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19/01/1993 | MONACO | N°26205

Monaco | Cour d'appel, 19 janvier 1993, Commune de Monaco c/ Société Anonyme de Diffusion Automobile Monégasque (SADAM).


Abstract

Baux commerciaux

Fin du Bail :

- Droits du preneur : à l'issue de chaque période triennale.

- Droits du bailleur : seulement à l'expiration de la neuvième année.

Résumé

Il résulte clairement d'un bail commercial de structure classique « consenti et accepté pour une durée de trois, six ou neuf années, entières et consécutives, à compter du 1er janvier 1978, pour se terminer le 31 décembre 1980, 1983 ou 1986, au gré du preneur », que ledit bail a été conclu pour une durée maximale de 9 ans à l'issue de laquelle chacun des

contractants peut y mettre fin, le preneur, quant à lui, disposant seul du droit d'y mettre fin à l'issue ...

Abstract

Baux commerciaux

Fin du Bail :

- Droits du preneur : à l'issue de chaque période triennale.

- Droits du bailleur : seulement à l'expiration de la neuvième année.

Résumé

Il résulte clairement d'un bail commercial de structure classique « consenti et accepté pour une durée de trois, six ou neuf années, entières et consécutives, à compter du 1er janvier 1978, pour se terminer le 31 décembre 1980, 1983 ou 1986, au gré du preneur », que ledit bail a été conclu pour une durée maximale de 9 ans à l'issue de laquelle chacun des contractants peut y mettre fin, le preneur, quant à lui, disposant seul du droit d'y mettre fin à l'issue de la troisième ou de la sixième année.

Le bailleur qui ne saurait sérieusement soutenir que le bail était affecté d'un vice de perpétuité, ne pouvait donc de sa seule volonté mettre fin au bail avant l'expiration de sa neuvième année, son congé notifié le 1er août 1980 étant nul et de nul effet.

Motifs

La Cour,

La Cour statue sur l'appel du jugement rendu le 21 mars 1991 par le Tribunal de première instance de Monaco dans le litige opposant la commune de Monaco à la SAM SADAM.

Les faits, la procédure, les moyens et les prétentions des parties peuvent être exposés comme suit, étant fait référence pour le surplus à la décision déférée et aux écritures échangées en appel.

La commune de Monaco est propriétaire, d'un immeuble dit des Halles et Marchés de Monte-Carlo.

Depuis le 22 décembre 1950 au moins, la société SADAM était locataire dans cet immeuble d'un local commercial affecté à la vente d'automobiles d'occasion.

La commune de Monaco ayant prévu une importante opération d'urbanisme intéressant le quartier, et spécialement l'immeuble susvisé, impliquant à terme le départ des occupants, une réunion fut organisée le 23 novembre 1978 avec les commerçants concernés, dont la société SADAM. Les conclusions de cette réunion firent l'objet d'un relevé adressé, entre autres, à la société SADAM par lettre du 5 décembre 1978. Cette lettre invitait en outre la société SADAM à venir signer son bail au Service du Commerce de la Mairie.

Le 30 mars 1979, à la suite de nouvelles discussions entre la municipalité et les commerçants, le maire de Monaco adressait à la société SADAM une nouvelle lettre par laquelle il apportait divers apaisements et garanties au locataire. Cette lettre reconnaissait expressément le caractère commercial du bail liant les parties et précisait que le locataire bénéficierait des « garanties usuelles (qui) vous sont accordées par la loi n° 490 du 24 novembre 1948, modifiée ».

Le 24 avril 1979 était signé entre le maire de Monaco, ès qualités, et la société SADAM un bail commercial portant sur les locaux susvisés.

Ce bail, de structure classique, était « consenti et accepté pour une durée de trois, six ou neuf années, entières et consécutives, à compter du 1er janvier 1978 pour se terminer le 31 décembre 1980, 1983 ou 1986, au gré du preneur ».

La signature du preneur était précédée de la mention manuscrite : « Arrêté et signé en fonction des engagements confirmés par la mairie selon les lettres des 5 décembre 1978 et 30 mars 1979 ci-annexées et enregistrées, avec le présent bail. Lu et approuvé ».

Par lettre recommandée avec avis de réception, du 1er août 1980, la société SADAM était avisée de ce que « la mairie mettait fin, à compter du 31 décembre 1980, au bail commercial du 1er janvier 1978 ».

Dans cette lettre, il était à nouveau précisé que « votre éviction interviendra dans le respect absolu des dispositions de la loi n° 490 ou selon d'autres possibilités prévues par cette loi après accord à intervenir entre la mairie et vous ».

Par une nouvelle lettre du 15 décembre 1980, la mairie proposait à la société SADAM, à titre d'indemnité, la somme de 222 000 francs.

Par lettre du 23 décembre 1980, la société SADAM estimant la somme insuffisante, refusait cette indemnisation.

