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26/11/1991 | MONACO | N°26105

Monaco | Cour d'appel, 26 novembre 1991, SAM Monaco Computing Corporation c/ SARL A. Jour et Banque de Paris et des Pays-Bas


Abstract

Mandat apparent

Engagement du mandant à l'égard des tiers - Condition : croyance légitime de ceux-ci qu'ils traitaient avec le mandataire

Résumé

Une entreprise de publicité qui a procédé à des insertions publicitaires fréquentes au profit d'une société, sur ordres donnés par une personne agissant comme représentant de celle-ci - dont elle n'avait aucune raison de mettre en doute la sincérité - a pu légitimement croire que ladite personne était habilitée à agir au nom de cette société, laquelle a participé à l'apparence en n'émettant

aucune protestation ou réclamation alors qu'elle ne pouvait ignorer la parution de ces publicit...

Abstract

Mandat apparent

Engagement du mandant à l'égard des tiers - Condition : croyance légitime de ceux-ci qu'ils traitaient avec le mandataire

Résumé

Une entreprise de publicité qui a procédé à des insertions publicitaires fréquentes au profit d'une société, sur ordres donnés par une personne agissant comme représentant de celle-ci - dont elle n'avait aucune raison de mettre en doute la sincérité - a pu légitimement croire que ladite personne était habilitée à agir au nom de cette société, laquelle a participé à l'apparence en n'émettant aucune protestation ou réclamation alors qu'elle ne pouvait ignorer la parution de ces publicités.

Motifs

La Cour,

La Cour statue sur l'appel relevé par la SAM MCC d'un jugement rendu le 8 mars 1990 par le Tribunal de première instance de Monaco dans le litige l'opposant à la SARL A. Jour et à la banque de Paris et des Pays-Bas, tiers saisi ;

Les faits, la procédure, les moyens et les prétentions des parties peuvent être relatés comme suit, étant fait référence pour le surplus à la décision déférée et aux écritures échangées en appel ;

Il suffit de rappeler que par acte du 16 décembre 1987 la SARL « A. Jour » qui édite diverses revues dont « Vidéotex Magazine » a fait assigner la SAM « Monaco Computing Corporation » en vue d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 82 954,77 F montant de factures de publicité impayées avec intérêts de droit à compter du 12 juin 1987 date de la mise en demeure, des sommes de 20 000,00 F à titre de dommages-intérêts pour résistance injustifiée et de 20 000,00 F à titre de frais irrépétibles, le tout assorti de l'exécution provisoire ; elle a fait également assigner la Banque de Paris et des Pays-Bas en qualité de tiers saisi aux fins de déclaration conformément à la loi, suite à une saisie arrêt autorisée par ordonnance du 9 décembre 1987 ;

La société « A. Jour » faisait valoir que sa demande était justifiée par divers ordres d'insertion d'encarts publicitaires dans ses revues passées par une dame M. C.-G. se présentant comme mandataire de la SAM « Monaco Computing Corporation » ;

La publicité ainsi commandée fut publiée jusqu'au mois de juin 1987 générant des factures pour un montant total de 82 954,77 F ;

Dans sa déclaration la banque de Paris et des Pays-Bas faisait savoir au Tribunal que la saisie-arrêt pratiquée par « A. Jour » n'avait pas trouvé aliment en son établissement ;

La société « Monaco Computing Corporation » de son côté déniait avoir passé une quelconque commande à la demanderesse par l'intermédiaire de la dame C.-G. laquelle n'avait reçu aucun mandat à cet effet et demandait reconventionnellement la condamnation de « A. Jour » à lui payer la somme de 20 000,00 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Par le jugement entrepris le Tribunal de première Instance a :

* constaté que la banque de Paris et des Pays-Bas, tiers saisi, a déclaré ne détenir aucune somme pour le compte de « Monaco Computing Corporation » et ordonné en conséquence mainlevée de la saisie arrêt ;

* condamné « Monaco Computing Corporation » à payer à « A. Jour » les sommes de 82 954,77 F avec intérêts au taux légal à compter du 12 juin 1987 et de 5 000,00 F à titre de dommages-intérêts ;

* débouté « A. Jour » du surplus de sa demande, débouté « Monaco Computing Corporation » de sa demande reconventionnelle et dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

