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06/10/1992 | MONACO | N°26199

Monaco | Cour d'appel, 6 octobre 1992, O. c/ SARL les Éditions Télématiques de France


Abstract

Compétence civile et commerciale

Clause attributive de compétence : dans l'intérêt exclusif du demandeur qui renonce à s'en prévaloir :

- Exception d'incompétence soulevée par le défendeur, irrecevable.

Résumé

C'est à juste titre que les premiers juges rejettent une exception d'incompétence soulevée par le défendeur invoquant l'existence d'une clause attributive de compétence au profit du Tribunal de Paris (!) en cas de contestation ;

En effet cette clause étant prévue dans le seul intérêt du demandeur, il lui demeure loisi

ble d'y renoncer pour attraire son adversaire devant son juge naturel, en l'espèce, le juge monégasque,...

Abstract

Compétence civile et commerciale

Clause attributive de compétence : dans l'intérêt exclusif du demandeur qui renonce à s'en prévaloir :

- Exception d'incompétence soulevée par le défendeur, irrecevable.

Résumé

C'est à juste titre que les premiers juges rejettent une exception d'incompétence soulevée par le défendeur invoquant l'existence d'une clause attributive de compétence au profit du Tribunal de Paris (!) en cas de contestation ;

En effet cette clause étant prévue dans le seul intérêt du demandeur, il lui demeure loisible d'y renoncer pour attraire son adversaire devant son juge naturel, en l'espèce, le juge monégasque, d'autant que la juridiction parisienne telle qu'elle était dénommée ne pouvait être déterminée avec précision.

Motifs

La Cour,

La Cour statue sur l'appel du jugement rendu le 21 mars 1991 par le Tribunal de première instance de Monaco dans le litige opposant la SARL Les Éditions Télématiques de France, représentée par son liquidateur, Maître Brigitte Penet, à M.-P. O. ;

Les faits, la procédure, les moyens et les prétentions des parties peuvent être relatés comme suit, étant fait référence pour le surplus à la décision déférée et aux écritures échangées en appel :

M.-P. O., qui exploite un commerce sous l'enseigne « MC T. » a passé commande courant 1986 et 1987 à la SARL ETF de diverses insertions publicitaires à paraître dans les publications « Listel » et « Minitel Magazine » éditées par ladite SARL ;

M.-P. O. n'ayant pas réglé intégralement un certain nombre des factures qui lui avaient été adressées, la SARL ETF, après avoir été autorisée par Ordonnance du 26 novembre 1987 à faire pratiquer une saisie-arrêt entre les mains du Crédit foncier de Monaco à concurrence de la somme de 180 000 francs, a fait assigner, le 3 décembre 1987, le tiers saisi aux fins de déclaration affirmative et M.-P. O. en paiement des sommes impayées, estimées par elle à 195 393,06 francs, outre ses intérêts légaux et des dommages-intérêts ;

Par le jugement déféré, le Tribunal a, pour l'essentiel, condamné M.-P. O. à payer à la SARL ETF la somme de 176 257,29 francs, outre les intérêts au taux légal ; condamné M.-P. O. au paiement de 30 000 francs à titre de dommages-intérêts ; débouté M.-P. O. de sa demande reconventionnelle ; validé la saisie-arrêt et condamné M.-P. O. aux dépens ;

M.-P. O. a relevé appel de cette décision ;

À l'appui de son appel, et reprenant les arguments développés en première instance, elle soulève en premier lieu l'incompétence des juridictions monégasques. Elle expose à cet effet que dans les clauses générales du contrat figure une clause attribuant une compétence exclusive au Tribunal de commerce de Paris. Elle soutient que cette clause, valable entre commerçants est essentielle au contrat et que la société ETF ne peut y renoncer ;

En deuxième lieu, elle conteste le montant d'une facture n° 700476 du 17 mai 1987 concernant une insertion dans le n° 23 de Minitel Magazine, de mai 1987, d'un montant de 39 143,93 francs. Tout en reconnaissant que la qualité des prestations n'est pas en cause, elle se dit fondée à opérer une compensation entre cette facture et la créance qu'elle prétend détenir du fait de l'infériorité du tirage de Minitel Magazine par rapport au chiffre annoncé. Elle expose en effet que la société ETF, dans son tarif de publicité à valeur, selon elle, contractuelle, portait mention d'un tirage de 180 000 exemplaires alors qu'elle ne justifierait que d'un tirage variant entre 140 000 et 160 000 exemplaires et d'une distribution inférieure à 100 000 exemplaires. Elle rappelle que la société ETF n'a pas versé aux débats la totalité des justificatifs sollicités ;

En troisième lieu, et en termes identiques, elle se dit également fondée à opérer compensation en ce qui concerne la facture n° 700525 du 27 juillet 1987 relative à l'insertion faite dans Minitel Magazine, n° 24 de juin 1987, pour un montant de 39 143,93 francs ;

