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09/04/1991 | MONACO | N°26061

Monaco | Cour d'appel, 9 avril 1991, S. c/ consorts S. en présence du Ministère Public.


Abstract

Abus de confiance

Contrats constitutifs du délit - Mandat - Immunité parentale - Intention frauduleuse (non) - Confirmation de l'ordonnance de non-lieu

Résumé

Le délit d'abus de confiance dénoncé par un plaignant, partie civile, implique au nombre des éléments constitutifs de ce délit la violation de l'un des contrats limitativement énumérés à l'article 337 du Code pénal.

Si la personne objet de la plainte, avait reçu mandat de sa mère à l'effet de gérer ses intérêts, il s'avère que les faits pouvant constituer une violation de

ce mandat (transfert de fonds d'un compte de la défunte au compte personnel du mandataire) se trouv...

Abstract

Abus de confiance

Contrats constitutifs du délit - Mandat - Immunité parentale - Intention frauduleuse (non) - Confirmation de l'ordonnance de non-lieu

Résumé

Le délit d'abus de confiance dénoncé par un plaignant, partie civile, implique au nombre des éléments constitutifs de ce délit la violation de l'un des contrats limitativement énumérés à l'article 337 du Code pénal.

Si la personne objet de la plainte, avait reçu mandat de sa mère à l'effet de gérer ses intérêts, il s'avère que les faits pouvant constituer une violation de ce mandat (transfert de fonds d'un compte de la défunte au compte personnel du mandataire) se trouvent couverte par l'immunité pénale prévue par l'article 310 du Code pénal, dont les dispositions doivent être appliquées à l'abus de confiance, et que le mandat a pris fin à la date du décès du mandant.

Il s'ensuit que les éventuels détournements qui auraient pu être commis postérieurement à cette date, à les supposer établis, et sur lesquels pouvait seulement porter la plainte de la partie civile, ne sauraient constituer le délit d'abus de confiance et ne sont pas de nature à recevoir une autre qualification, étant au demeurant observé que l'information a révélé que l'exécution du mandat apparaît exclusive de toute intention frauduleuse.

Motifs

La Cour,

statuant comme juridiction d'instruction

Considérant que de l'information résultent les éléments suivants :

Le 24 août 1988 la dame A. M., Veuve S. décédait à Monaco, où elle était domiciliée, à la survivance de quatre enfants : J. S. veuve A., C. S., P. S. et E. S., épouse P. et en l'état d'un testament fait en la forme olographe le 4 août 1986 par lequel elle consentait à cette dernière un legs avec charges de la « quotité disponible la plus large » ;

Par lettre du 17 novembre 1989 - dont ils réitéraient les termes devant le magistrat instructeur le 14 décembre suivant – P. S. et J. S. veuve A. déposaient plainte avec constitution de partie civile contre leur sœur E. S. épouse P. du chef d'abus de confiance ;

Ils exposaient que la dame P., qui disposait d'une procuration sur un compte de dépôt et un compte à terme ouverts au nom de leur mère au Crédit Lyonnais de Monaco, avait fait virer sur son compte personnel ouvert dans le même établissement bancaire à de multiples reprises diverses sommes correspondant pour l'essentiel à des loyers et au remboursement d'un bon de caisse de 300 000 F ; Ils précisaient que le compte de dépôt [numéro] de leur mère ne présentait à son décès qu'un solde de 1 262,09 F et qu'il avait été impossible de retrouver les sommes importantes déposées depuis mai 1981 sur son compte à terme et qui ne figuraient pas dans la déclaration de succession ; Ils n'excluaient pas la possibilité que des virements aient été effectués postérieurement au décès de la dame M. veuve S. pour vider le compte de dépôt susvisé de la défunte ;

Au cours de l'information ouverte contre la dame P. du chef d'abus de confiance sur réquisitoire du Ministère public en date du 19 décembre 1989 cette dernière admettait dès son interrogatoire sur première comparution le 25 octobre 1990 avoir débité le compte dépôt [numéro] de la défunte au Crédit Lyonnais pour alimenter un compte sur livret [numéro] et un compte dépôt [numéro] ouverts à son propre nom dans la même banque ; Elle déclarait l'avoir fait à la demande de sa mère qui, tombée gravement malade en 1986, alors qu'elle disposait déjà d'une procuration, lui avait demandé de s'occuper de ses affaires et ce, à l'effet de procéder à des règlements pour le compte de cette dernière ; Elle indiquait enfin que ses frères et sœur étaient informés de cette situation en précisant que le solde des comptes susvisés ouverts à son nom faisait partie de l'actif successoral ;

