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15/05/1990 | MONACO | N°25600

Monaco | Cour d'appel, 15 mai 1990, Société Knapton Corporation Panama B. c/ V.


Abstract

Appel civil

Moyens nouveaux - Admissibilité - Exception « non adimpleti contractus »

Preuve

Charge incombant aux parties

Solidarité

Absence de présomption de la solidarité entre débiteurs - Application des articles 1055 et 1057 du Code civil

Résumé

L'utilisation de moyens nouveaux en appel, telle que l'exception « non adimpleti contractus » n'est point interdite en cause d'appel, alors qu'il n'en est pas de même des demandes nouvelles.

Il n'appartient pas au juge de se substituer aux parties, auxquelles inc

ombe la charge de la preuve, en ordonnant de son propre chef une mesure d'instruction, dès lors qu'il s'estime suffis...

Abstract

Appel civil

Moyens nouveaux - Admissibilité - Exception « non adimpleti contractus »

Preuve

Charge incombant aux parties

Solidarité

Absence de présomption de la solidarité entre débiteurs - Application des articles 1055 et 1057 du Code civil

Résumé

L'utilisation de moyens nouveaux en appel, telle que l'exception « non adimpleti contractus » n'est point interdite en cause d'appel, alors qu'il n'en est pas de même des demandes nouvelles.

Il n'appartient pas au juge de se substituer aux parties, auxquelles incombe la charge de la preuve, en ordonnant de son propre chef une mesure d'instruction, dès lors qu'il s'estime suffisamment éclairé par les pièces versées aux débats.

La solidarité ne se présume pas (C. civ. art. 1055).

Le seul fait d'être obligé à une même chose est insuffisant à établir entre les débiteurs un lien de solidarité, à défaut de stipulation expresse ou de disposition particulière de la loi (art. 1057 du même Code).

Motifs

La Cour,

La Cour statue sur l'appel d'un jugement rendu le 15 juin 1989 par le Tribunal de Première Instance de Monaco, dans un litige opposant L. V. aux époux B., à la Société Knapton Corporation Panama et diverses banques, tiers saisis, (appel n° 90-28) ;

Les faits, la procédure, les moyens et les prétentions des parties peuvent être relatés comme suit, étant fait référence pour le surplus à la décision déférée et aux écritures échangées en appel ;

Début 1988, les époux B., administrateurs de la Société Knapton Corporation Panama, confièrent à L. V., exploitant l'entreprise « T. C. », l'exécution d'importants travaux de transformation dans un appartement situé « Résidence du . » appartenant à la Société Knapton, et destiné à leur propre logement ;

A la fin du chantier, le 27 juillet 1988, L. V. établit un compte définitif, rectifié le 15 septembre 1988 pour réparer une omission. Ce compte, qui prenait en considération les travaux supplémentaires commandés par les époux B. et la Société Knapton Corporation Panama ainsi que les acomptes versés, faisait apparaître un solde restant dû de 728 239 F. ;

Diverses réclamations amiables étant restées sans effet, L. V., autorisé par ordonnance du 7 octobre 1988, fit pratiquer sur les comptes bancaires de ses débiteurs une saisie-arrêt qui se révéla infructueuse ;

Par ordonnance du 10 février 1989, il fut autorisé à inscrire une hypothèque provisoire sur les biens de la Société Knapton Corporation Panama en sûreté d'une somme de 860 000 F. à laquelle était évaluée sa créance, tant dans le cadre du présent litige que dans celui d'une autre affaire en cours ;

Par acte du 14 octobre 1988, L. V. a fait assigner les époux B. et la Société Knapton Corporation Panama ainsi que diverses banques en qualité de tiers saisis, en paiement du solde des travaux ;

Par le jugement déféré, le Tribunal a :

* donné acte à divers établissements bancaires qu'ils ne détenaient aucun compte au nom des époux B. ou de la Société Knapton Corporation Panama ;

* ordonné la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée entre les mains de la Banque de Placement et de Crédit, les comptes des intéressés dans cette banque étant débiteurs ;

* condamné conjointement les époux B. et la Société Knapton Corporation Panama à payer à L. V. la somme de 688 220 F. avec intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 1988, ainsi que la somme de 30 000 F. à titre de dommages-intérêts ;

* ordonné l'exécution provisoire de sa décision à concurrence de 384 248 F.,

* condamné les époux B. et la Société Knapton Corporation Panama aux dépens ;

La Société Knapton Corporation Panama et les époux B. ont relevé appel de cette décision ;

A l'appui de leur appel, ils invoquent une exception d'inexécution (exception non adimpleti contractus). Ils prétendent en effet, que les travaux réalisés seraient entachés de nombreuses malfaçons ;

Ils versent aux débats un rapport établi à leur demande par la Société Somerco, en dates des 19 août et 12 septembre 1988, fixant à 344 011 F. le montant de ces malfaçons ;

Ils soutiennent que ce rapport, établi selon eux de façon contradictoire, établit la réalité de leur contestation et les dispenserait de remplir leurs obligations ;

Ils font observer que le Tribunal a pris en considération un rapport non contradictoire de l'expert de la Compagnie d'assurances de leur adversaire ;

Ils reprochent, enfin au Tribunal de ne pas avoir, de sa propre initiative, ordonné une expertise ;

Accessoirement, ils soulignent que l'exception qu'ils soulèvent ne constitue pas un moyen nouveau soulevé pour la première fois en appel ;

Ils demandent en définitive, à la Cour :

* d'infirmer le jugement entrepris ;

* de débouter L. V. de toutes ses demandes ;

* de le condamner aux dépens ;

L. V., pour sa part, soutient en premier lieu que l'exception d'inexécution serait soulevée pour la première fois en appel et serait donc irrecevable ;

