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02/06/1992 | MONACO | N°26167

Monaco | Cour d'appel, 2 juin 1992, SAM Blue Trans International c/ R., Sté F. R. et Cie.


Abstract

Appel civil

Moyen nouveau en cause d'appel : irrecevabilité de l'action pour avaries contre le transporteur : prescription annale de l'article 73 du Code de commerce - Irrecevabilité du moyen : fin de non recevoir

Contrat de transport

Action pour avaries contre le transporteur - Prescription annale de l'article 73 du Code de commerce non interrompue par expertise amiable, l'article 72 du même code exigeant expertise judiciaire.

Engagement contenant la reconnaissance de responsabilité : prescription trentenaire

Résumé

La prescripti

on annale de l'action pour avaries prévue par l'article 73 du Code de commerce, laquelle en l'e...

Abstract

Appel civil

Moyen nouveau en cause d'appel : irrecevabilité de l'action pour avaries contre le transporteur : prescription annale de l'article 73 du Code de commerce - Irrecevabilité du moyen : fin de non recevoir

Contrat de transport

Action pour avaries contre le transporteur - Prescription annale de l'article 73 du Code de commerce non interrompue par expertise amiable, l'article 72 du même code exigeant expertise judiciaire.

Engagement contenant la reconnaissance de responsabilité : prescription trentenaire

Résumé

La prescription annale de l'action pour avaries prévue par l'article 73 du Code de commerce, laquelle en l'espèce n'a été introduite contre le transporteur que plus d'un an après leur constatation, ne saurait être interrompue par un constat d'expertise amiable, dressé en dehors de toutes les parties en cause, à défaut de remplir les conditions de l'article 72 du même code instituant une expertise judiciaire.

La reconnaissance de responsabilité de ces avaries, faite par le transporteur sous forme d'un télex, constitue un titre nouveau substituant à la prescription annale la prescription trentenaire de droit commun.

Motifs

La Cour,

La Cour statue sur l'appel d'un jugement rendu le 13 décembre 1990 par le Tribunal de première instance de Monaco dans un litige opposant J. R., la SAM Blue Trans International, la SARL F. R. & Cie et A. F., dit A. ;

Les faits, la procédure, les moyens et les prétentions des parties peuvent être relatés comme suit, étant fait référence pour le surplus à la décision déférée et aux écritures échangées en appel ;

J. R. a acheté au sculpteur A. cinq œuvres d'art originales pour un prix de 55 000 $ US, selon facture du 5 septembre 1986,

le sculpteur, agissant pour le compte de son acheteur, chargeait la SAM Blue Trans d'assurer l'expédition de ces œuvres au domicile de celui-ci, à Cologne (Allemagne) pour un prix de 16 340,25 F ;

la SAM Blue Trans confiait d'une part à la SARL F. R. & Cie le transport de deux des sculptures depuis les entrepôts de la Société Art International Transport à Gentilly (94) jusqu'à l'aéroport de Nice et, d'autre part, à la Société DEME Azur le transport des trois autres sculptures depuis l'atelier de l'artiste, à Vence (06), jusqu'audit aéroport de Nice, l'ensemble des cinq œuvres étant ensuite acheminé, en 5 colis distincts, jusqu'à l'aéroport de Cologne (Allemagne) par la Cie Air France ;

À l'arrivée à l'aéroport de Cologne, le 22 septembre 1986, il était constaté que deux colis étaient endommagés ;

Le cabinet C. G., commissaire aux avaries, était immédiatement saisi conjointement par la Cie Air France et par la Société Hasenkamp, représentant la SAM Blue Trans International ; le commissaire, A. B., procédait à une première inspection le jour même en présence du destinataire et des mandataires des deux sociétés requérantes et constatait que deux œuvres intitulées « la tension monte » et « Accumulation capsules » présentaient d'importantes dégradations qu'il attribuait à un emballage défectueux ou inexistant ; l'expert B. poursuivait ses opérations jusqu'à la restauration des deux objets ; le 15 avril 1987, il déposait un certificat d'avaries aux termes duquel, outre les éléments ci-dessus rappelés, il évaluait le montant des dommages à 78 717 F au jour du sinistre ;