Les premiers juges estimaient pour en décider ainsi que les éléments du dossier permettaient d'établir que « Monaco Computing Corporation », qui avait signé le 12 novembre 1986 une convention avec « Régie Aire Médiatique » représentée par la dame M. C.-G. pour une durée de deux mois ayant pour objet la « valorisation multimédia » des productions vidéotex qu'elle diffusait et la préparation des conditions de management de ses services parmi lesquels la communication, avait participé, à l'occasion de la parution des encarts publicitaires dans « Vidéotex Magazine », à l'apparence de mandat qui avait pu conduire « A. Jour » tiers contractant à croire légitimement que la dame C.-G. était habilitée à agir au nom de « Monaco Computing Corporation », laquelle n'avait jamais protesté auprès de « A. Jour » à l'égard de la publicité la concernant qui avait continué à paraître jusqu'en juin 1987 suivant des ordres d'insertion passés pour partie postérieurement à la période contractuelle prévue à la Convention du 12 novembre 1986 ;

Le Tribunal considérait que les usages du commerce en la matière et les circonstances de la cause autorisaient « A. Jour » à ne pas vérifier les limites exactes des pouvoirs de la dame C.-G. et que ladite publicité avait profité à « Monaco Computing Corporation » qui disposait éventuellement d'une action récursoire à l'encontre de M. C.-G. dans l'hypothèse où elle aurait outrepassé ses pouvoirs ;

Enfin il estimait que le retard apporté par « Monaco Computing Corporation » au règlement de sa dette procédait, en l'absence de tout motif légitime, d'une résistance abusive occasionnant un préjudice certain à « A. Jour » ;

À l'appui de son recours la société « Monaco Computing Corporation » fait grief aux premiers Juges d'avoir inexactement apprécié les faits et le contrat passé le 12 novembre 1986 avec la « Régie Aire Médiatique » représentée par la dame M. C.-G. ;

Elle soutient que cette convention fixait le cadre général d'une assistance technique et pédagogique pour une période de deux mois à l'issue de laquelle un nouveau contrat définissant précisément les missions de la RAM et leur modalité d'application devait être établi mais qu'en aucun cas la convention du 12 novembre 1986 conférait mandat à la dame C.-G. pour prendre des engagements contractuels et passer des ordres d'insertion publicitaire pour le compte de « Monaco Computing Corporation » ; qu'à l'issue des deux mois aucune suite ne fut donnée aux pourparlers d'assistance technique et pédagogique ;

Elle fait encore valoir :

* qu'elle n'est pas domiciliée, comme indiquée dans les ordres d'insertion, à Paris, adresse de la dame C.-G. exerçant sous l'enseigne RAM ;

* que « A. Jour » n'a pas vérifié auprès d'elle, comme elle devait le faire, le pouvoir de représentation du mandataire en raison de l'importance des commandes ;

* qu'elle n'a commis aucune faute puisqu'elle n'a jamais reçu à son siège social à Monaco les justificatifs des exemplaires de publicité qui étaient adressés à la dame C.-G. à Paris ;

Elle soutient enfin que n'étant pas informée de ces publications elle ne pouvait émettre une quelconque protestation ou réclamation ; qu'elle ne sera amenée à contester ces ordres d'insertion qui ne portent pas son véritable cachet commercial que lorsqu'elle recevra à Monaco, après qu'elles aient été d'abord adressées à Paris à la dame C.-G., les factures correspondant auxdits ordres qui pour la plus grande partie (85 %) ne la concernait pas mais était conçue au seul profit de la RAM et de ses autres clients ;

La société « Monaco Computing Corporation » sollicite en conséquence la réformation du jugement et demande à la Cour de débouter la SAM « A. Jour » de toutes ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 20 000,00 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Par de nouvelles écritures en date du 14 mai 1991 l'appelante sollicite qu'il lui soit donné acte de ses réserves quant à la non-communication des pièces produites en première instance alors qu'elle a changé d'avocat-défenseur en cours de procédure ;

La société « A. Jour » conclut à la confirmation du jugement faisant valoir essentiellement qu'il est tenu pour acquis :

* que les commandes ont bien été exécutées, que le montant des factures n'est pas critiqué, que la dame C.-G. a invoqué sa qualité de mandataire de « Monaco Computing Corporation » pour contracter avec elle et que « Monaco Computing Corporation » a profité des insertions publicitaires sans les payer ;

