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08/05/1990 | MONACO | N°25598

Monaco | Cour d'appel, 8 mai 1990, S.A.M. Polymat c/ SODIAV, Crédit Foncier de Monaco et Crédit Lyonnais.


Abstract

Vente

Vente mobilière - Vices cachés - Obligation du vendeur - Action rédhibitoire - Irrecevabilité de l'action à défaut d'avoir été introduite dans les 3 mois de la connaissance des vices cachés (C. civ. art. 1490, al. 3)

Résumé

L'action en dommages-intérêts engagée par l'acquéreur contre son vendeur, auquel il reproche de lui avoir livré des appareils, dont la défectuosité les rend impropres à leur destination, s'inscrit dans le cadre contractuel de la garantie à laquelle se trouve tenu le vendeur, conformément aux articles 1483 et su

ivants du Code civil, de sorte que l'acquéreur ne saurait se prévaloir des dispositions des ...

Abstract

Vente

Vente mobilière - Vices cachés - Obligation du vendeur - Action rédhibitoire - Irrecevabilité de l'action à défaut d'avoir été introduite dans les 3 mois de la connaissance des vices cachés (C. civ. art. 1490, al. 3)

Résumé

L'action en dommages-intérêts engagée par l'acquéreur contre son vendeur, auquel il reproche de lui avoir livré des appareils, dont la défectuosité les rend impropres à leur destination, s'inscrit dans le cadre contractuel de la garantie à laquelle se trouve tenu le vendeur, conformément aux articles 1483 et suivants du Code civil, de sorte que l'acquéreur ne saurait se prévaloir des dispositions des articles 1229 et 1230 du même code, en raison de la règle du non-cumul des responsabilités « contractuelles et délictuelles ». Cette action constitue une action rédhibitoire à caractère autonome, laquelle pour être recevable aurait du être introduite dans les trois mois à compter de la date du dépôt du rapport d'expertise révélant les vices cachés des appareils vendus, en application de l'article 1490 alinéa 3 du Code civil.

Motifs

La Cour,

La Cour statue sur l'appel relevé par la Société Anonyme Monégasque « Polymat » d'un jugement rendu le 11 mai 1989, par le Tribunal de Première Instance qui, sur la demande de la Société Anonyme Monégasque SODIAV a :

* condamné la Société Anonyme Monégasque « Polymat » à payer à la Société Anonyme Monégasque SODIAV la somme de 90 158,46 F. avec intérêts au taux légal à compter du 28 mai 1982 ;

* débouté la Société SODIAV de sa demande tendant au paiement de dommages-intérêts ;

* donné acte au Crédit Foncier de Monaco et au Crédit Lyonnais de leurs déclarations affirmatives et à la banque La Hénin de ce qu'elle a déclaré ne détenir aucune somme pour le compte de la Société « Polymat » ;

* validé les saisies-arrêts pratiquées à la requête de la Société SODIAV selon exploit du 28 mai 1982 entre les mains du Crédit Foncier de Monaco et du Crédit Lyonnais sur les fonds ou valeurs détenus pour le compte de la Société « Polymat » à due concurrence des sommes saisies arrêtées ;

* dit que le Crédit Foncier de Monaco et le Crédit Lyonnais, agence de Monaco, seront tenus de se libérer entre les mains de la société SODIAV des sommes susvisées qu'ils ont déclaré détenir pour le compte de la Société « Polymat » ;

* déclaré la Société « Polymat » irrecevable en sa demande reconventionnelle ;

* ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ;

* condamné la Société « Polymat » aux dépens ;

Considérant que les faits de la cause sont exactement rapportés par le jugement entrepris auquel le présent arrêt en tant que de besoin se réfère expressément ;

Considérant que pour statuer comme ils l'ont fait les Premiers Juges ont estimés, sur la demande principale, que la créance de la Société SODIAV qui ne trouvait pas son fondement dans le rapport cambiaire ayant existé entre les parties en raison de l'inexécution partielle du contrat mais plutôt dans les conditions de son exécution telles que analysées par l'expert O'Callaghan nommé à la demande de « Polymat », devait être fixée à la somme de 90 158,46 F. ;

Qu'en outre, la demande de dommages-intérêts n'était pas fondée, le refus de paiement opposé par « Polymat » ne pouvant être considéré comme abusif en raison du caractère excessif des facturations établies par SODIAV ;

Considérant que pour déclarer « Polymat » irrecevable en sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts formulée le 15 juin 1988 les Premiers Juges ont relevé que cette Société, arguant de défectuosités rendant les appareils impropres à la vente, avait entendu présenter non un simple moyen de défense ou une exception à la demande principale mais une action à caractère autonome fondée sur les vices notamment cachés à la chose livrée révélés par l'expert qui, à peine de forclusion, aurait dû être introduite dans le délai de trois mois à compter du 2 décembre 1983, date du dépôt du rapport d'expertise conformément aux dispositions de l'article 1490, alinéa 3 du Code civil ;

Considérant qu'à l'appui de son appel la Société « Polymat » qui demande à la Cour de réformer le jugement déféré, fait valoir, en ce qui concerne la demande principale de la Société SODIAV, que :