Par acte du 9 juin 1988, J. R. a fait assigner la SAM Blue Trans International devant le Tribunal de première instance de Monaco aux fins d'obtenir le paiement de la somme de 78 717 F, assortie de ses intérêts légaux, ainsi que d'une somme de 20 000 F à titre de dommages-intérêts ;

Par acte du 7 avril 1989, la SAM Blue Trans International a fait assigner devant le même Tribunal, en intervention forcée, la SARL F. R. & Cie et A. F. dit A. ;

Après avoir préalablement ordonné la jonction des deux procédures, le Tribunal, par la décision déférée, a :

* déclaré la SAM Blue Trans International tenue de garantir J. R. des avaries subies par les marchandises dont il était le propriétaire destinataire ;

* déclaré la SAM Blue Trans International redevable envers J. R. de la somme de 78 717 F à titre de réparation des avaries, outre celle de 5 000 F à titre de dommages-intérêts ;

* déclaré J. R. redevable envers la SAM Blue Trans International de la somme de 16 340,25 F, montant de sa facture de transport ;

* après compensation, condamné la SAM Blue Trans International à payer à J. R. la somme de 67 376,75 F avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement ;

* débouté la SAM Blue Trans International de ses demandes en garantie à l'encontre de la SARL F. R. & Cie et d'A. F. dit A. ;

* condamné la SAM Blue Trans International à payer à la SARL F. R. & Cie et à A. F. la somme de 3 000 F à chacun à titre de dommages-intérêts ;

* condamné la SAM Blue Trans International aux dépens ;

La SAM Blue Trans International a relevé appel de cette décision tant à l'encontre de J. R. que de la SARL F. R. & Cie et d'A. F. ;

À l'appui de son appel, elle rappelle, à titre préliminaire que les marchandises ont été réceptionnées le 10 septembre 1986 (en réalité le 22 septembre 1986) alors que l'exploit introductif d'instance de J. R. porte la date du 9 juin 1988 ;

Elle soutient en premier lieu, de ce fait, que l'action de J. R. se trouve prescrite pour ne pas avoir été introduite dans le délai d'une année fixée par l'article 73 du Code de commerce ;

Elle prétend que cette prescription n'a pas été interrompue par le constat d'un expert qui, selon elle, n'aurait été mandaté que par J. R. et ne serait pas contradictoire ;

Elle affirme n'avoir jamais renoncé à se prévaloir de cette prescription ;

Elle soutient que le moyen tiré de la prescription peut être opposé en tout état de cause, y compris pour la première fois en appel ;

En second lieu, elle déclare que sa créance de 16 340,25 F sur J. R. est exigible ;

Elle demande en conséquence à la Cour :

* de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré J. R. redevable envers elle de la somme de 16 340,25 F ;

* de déclarer l'action de J. R. irrecevable, comme prescrite en vertu de l'article 73 du Code de commerce ;

* de réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déclarée tenue de garantir J. R. des avaries subies par les marchandises dont il était le propriétaire destinataire ;

* de condamner tout contestant aux dépens.

J. R., pour sa part, conclut en premier lieu à l'irrecevabilité de l'appel formé par la SAM Blue Trans International ; il soutient à cet effet que le moyen tiré de la prescription de l'article 73 du Code de commerce ne pourrait être soulevé pour la première fois en cause d'appel ;

En deuxième lieu, il fait valoir que la prescription de l'article 73, à l'instar de celle prévue par l'article 106 du Code de commerce français, ne peut plus être invoquée lorsqu'il a été aussitôt procédé au constat de l'avarie et à l'expertise, ce qui est le cas en l'espèce ;

Il rappelle à ce propos que la SAM Blue Trans International a assisté aux opérations du commissaire aux avaries, qu'elle a fait référence à son constat et à l'expertise dans ses propres écritures et qu'elle a même annoncé son intention de lui régler le montant des avaries ;

Il précise que son action tend désormais au paiement du montant des sommes retenues par l'expert ;

