de 11 ans est du plus mauvais goût ;

Sur la demande subsidiaire de M. tendant à obtenir la condamnation de l'intimé au paiement de la somme d'un million de francs à titre de dommages-intérêts, il fait observer l'inanité d'une telle prétention, en cas de refus par la Cour de l'autorisation sollicitée faute d'avoir pu justifier d'un intéret particulier ;

M. forme par conclusions, appel incident de la disposition du jugement du 11 juillet 1991 qui l'a condamné à payer à M. la somme de 10 000 francs à titre de dommages-intérêts. Il estime que la dissolution du mariage prononcée par le tribunal n'a pas causé de préjudice particulier à son épouse qui n'a produit à cet égard, comme l'ont relevé les premiers juges, aucune justification, notamment au point de vue de la diminution de ses revenus ;

Il soutient, enfin que l'appel de M., limité au problème du nom est purement dilatoire et que sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive est justifiée ;

En définitive, l'intimé demande à la Cour :

* d'appliquer la loi française en ce qui concerne l'usage du nom patronymique sur lequel est limité l'appel principal ;

* de débouter l'appelante de sa demande tendant à être autorisée à conserver l'usage du nom de M., faute de justifier d'un intérêt à agir ;

* de la débouter de sa demande subsidiaire en paiement de dommages-intérêts ;

* de confirmer le jugement du 11 juillet 1991 en ce qui concerne le refus donné à M. de porter le nom de M. ;

* faire droit à son appel incident du chef de sa condamnation à 10 000 francs de dommages-intérêts et d'infirmer sur ce point ledit jugement ;

* le recevant en sa demande reconventionnelle, de condamner l'appelante à lui payer 20 000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, outre les entiers dépens ;

Sur ce,

Considérant que les parties ont, pour la première fois dans leurs écritures échangées en appel, déclaré se référer à la loi française pour ce qui concerne les dispositions relatives, après le prononcé du divorce, à la continuation, par la femme, du port du nom du mari, en cas d'opposition de ce dernier sur cet usage ;

Considérant que des époux de nationalité française, divorcés à Monaco, peuvent voir régler par leur loi nationale certaines conséquences de leur divorce, notamment celles se rapportant à leur statut personnel, tel que l'usage du nom du mari par la femme divorcée, et ce, pour la première fois en appel dès lors qu'ils ont manifesté leur accord à cet égard ;

Considérant que le 3e alinéa de l'article 264 du Code civil français dont les parties réclament l'application, dispose que :

« La femme pourra conserver l'usage du nom du mari, soit avec l'accord de celui-ci, soit avec l'autorisation du juge, si elle justifie qu'un intérêt particulier s'y attache pour elle-même ou pour les enfants » ;

Sur l'appel principal de M.,

Considérant qu'il résulte des nombreuses pièces produites par l'appelante, que M. qui a installé son cabinet médical privé à Roquebrune-Cap-Martin, postérieurement à son mariage s'est faite connaître sous le nom de M. et y a acquis une certaine notoriété ;

Que si elle a fait précéder effectivement sur sa plaque professionnelle et sur ses feuilles d'ordonnances, le nom de M. de celui de Docteur M., il était d'usage pour ses clients et ses fournisseurs de l'appeler et de la désigner sous le nom du mari, tant dans la conversation que dans la rédaction des chèques à son ordre, ou dans la correspondance la concernant ;

Considérant qu'il est certain qu'en retranchant le nom de M. de son intitulé, M. subirait un préjudice dans la poursuite de son activité, étant par ailleurs observé qu'elle ne saurait entrer en concurrence sur le plan médical avec le docteur M., médecin anesthésiste dans un centre hospitalier à Nice ;

Qu'en conséquence, il apparaît que M. justifie pour elle-même seulement eu égard à l'exercice d'une profession libérale, d'un intérêt particulier à conserver l'usage du nom de son ancien conjoint et qu'il y a lieu de faire droit à l'appel interjeté sur ce chef ;

Sur l'appel, à titre subsidiaire, présenté par M.,

Considérant qu'en l'état de la décision qui précède la demande formée par l'appelante tendant subsidiairement à la condamnation de M. au paiement de dommages-intérêts, devient sans objet et doit être rejetée ;

Sur l'appel « incident » de M.,

Considérant que l'appel formé par voie de conclusions par l'intimé se limite à une disposition du jugement de divorce des parties sur laquelle ne porte pas l'appel parte in qua relevé par M. dans son assignation devant la Cour ;

Que dès lors l'appel est irrecevable pour n'avoir pas été exercé, à titre principal, dans les formes légales ;

Sur la demande en dommages-intérêts pour appel abusif,

Considérant qu'en l'état de la présente décision rendue sur l'appel principal de M., la demande en paiement de dommages-intérêts présentée par M. pour appel abusif, devient sans objet et doit être rejetée ;

Considérant que l'intimé qui a succombé devra supporter les dépens ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

Statuant dans les limites de l'appel,

Infirme parte in qua le jugement du 11 juillet 1991 en ce qu'il constate que M. ne peut continuer à faire usage du nom de M. ;

Statuant à nouveau,

Autorise M. à conserver l'usage du nom de M. pour ce qui concerne son activité professionnelle de médecin gynécologue ;

Dit irrecevable l'appel formé par M. d'une autre disposition du jugement déféré ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions.

Composition

MM. Sacotte prem. prés. ; Serdet prem. subst. proc. gén. ; Mes Karczag-Mencarelli et Blot av. déf. ; Michel av. stag. ; Chichmanian av. barreau de Nice.

Note

Cet arrêt réforme parte in qua le jugement du 11 juillet 1991 permettant à l'appelant de conserver l'usage du nom de mari pour ce qui concerne son activité professionnelle de médecin gynécologue.

Les dispositions de l'article 206-21 du Code civil monégasque disposent : « Par l'effet du divorce, chaque époux cesse d'avoir l'usage du nom de son conjoint sauf convention contraire ».

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26206
Date de la décision : 09/03/1993

Analyses

Droit de la famille - Dissolution de la communauté et séparation de corps ; Justice (organisation institutionnelle) ; Contentieux et coopération judiciaire


Parties
Demandeurs : M.
Défendeurs : M.

Références :

article 206-21 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1993-03-09;26206 ?

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