* que la société « A. Jour » invoque l'apparence du mandat que « Monaco Computing Corporation » n'a pas brisée immédiatement résultant des éléments suivants :

* l'existence dans les publications publicitaires de « Vidéotex magazine » de l'adresse et des numéros de téléphone de « Monaco Computing Corporation » à Monaco et à Paris, éléments fournis lors des ordres d'insertion ;

* l'ordre d'insertion pour le magazine Listel passé par la dame C.-G. en novembre 1986 porte un cachet « Monaco Computing Corporation » avec adresse Monégasque ;

* l'absence de protestation de « Monaco Computing Corporation » auprès de « A. Jour » dont la bonne foi est évidente ;

SUR CE,

Considérant qu'il n'y a pas lieu d'accorder à la société « Monaco Computing Corporation » le donner acte de réserves sollicité, lequel ne confère la consécration d'aucun droit, étant observé que Maître Brugnetti, avocat-défenseur de « Monaco Computing Corporation » et Maître Escaut son avocat plaidant en cause d'appel étaient déjà constitués en première instance et ne paraissent avoir alors soulevé aucun incident de communication de pièces ;

Considérant qu'il résulte des éléments du dossier que les mentions contenues dans les ordres d'insertion émanant de la dame C.-G. et dans les encarts publicitaires publiés dans les revues de la société « A. Jour » tels que adresse et numéro de téléphone à Monaco sous la rubrique « Monaco Computing Corporation Exploitation », adresse et numéro de téléphone à Paris sous la rubrique « Monaco Computing Corporation Communication », tampon humide « Monaco Computing Corporation » ont créé, avec le fait qu'aucune protestation n'a été élevée par « Monaco Computing Corporation » tout au long de la parution de la publicité à son profit, une apparence de mandat pour la société « A. Jour » tiers contractant ;

Considérant que devant la fréquence des parutions publicitaires établies sur plusieurs mois jusqu'en juin 1987 et l'inertie de « Monaco Computing Corporation », professionnel en la matière qui ne pouvait ignorer la parution des publicités, « A. Jour » n'avait aucune raison de mettre en doute la sincérité des ordres reçus de la dame C.-G. et n'était donc pas tenue de vérifier auprès de « Monaco Computing Corporation » les limites exactes des pouvoirs de dame C.-G. ;

Considérant que c'est à bon droit et après avoir justement analysé les documents versés aux débats et les relations ayant existé entre les parties que les premiers juges ont estimé que « Monaco Computing Corporation » avait, par son comportement, participé à l'apparence ainsi créée par la dame C.-G. laquelle avait conduit « A. Jour » à croire légitimement qu'elle était habilitée à agir au nom de « Monaco Computing Corporation » étant observé que l'action ainsi entreprise à l'origine par ladite dame pour le compte de « Monaco Computing Corporation » paraît relever de l'exécution de la convention passée le 12 novembre 1986 ;

Que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont condamné « Monaco Computing Corporation » au règlement des factures présentées par « A. Jour » sans préjudice de l'action récursoire dont cette société pourrait disposer à l'encontre de la dame C.-G. ;

Considérant que c'est également à bon droit que le Tribunal a fixé à 5 000,00 F le montant des dommages-intérêts alloués à « A. Jour » pour le préjudice subi et a débouté « Monaco Computing Corporation », en raison de sa succombance, de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris et de condamner « Monaco Computing Corporation » aux dépens ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Et ceux non contraires des premiers juges ;

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco ;

Déboute la SAM « Monaco Computing Corporation » de ses demandes, fins et conclusions ;

Confirme le jugement du 8 mars 1990 en toutes ses dispositions ;

Composition

MM. Jean-Charles Sacotte, prem. prés. ; Daniel Serdet, prem. subst. proc. gén. ; MMes Brugnetti, Escaut et Sbarrato, av. déf.

Note

Cet arrêt confirme un jugement du 8 mars 1990, en toutes ses dispositions.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26105
Date de la décision : 26/11/1991

Analyses

Sociétés - Général


Parties
Demandeurs : SAM Monaco Computing Corporation
Défendeurs : SARL A. Jour et Banque de Paris et des Pays-Bas

Références :

ordonnance du 9 décembre 1987


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1991-11-26;26105 ?

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