En troisième lieu, formant appel incident de ce chef, il sollicite la condamnation de l'appelante au paiement de la facture du transitaire en douane qui avait dû, à l'époque, conserver les marchandises litigieuses ;

En quatrième lieu, et enfin, il déclare que la résistance et l'appel de la SAM Blue Trans International sont abusifs et lui ont causé un préjudice ;

Il demande en conséquence à la Cour :

* de dire l'appelante irrecevable à se prévaloir pour la première fois en appel de la prescription annale de l'article 73 alinéa 1° du Code de commerce ;

* de la déclarer en outre mal fondée à se prévaloir de cette prescription par suite de la mesure d'expertise régulièrement intervenue et de son engagement à réparer la préjudice ;

* de confirmer en conséquence le jugement attaqué ;

* de condamner la SAM Blue Trans International à lui payer, en sus de la somme de 67 376,75 F, la contre valeur en francs français de la somme de 1 035,92 DM, représentant la facture du transitaire en douane ;

* de la condamner au paiement de 20 000 F pour résistance abusive et appel dilatoire ;

* de la condamner aux dépens ;

La SARL F. R. & Cie, quant à elle, rappelle tout d'abord qu'elle a été chargée d'exécuter un contrat de transport interne entre Gentilly et Nice et que, dès la prise en charge des deux statues, elle a émis des réserves sur l'état de l'œuvre « La tension monte » ; elle fait observer qu'en revanche aucune réserve n'a été formulée par la SAM Blue Trans lors de la livraison à Nice le 10 septembre 1986 ;

Elle rappelle également que l'emballage des marchandises aurait été réalisé par une société Deme Azur qui n'est pas en la cause et avec laquelle elle n'a aucun lien ;

Au surplus, elle invoque la prescription de l'article 73 du Code de commerce ;

Enfin, elle soutient que les dommages invoqués ne sont pas justifiés ;

Elle demande en conséquence à la Cour :

* de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action récursoire formée contre elle par la SAM Blue Trans International ;

* de déclarer irrecevables et mal fondées toutes les demandes dirigées contre elle ;

* de condamner qui il appartiendra à lui verser la somme de 18 000 F à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

* de condamner tout succombant aux dépens ;

A. F., dit A., enfin, demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré prescrite l'action intentée contre lui ;

Il demande en outre de condamner la SAM Blue Trans International à lui payer la somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts ;

Ceci étant exposé,

La Cour :

Sur la recevabilité de l'appel :

Considérant que le moyen tiré de la prescription annale de l'article 73 du Code de commerce est soulevé pour la première fois en cause d'appel par la SAM Blue Trans International à l'appui de sa propre demande d'irrecevabilité de l'action intentée contre elle ;

Considérant que ce moyen constitue en réalité une fin de non recevoir, opposable en tout état de la procédure ;

Considérant que l'appel de la SAM Blue Trans International est donc recevable ;

Sur la prescription de l'article 73 du Code de commerce ;

Considérant que l'article 73 du Code de commerce énonce en son alinéa 1° : « les actions pour avaries, pertes ou retards auxquelles peut donner lieu contre le voiturier le contrat de transport, sont prescrites par le délai d'un an, sans préjudice des cas de fraude, ou d'infidélité » ;

Considérant qu'il est constant que l'action de J. R. à l'encontre de la SAM Blue Trans International a été introduite plus d'un an après la constatation des avaries ;

Considérant que le constat et l'expertise effectués par le Cabinet G. ne sont pas de nature à interrompre la prescription ;

Que ce constat et cette expertise, ainsi qu'il résulte du rapport établi, ont été effectués sur la seule demande de la Compagnie Air France, non partie au procès, et du représentant de la SAM Blue Trans International ;

Qu'une telle expertise amiable ne peut avoir pour effet d'interrompre la prescription, faute de remplir les conditions fixées par l'article 72 du Code de commerce, à savoir essentiellement d'avoir été ordonnée judiciairement ;