En quatrième lieu, elle conteste la facture n° 700707 du 30 août 1987, relative à l'insertion dans le n° 26 de Minitel Magazine de septembre 1987, d'un montant également de 39 143,95 francs. À ce sujet, elle fait valoir que selon l'ordre d'insertion, son annonce devait être publiée en deuxième page recto alors qu'elle était parue en première page recto de la revue. Elle prétend que ce changement a eu une importance considérable, soutenant d'abord contre toute logique que cette première page se trouverait tout à la fin du journal, puis que, s'agissant de la première page, elle ne serait pas lue par les clients potentiels. Elle rappelle que le formulaire d'insertion comportait une clause rajoutée à l'imprimé-type et ainsi rédigée : « si jamais emplacement privilégié non disponible, vous en serez informés avant. Non informés en temps opportun, vous ne serez pas facturés. » Elle ne s'estime donc pas tenue au paiement de cette facture ;

En cinquième lieu, elle conteste la qualité des insertions parues dans la revue Listel relevant que plusieurs modifications ont été apportées dans la pagination et que plusieurs publicités auraient été coupées en bas de page par suite d'un mauvais cadrage de l'imprimeur. Elle prétend que ces modifications et défaut revêtent une importance considérable et lui ont occasionné un préjudice certain. Elle conteste les allégations de la société ETF selon lesquelles elle serait elle-même responsable des problèmes de cadrage pour n'avoir pas fourni des typons au format prévu. Elle s'estime donc fondée, par le jeu de la compensation, à ne pas payer le reste des sommes réclamées.

Elle demande en conséquence à la Cour :

* d'infirmer le jugement entrepris ;

* de déclarer les juridictions monégasques incompétentes ;

* de débouter la SARL ETF de toutes ses demandes ;

* subsidiairement, d'évaluer le montant de son préjudice au montant des demandes d'ETF et de faire droit à sa demande de compensation ;

* d'ordonner la mainlevée de la saisie-arrêt ;

* de condamner la SARL aux dépens ;

la SARL ETF, pour sa part, soutient en premier lieu que les juridictions monégasques sont compétentes pour connaître du litige. Elle explique à cet effet que la clause attribuant compétence au Tribunal de Paris ne figure que sur son tarif de publicité, document qu'elle estime sans valeur contractuelle ;

Elle rappelle que cette clause n'a été prévue que dans son propre intérêt et se dit fondée à y renoncer. Elle expose que l'assignation d'origine revêt la forme d'une saisie-arrêt pratiquée à Monaco.

Enfin, elle fait valoir que le contrat a été formé à Monaco, du fait de l'acceptation de l'annonceur.

En deuxième lieu, la SARL ETF fait observer que les factures Minitel Magazine n° 700476 et 700525 ne sont, aux dires mêmes de l'appelante « pas contestées quant à la qualité de la prestation ». Elle nie en conséquence toute faute et s'oppose à toute compensation avec de prétendues dettes qui, en toute hypothèse, ne seraient ni certaines, ni liquides, ni exigibles ;

En troisième lieu, au sujet de la facture n° 700707 du 30 août 1987, la SARL ETF fait valoir que si, effectivement, la publicité prévue au recto de la deuxième page du Minitel Magazine n° 26 a été en réalité effectuée au recto de la première page, aucun préjudice n'a été causé à M.-P. O., l'emplacement étant encore plus favorable. Elle fait également observer que le changement qui lui est reproché n'était dû qu'au retard de l'annonceur à payer ses factures antérieures.

En quatrième lieu, elle déclare n'avoir jamais garanti à l'annonceur un tirage de 180 000 exemplaires, ce chiffre ne figurant à titre indicatif, que sur des plaquettes de présentation sans valeur contractuelle. Elle fait néanmoins observer que le tirage réel a varié, pour la période litigieuse, de 130 000 à 179 000 exemplaires, avec une moyenne de 150 000. Elle relève enfin que les justifications supplémentaires demandées par l'appelante n'apporteraient aucun élément décisif.

En cinquième lieu, elle affirme que les défauts insignifiants relevés dans la présentation de quelques publicités seraient dus à l'appelante elle-même qui n'aurait pas fourni les typons aux dimensions prévues. Elle soutient également que ces défauts n'ont eu conséquence sur le sens ou le but de la publicité.

En sixième lieu, quant à des différences de pagination, elle prétend que le décalage exceptionnel d'une page sur une revue qui en comporte plusieurs centaines, est insignifiant. Elle fait observer au demeurant que l'annonceur n'avait élevé aucune réclamation sur ce point avant le présent procès.

En septième lieu, elle considère l'appel de M.-P. O. comme injustifié et réclame de ce fait des dommages-intérêts.