* l'expert O'Callaghan a relevé les nombreuses erreurs et défaillances incombant à SODIAV vendeur ayant l'obligation en application de l'article 1492 du Code civil de livrer la chose propre à l'usage auquel cette chose était destinée en contrepartie de l'obligation faite à l'acquéreur d'en acquitter le prix ;

* que « Polymat » ayant dû débourser la somme de 92 826,45 F. pour remédier aux erreurs de conception et malfaçons du seul fait de SODIAV il y a lieu de décharger l'appelante de la condamnation mise à sa charge ou de la compenser avec ladite somme de 92 826,45 F. ;

Que cette demande constitue un moyen de défense à l'action principale et ne peut être prescrite en l'espèce ;

Considérant, en ce qui concerne sa demande reconventionnelle, que « Polymat » expose que son action n'est pas fondée sur les dispositions des articles 1483 et suivants du Code civil mais sur les articles 1229 et 1230 dudit Code lesquels obligent : « toute personne par la faute, par la négligence ou même simplement par le fait de laquelle il a été occasionné un dommage, de réparer intégralement ce dernier » ;

Que, visant les constatations de l'expert O'Callaghan, « Polymat » sollicite, outre le déboutement de SODIAV de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif, sa condamnation au paiement de la somme de 583 222,90 F. à titre de dommages-intérêts se décomposant comme suit :

* 144 220,90 F. en réparation de son préjudice matériel,

* 200 000,00 F. au titre de son préjudice commercial pour perte de ventes,

* 239 000,00 F. au titre de son préjudice financier ;

Considérant que « Polymat » demande en conséquence, à la Cour :

* de mettre à néant le jugement du 11 mai 1989,

* de décharger « Polymat » de toutes les condamnations prononcées à son encontre,

* de donner main-levée immédiate, définitive et sans réserves des diverses saisies-arrêts pratiquées le 28 mai 1982 entre les mains tant du Crédit Foncier de Monaco que du Crédit Lyonnais,

* de dire et juger que ces banques pourront, sur simple signification de l'arrêt à intervenir, valablement se dessaisir entre les mains de la société requérante des sommes qu'elles détiennent pour le compte de celle-ci,

* de condamner SODIAV à régler à « Polymat » la somme de 583 222,90 F. en réparation des dommages qui lui ont été incontestablement occasionnés sur les plans aussi bien matériel que financier et commercial par les fautes et par le fait de la Société intimée outre les intérêts de droit sur ladite somme à compter rétroactivement du 15 juin 1988 jusqu'à la date de son parfait paiement,

* de débouter SODIAV de son appel incident en paiement de dommages-intérêts pour appel abusif ;

Considérant que la Société SODIAV qui estime infondé l'appel interjeté par « Polymat » conclut à la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf, y ajoutant, à condamner « Polymat » à payer la somme de 5 000 F. à titre de dommages-intérêts pour appel abusif ;

Que SODIAV fait valoir, en premier lieu, que la demande reconventionnelle de « Polymat » fondée sur les défectuosités des appareils livrés les rendant impropres à la vente aurait du être présentée dans les trois mois de la connaissance du vice soit au plus tard le 3 mars 1984 et non le 15 juin 1988 dans ses écritures de première instance et ce, y compris la demande de 92 826,45 F. représentant la remise en état des appareils qui constitue une indemnisation pour garantie donc l'objet même de l'action de « Polymat » ;

* qu'en deuxième lieu, « Polymat » qui a toujours fait état des défaillances et défectuosités des appareils livrés par SODIAV ne saurait en raison de la règle du non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle invoquer l'application des dispositions des articles 1229 et 1230 du Code civil s'inscrivant dans le cadre délictuel et quasi-délictuel alors que les relations des parties ont toujours été contractuelles ;

* qu'en troisième lieu, « Polymat » qui a reconnu en première instance devoir la somme de 90 158,46 F. apparaît aux termes du rapport de l'expert O'Callaghan comme devant porter l'entière responsabilité de l'échec de cette opération ;

* que son appel s'avérant abusif il convient de condamner « Polymat » à payer 5 000 F. de dommages-intérêts ;

Considérant que la Société SODIAV demande en conséquence à la Cour :

* de déclarer infondé l'appel interjeté par la Société « Polymat »,

* de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et y ajoutant condamner « Polymat » à payer la somme de 5 000 F. à titre de dommages-intérêts pour avoir dû se défendre dans la présente instance ;

Considérant que le Crédit Foncier de Monaco, tiers saisi, réitérant sa déclaration affirmative, a fait savoir qu'il détient pour le compte de « Polymat » au jour de la réception de l'acte d'appel la somme de 35 417,29 F. ;

Que le Crédit Lyonnais également tiers saisi a déclaré que le compte de « Polymat » avait été soldé en ses livres ;

Ceci étant, la Cour,

Considérant qu'il résulte des éléments du dossier et notamment des constatations de l'expert O'Callaghan que les relations commerciales ayant existé entre « Polymat » et SODIAV s'analysent en un contrat de vente de matériels à livrer dont l'inexécution partielle de la part des deux parties l'une, SODIAV livrant des appareils défectueux, l'autre, « Polymat », refusant d'honorer des traites acceptées avait conduit cette dernière à solliciter en référé le 22 mars 1982 la désignation d'un expert aux fins notamment :