En deuxième lieu, il fait observer que sa créance est certaine, liquide et exigible et résulte des pièces du marché, alors que la prétendue créance des appelants est purement éventuelle et nullement étayée par un rapport contradictoire ;

Ils relèvent que les appelants n'ont formulé aucune réserve en cours d'exécution des travaux ni lors de la prise de possession des lieux ;

En troisième lieu, il rappelle que si son propre assureur a estimé que quelques retouches pourraient être nécessaires, pour un montant de 40 039,36 F., le nouveau propriétaire des lieux l'avait félicité pour son travail ; que dans ces conditions, il sollicitait le paiement de cette somme ;

En quatrième lieu, il invoque certaines difficultés dans l'exécution provisoire du jugement entrepris et soutient que la condamnation des appelants devrait être solidaire en application de l'article 1055 du Code civil ;

En cinquième lieu, il soutient que l'appel est abusif et vexatoire, alors surtout que l'appartement litigieux aurait été revendu ;

Il demande en conséquence, à la Cour :

* de déclarer irrecevable, ou en tout cas mal fondée, l'exception d'inexécution,

* de débouter les appelants de toutes leurs demandes,

* de condamner solidairement les appelants au paiement du solde des travaux restant dus à l'entrepreneur sous déduction des sommes que, dans le cadre de l'exécution provisoire dont était assorti le jugement déféré, il aurait pu percevoir de la Banque de Placement et de Crédit, caution des époux B.,

* de condamner solidairement les appelants à lui payer la somme de 40 039,36 F.,

* de les condamner au paiement de 100 000 F. à titre de dommages-intérêts et aux entiers dépens ;

Ceci étant exposé, la Cour :

Considérant que contrairement aux allégations de L. V., l'exception d'inexécution a été expressément soulevée par les appelants devant les Premiers Juges, notamment dans leurs conclusions datées du 6 avril 1989, auxquelles le jugement déféré a répondu ;

Qu'au surplus, l'utilisation de moyens nouveaux en appel, n'est pas interdite, seule la présentation de demandes nouvelles étant impossible ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que les travaux contractuellement prévus par les parties aient été exécutés, les appelants soutenant seulement que lesdits travaux seraient entachés de malfaçons ;

Considérant que les appelants versent aux débats un document établi les 19 août et 12 septembre 1988 à leur demande par la Société méridionale de coordination (SOMERCO) ;

Que contrairement aux allégations des appelants, il ne résulte pas de ce document qu'il ait été établi de façon contradictoire ;

Qu'il apparaît, au contraire, d'une lettre de la même Société SOMERCO en date du 19 septembre 1988, qu'une visite des lieux s'est déroulée en présence de représentants de l'entreprise T. C. le 16 septembre 1988, soit postérieurement à la rédaction du rapport invoqué, et que lesdits représentants auraient, d'ailleurs, formulé de nombreuses réserves ;

Que, c'est donc à juste titre que les Premiers Juges ont estimé que le document produit, établi de façon non contradictoire, était dénué de valeur probante ;

Qu'il y a lieu de relever au surplus que le susdit rapport ne comporte pour chaque poste que des estimations forfaitaires qui ne sont étayées par aucun document ;

Considérant que les Premiers Juges ont déduit de la somme totale réclamée par L. V. celle de 40 039 F. ;

Que cet abattement résulte de la prise en compte d'un rapport officieux de l'expert de la Compagnie d'assurances de L. V. ;

Considérant que si L. V. soutient aujourd'hui que ce rapport, non contradictoire, n'a jamais été accepté par lui et ne peut lui être opposé, il n'en demeure pas moins qu'il l'a lui-même invoqué en première instance et qu'il résulte des pièces versées aux débats qu'il avait accepté de prendre en charge les travaux estimés nécessaires par cet expert ;

Qu'il n'y a pas lieu, en conséquence, de modifier sur ce point la décision des Premiers Juges ;

Considérant qu'il n'appartient pas au juge de se substituer aux parties, auxquelles incombe la charge de la preuve, en ordonnant de son propre chef une mesure d'instruction, dès lors qu'il s'estime suffisamment éclairé par les pièces versées aux débats ;

Qu'il ne peut donc être reproché aux premiers Juges de ne pas avoir ordonné une expertise qui n'était pas sollicitée ;

Considérant que la solidarité ne se présume pas ;

Que le seul fait d'être obligé à une même chose est insuffisant à établir entre les débiteurs un lien de solidarité, à défaut de stipulation expresse ou de disposition particulière de la loi ;

Considérant que l'appel de la Société Knapton Corporation Panama et des époux B. est manifestement abusif et dilatoire, étant observé qu'ils se refusent encore à payer une dette dont ils ne contestent qu'une partie ;

Qu'il y a lieu de les condamner de ce chef au paiement d'une somme de 50 000 F. en réparation du préjudice subi de leur faute par L. V. ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Et ceux non contraire des Premiers Juges,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Condamne la Société Knapton Corporation Panama et les époux B. à payer à L. V., à titre de dommages-intérêts pour appel abusif et dilatoire, la somme de 50 000 F. ;

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions ;

Composition

MM. Huertas, prem. prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; Mes Sbarrato, et Léandri av. déf. ; Gorra av. bar. de Nice.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25600
Date de la décision : 15/05/1990

Analyses

Procédure civile


Parties
Demandeurs : Société Knapton Corporation Panama B.
Défendeurs : V.

Références :

ordonnance du 10 février 1989
ordonnance du 7 octobre 1988
articles 1055 et 1057 du Code civil
C. civ.
article 1055 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1990-05-15;25600 ?

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