Par lettre du 12 février 1981, puis par des correspondances ultérieures, la société SADAM notifiait au maire qu'elle n'avait jamais été d'accord pour considérer le bail comme terminé et revendiquait l'application de la loi, sous réserve d'un accord à rechercher.

Le 24 juin 1984, alors que la situation des parties n'avait pas évolué, intervenait la loi n° 1076 déclarant d'utilité publique les travaux de démolition des Halles et Marchés de Monte-Carlo.

Le 31 juillet 1984, le maire écrivait à la société SADAM : « À compter du 30 juin 1984, vous n'êtes donc plus titulaire d'aucun droit locatif sur les locaux... ». Cette lettre annonçait en outre le versement ultérieur d'une indemnité d'éviction et, dans l'attente de sa fixation, demandait à la société SADAM le versement d'une indemnité d'occupation mensuelle.

Par lettre du 3 mai 1985, le maire de Monaco fixait à 415 090 francs le montant de l'indemnité d'éviction offerte à la société SADAM. Celle-ci, estimant la somme insuffisante, la refusait par lettre du 22 mai 1985.

Les deux parties, tout en se référant à la loi n° 502 du 6 avril 1949, mettaient alors en œuvre la procédure d'expertise établie par la loi n° 1076 du 27 juin 1984, aucun accord amiable ne pouvait cependant être trouvé.

C'est dans ces conditions que, par exploit du 19 mai 1988, la société SADAM faisait assigner le maire de Monaco (en réalité la commune de Monaco) devant le Tribunal de première instance aux fins de voir fixer à 6 537 040 francs le montant de l'indemnité d'éviction et de voir condamner la commune de Monaco à lui payer à ce titre la somme de 6 121 950 francs, compte tenu des sommes déjà perçues.

Par le jugement déféré, le Tribunal a :

* dit sans effet de droit le congé délivré par la commune à la société SADAM selon la lettre du 1er août 1980 ;

* Constaté que le bail commercial conclu entre les parties s'est poursuivi jusqu'à la date de publication de la loi n° 1076 du 27 juin 1984 ;

* Jugé que, conformément à l'article 2 de ladite loi, la société SADAM est en droit de percevoir une indemnité, et constaté qu'il lui a déjà été versé la somme de 415 090 francs sur laquelle elle ne s'est pas accordée ;

* Avant dire droit sur le montant de l'indemnité réellement dû à la société SADAM, ordonné une mesure d'expertise et commis pour y procéder monsieur François Brych, expert-comptable.

La commune de Monaco a relevé appel de cette décision.

À l'appui de son appel, elle expose en premier lieu que le bail du 24 avril 1979 a été conclu dans des circonstances très particulières. Elle relève en effet que le preneur était averti de l'intention de la commune de reprendre les lieux à brève échéance et rappelle que deux lettres explicatives avaient été jointes au bail. Elle soutient en conséquence que la commune intention des parties était de conclure une location précaire, facilement révocable par le bailleur et non un bail commercial traditionnel de longue durée.

En deuxième lieu, elle prétend que le bail du 24 avril 1979 serait nul dans la mesure où il serait affecté du vice de perpétuité. Elle affirme en effet que ce bail réserverait au seul preneur la possibilité d'y mettre fin au bout de trois, six ou neuf ans, le propriétaire étant lui-même privé de tout droit de résiliation.

Dans un cas comme dans l'autre, elle déclare qu'elle était fondée à mettre fin à la location par la lettre du 1er août 1980 et que depuis le 1er janvier 1991, la société SADAM occupait les lieux sans droit ni titre.

Elle fait observer en troisième lieu que la société SADAM n'aurait pas contesté cette interprétation, se contentant d'estimer insuffisante l'indemnisation proposée. Elle soutient qu'elle aurait ainsi manifesté son acquiescement en poursuivant des négociations sur le seul montant de l'indemnité d'éviction.

En quatrième lieu, elle fait valoir que l'action de la société SADAM serait frappée de forclusion pour ne pas avoir été intentée dans le délai de deux ans du congé.

En cinquième lieu, elle soutient que la loi du 27 juin 1984 ne serait pas applicable en l'espèce puisqu'à la date de survenance de cette loi, la société SADAM aurait occupé les locaux sans droit ni titre.

Elle demande en conséquence à la cour, outre de dire et juger divers points qui n'ont pas leur place dans, le dispositif d'un arrêt mais constituent en réalité des motifs,

* de prononcer la nullité de la convention du 24 avril 1979 ;

* de dire valable le congé du 1er août 1980 et de dire en conséquence qu'à compter du 1er janvier 1981 la société SADAM était occupante sans droit ni titre ;

* de constater la forclusion de l'action de la société SADAM ;

* de dire que la société SADAM a été équitablement indemnisée ;

* de dire la société SADAM sans droit à se prévaloir des dispositions de la loi n° 1076 du 27 juin 1984 ;

* de débouter la société SADAM de toutes ses prétentions ;

* de la condamner aux dépens ;

La société SADAM, pour sa part, expose en premier lieu que la commune volonté des parties est exprimée dans le bail du 24 avril 1979, relevant au passage que les lettres annexées audit bail, loin de révéler une volonté différente, ne font que confirmer le caractère commercial du bail et l'application de la loi n° 490.