« 4°, de rechercher et de fournir tous les éléments chiffrés de nature à permettre d'évaluer ultérieurement le montant du préjudice occasionné à » Polymat « par les vices de conception et les défauts de fabrication dont l'expert aura révélé l'existence, en tenant compte de l'obligation dans laquelle cette société s'est trouvée de reprendre et de faire réparer à ses frais de très nombreuses machines qu'elle avait déjà livrées à sa cliente, et également de l'annulation de plusieurs marchés qui avaient été conclus du fait des défectuosités que présentaient les appareils déjà livrés » ;

Considérant que dans son rapport déposé le 2 décembre 1983, l'expert O'Callaghan, dont les constatations ne sont pas contestées, relève que « Polymat » avait réceptionné et commercialisé sans contrôle ou sérieuses vérifications des appareils livrés par SODIAV affectés de vices cachés et de vices apparents aisément décelables ;

Considérant que « Polymat », se fondant sur les conclusions du rapport d'expertise, avait demandé reconventionnellement par conclusions du 15 juin 1988, après compensation de sa dette contractuelle envers SODIAV s'élevant à 90 158 F., la réparation de son préjudice matériel, financier et commercial fixé à 583 222,90 F. en précisant que son préjudice matériel d'un montant global de 144 222,90 F. comprenait la somme de 92 826,45 F., retenue par l'expert, représentant le coût des frais de remise en état des appareils défectueux, la somme de 16 396,45 F. coût du remplacement des éléments électroniques défaillants et la somme de 35 000 F. pour frais d'intervention et de déplacement nécessités par la réparation des machines ;

Considérant que c'est à bon droit que les Premiers Juges ont estimé que « Polymat », en fondant sa demande reconventionnelle du 15 juin 1988 « sur les défectuosités des appareils livrés les rendant impropres à la vente » invoquait les vices dont étaient affectés les appareils qu'elle avait commandés à SODIAV dans le cadre d'un contrat de vente conformément aux dispositions des articles 1483 et suivants du Code civil ;

Considérant qu'en raison de ces relations contractuelles liant les parties il ne peut être admis que « Polymat » qui, dans ses écritures se qualifie lui-même d'acquéreur face à SODIAV le vendeur, puisse se prévaloir des dispositions des articles 1229 et 1230 du Code civil en raison de la règle du non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle ou quasi délictuelle ;

Considérant en conséquence que la demande reconventionnelle de « Polymat » du 15 juin 1988 qui englobe nécessairement la somme de 92 826,45 F. élément de son préjudice matériel, constitue une action rédhibitoire à caractère autonome qui aurait dû être introduite dans les trois mois à compter de la date du dépôt du rapport d'expertise révélant les vices cachés des appareils vendus c'est-à-dire au plus tard, le 3 mars 1984 conformément aux dispositions de l'article 1490 alinéa 3 du Code civil ;

Considérant que c'est donc à juste titre que les Premiers Juges ont déclaré « Polymat » irrecevable en sa demande reconventionnelle introduite par conclusions du 15 juin 1988 ;

Considérant en conséquence, que c'est en vain que « Polymat » tente de soutenir en cause d'appel que la créance de SODIAV d'un montant de 90 158,46 F. qu'elle ne conteste pas devoir, doit être compensée avec la somme de 92 826,45 F. ;

Qu'en effet, cette somme de 92 826,45 F. qui n'est qu'un élément du préjudice matériel dont « Polymat » sollicite réparation dans le cadre de sa demande reconventionnelle ne peut être considérée comme un moyen de défense à l'action principale de SODIAV ayant un fondement juridique différent de ladite demande reconventionnelle ;

Considérant en conséquence, que l'appel interjeté par « Polymat » doit être rejeté et la décision attaquée confirmée en toutes ses dispositions ;

Considérant que l'exercice du droit d'appel par « Polymat » ne revêtant pas en l'espèce un caractère abusif, il y a lieu de débouter SODIAV de sa demande de dommages-intérêts ;

Que « Polymat » qui succombe doit être condamnée aux dépens ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Et ceux non contraires des Premiers Juges,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco ;

Déboute la Société Anonyme Monégasque « Polymat » de ses demandes, fins et conclusions ;

Confirme le jugement du 11 mai 1989 en toutes ses dispositions ;

Déboute la Société Anonyme Monégasque SODIAV de sa demande de dommages-intérêts ;

Composition

MM. Huertas, prem. prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; Mes Clérissi, Sbarrato, Marquet, av. déf. ; Cohen, av. bar. de Nice.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25598
Date de la décision : 08/05/1990

Analyses

Contrat - Général ; Contrat de vente


Parties
Demandeurs : S.A.M. Polymat
Défendeurs : SODIAV, Crédit Foncier de Monaco et Crédit Lyonnais.

Références :

article 1490 alinéa 3 du Code civil
article 1492 du Code civil
C. civ.
articles 1229 et 1230 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1990-05-08;25598 ?

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