Il résultait de l'instruction, essentiellement, que la dame M. veuve S., ne disposait plus de compte à terme à la date du 1er janvier 1987, que les débits opérés sur son compte dépôt [numéro] et admis par la dame P. s'élevaient à environ 456 500 F, que cette dernière avait tenu un compte détaillé des sommes qu'elle avait été amenée à payer pour le compte de sa mère - parfois sous forme de dons au profit de ses frère et sœur ou de leurs enfants - ou de la succession, pour des montants avoisinants la somme susvisée, qu'un expert Monsieur Orecchia désigné parallèlement par ordonnance de référé n'avait pas relevé d'anomalies dans les comptes de la dame P. et qu'enfin, ses frère et sœur, ce qu'a expressément affirmé l'un d'eux C. S., n'ignoraient pas qu'elle gérait les affaires de leur mère étant encore relevé qu'une instance civile en annulation du testament du 4 août 1986 a été introduite par P. S. et J. S. contre la dame P. née S. suivant assignation du 21 mars 1989 ;

C'est en l'état de ces éléments qu'est intervenue l'ordonnance de non-lieu déférée, conformément au réquisitoire définitif du Ministère Public, au motif que l'information ne relevait l'existence d'aucun fait, imputable à l'inculpée, constitutif d'une infraction et qu'en conséquence il n'en résultait pas charges suffisantes contre E. S. épouse P. d'avoir commis le délit reproché ;

À l'appui de leur appel P. S. et J. S. veuve A. - dont le mémoire déposé le jour de l'audience doit être écarté des débats en raison de sa tardiveté - estiment que les investigations effectuées au cours de l'information sont insuffisantes - Ils soutiennent en particulier qu'il n'a pas été procédé à une vérification approfondie de l'emploi des sommes provenant des retraits effectués par l'inculpée sur le compte de leur mère au Crédit Lyonnais en observant que les justificatifs des dépenses n'ont pas été fournis ; Ils considèrent que le transfert des fonds sur les comptes ouverts par la dame P. a permis à cette dernière de continuer à les utiliser postérieurement au décès de leur mère dans des conditions qu'ils estiment suspectes ou en tous cas mal déterminées ; Ils sollicitent l'infirmation de l'ordonnance de non-lieu et « la réouverture de l'instruction » ;

Le Ministère Public considérant que la dame P. a fourni au cours de l'instruction des explications et justifications suffisantes estime pour sa part que celles-ci excluent, dans la mesure ou ne pourrait jouer l'immunité parentale, que puisse être retenue à sa charge une infraction pénale et requiert confirmation de l'ordonnance intervenue ;

La dame P., qui conclut aux mêmes fins, déclare que les parties civiles sont animées à son égard par un sentiment d'animosité du fait que leur mère a pris des dispositions testamentaires l'avantageant qu'ils ont d'ailleurs contestées par une action devant le Tribunal de première instance ; Elle relève qu'un de leurs frères, C. S., ne s'est associé ni à la plainte ni à la procédure civile ; Réitérant ses déclarations faites au cours de l'information elle affirme avoir géré au mieux les intérêts de la défunte à la demande de cette dernière durant sa dernière maladie, en indiquant que les comptes qu'elle a tenus ont permis à l'expert Orecchia de conclure que cette gestion avait été faite « en bon père de famille » ;

SUR CE,

Considérant que le délit d'abus de confiance dénoncé implique au nombre de ses éléments constitutifs la violation de l'un des contrats limitativement énumérés à l'article 337 du Code pénal ;

Considérant que si la dame P. avait reçu mandat de la dame A. M. veuve S., mère des parties, à l'effet de gérer ses intérêts, il convient d'observer :

* d'une part que les faits pouvant constituer une violation de ce mandat sont couverts par l'immunité pénale prévue par l'article 310 du Code pénal dont les dispositions doivent être appliquées à l'abus de confiance ;

* d'autre part que ledit mandat est expiré à la date du décès de la mandante ;

Considérant dès lors que les éventuels détournements qu'aurait pu commettre la dame P. postérieurement à cette date, à les supposer établis, et sur lesquels pouvait seulement porter la plainte des parties civiles, ne sauraient constituer le délit d'abus de confiance et ne sont pas de nature à recevoir une autre qualification pénale ;

Considérant en conséquence, étant au demeurant observé que les conditions établies par l'information et ci-dessus rapportées dans lesquelles la dame P. a justifié de l'exécution de son mandat apparaissent exclusives de toute intention frauduleuse, que c'est à juste titre, mais par motifs partiellement substitués, que le juge d'instruction a dit qu'il n'y avait pas lieu à suivre contre l'inculpée ;

Que les appelants doivent être déboutés de leur appel ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS ;

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

statuant comme juridiction d'instruction ;

Reçoit en la forme l'appel des parties civiles ;

Les y déclarant mal fondés les en déboute ;

Confirme l'ordonnance de non-lieu en date du 26 février 1991 ;

Composition

MM. Huertas, prem. prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; Mes Boeri et Clerissi, av. déf.

Note

Cet arrêt confirme une ordonnance de non-lieu du juge d'instruction rendue le 26 février 1991.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26061
Date de la décision : 09/04/1991

Analyses

Pénal - Général ; Infractions contre les personnes


Parties
Demandeurs : S.
Défendeurs : consorts S. en présence du Ministère Public.

Références :

article 310 du Code pénal
article 337 du Code pénal


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1991-04-09;26061 ?

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