Considérant en revanche que le 23 septembre 1986, soit le lendemain de la constatation des avaries, le responsable de la SAM Blue Trans International a adressé à J. R. un télex, régulièrement versé aux débats, qui, après diverses indications relatives à l'incident comporte la phrase suivante : « faisons le nécessaire pour réparer le dommage fait par l'emballeur sans responsabilité de Monsieur A. » ;

Qu'il résulte clairement de cet engagement une reconnaissance de responsabilité ;

Que cette reconnaissance constitue un titre nouveau substituant à la prescription annale la prescription trentenaire de droit commun ;

Considérant en conséquence que le moyen tiré de l'article 73 du Code de commerce doit être écarté ;

Sur les autres demandes des parties :

Considérant que les premiers juges, par des motifs pertinents que la Cour adopte, ont fait une exacte appréciation de la responsabilité de la SAM Blue Trans International ;

Qu'ils l'ont à juste titre déclarée tenue de garantir J. R. des avaries subies par les marchandises ;

Considérant que le montant des dommages, tel que fixé par l'expertise amiable, ne fait l'objet d'aucune contestation ;

Qu'il y a lieu toutefois d'ajouter au préjudice de J. R. le montant de la facture de la Société Hasenkampf en date du 27 novembre 1986, non contestée, qui n'avait pas été versée aux débats en première instance et avait été écartée pour ce motif, pour un montant de 1 035,92 DM, soit, au cours de l'époque, 3 170 F ;

Considérant que le montant de la facture de transport, retenue par les premiers juges pour une somme de 16 340,55 F, est justifié et n'est pas discuté ;

Considérant que l'appel formé par la SAM Blue Trans International à l'encontre de J. R. n'est pas manifestement abusif ou dilatoire ;

Qu'il n'y a pas lieu d'accorder à J. R., qui ne justifie d'aucun autre préjudice, des dommages-intérêts de ce chef ;

Considérant qu'aucune demande n'est formée en appel contre la SARL F. R. & Cie, ni contre A. F. dit A. ;

Qu'aucune critique n'est formulée contre la disposition du jugement qui a débouté la SAM Blue Trans International de ses demandes en garantie à l'encontre de ces deux parties ;

Que dès lors cette disposition, qui n'est pas contraire à l'ordre public, ne peut qu'être confirmée ;

Considérant qu'en relevant appel à l'encontre des deux parties susvisées et en s'abstenant de formuler à leur égard une quelconque réclamation, la société appelante a manifestement abusé de son droit d'appel et a occasionné par sa faute auxdites parties un préjudice qui sera équitablement réparé par l'attribution à chacune, à titre de dommages-intérêts, de la somme de 5 000 F ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Et ceux non contraires des premiers juges,

* dit recevable l'appel de la SAM Blue Trans International ;

* dit que l'action de J. R. est soumise à la prescription trentenaire et non à celle d'un an établie par l'article 73 du Code de commerce ;

* confirme le jugement entrepris, sauf en ce qui concerne le montant des sommes dues à J. R. et celle résultant de la compensation ; l'amendant sur ce point, déclare la SAM Blue Trans International redevable envers J. R., outre les sommes retenues par les premiers juges, de celle de 3 170 F ;

Après compensation condamne en conséquence la SAM Blue Trans International à payer à J. R. la somme de 70 546,75 F, assortie de ses intérêts au taux légal à compter de la date du jugement ;

* condamne la SAM Blue Trans International à payer, à titre de dommages-intérêts pour appel abusif, la somme de 5 000 F à la SARL F. R. & Cie et à A. F., dit A. ;

* déboute les parties de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions ;

Composition

MM. Sacote, prem. prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; Mes Karczag-Mencarelli, Leandri, av. déf.

Note

Cet arrêt confirme un jugement du 13 décembre 1990 après avoir répété le moyen d'irrecevabilité soulevé.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26167
Date de la décision : 02/06/1992

Analyses

Contrats ; Procédure civile


Parties
Demandeurs : SAM Blue Trans International
Défendeurs : R., Sté F. R. et Cie.

Références :

article 72 du Code de commerce
article 73 du Code de commerce
Code de commerce


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1992-06-02;26167 ?

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