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15/01/1991 | MONACO | N°26027

Monaco | Cour d'appel, 15 janvier 1991, S., Ministère Public c/ H.


Abstract

Contrat de travail

Cumul d'un mandat social et d'un contrat de travail

Infraction à la législation du travail

Preuve non rapportée de l'existence effective d'un contrat de travail - Infractions aux lois n. 739 du 16 mars 1963 et 619 du 26 juillet 1956 non constituées - Irrecevabilité de la partie civile

Résumé

Le directeur d'une société, dont il est l'un des administrateurs ne peut se prévaloir de la qualité de salarié et des droits qui y sont attachés, que dans la mesure où ses activités au sein de la société feraient ressort

ir l'existence d'un cumul de son mandat social avec un contrat de travail, la preuve seulement forme...

Abstract

Contrat de travail

Cumul d'un mandat social et d'un contrat de travail

Infraction à la législation du travail

Preuve non rapportée de l'existence effective d'un contrat de travail - Infractions aux lois n. 739 du 16 mars 1963 et 619 du 26 juillet 1956 non constituées - Irrecevabilité de la partie civile

Résumé

Le directeur d'une société, dont il est l'un des administrateurs ne peut se prévaloir de la qualité de salarié et des droits qui y sont attachés, que dans la mesure où ses activités au sein de la société feraient ressortir l'existence d'un cumul de son mandat social avec un contrat de travail, la preuve seulement formelle de celui-ci étant insuffisante.

En effet, les fonctions salariées doivent être effectives et distinctes du mandat social et impliquer un lien de subordination et une rétribution indépendante, conditions qui n'apparaissent pas réunies, alors que le livre de paye démontre que l'intéressé est classé dans la catégorie des administrateurs et qu'il n'est point gratifié par des primes d'ancienneté (qu'il réclame).

Il s'ensuit que le directeur administrateur ne saurait être fondé dans sa constitution de partie civile contre le représentant de la société basée sur l'infraction aux dispositions de la loi n° 739 du 16 mars 1963 et n° 619 du 26 juillet 1956.

Motifs

La Cour,

La Cour statue sur l'appel d'un jugement rendu le 22 mai 1990 par le Tribunal Correctionnel de Monaco qui a relaxé G. H. des fins de la poursuite exercée à son encontre du chef d'infractions aux dispositions des lois n. 739 du 13 mars 1963 et 619 du 26 juillet 1956 et qui a débouté M. S. et J.-M. F. de leurs constitutions de partie civile ;

Considérant que les faits, objets de la poursuite, peuvent être relatés comme suit :

Le 24 mars 1988, le Contrôleur du travail qui effectuait des vérifications au siège de la société « Le Prêt », dirigée par G. H., relevait que deux membres de la direction, M. S. et J.-M. F., ne percevaient pas la prime d'ancienneté prévue par la Convention collective des établissements financiers ;

La société était mise en demeure de régulariser la situation et de verser un rappel aux intéressés ;

G. H. refusait de s'exécuter, au motif que M. S. et J.-M. F. n'étaient pas des salariés de l'entreprise mais des administrateurs de celle-ci ;

Des poursuites étaient alors engagées à l'encontre de G. H. devant le Tribunal correctionnel, M. S. et J.-M. F. se constituant partie civile et réclamant diverses indemnités et primes ;

Considérant que les premiers juges ont estimé que l'existence d'un contrat de travail n'étant pas suffisamment caractérisée au profit de S. et F., les infractions reprochées à G. H. n'étaient pas constituées ;

Que c'est dans ces conditions qu'ils ont rendu la décision de relaxe entreprise ;

Considérant que le Ministère Public et M. S. ont relevé appel de cette décision ;

Considérant que par conclusions déposées le 30 novembre 1990 et développées à l'audience par son Conseil, M. S. réitère les allégations selon lesquelles il aurait la qualité de salarié et serait titulaire d'un contrat de travail ;

A l'appui de cette affirmation, il soutient qu'il a été embauché le 1er juillet 1960 par la société Le Prêt, en qualité de Directeur. Il verse aux débats une autorisation d'embauchage et un permis de travail. Il déclare avoir aperçu des salaires, régulièrement inscrits sur le livre de paie et qui ont fait l'objet des retenues correspondant aux cotisations sociales ;

Il invoque une convention du 25 septembre 1981 par laquelle G. H., après avoir pris le contrôle de la Société, lui aurait reconnu la qualité de salarié bénéficiant d'un contrat à durée indéterminée ;

Il soutient qu'il existait entre G. H. et lui-même un lien de subordination caractérisant sa situation de salarié ;

Il affirme enfin que la qualité d'associé et l'existence d'un mandat social ne sont pas incompatibles avec l'état de salarié ;

Considérant que M. S. conclut à la recevabilité de sa constitution de partie civile et sollicite la condamnation de G. H. et de la société Le Prêt, civilement responsable, au paiement des sommes de : 358 694, 15 F et 50 000 F à titre de dommages-intérêts ;