En deuxième lieu, elle conteste la nullité du bail ou son caractère perpétuel, faisant observer le caractère classique de la formule employée.

En toute hypothèse, elle soutient que la lettre du 1er août 1980 ne pouvait mettre fin au bail.

En troisième lieu, elle conteste avoir acquiescé au congé et rappelle qu'elle a toujours contesté sa validité. Elle soutient en conséquence être restée locataire commerciale jusqu'à l'intervention de la loi n° 1076 du 27 juin 1984.

En quatrième lieu, elle revendique l'application de la loi n° 1076 susvisée et rappelle que c'est la commune de Monaco elle-même qui lui a notifié l'applicabilité de cette loi et que la procédure amiable instituée par cette loi a été suivie d'un commun accord par les parties.

Elle demande en conséquence à la cour :

* de confirmer le jugement entrepris 

* de débouter la commune de Monaco de ses demandes ;

* de la condamner aux dépens ;

Ceci étant exposé, la Cour :

Considérant que le bail du 24 avril 1979 est clair et que, notamment, sa durée et ses conditions de résiliation ne souffrent aucune interprétation ;

Que les lettres annexées à ce bail, loin d'en modifier le sens ou la portée, confirment au contraire son caractère commercial et assurent le locataire de la protection de la loi ;

Que si la volonté des parties, et spécialement celle du bailleur, avait été autre, il lui appartenait de rédiger le bail d'une manière conforme à ses intentions ;

Que, dans ces conditions, le sens de ce bail ne peut être remis en cause.

Considérant qu'il n'est pas sérieux de soutenir que ledit bail, au demeurant rédigé par le bailleur lui-même, serait affecté d'un vice de perpétuité ;

Considérant en effet qu'il résulte clairement des termes de ce bail qu'il est conclu pour une durée maximale de 9 ans à l'issue de laquelle chacun des contractants peut y mettre fin, le preneur, quant à lui, disposant seul du droit d'y mettre fin à l'issue de la troisième ou de la sixième année ;

Que tel a toujours été le sens du bail classique dit « trois, six, neuf ».

Considérant que la commune de Monaco ne pouvait donc, de sa seule volonté, mettre fin au bail susvisé avant l'expiration de sa neuvième année ;

Que le prétendu congé du 1er août 1980 est donc de ce seul fait, nul et de nul effet.

Considérant que rien ne permet de retenir que la société SADAM aurait acquiescé à ce congé, même irrégulièrement donné ;

Qu'au contraire, dès le 12 février 1981, la société SADAM manifestait clairement qu'elle n'avait jamais considéré le bail comme terminé ;

Que la commune de Monaco elle-même ne poursuivait pas l'exécution de son prétendu congé et continuait à percevoir les loyers sans réserve jusqu'au 31 juillet 1984, date à laquelle elle signifiait à la société SADAM qu'elle n'était plus titulaire d'aucun droit locatif à compter du 30 juin 1984.

Considérant que l'action de la société SADAM tend à obtenir une indemnisation sur la base de la loi n° 1076 du 27 juin 1984 ;

Qu'aucune forclusion tirée de la loi n° 490 ne peut donc lui être opposée ;

Considérant enfin que les parties, d'un commun accord, ont mis en œuvre et poursuivi en toute connaissance de cause la procédure prévue par la loi n° 1076, ce que la commune de Monaco ne saurait aujourd'hui sérieusement contester ;

Considérant que c'est ainsi à juste titre que les premiers juges, estimant que le bail commercial conclu entre les parties s'était poursuivi jusqu'à la date de publication de la loi n° 1076 du 27 juin 1984, ont dit la société SADAM fondée à obtenir une indemnisation sur la base de cette loi et ordonné avant dire droit une mesure d'expertise, qui ne fait l'objet d'aucune contestation.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

et ceux non contraires des premiers juges,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions.

Composition

MM. Sacotte prem. prés. ; Serdet prem. subst. proc. gén. ; Mes Léandri et Karczag-Mencarelli av. déf. ; Cohen av. barreau de Nice.

Note

Cet arrêt confirme un jugement du 21 mars 1991.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26205
Date de la décision : 19/01/1993

Analyses

Baux commerciaux


Parties
Demandeurs : Commune de Monaco
Défendeurs : Société Anonyme de Diffusion Automobile Monégasque (SADAM).

Références :

jugement du 21 mars 1991
loi n° 502 du 6 avril 1949
loi du 27 juin 1984
loi n° 1076 du 27 juin 1984
loi n° 490 du 24 novembre 1948


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1993-01-19;26205 ?

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