Elle demande en conséquence à la cour :

* de confirmer la décision déférée sauf en ce qui concerne le montant des dommages-intérêts ;

* de la réformer sur ce point et de fixer à 50 000 francs le montant des dommages-intérêts, toutes causes confondues ;

* de débouter M.-P. O. de toutes ses demandes ;

* de la condamner aux dépens ;

Ceci étant exposé, la cour :

Sur la compétence :

Considérant que la clause attributive de compétence invoquée par M.-P. O. est ainsi rédigée « En cas de contestation, le Tribunal de Paris est seul compétent », figure à la fin d'un dépliant intitulé Minitel Magazine tarif de publicité, sous la rubrique « Conditions générales » ;

Considérant que les conditions générales ainsi rappelées, même si elles figurent dans un document qui, en lui-même, n'a pas de caractère contractuel, sont à l'évidence celles qui obligent toute personne contractant avec la Société ETF ;

Considérant cependant que cette clause ayant été prévue par la Société ETF dans son seul intérêt, il lui demeure loisible d'y renoncer pour attraire son adversaire devant son juge naturel, en l'espèce les juridictions monégasques ;

Qu'il y a lieu d'observer au surplus que la clause invoquée n'attribue pas compétence, comme il est soutenu au « Tribunal de commerce de Paris » (qui s'appelle en réalité Tribunal de commerce de la Seine), mais au « Tribunal de Paris », sans autre précision, ce qui ne permet pas de déterminer avec précision quelle juridiction parisienne serait ainsi compétente ;

Considérant que c'est ainsi à juste titre que les premiers juges ont rejeté l'exception d'incompétence soulevée par M.-P. O. ;

Sur le fond :

Considérant que les factures n° 700476 et 700525 demeurées impayées, ne font l'objet d'aucune contestation, ni dans leur montant, ni dans la qualité des prestations facturées ;

Que la seule prétention de l'appelante en ce qui les concerne tend à obtenir leur compensation avec un préjudice plus général qu'elle prétend avoir subi du fait de l'intimée ;

Que ce préjudice, qui sera envisagé ci-après, ne constitue en aucun cas une créance certaine, liquide et exigible permettant d'opérer une quelconque compensation, étant observé qu'il n'est même pas chiffré par l'appelante ;

Que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont condamné M.-P. O. au paiement de ces sommes, avec leurs intérêts de droit ;

Considérant, en ce qui concerne la facture n° 700707 du 30 août 1987, que l'ordre d'insertion prévoyait que la publicité paraîtrait en deuxième page recto de la revue alors qu'elle fut en réalité insérée en première page recto ;

Que l'ordre d'insertion correspondant portait la mention « si jamais emplacement privilégié non disponible, vous en serez informés avant. Non informés en temps opportun, vous ne serez pas facturés » ;

Que la première page d'une revue, malgré les allégations fantaisistes de l'appelante, constitue à l'évidence un emplacement encore plus privilégié que la deuxième page ;

Que dès lors la clause ci-dessus rappelée ne doit pas recevoir application, dans la mesure où l'annonceur, loin de subir un préjudice, a, au contraire, bénéficié d'un avantage ;

Que c'est encore à bon droit que les premiers juges ont condamné l'appelante au paiement de cette facture ;

Considérant que le tirage de la revue Minitel Magazine pendant la période considérée s'élève à une moyenne d'environ 150 000 exemplaires, variant d'un numéro à l'autre de 130 000 à 179 000 selon les pièces versées aux débats ;

Que le chiffre de 180 000 exemplaires invoqué par l'appelante ne figure dans aucun document contractuel, mais seulement à titre indicatif dans un dépliant publicitaire ;

Qu'en tout cas il n'existe pas entre le chiffre annoncé et le chiffre réel une différence telle que l'équilibre du contrat ait pu en être modifié ;

Que de ce fait, les demandes de production de justificatifs complémentaires sont sans intérêt pour la solution du litige ;

Considérant qu'il est constant que deux annonces sont parues dans la revue Listel avec un décalage d'une page par rapport aux prévisions ;

Que ce décalage, qui ne concerne nullement des emplacements privilégiés, apparaît dérisoire eu égard au nombre de pages de la revue ;

Qu'aucune altération de la publicité n'en est résultée et qu'aucune conséquence ne peut être tirée de ce fait quant à l'impact de la publicité ;

Considérant que si un défaut de cadrage de certaines publicités peut être relevé dans deux numéros de la revue Listel, ce décalage, infime, n'affecte ni le texte, ni la présentation desdites publicités dont ni le sens, ni le but n'ont été altérés ;

Qu'en outre, ainsi que l'ont relevé les premiers juges avec pertinence, la responsabilité de ce décalage incombe, au moins en partie à l'annonceur qui n'a pas fourni à l'imprimeur des documents conformes aux spécifications ;

Considérant que l'appel de M.-P. O. est manifestement abusif et dilatoire et a occasionné à la société ETF un préjudice qui sera équitablement réparé par l'allocation, à titre de dommages-intérêts, d'une somme de 20 000 francs s'ajoutant à celle déjà fixée par les premiers juges ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

et ceux non contraires des premiers juges,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Déboute M.-P. O. de toutes ses demandes, fins et conclusions,

La condamne au paiement de la somme de 20 000 francs à titre de dommages-intérêts pour appel abusif,

Composition

MM. Sacotte prem. prés. ; Serdet prem. subst. proc. gén. ; Mes Blot et Sbarrato av. déf. ; Licari av.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26199
Date de la décision : 06/10/1992

Analyses

Justice (organisation institutionnelle) ; Contrat - Contenu


Parties
Demandeurs : O.
Défendeurs : SARL les Éditions Télématiques de France

Références :

Ordonnance du 26 novembre 1987


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1992-10-06;26199 ?

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