Considérant que le Ministère Public faisant siennes les explications de la partie civile, estime que les infractions visées à la prévention sont constituées et requiert l'infirmation du jugement et la condamnation du prévenu aux peines prévues par la loi ;

Considérant que G. H. régulièrement représenté par son Conseil, fait plaider que M. S. n'a jamais été salarié de l'entreprise ;

Il rappelle que M. S. est l'un des deux fondateurs de la Société, en 1956 ;

Il fait valoir qu'avant l'arrivée du groupe H. au sein de la société, M. S. avait été renouvelé dans ses fonctions d'administrateur-délégué par l'Assemblée générale et que rien n'avait changé par la suite ;

Il fait observer que depuis l'origine la rémunération de M. S. avait été votée, comme pour les autres administrateurs, par l'Assemblée Générale et que ses « appointements et indemnités » étaient répertoriés dans le livre de paie, tenu par M. S. lui-même, sous la rubrique « administrateur » ;

Il relève en outre que jamais M. S. ne s'était délivré de bulletin de salaire avant la naissance du litige ;

Subsidiairement, il conteste la recevabilité de la constitution de partie civile, au motif qu'une éventuelle indemnisation d'un salarié relevait de la compétence du Tribunal du travail et non des juridictions de droit commun ;

Il conclut en définitive à la confirmation du jugement entrepris ;

Sur ce,

Considérant qu'il résulte des pièces produites et des débats à l'audience que M. S. est, depuis la fondation par lui-même et un associé de la Société Le Prêt en 1956, administrateur de cette Société !

Qu'il n'est pas contesté qu'il ait conservé cette qualité jusqu'à son départ ;

Que la solution du litige dépend de l'existence, ou non, d'un cumul de son mandat social avec un contrat de travail ;

Considérant qu'il ne suffit pas pour bénéficier de la qualité de salarié et de la protection qui s'y attache, de justifier de l'existence matérielle et formelle d'un contrat de travail ;

Qu'un certain nombre de conditions de fond doivent être remplies ;

Considérant qu'ainsi les fonctions salariées doivent être effectives et distinctes du mandat social ;

Qu'en l'espèce, l'autorisation d'embauchage et le permis de travail versés aux débats portent la mention « Directeur » ;

Qu'il est précisé dans la convention du 25 septembre 1981 que M. S., tout en bénéficiant d'un contrat à durée indéterminée, « aura des fonctions identiques à celles qu'il occupe actuellement dans la société » ;

Que la direction de la société ne relève pas, de par sa généralité, d'un prétendu contrat de travail, mais bien du mandat social dont était investi M. S. ;

Considérant que le cumul suppose également l'existence d'un lien de subordination ;

Que ce lien n'est pas suffisamment établi par les documents versés aux débats ;

Qu'en effet si M. S. invoque trois documents, datés de 1986 et 1987, pour l'ensemble de la durée de ses fonctions, ceux-ci ne revêtent pas les caractéristiques d'ordres qui lui auraient été adressés mais s'inscrivent dans le cadre de rapports entre associés, même s'il apparaît que l'un de ceux-ci tend à prendre un rôle plus important que par le passé ;

Considérant que la qualité de salarié exige enfin l'existence d'une rémunération distincte de celle qui lui est allouée comme mandataire social ;

Qu'en l'espèce, les rémunérations de M. S., qualifiées d' « appointements et indemnités » versées aux administrateurs, ont toujours été adoptées par les assemblées générales de la société ;

Que le livre de paye, tenu par M. S. lui-même fait apparaître, notamment pour l'année 1988, qu'il se classe dans la catégorie des « administrateurs » et non dans celle des « cadres » ou des « non-cadres » ;

Qu'enfin, alors qu'il avait en charge le calcul des rémunérations, il n'avait jamais estimé devoir s'attribuer la prime d'ancienneté dont il gratifiait certains collaborateurs de l'entreprise, ni se délivrer de bulletin de salaire avant la naissance du présent litige ;

Considérant que de ce qui précède il résulte clairement que M. S. n'avait pas la qualité de salarié de la société Le Prêt dont il était administrateur ;

Que ladite société ou son Président Délégué, G. H., n'étaient donc pas tenus de lui payer les diverses primes ou indemnités prévues par la réglementation ou les conventions collectives au profit des seuls salariés ;

Que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont estimé que les infractions visées à la prévention n'étaient pas constituées et qu'ils ont relaxé G. H. des fins de la poursuite ;

Considérant qu'à défaut d'infraction, aucune constitution de partie civile ne saurait être admise ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco, statuant en matière correctionnelle,

Confirme le jugement du Tribunal correctionnel en date du 22 mai 1990 ;

Composition

MM. Sacotte V. Prés. Serdet prem. subst. proc. Gén. - Mes Sbarrato Lorenzi av. déf ; Abecassis et Deur av. barr. de Nice.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26027
Date de la décision : 15/01/1991

Analyses

Social - Général ; Contrats de travail


Parties
Demandeurs : S., Ministère Public
Défendeurs : H.

Références :

lois n. 739 du 16 mars 1963
lois n. 739 du 13 mars 1963


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1991-01-15;26027 ?

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